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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8804/2022

ACPR/236/2024 du 09.04.2024 sur OMP/5052/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);TIERS
Normes : CPP.382; CPP.429; CPP.434

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8804/2022 ACPR/236/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 9 avril 2024

 

Entre

A______ Sàrl, ayant son siège ______ [VS],

B______, domicilié ______ [VD],

tous deux représentés par Me Adrien BOREL, avocat, Fontanet & Associés, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3,

recourants,

 

contre la décision rendue le 20 février 2024 par le Ministère public,


et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 4 mars 2024, A______ Sàrl et B______ recourent contre la décision du 20 février 2024, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a considéré que la question de leur indemnisation avait déjà été tranchée dans l'ordonnance de classement du 28 mars 2023, que l'octroi d'une indemnité n'était en tout état pas justifiée dès lors qu'ils avaient provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure et que la décision valait ordonnance de refus d'entrer en matière sur la requête en indemnisation au sens de l'art. 434 CPP.

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision querellée et à ce que l'État soit condamné à verser à A______ Sàrl une indemnité de CHF 228'070.- pour le dommage subi. Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il statue sur ladite indemnité, dans le sens des considérants.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ Sàrl est une société à responsabilité limitée active notamment dans la production et le commerce de produits consommables.

B______ en est l'associé-gérant.

b. Le 20 avril 2022 à 14h30, l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (ci-après: OFDF) a procédé au contrôle du véhicule immatriculé VS 1______, conduit par C______, employé de la société précitée, sur la route de Saint-Julien à Perly (Genève).

La fouille du véhicule a permis la découverte de 22.8 kg de haschisch, 163 kg de marijuana CBD ainsi que 26.4 kg de produits dérivés de CBD.

Le test indicatif de type ITEMIZER effectué par l'OFDF a indiqué que les 163 kg de marijuana étaient contaminés au Spice, cannabinoïde de synthèse produisant les mêmes effets que le THC, ce qui rendait ladite marchandise illégale. Cela étant, en l'absence d'autres analyses, la police ne pouvait pas se déterminer sur la légalité de la marijuana. Concernant le haschisch, selon les tests d'orientation, il s'agissait également de CBD. Conditionné de la sorte, le haschisch était toutefois illégal.

La marchandise a été saisie et transmise au Service des pièces à conviction.

c. Par mandat d'actes d'enquête du 22 avril 2022, le Ministère public a chargé la police de faire analyser les produits saisis.

d. Selon la note du Procureur du 22 avril 2022, la cargaison était en partie en vrac dans des sacs poubelles et en partie dans des cartons prêts à l'expédition.

e. Un cahier photographique, établi par la police, figure au dossier.

f. Par missive du 13 mai 2022, A______ Sàrl et B______, sous la plume de leur conseil commun, ont exposé avoir eu vent de l'arrestation de C______ et de la saisie probatoire de l'ensemble de la marchandise qu'il transportait, soit environ 23 kg de haschisch CBD, 163 kg de marijuana CBD, 25 kg d'isolat CBD, 5 litres d'huile CBD, 200 Vape pen (cigarettes CBD), marchandise qui était destinée à des clients de la société, situés en France.

L'illégalité de la marchandise saisie était contestée, en particulier la présence dans le pollen de cannabis d'une teneur en THC supérieure au taux légal et la présence de Spice dans la marijuana CBD. En outre, aucune ordonnance de séquestre n'avait été notifiée à A______ Sàrl, propriétaire de la marchandise saisie, ce qui l'empêchait de faire valoir ses droits. En tout état, A______ Sàrl et B______ sollicitaient la restitution de l'isolat CBD, l'huile CBD et les cigarettes CBD, dans la mesure où ces produits ne semblaient pas visés par l'enquête. Enfin, la marchandise saisie, en particulier le haschisch CBD et la marijuana CBD, étaient des biens périssables de sorte qu'ils espéraient que ces biens seraient conservés de manière adéquate et que les experts feraient preuve de diligence lors des analyses.

g. Par réponse du 17 mai 2022, le Ministère public a informé les précités qu'ils avaient la qualité de prévenus dans la procédure. Comme les analyses n'étaient pas terminées, la demande de restitution partielle était rejetée.

