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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10588/2023

ACPR/471/2024 du 24.06.2024 sur ONMMP/3879/2023 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;VIOLATION DE DOMICILE;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.310; CP.186; CP.181

 

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10588/2023 ACPR/471/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 24 juin 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Maïssa FATTAL, avocate, SLRG Avocats, quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 3 octobre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 19 octobre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 précédent, notifiée le 9 octobre 2023, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette décision et au renvoi de la procédure au Ministère public pour instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par lettre du 15 mai 2023, rédigée en personne, A______ a déposé plainte pour vol contre B______ et destruction de matériel contre C______.

Il a expliqué qu'il sous-louait à B______ l'annexe d'un local, reliée par l'arrière-boutique à l'arcade principale. Depuis plusieurs semaines, il était en litige avec le prénommé.

Le 26 avril 2023, C______, gérant de l'arcade principale, avait brûlé sa caisse enregistreuse et des néons, en créant un court-circuit sur le tableau électrique.

Le 30 avril 2023, il avait constaté que B______ avait endommagé la serrure permettant l'accès à l'annexe, l'empêchant ainsi d'y entrer. Par la suite, son bailleur avait changé la serrure. Le 7 mai 2023, il avait eu, de nouveau, accès à son commerce. Il avait alors constaté la présence d'un spray dégrippant près de la caisse enregistreuse et la disparition, dans celle-ci, des montants de CHF 9'000.- et d'EUR 1'300.-. En outre, une vingtaine de factures 2021-2022 et les bordereaux de caisse avaient disparus. Les arcades étant reliées, "ils" avaient laissé des traces sur le sol et bougé une étagère. Il n'avait pas pu travailler durant huit jours et avait perdu CHF 800.- de chiffre d'affaire, par jour.

À l'appui de sa plainte, il a produit une ordonnance du 5 mai 2023, par laquelle le Tribunal civil a, sur mesures superprovisionnelles, condamné B______ à lui restituer immédiatement la possession du local, l'autorisant en outre à changer les serrures; et des photographies (d'un spray posé sur des plaques de cuisson, de néons brûlés, d'une serrure arrachée avec un mot sur la porte "FERME LA MAGASIN. DIRECTION +41_1______" (sic), et de traces de chaussures sur le sol).

b. Entendu par la police, le 30 août 2023, B______ a contesté les faits reprochés. C'était son épouse, D______, via sa société E______ SA, qui était titulaire du bail des locaux. Lui-même n'avait aucun lien juridique avec cette société mais il assistait sa femme dans ses affaires professionnelles. Fin 2021, sa femme avait conclu un accord oral avec A______ autorisant ce dernier à entreposer de la marchandise, sur 50m2, dans une partie inoccupée des locaux, moyennant rémunération. Il n'était pas question de l'exercice d'une quelconque activité lucrative. En février 2023, d'entente avec A______, une augmentation de loyer avait été convenue car ce dernier utilisait une surface supérieure à celle prévue initialement. À la fin du mois en question, A______ avait été prié de quitter les lieux car il ne "respectait pas l'accord". Or, ce dernier avait changé la serrure de l'annexe afin d'en empêcher l'accès, étant précisé qu'il existait une seconde entrée de l'autre côté des locaux. A______ avait également ouvert un magasin, sans aucune autorisation. À la fin du mois d'avril 2023, la situation était devenue incontrôlable. Son épouse avait alors repris les choses en mains et remplacé la serrure de l'annexe. Par la suite, le Tribunal civil avait ordonné la restitution du local à A______.

c. Entendu par la police, le 31 août 2023, C______, responsable de magasin pour la société de D______, a également contesté les faits reprochés. À la fin du mois d'avril 2023, il y avait eu une coupure d'électricité en raison d'un problème sur le tableau électrique situé dans la partie occupée par A______. Après cet incident, il avait fait réparer la caisse enregistreuse, laquelle fonctionnait très bien puisque le précité continuait à l'utiliser. En février 2023, A______ avait installé un rideau pour séparer leur magasin de la partie qu'il sous-louait et qu'il s'était permis d'étendre.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public retient que les déclarations des parties étaient contradictoires et qu'aucun témoin objectif ou élément matériel ne permettait de privilégier l'une ou l'autre des versions, de sorte que les éléments constitutifs d'une infraction n'étaient pas réunis.

