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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9691/2021

ACPR/237/2024 du 10.04.2024 sur OTDP/153/2024 ( TDP ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.05.2024, 6B_396/2024
Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;OPPOSITION TARDIVE;SIGNATURE;FORMALISME EXCESSIF
Normes : CPP.356; CPP.354; CPP.87; CPP.110

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9691/2021 ACPR/237/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 10 avril 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, France, représenté par Me Emmeline FILLIEZ-BONNARD, avocate, Penalex Avocats SA, rue de Lausanne 1, case postale 1140, 1800 Vevey,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 30 janvier 2024 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715,
1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 12 février 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 janvier 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal de police a constaté l'irrecevabilité de son opposition et dit que l'ordonnance pénale du 23 mai 2023 était assimilée à un jugement entré en force.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Tribunal de police pour nouvelle décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Par ordonnance pénale sur opposition du 23 mai 2023, le Ministère public a condamné A______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 650.- pour abus de confiance (art. 138 CP), escroquerie (art. 146 CP), tentative d'escroquerie (art. 22 cum art. 146 CP), calomnie (art. 174 CP), tentative de contrainte (art. 22 cum art. 181 CP), faux dans les titres (art. 251 CP), usurpation de fonctions (art. 287 CP) et dénonciation calomnieuse (art. 303 CP).

Cette décision mentionne comme adresse du précité son domicile sis no. ______ rue 1______, [code postal] B______, France. Il y est également précisé que le prévenu peut former opposition par écrit dans les dix jours devant le Ministère public.

a.b. L'ordonnance précitée a cependant été expédiée, par pli recommandé, à l'attention de A______, à l'adresse sise rue 2______ no. ______, [code postal] C______, France.

a.c. D'après le suivi postal de cet envoi, la missive a été distribuée le 17 juin 2023.

En outre, l'avis de réception de la poste suisse figurant au dossier (classeur 1) comporte une signature ressemblant à celle de A______ – comparaison étant faite avec les signatures apparaissant sur le procès-verbal de l'audience à la police du 13 avril 2022 (classeur 2, C-82) – la date manuscrite du 17 juin 2023 et un tampon de la poste française avec cette même date.

a.d. Au dos de l'enveloppe contenant l'ordonnance litigieuse figure la mention manuscrite : "signé le 19/06/2023 Poste C______" (classeur 4, C-739).

b. Par lettre non signée, datée du 19 juin 2022 (sic) et parvenue à la poste suisse le 27 juin 2023 (ci-après, première opposition), un dénommé D______ – intervenant pour "E______" [nom commercial non inscrit au registre des sociétés françaises] – déclare "[faire] appel […] pour le compte de Mr et Mme [nom de famille de] A______ dans le dossier P/9691/2021 […]", lesquels seraient ses "clients". Il est mentionné en préambule: "P/9691 ______ reçue le 18/06/2023".

Aucune procuration n'accompagnait cette lettre.

c. Par courrier du 29 juin 2023 (ci-après, seconde opposition), A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale précitée. Il a également joint une procuration en faveur de Me Emmeline FILLIEZ-BONNARD, datée du 23 juin précédent.

d. Par ordonnance sur opposition tardive du 8 août 2023, le Ministère public a considéré que la première opposition était irrecevable, au vu des vices de forme qui la frappaient, et que la seconde était tardive. Il a transmis la cause au Tribunal de police pour que cette autorité statue sur la validité des oppositions, concluant à leur irrecevabilité.

e. Par courrier du 30 août 2023 adressé au Tribunal de police, A______ reproche au Ministère public de ne lui avoir pas notifié valablement l'ordonnance pénale du 23 mai 2023. Par ailleurs, son identité était clairement reconnaissable dans sa première opposition formée par son représentant, D______. En tout état de cause, un délai devait lui être accordé pour réparer les éventuels vices l'affectant. Enfin, sa deuxième opposition n'était pas tardive, dès lors que le précité avait retiré le pli contenant l'ordonnance litigieuse le 19 juin 2023 et non pas le 17 précédent.

