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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15306/2018

ACPR/257/2024 du 17.04.2024 sur OMP/22892/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : RESTITUTION DU DÉLAI;EMPÊCHEMENT NON FAUTIF;ORDONNANCE PÉNALE;OPPOSITION TARDIVE
Normes : CPP.93; CPP.94; CEDH.6

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15306/2018 ACPR/257/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 17 avril 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de restitution de délai rendue le 5 décembre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 18 décembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 5 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé de restituer le délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 1er juin 2022.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, préalablement, à ce qu'il soit mis au bénéfice de l'assistance judiciaire dans le cadre de la procédure de recours, principalement, à l'annulation de l'ordonnance susmentionnée et au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il lui restitue le délai d'opposition.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par arrêt du 7 mai 2020 (ACPR/284/2020), la Chambre de céans a désigné MC______ – qui s'était préalablement constituée – à la défense d'office de A______, dans la présente procédure, les conditions de l'art. 132 CPP étant remplies.

En effet, l'indigence du prénommé était établie et le cas ne paraissait pas de peu de gravité, dès lors qu'il faisait l'objet, avec son épouse, d'une dénonciation par le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale pour des actes de maltraitances commis, en France, sur leurs enfants. Il était ainsi poursuivi pour violation du devoir d'assistance et d'éducation, lésions corporelles simples et menaces. Sa condamnation aurait, en outre, une incidence grave dans la procédure civile l'opposant à son épouse et il risquait ainsi de perdre la garde partagée de ses enfants.

b. Par ordonnance pénale, sur opposition, du 1er juin 2022, A______ a été condamné pour violation du devoir d'assistance et d'éducation. Cette décision faisait suite à deux ordonnances pénales rendues à son encontre les 4 décembre 2020 et 10 août 2021.

c. Selon le suivi des envois recommandés de la Poste suisse, le pli contenant l'ordonnance pénale en question a été expédié le 9 juin 2022 et distribué, le 13 suivant, à MC______.

d. Dans une lettre du 18 novembre 2022 adressée au Ministère public, A______ a expliqué ne jamais avoir reçu l'ordonnance du 1er juin 2022 et invité cette autorité à la lui notifier formellement.

Il a expliqué qu'à réception d'un bordereau après jugement mentionnant l'ordonnance susmentionnée, il s'était adressé à Me C______, par des courriels et un recommandé, en vain. Il a produit en annexe une copie d'un pli recommandé avec accusé de réception timbré du 29 août 2022, adressé à la prénommée, qui porte la mention "non réclamé".

e. Le 22 novembre 2022, le Ministère public a transmis à A______ une copie de l'ordonnance du 1er juin 2022.

f. A______ y a fait opposition le 28 novembre 2022.

g. Par suite de la lettre du Ministère public l'informant que l'ordonnance pénale avait été notifiée à son conseil le 13 juin 2022 et l'invitant à lui faire savoir s'il maintenait son opposition, A______ a, le 19 décembre 2022, répondu par l'affirmation et, subsidiairement, requis une restitution de délai au sens de l'art. 94 CPP.

Il n'avait jamais eu connaissance de l'ordonnance en question, jusqu'au 25 novembre 2022, ce qui constituait une négligence grave de la part de Me C______. Cependant, cette faute ne lui était pas imputable, dès lors qu'il bénéficiait d'une "défense obligatoire" et qu'il en subirait un préjudice important, lequel ne pouvait être réparé par un autre moyen. Par ailleurs, à l'époque, il avait signifié à son conseil sa volonté de s'opposer à toute condamnation à son encontre, de sorte qu'aucune faute ne pouvait lui être imputée à cet égard non plus.

h. Le Ministère public a, par ordonnance sur opposition tardive du 16 janvier 2023, transmis la procédure au Tribunal de police et conclu à l'irrecevabilité de l'opposition.

i. Par ordonnance du 27 février 2023, le Tribunal de police a constaté l'irrecevabilité, pour cause de tardiveté, de l'opposition à l'ordonnance pénale, cette dernière étant assimilée à un jugement entré en force. Le juge a précisé qu'il n'était pas de sa compétence d'examiner la demande de restitution de délai (art. 94 CPP).

j. Par ordonnance du même jour, le Tribunal de police a relevé Me C______ de sa mission –la Commission du barreau ayant admis, le 13 février 2023, sa demande de relief de sa nomination d'office à la défense des intérêts de A______ – et désigné en lieu et place Me B______ en tant que défenseur d'office du précité, dans la mesure où les conditions de l'art. 132 al. 1 let. b cum al. 2 et 3 CPP étaient toujours réalisées.