D. a. Dans son recours, A______ soutient qu'il sous-louait le local lorsque la serrure avait été endommagée, puis, changée, de façon unilatérale par le sous-bailleur, dans le but d'obtenir son évacuation car il s'était opposé à l'augmentation de loyer. De tels actes étaient constitutifs de violation de domicile.

En outre, l'infraction de contrainte était également réalisée. Les dommages à la serrure avaient été délibérés afin de l'empêcher de poursuivre son activité professionnelle et d'obtenir son évacuation. Au vu de l'affichette apposée sur la porte, il ne s'agissait pas d'une coïncidence mais d'un acte clair visant à l'entraver dans sa possession et son activité professionnelle. Le changement de serrure effectué le lendemain venait confirmer la volonté de son bailleur de le priver définitivement d'accès à son local et d'exercer son activité professionnelle.

La décision querellée n'était donc pas fondée et le Ministère public aurait dû procéder à son audition afin de confronter les versions.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. Dans sa plainte, A______ avait évoqué seulement deux complexes de faits, soit les dommages à sa caisse enregistreuse et le vol d'argent. La violation de domicile n'était absolument pas décrite, notamment ni la date à laquelle elle aurait été commise, ni son auteur. Les faits étaient contestés et, faute de témoin objectif ou d'élément matériel, aucune version ne pouvait être privilégiée. Il n'était pas non plus fait mention de l'infraction de contrainte dans la plainte. De plus, les déclarations des parties étaient contradictoires et l'élément constitutif subjectif de l'intention ne pouvait être retenu.

c. A______ réplique, précisant que les faits dénoncés étaient suffisants pour qualifier les infractions commises, notamment au regard des éléments au dossier.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).

3.             Pour être valable, la plainte doit exposer le déroulement des faits sur lesquels elle porte, afin que l'autorité pénale sache pour quel état de fait l'ayant droit demande une poursuite pénale. Elle doit contenir un exposé des circonstances concrètes, sans qu'il soit nécessaire qu'elles soient absolument complètes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1297/2017 du 26 juillet 2018 consid. 1.1.1; L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 8 ad art. 30).

En règle générale, celui qui dépose plainte dénonce un état de fait déterminé, alors que la qualification juridique de l'acte appartient aux autorités. Si le plaignant énonce les éléments constitutifs qui, selon lui, sont réalisés, l'autorité n'est pas liée par cette qualification. Cela n'exclut en revanche pas que le plaignant limite sa plainte en n'indiquant que partiellement les faits pour lesquels il requiert une poursuite pénale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 2.1.1.).

Dans certaines circonstances, le fait d’insister sur une qualification juridique particulière plutôt qu’une autre, peut avoir certaines conséquences quant à l’interprétation de la portée de la plainte. Ainsi, on doit partir du principe qu’une plainte pour dénonciation calomnieuse au sens de l'art. 303 CP englobe également une atteinte à l’honneur au sens des art. 173 ss CP. Toutefois, si le plaignant se limite à invoquer expressément l'art. 303 CP, alors que l’autorité de police a attiré son attention sur la nécessité de préciser s’il entendait étendre sa plainte à la diffamation, l’autorité doit interpréter son silence comme exprimant sa volonté de limiter sa plainte à la dénonciation calomnieuse (ATF 115 IV 1 consid. 1; L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), op. cit., n. 10 ad art. 30).

Le lésé peut également dénoncer des actes, sans formellement porter plainte, avec pour conséquence que seuls les actes poursuivis d'office feront l'objet de l'enquête pénale et d'une éventuelle condamnation (ATF 85 IV 73 consid. 2 JdT 1960 IV 2; 68 IV 68 JdT 1942 I 644; L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), op. cit., n. 9 ad art. 30).

En revanche, il n'appartient pas aux autorités pénales de rechercher si des éléments évoqués par un recourant ou des pièces fournies en annexe à sa plainte peuvent fonder des poursuites concernant des agissements qui n'ont pas été expressément dénoncés (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1340/2018 du 15 février 2019 consid. 2.5).

4.             L'art. 186 CP, punit, sur plainte, quiconque, d’une manière illicite et contre la volonté de l’ayant droit, aura pénétré dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d’une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y sera demeuré au mépris de l’injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit.