À l'appui de ce courrier, il a notamment produit une procuration du 20 avril 2023 – comportant sa signature non-manuscrite – aux termes de laquelle "la société F______ […] représentée par Mr A______ [d]onne pouvoir à D______ représentant légal de G______, société sise […] à Genève et agissant pour le site E______, d'agir pour [elle] et en [son] nom pour tout dossier [la] concernant et concernant [ses] sociétés […]".

f. Par courrier du 15 janvier 2024, le Tribunal de police a imparti à A______ un délai pour produire une copie d'une pièce d'identité du dénommé D______.

g. Par réponse du 25 suivant, A______ a refusé de donner suite à cette demande, considérant que ses observations du 30 août 2023 étaient suffisantes pour établir la recevabilité de ses oppositions.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police a considéré que, malgré la notification irrégulière de l'ordonnance pénale, le prévenu avait pris connaissance de celle-ci le 19 juin 2023, ce qui ressortait du suivi postal de l'envoi du pli recommandé et de l'avis de réception de la poste suisse. La première opposition n'était pas valable, dans la mesure où elle ne comportait pas de signature manuscrite du dénommé D______. Par ailleurs, le prévenu avait refusé de produire une copie de la pièce d'identité du précité, ce qui était propre à soulever des doutes quant à son existence. En outre, la procuration produite a posteriori concernait d'autres entités. Au vu de ce qui précédait, l'octroi d'un délai raisonnable pour remédier aux vices constatés n'entrait pas en ligne de compte. Enfin, la seconde opposition, intervenue le 29 juin 2023, était tardive.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Tribunal de police d'avoir constaté les faits de manière erronée et d'avoir violé les art. 354 cum 110 CPP, ainsi que le principe de l'interdiction du formalisme excessif. Il appartenait au Ministère public de lui impartir un délai pour corriger les vices affectant sa première opposition, étant précisé que rien ne permettait de retenir qu'il aurait été de mauvaise foi. Qui plus est, il n'avait aucun intérêt à obtenir une prolongation du délai de dix jours, dans la mesure où l'opposition à l'ordonnance pénale n'avait pas à être motivée. Enfin, contrairement à ce que soutenait le Tribunal de police, l'ordonnance pénale du 23 mai 2023 avait été remise à son représentant, D______, le 19 juin 2023, comme en attestait la mention manuscrite du postier sur le dos de l'enveloppe contenant l'acte litigieux. La seconde opposition, formée le 29 suivant, n'était dès lors pas tardive.

b. Le Tribunal de police n'a pas formulé d'observations.

c. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours et à la confirmation, sous suite de frais, de l'ordonnance entreprise. A______ ayant formé opposition en se réclamant d'une personne et d'une entité inexistantes, aucun délai ne devait lui être accordé pour réparer ce qui n'était point "une informalité accidentelle". Par ailleurs, le précité n'avait entrepris aucune démarche pour établir la validité de son opposition.

d. A______ persiste dans son recours, sans formuler d'observations.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Tribunal de police une constatation erronée des faits (art. 393 al. 2 let. b CPP). Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Tribunal de police auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

3. 3.1. Aux termes de l'art. 87 al. 1 CPP, toute communication doit être notifiée au domicile, au lieu de résidence habituelle ou au siège du destinataire.

La notification irrégulière d'une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour les parties (arrêt du Tribunal fédéral 6B_264/2014 du 8 juillet 2014 consid. 2.1). En principe, tant que l'acte n'a pas été notifié au destinataire, il est sans effet; les délais ne commencent pas à courir et on ne peut, par conséquent, pas reprocher à un justiciable d'avoir omis de respecter un délai (ATF 142 IV consid. 2.4). Le délai de recours ne commence à courir qu'au moment où la partie a pu prendre connaissance de la décision, dans son dispositif et ses motifs (ATF 139 IV 228 consid. 1.3).