k. Le 31 mai 2022, A______ a produit différentes communications, à savoir :

o   un courrier du 9 décembre 2022, à teneur duquel Me C______ expose à MB______ qu'il avait été convenu avec A______ de "faire fi du passé et de ne pas s'opposer une nouvelle fois à une ordonnance pénale", afin de prouver, dans le cadre de la procédure de divorce pendante, "qu'il tir[ait] des enseignements du passé et [savait] faire amende honorable";

o   un mémo du 14 juin 2022, par lequel, elle lui avait adressé "comme discuté", l'ordonnance pénale du 1er juin 2022;

o   un courriel du 8 décembre 2022, selon lequel, Me C______ lui rappelle que, durant l'été, au cours d'un entretien qu'il avait eu avec une collègue à elle à l'étude, il avait été convenu qu'il "donner[ait] suite" s'il souhaitait contester l'ordonnance précitée, ce qu'il n'avait pas fait;

o   la copie de la première page de l'ordonnance pénale – notifiée à MC______ – sur laquelle figure la note manuscrite "reçu le 10.06.22".

Ces documents démontraient l'existence "d'un flou" quant à la date de réception de l'ordonnance pénale et il n'était, dès lors, pas exclu de croire qu'elle ne lui avait jamais été envoyée. En effet, il semblait que ladite ordonnance lui avait été envoyée uniquement par pli simple, de sorte qu'il n'y avait aucune preuve qu'il l'avait reçue. En outre, les explications données par Me C______ dans ses communications des 8 et 9 décembre 2022 étaient contradictoires. De plus, la mention "reçu le 10.06.22" était incompatible avec le suivi postal.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a retenu que l'ordonnance pénale du 1er juin 2022 avait valablement été notifiée le 13 suivant au conseil de l'époque de A______, comme tranché par le Tribunal de police le 27 février 2022, de sorte que le concerné avait eu connaissance de l'existence de ladite ordonnance, dans le délai d'opposition courant dès le 13 juin 2022. A______ n'avait ainsi nullement été empêché, sans sa faute, de respecter le délai en question. Au contraire, il avait fait le choix de ne pas former opposition, ne rendant pas vraisemblable qu'il avait indiqué à son ancien conseil vouloir s'opposer à sa condamnation.

Par ailleurs, sa demande de restitution de délai, du 19 décembre 2022, était tardive puisqu'il avait eu connaissance de ladite décision durant l'été 2022.

Enfin, même à reconnaître, une éventuelle faute grossière de son précédent avocat, celle-ci lui était imputable dès lors qu'il se trouvait au bénéfice d'une défense d'office.

D. a. Dans son recours, A______ reprend, en substance, les arguments développés dans ses courriers mentionnés ci-dessus (cf. let. B.g. et B.k.). Peu importait, pour la réalisation des conditions de l'art. 94 CPP, qu'il s'agisse d'une défense d'office ou d'une défense obligatoire, cette distinction apparaissant contraire à la jurisprudence de l'art. 6 CEDH.

En outre, ayant été privé de porter l'affaire par-devant le Tribunal pénal, avec pour conséquence une condamnation par ordonnance pénale, avec inscription dans son casier judiciaire, il subissait un préjudice irréparable.

Enfin, la demande de restitution adressée le 19 décembre 2022 était intervenue dans le délai de l'art. 94 CPP, dès lors que l'empêchement avait cessé le 25 novembre 2022, date à laquelle l'ordonnance du 1er juin 2022 lui avait été valablement notifiée. Aucune preuve n'avait été apportée d'un entretien en été 2022, étant précisé qu'il contestait avoir eu connaissance de ladite ordonnance à ce moment-là.

Il sollicite d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours, compte tenu de sa situation financière inchangée.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. Une partie est défaillante si elle n'accomplit pas un acte de procédure à temps (art. 93 CPP).

3.2. Selon l'art. 94 al. 1 CPP, une partie peut demander la restitution d'un délai imparti pour accomplir un acte de procédure si elle a été empêchée de l'observer et si elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part.

Outre le dépôt d'une demande formelle de restitution, l'accomplissement de l'acte de procédure omis et la justification d'un préjudice important et irréparable, la restitution de délai suppose que la partie ou son mandataire a été empêché d'agir sans faute dans le délai fixé. Elle n'entre pas en ligne de compte lorsque la partie ou son mandataire a renoncé à agir, que ce soit à la suite d'un choix délibéré, d'une erreur ou du conseil – peut-être erroné – d'un tiers (ATF 143 I 284 consid. 1.2 et 1.3).