4.1. La violation de domicile peut revêtir deux formes: soit l'auteur pénètre dans les lieux contre la volonté de l'ayant droit, soit il y demeure au mépris de l'injonction de sortir à lui adressée par l'ayant droit. S'agissant de la première hypothèse, l'infraction est consommée dès que l'auteur s'introduit contre la volonté de l'ayant droit dans le domaine clos, par exemple par une clôture, un mur ou une haie, qui n'a pas besoin d'être infranchissable pourvu qu'on puisse comprendre qu'il ne faut pas pénétrer dans l'espace considéré (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1056/2013 du 20 août 2014 consid. 2.1).

4.2. Dans le cadre d’un bail à loyer ou à ferme, c’est le locataire, respectivement le fermier, qui possède la qualité d’ayant droit, à l’exclusion du propriétaire des lieux (ATF 118 IV 167 consid. 1c, fr. ; 112 IV 31, consid. 3, JdT 1986 IV 78 ; 87 IV 120 consid. 1 JdT 1962 IV 19 ; et 83 IV 154 consid. 1, JdT 1958 IV 12). Est également ayant droit le sous-locataire (ATF 112 IV 31 consid. 3 JdT 1986 IV 78). Il faut considérer que le locataire qui persiste à occuper les lieux en dépit d’une résiliation valable ne contrevient pas à l’article 186 CP et reste même l’unique titulaire du droit au domicile ; ce dernier prend en effet naissance avec l’occupation et cesse avec le départ de l’occupant. Le droit au domicile ne passe donc pas automatiquement du locataire au propriétaire à l’extinction du contrat (ATF 112 IV 31, c. 3b,
JdT 1986 IV 78 ; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 21 ad art. 186).

4.3. L'auteur pénètre dans le domicile dès qu'il s'introduit dans l'espace protégé contre la volonté de l'ayant droit (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 31 ad art. 186).

4.4. La violation de domicile n'est punissable que si elle est commise intentionnellement. L'intention comprend la conscience du fait que l'on pénètre contre la volonté de l'ayant droit (ATF 90 IV 74 consid. 3). Le dol éventuel suffit (ATF 108 IV 33 consid. 5c) JdT 1983 IV 74 et A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 44 ad art. 186).

4.5. Il y a dol éventuel lorsque l'auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l'accepte au cas où il se produirait, mais également lorsque le résultat dommageable s'impose à l'auteur de manière si vraisemblable que son comportement ne peut raisonnablement être interprété que comme l'acceptation de ce résultat (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3;
133 IV 9 consid. 4.1; 131 IV 1 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_718/2017 du 17 janvier 2018 consid. 2.1).

5. L'art. 181 CP vise, du chef de contrainte, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

5.1. Il peut y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action; cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive; n'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas; il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action; il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 134 IV 216 consid. 4.1).

5.2. La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite. Tel est notamment le cas lorsqu'un moyen conforme au droit, utilisé pour atteindre un but légitime, constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux moeurs (ATF 134 IV 216 consid. 4.1).

5.3. Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi avec conscience et volonté, soit au moins qu'il ait accepté l'éventualité que le procédé illicite employé entrave le destinataire dans sa liberté de décision (ATF 120 IV 17 consid. 2c). Le dol éventuel suffit (art. 12 al. 2 CP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_406/2020 du 20 août 2020 consid. 2.1).

5.4. Le fait, pour un bailleur, de changer les serrures d'un appartement pour empêcher le locataire d'y pénétrer, mettant de la sorte, de facto, une fin prématurée au contrat de bail, est constitutif de contrainte au sens de cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 6B_334/2023 du 16 août 2023 consid. 3.3). Cela vaut y compris lorsque le bail a été résilié, mais qu'une procédure en contestation du congé est pendante (arrêts du Tribunal fédéral 4A_499/2013 du 4 février 2014 consid. 3.3.3 et 6B_8/2010 du 29 mars 2010 consid. 2.2.2).

6. En l'espèce, dans ses observations, le Ministère public soutient que le recourant n'a aucunement décrit des faits pouvant être constitutifs de violation de domicile et/ou de contrainte.

Or, tel ne semble pas être le cas.