h. Par pli du 16 août 2022, A______ Sàrl et B______, sous la plume de leur conseil, ont attiré l'attention du Ministère public sur le fait que, depuis le 1er août 2022, la résine de cannabis (haschisch), dont la teneur totale en THC était inférieure à 1%, n'était plus répertoriée comme un stupéfiant prohibé au sens des art. 19 LStup, 1 et 2 OTStup-DFI. Aussi, en application de la lex mitior, aucune infraction ne pouvait être retenue contre eux.

i. Le résultat des analyses des stupéfiants a été reçu le 4 octobre 2022 par le Ministère public.

j. Par avis de prochaine clôture du 22 décembre 2022, ce dernier a informé C______, A______ Sàrl et B______ de son intention de classer la procédure et leur a imparti un délai au 20 janvier 2023 pour présenter leurs réquisitions de preuve et solliciter une indemnisation.

k. Par missive du 9 janvier 2023, A______ Sàrl et B______ ont pris bonne note du classement annoncé. Ils ont sollicité la restitution immédiate de l'intégralité de la marchandise.

l. Par pli du 20 janvier 2023, A______ Sàrl et B______ ont exposé être dans l'impossibilité de se prononcer sur une demande d'indemnisation au sens de l'art. 429 CPP dans la mesure où les marchandises saisies ne leur avaient pas été restituées.

Réitérant qu'il s'agissait de denrées périssables, ils expliquaient ne pas avoir d'information sur leur état et la manière dont elles avaient été conservées. Ainsi, pour leur permettre de se prononcer en toute connaissance de cause, ils sollicitaient la restitution immédiate de l'intégralité des marchandises et, cela fait, un délai pour communiquer au Ministère public l'existence d'un dommage économique et sa quotité (art. 429 al. 1 let. b CPP).

m. Par ordonnance du 28 mars 2023, le Ministère public a ordonné le classement de la procédure à l'égard de C______ et B______ en application de la lex mitior. En effet, depuis le 1er août 2022, l'ensemble des préparations à base de chanvre, dont la teneur totale en THC était inférieure à 1% (CBD), était légale.

Le CBD figurant sous chiffres 1 à 3 de l'inventaire du 20 avril 2022 [soit environ 163 kg de CBD conditionnés de diverses manières (ch. 1), environ 22.8 kg de résine de CBD, conditionnés de diverses manières (ch. 2) et environ 26.4 kg de produits dérivés de CBD, conditionnés de diverses manières (ch. 3)] était restitué à B______.

Enfin, "les prévenus ne se verr[aie]nt pas allouer une indemnité ou la réparation de leur tort moral au sens de l'art. 429 CPP, dans la mesure où leurs dépenses [étaient] insignifiantes (art. 430 al. 1 let. c CPP)".

n. Par pli du 22 juin 2023, A______ Sàrl et B______, sous la plume de leur conseil, ont exposé avoir récupéré la marchandise le 24 mai 2023. Or, leurs craintes quant à la dégradation des substances saisies s'étaient confirmées: les fleurs CBD étaient oxydées, voire pour certaines en décomposition et donc inconsommables; la résine CBD était devenue dure comme de la pierre et n'était plus vendable; le liquide dans les Vape pen avait fuité en partie, ce qui ne les rendaient plus commercialisables; et l'huile de CBD était devenue rougeâtre et s'était imprégnée d'une odeur nauséabonde.

Les biens avaient perdu leur valeur marchande, ce qui correspondait à un dommage total de CHF 103'520.-, calculé en additionnant les coûts inhérents à la production, par la société, du haschisch CBD (CHF 800.-/kg x 23), de la marijuana CBD (CHF 500.-/kg x 163), de l'huile CBD (CHF 500.-/litre x 5) ainsi que le coût d'achat des Vape pen (USD 3.30 x 200). À cela s'ajoutait un gain manqué de CHF 124'550.- correspondant au profit escompté par la société sur la vente de ces substances. Le dommage s'élevait donc en totalité à CHF 228'070.-.

Comme A______ Sàrl n'avait pas été mentionnée dans l'ordonnance de classement du 28 mars 2023, elle sollicitait, vu son statut de tiers à la procédure, une indemnité équivalente au montant précité, en application de l'art. 434 CPP.