3.3. La demande de restitution du délai doit être présentée dans les 30 jours qui suivent la fin de l'empêchement allégué (art. 94 al. 2 CPP).

3.4. La restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_401/2019 du 1er juillet 2019 consid. 2.3 et 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1). Elle ne doit être accordée qu'en cas d'absence claire de faute (arrêt du Tribunal fédéral 6B_125/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1).

3.5. Hormis les cas de grossière erreur de l'avocat lors d'une défense obligatoire, le comportement fautif de ce dernier est imputable à son client (ATF 143 I 284 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1111/2017 du 7 août 2018 consid. 2).

En dépit de l'usage de la locution "en particulier" dans l'ATF 143 I 284 susmentionné, il découle de la jurisprudence uniforme et de la doctrine majoritaire que la défense obligatoire est une condition indispensable à une restitution de délai en cas de faute grossière de l'avocat (arrêt du Tribunal fédéral 6B_16/2022 du 26 janvier 2023 consid. 1.5.1).

Cette jurisprudence respecte le droit à un procès (art. 6 CEDH), dans la mesure où c'est justement après avoir détaillé la jurisprudence de la CourEDH et du Tribunal fédéral rendue en matière d'effectivité de la défense que celui-ci a circonscrit l'examen de la restitution du délai au cas de la défense obligatoire (ATF 143 I 284 consid. 2.2.1 à 2.2.3). La jurisprudence en la matière est donc clairement restrictive.

3.6. En l'espèce, le recourant n'est pas au bénéfice d'une défense obligatoire. Toute erreur de son défenseur, même d'office, lui est par conséquent imputable. Or, l'ordonnance pénale, expédiée le 9 juin 2022, a, à teneur du suivi des recommandés de la Poste, été notifiée le 13 suivant, date de sa distribution au défenseur d'office du recourant de l'époque. Le délai pour la contester est ainsi arrivé à échéance le 23 juin 2022. L'opposition, formée le 28 novembre 2022 est donc tardive, ce qu'a constaté, à juste titre, le Tribunal de police.

Le recourant expose, comme motif d'empêchement, ne pas avoir eu connaissance, à l'époque, de l'ordonnance pénale.

Ce moyen n'est toutefois par rendu vraisemblable, au contraire. D'une part, le mémo du 14 juin 2022 atteste que son avocate lui avait envoyé l'ordonnance pénale. D'autre part, les courriel et lettre des 8 et 9 décembre 2022 de Me C______ exposent qu'il aurait discuté de l'ordonnance pénale et renoncé à y former opposition, à l'époque. Le recourant conteste ces éléments, mais il lui appartient de rendre vraisemblable l'empêchement, ce qu'il ne fait pas puisque les éléments produits attestent le contraire, soit qu'il a eu connaissance de l'ordonnance pénale durant l'été 2022.

Les prétendues contradictions relevées par le recourant ne sont pas de nature à modifier le constat qui précède, en particulier la note manuscrite "reçu le 10.06.22" apposée sur l'ordonnance pénale puisque le suivi des plis recommandés de la Poste fait foi. En outre, l'envoi non retiré d'un pli en août 2022, par sa précédente avocate, n'est nullement probant.

De plus, l'éventuelle erreur de l'avocate d'alors – soit l'omission de former opposition – serait imputable au recourant, ce dernier ne bénéficiant pas d'une défense obligatoire, au sens de l'art. 130 CPP, mais d'une défense d'office au sens de l'art. 132 CPP. Or, la jurisprudence susmentionnée exclut clairement la restitution de délai en cas de faute de l'avocat dans cette dernière hypothèse, laquelle est conforme à la jurisprudence de la CEDH.

Ainsi, en tout état de cause, le refus de restitution du délai d'opposition ne prête pas le flanc à la critique.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

5.             Le recourant sollicite d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

En l'occurrence, indépendamment de savoir si le recourant remplit toujours les conditions de l'indigence (art. 132 al. 1 let. b CPP), la cause ne présente pas de difficultés qu'il n'était pas en mesure de surmonter. Le litige était circonscrit à la question de savoir pour quelle(s) raison(s) il avait été empêché de former opposition, ce qu'un justiciable est capable d'expliquer, pièces à l'appui, sans l'assistance d'un avocat.

La demande d'octroi de l'assistance juridique pour le recours sera dès lors rejetée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), pour tenir compte de sa situation personnelle, étant précisé que la décision sur l'assistance juridique est rendue sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance juridique.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/15306/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00