En effet, dans sa plainte, le recourant a exposé que son bailleur avait changé, à son insu, la serrure du local qu'il sous-louait, l'empêchant ainsi d'y accéder et d'exercer son activité professionnelle, ce qui pourrait être qualifié de contrainte, laquelle est poursuivie d'office. Par ailleurs, il a expliqué que, lorsqu'il a repris possession dudit local, il y avait "des traces sur le sol" et qu'une étagère avait "bougé", ce qui pourrait démontrer que quelqu'un aurait pénétré sans son accord dans son local.

Dans ces circonstances, on ne saurait reprocher au recourant – qui agissait en personne – de ne pas avoir qualifié juridiquement ces faits, cette tâche revenant à l'autorité de poursuite.

Sur le fond, les parties s'accordent sur le fait que le recourant sous-louait une partie d'un local et qu'un désaccord était survenu s'agissant du loyer dû et de la continuation du bail. Dans ce contexte, la serrure du local a été d'abord endommagée – ce qui l'a rendue inutilisable –, puis, changée, sans qu'un jeu de clé n'ait été remis au recourant. C'est finalement grâce à la décision du Tribunal civil que l'intéressé a pu – sept jours plus tard – avoir, à nouveau, accès à son local.

À titre liminaire, il semble douteux que ledit local – dont l'accès restait possible par l'arrière-boutique de l'arcade principale – puisse être considéré comme protégé par l'art. 186 CP, faute d'espace véritablement clos. Le rideau qui les séparait ne pouvait être assimilé à une clôture ou un mur, au sens de la jurisprudence susmentionnée. Cela étant, la question peut rester ouverte au vu de ce qui suit.

Le recourant reproche à B______ et C______ d'avoir pénétré dans son local – alors que lui-même n'y avait plus accès –. Or, les mis en cause le contestent et aucun élément au dossier ne permet de corroborer un tel comportement. La photographie des traces de chaussures sur le sol, sans autre distinction, ne permet pas de confirmer que les intéressés en seraient à l'origine. En ce qui concerne la serrure, les éléments au dossier, en particulier l'écriteau apposé sur la porte, montrent que les intéressés n'avaient visiblement pas, même sous l'angle du dol éventuel, l'intention d'entrer dans le local, mais plutôt d'empêcher le recourant d'y accéder et de continuer son commerce, comme détaillé infra.

Partant, l'infraction de violation de domicile n'apparaît manifestement pas réalisée.

En revanche, le recourant doit être suivi lorsqu'il considère que le changement de serrure effectué à son insu – sans remise de la nouvelle clé – pourrait être constitutif de contrainte, dès lors qu'il a été empêché d'accéder au local qu'il sous-louait. Il a ainsi été entravé dans sa liberté d'action jusqu'au prononcé de l'ordonnance du Tribunal civil. Cette restriction, consistant en l'absence totale d'accès, ne peut être considérée comme légère. En outre, au vu des éléments du dossier, en particulier des déclarations de B______ – selon lesquelles sa femme aurait "repris les choses en mains" et remplacé la serrure –, et l'écriteau apposé sur la porte, la conditions subjective n'apparaît pas d'emblée devoir être écartée.

Partant, on ne peut retenir, en l'état, comme le fait le Ministère public, que les éléments constitutifs d'une contrainte, au sens de l'art. 181 CP, ne seraient pas réalisés.

Dans ces circonstances, il appartiendra au Ministère public d'instruire si le mis en cause, B______, est à l'origine du changement de serrure ou s'il s'agit de son épouse, comme il le prétend. Puis, le cas échéant, d'éclaircir les faits quant à une éventuelle contrainte au préjudice du recourant.

7. Partiellement fondé, le recours doit être admis. L'ordonnance querellée sera donc annulée et la cause renvoyée au Ministère public dans le sens des considérants.

8. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP). Les sûretés versées par le recourant (CHF 1'000.-) lui seront ainsi restituées.

9. Le recourant, partie plaignante qui obtient gain de cause, n'a pas conclu à l'octroi de dépens ni ne les a – a fortiori – chiffrés, de sorte qu'il ne lui en sera pas alloué (art. 433 al. 2 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours.

Annule l'ordonnance de non-entrée en matière du 3 octobre 2023 en tant qu'elle porte sur l'infraction de contrainte et renvoie la cause au Ministère public pour qu'il procède dans le sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Invite les services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer au recourant les sûretés versées (CHF 1'000.-).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Voie de recours
 :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).