Étaient jointes à leur requête des photographies, les factures relatives à l'achat des Vape pen du 17 janvier 2022, et deux factures visant à démontrer la perte d'opportunité de vente et la marge effectuée par la société sur le haschisch CBD et la marijuana CBD, datées des 19 mai et 12 juillet 2022.

o. Par pli du 22 janvier 2024, A______ Sàrl et B______, sous la plume de leur conseil, ont relancé le Ministère public.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public expose avoir déjà statué tant sur la restitution des marchandises que sur l'octroi d'une indemnité dans l'ordonnance de classement du 28 mars 2023, entrée en force le 11 avril suivant. Dans ces circonstances, il appartenait à A______ Sàrl et B______ de faire valoir leurs prétentions en indemnisation, à tout le moins dans le délai imparti dans l'avis de prochaine clôture.

Les prénommés, qui avaient insisté sur le fait que les marchandises saisies, en particulier le haschich CBD ainsi que la marijuana CBD, étaient des biens périssables, pouvaient savoir que, à l'échéance du délai imparti dans l'avis de prochaine clôture, une partie au moins desdites marchandises ne serait plus consommable. Quoiqu'il en soit, il appartenait aux précités, qui n'avaient pas chiffré et démontré leur dommage en temps utile, de recourir contre l'ordonnance de classement.

Au demeurant, les précités avaient provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure, de sorte qu'aucune indemnisation ne leur était due, étant relevé que la procédure avait été classée en raison de la lex mitior. Vu l'importante quantité de marchandise transportée le jour des faits par leur employé, soit notamment 22.8 kilos de haschich CBD – substance illicite au moment des faits, indépendamment de sa teneur en THC – ainsi que 163 kilos de marijuana CBD – testée positive au produit Spice, soit un cannabinoïde de synthèse illégal – il ne faisait aucun doute que l'intervention du Ministère public et le "séquestre" des marchandises étaient justifiés afin d'élucider un éventuel trafic de stupéfiants.

La décision entreprise valait ordonnance de refus d'entrée en matière sur la requête en indemnisation au sens de l'art. 434 CPP.

D. a. Dans leur recours, A______ Sàrl et B______ considèrent avoir la qualité pour recourir, la première en tant que propriétaire des marchandises saisies et détériorées par les autorités pénales et le second, en tant qu'associé-gérant de la première et prévenu dans la procédure, n'ayant pas pu, de manière injustifiée, bénéficier d'un délai pour chiffrer ses prétentions en indemnisation.

Au fond, ils reprochent au Ministère public une violation des art. 434 et 429 CPP.

Alors que la société était prévenue, elle avait été exclue de l'ordonnance de classement, ce qui signifiait: soit que la qualité de partie lui avait été déniée de sorte que ses prétentions sur l'art. 434 CPP étaient fondées, soit que la procédure était toujours en cours la concernant.

Aucune ordonnance de séquestre n'avait été notifiée à A______ Sàrl, propriétaire de la marchandise saisie, ni à B______. En outre, le Ministère public avait refusé la levée du séquestre, affirmant que des analyses devaient être effectuées, sans toutefois préciser lesquelles. Or, il ressortait de l'ordonnance de classement que l'isolat CBD, l'huile CBD ainsi que les Vape pen n'étaient "pas concernés par l'enquête". Ces marchandises n'avaient pas été restituées à la société alors qu'elles auraient dû l'être; elles avaient été conservées sans raison durant des mois et endommagées par l'inaction des autorités pénales. Concernant le haschich CBD et la marijuana CBD, le Ministère public savait, depuis le 1er août 2022, que les biens saisis n'étaient pas constitutifs d'une infraction pénale. Le séquestre n'était donc plus justifié à partir de cette date. Cependant, ce n'était que le 24 mai 2023 que la marchandise avait été restituée à la société. Ainsi, la détérioration de la marchandise – dont la durée de conservation aurait été de plus d'une année avant ouverture des emballages si elle avait été conservée avec soin – était imputable au Ministère public, qui avait tardé à la restituer, sans justification.

Le Ministère public n'avait pas répondu à leurs demandes des 9 et 20 janvier 2023. Lors de la reddition de l'ordonnance de classement, la société était donc toujours dans l'attente d'une décision. Elle n'avait pas pu chiffrer ses prétentions dans le délai imparti par l'avis de prochaine clôture dès lors qu'elle avait eu connaissance de son dommage que le 24 mai 2023. De même, n'étant pas visée par l'ordonnance de classement, elle n'aurait pas pu recourir contre cette décision. C'est donc de bonne foi qu'elle avait fait valoir ses prétentions, chiffrées et justifiées, après restitution de la marchandise et constatation du dommage.