La partie concernée ne peut cependant pas retarder ce moment selon son bon plaisir; en vertu du principe de la bonne foi, elle est tenue de se renseigner sur l'existence et le contenu de la décision dès qu'elle peut en soupçonner l'existence, à défaut de quoi elle risque de se faire opposer l'irrecevabilité de son recours pour cause de tardiveté (ATF 139 IV 228 consid. 1.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_552/2015 du 3 août 2016 consid. 2.3 et 2.5).

3.2. Selon l'art. 356 al. 2 CPP, le tribunal de première instance statue sur la validité de l'opposition formée à une ordonnance pénale.

À teneur de l'art. 354 al. 1 CPP, l'opposition doit être formée par écrit et dans les dix jours. Si aucune opposition n'est valablement formée, l'ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (al. 3).

Pour être valable, cette opposition doit être déposée, au plus tard, le dernier jour du délai à la Poste suisse (art. 91 al. 2 CPP). Dans le cas où la loi exige une transmission écrite – comme pour l'opposition à une ordonnance pénale –, l'acte en cause doit être daté et signé (art. 110 al. 1 CPP; ATF 145 IV 190 consid. 1.3.2).

À Genève, en matière pénale, seul un avocat est autorisé à assister – et donc représenter – une partie en justice (art. 127 cum 18a LaCP; ACPR/158/2024 du 1er mars 2024 consid. 1.2).

3.3. L'art. 29 al. 1 Cst. interdit le formalisme excessif en tant que forme particulière du déni de justice. Un tel déni de justice existe lorsqu'une procédure est soumise à des règles de forme rigoureuses sans que cette rigueur ne soit objectivement justifiée, lorsque l'autorité interprète des prescriptions de forme de manière exagérément stricte, qu'elle soumet des actes juridiques à des exigences démesurées ou qu'elle entrave de manière inadmissible l'accès des justiciables aux tribunaux. Des règles de procédure sont bel et bien indispensables en matière judiciaire, pour garantir le bon déroulement et l'équité de la procédure ainsi que l'application du droit matériel. Toutes les exigences procédurales n'entrent ainsi pas en contradiction avec l'art. 29 al. 1 Cst.. Il n'y a formalisme excessif que si l'application stricte des prescriptions de forme n'est justifiée par aucun intérêt digne de protection, mais constitue une fin en soi et complique de manière inacceptable, voire empêche la mise en œuvre du droit matériel. En procédure pénale, l'interdiction du formalisme excessif résulte de l'art. 3 al. 2 let. a et b CPP, selon lequel les autorités pénales se conforment notamment au principe de la bonne foi et à l'interdiction de l'abus de droit (ATF 142 I 10 consid. 2.4.2).

3.4. L'irrecevabilité sanctionnant un défaut de procuration valable n'est pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé (ATF 149 IV 9 consid. 4.3).

3.5. En l'espèce, l'ordonnance pénale du 23 mai 2023 n'a pas été expédiée au domicile du recourant. Cela étant, il ressort du suivi postal de l'envoi du pli recommandé et de l'avis de réception de la poste suisse – comportant une signature de l'intéressé – que la décision a été reçue le 17 juin 2023. La mention manuscrite "signé le 19/06/2023" figurant au dos de l'enveloppe n'est pas de nature à modifier ce constat. L'erreur de saisie dans le système invoquée par le recourant ne repose que sur une hypothèse, de sorte qu'elle n'est nullement rendue vraisemblable. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de s'écarter de la date de distribution inscrite dans le suivi des envois.

La première opposition – intervenue le 27 juin 2023 – ne répond pas aux exigences de forme prescrites par les art. 110 et 354 CPP, dans la mesure où elle a été formée par une personne non autorisée à représenter une partie en matière pénale. Elle est dès lors irrecevable. Il en va de même de la seconde, dès lors que – formée le 29 juin 2023 – elle était tardive.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 700.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 700.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges ; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/9691/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

615.00

-

CHF

Total

CHF

700.00