Enfin, la société disposait, jusqu'à la reddition de l'ordonnance de classement, de la qualité de prévenue et des droits conférés par l'art. 429 CPP dans le cadre de la procédure, tout comme B______, visé par l'ordonnance de classement. Ils avaient exposé ne pas être en mesure de chiffrer leur prétention avant que la marchandise leur soit restituée. Ils avaient d'ailleurs sollicité un délai pour se prononcer, ce qui ne pouvait être considéré comme un refus de se déterminer. Les marchandises avaient été mal conservées par les autorités, lesquelles avaient en sus tardé à les restituer, pour les raisons précitées. Ainsi, en leur refusant toute indemnité, le Ministère public avait violé l'art. 429 CPP.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2.1. La question de la qualité pour recourir doit être examinée d'office par l'autorité pénale. Toute partie recourante doit ainsi s'attendre à ce que son recours soit examiné sous cet angle, sans qu'il en résulte pour autant de violation de son droit d'être entendue (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1207/2013 du 14 mai 2014 consid. 2.1).

Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci.

La partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède pas la qualité pour recourir, si bien que son acte doit être déclaré irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1.).

1.2.2. En l'espèce, les conclusions en indemnisation des recourants portent exclusivement sur le prétendu dommage causé aux marchandises saisies par la police le 20 avril 2022 et appartenant à A______ Sàrl.

Partant, la décision querellée ne touche pas B______ directement dans ses intérêts juridiquement protégés de sorte que le recours doit être déclaré irrecevable le concernant.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             A______ Sàrl reproche au Ministère public de ne pas lui avoir alloué d'indemnité. Elle fonde ses prétentions tantôt sur l'art. 429 CPP, tantôt sur l'art. 434 CPP.

3.1. Selon l'art. 429 al. 1 CPP, le prévenu bénéficiant d'une ordonnance de classement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral en cas de privation de liberté (let. c).

L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu (art. 429 al. 2 CPP). Il lui incombe, à tout le moins, d'interpeller le prévenu sur la question de l'indemnité et de l'enjoindre au besoin de chiffrer et justifier ses prétentions en indemnisation. L'autorité pénale n'a en revanche pas à établir d'office tous les faits pertinents pour le jugement des prétentions en indemnisation (ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 p. 240; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1142/2016 du 18 mai 2017 consid. 2.1; 6B_477/2016 du 22 mars 2017 consid. 2.1). L'art. 429 al. 2 CPP ne dispense toutefois pas le prévenu acquitté, qui supporte le fardeau de la preuve, de collaborer avec le juge (arrêts du Tribunal fédéral 6B_740/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.1; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 2, non publié in ATF 142 IV 163).

Il est certes loisible au prévenu de renoncer à être indemnisé, en principe à la faveur d'une déclaration formelle. Un comportement passif peut toutefois être interprété comme une renonciation lorsque le prévenu n'a pas réagi à la suite d'une demande expresse de l'autorité de chiffrer et justifier ses prétentions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_472/2012 du 13 novembre 2012 consid. 2.4). En l'absence de toute interpellation de l'autorité, une renonciation ne peut pas être déduite du seul fait que le prévenu n'a pas fait appel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1172/2015 du 8 février 2016 consid. 2.2).

L'autorité pénale doit statuer sur l'indemnité du prévenu dans la décision finale. Si elle omet de le faire, le prévenu doit utiliser les voies de droit contre dite décision
(ATF 144 IV 207 consid. 1.7 p. 211). L'entrée en force de la décision concerne également la question de l'indemnité dans la mesure où il a été statué sur les frais et que la décision quant aux frais est sous-jacente à la question de l'indemnité, de sorte qu'en cas de prise en charge des frais, aucune indemnité ou de réparation morale n'est octroyée et inversement (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 p. 211; ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357). La procédure en cas de décision judiciaire ultérieure indépendante selon les art. 363 ss CPP n'est en principe pas prévue pour de telles constellations (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.3 p. 212). Le prévenu doit ainsi contester par la voie du recours le fait qu'aucune indemnité ne lui avait été octroyée par le ministère public (ATF 144 IV 207 consid. 1.9 p. 212).

3.2. Aux termes de l'art. 434 al. 1 CPP, les tiers qui, par le fait d'actes de procédure ou du fait de l'aide apportée aux autorités pénales, subissent un dommage ont droit à une juste compensation si le dommage n'est pas couvert d'une autre manière, ainsi qu'à une réparation du tort moral.

La notion de juste compensation du dommage se réfère aux principes généraux du droit de la responsabilité civile, à l'instar de ce qui prévaut pour l'indemnisation du prévenu (art. 429 ss CPP). Il s'agit en principe d'une pleine indemnité pour les inconvénients subis. Le dommage susceptible d'être compensé consiste dans une diminution du patrimoine du tiers lésé, qui pourra être matérielle, économique ou encore provoquée par les frais de défense et de procédure engagés pour faire valoir ses droits (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1210/2017 du 10 avril 2018 consid. 4.1).

3.3. En l'espèce, il s'agit tout d'abord de clarifier le statut de A______ Sàrl (ci-après: la recourante).

Cette dernière soutient, à tort, avoir le statut de tiers dans le cadre de la procédure au motif que l'ordonnance de classement ne la mentionnait pas. Or, la recourante, propriétaire des marchandises saisies, se savait prévenue dans le cadre de la procédure, ce qui ressort explicitement du pli du 17 mai 2022 du Ministère public. En outre, l'avis de prochaine clôture, lequel lui fixait un délai pour faire valoir ses prétentions en indemnisation, lui avait été notifié. Ainsi, le fait qu'elle n'ait pas été mentionnée dans l'ordonnance de classement ou encore que cette décision ne lui ait pas été notifiée directement, ne sauraient, à eux seuls, lui conférer le statut de tiers. Partant, toute prétention fondée sur l'art. 434 CPP est exclue.

Dans ces circonstances, il appartenait à la recourante, laquelle reconnait avoir eu connaissance de l'ordonnance de classement via son conseil, dès lors que celui-ci agissait également en tant que défenseur de son associé-gérant, et s'était vu notifier ladite décision, d'interpeller le Ministère public sur cette erreur formelle et de demander la reddition d'une décision la concernant, ou encore de saisir l'autorité de recours pour un éventuel déni de justice. Il lui appartenait d'autant plus d'agir que le dispositif de l'ordonnance de classement était clair et complet sur les questions traitées, à savoir la culpabilité et le refus d'indemnité. Dès lors, seule la voie d'un recours contre la décision critiquée lui était ouverte, étant rappelé que la décision finale qui n'a pas traité de l'indemnisation d'une partie doit, en effet, être attaquée par la voie de droit qui est ouverte contre cette décision (ATF 144 IV 207 1.7 p. 211). Que la recourante considère que la motivation de ce refus soit erronée n'y change.

En tout état, l'on ne saurait suivre la recourante lorsqu'elle soutient qu'elle n'était pas en mesure de chiffrer son dommage dans le délai imparti par l'avis de prochaine clôture.

En effet, dans la mesure où l'instruction avait duré plusieurs mois, la recourante ne pouvait ignorer que, à tout le moins, une partie de la marchandise, qu'elle savait périssable, était susceptible de s'être dégradée et ne pourrait plus être commercialisée, ce d'autant qu'elle était en partie transportée en vrac dans des sacs poubelles. Ainsi, dans le délai imparti par l'avis de prochaine clôture et afin de sauvegarder ses droits, il lui était loisible de solliciter une indemnisation, ce d'autant que les coûts de production et de vente de la marchandise lui étaient connus.

Pour le surplus, la recourante ne saurait se plaindre de la manière dont le Ministère public a instruit la cause, tel n'étant pas l'objet du recours.

Quoiqu'il en soit, l'on ne saurait reprocher au Ministère public de ne pas avoir restitué la marchandise plus tôt durant l'instruction. En effet, contrairement à ce que soutient la recourante, l'ensemble de la marchandise saisie a été transmise aux services compétents pour analyses. En outre, le fait que la loi ait changé au 1er août 2022 ne signifiait pas encore que la teneur en THC de la marchandise transportée était inférieure à 1%, en l'absence des résultats d'analyses. Enfin, une telle restitution n'était pas envisageable avant la reddition de l'ordonnance de classement, l'avis de prochaine clôture n'ayant qu'une valeur déclarative et ne liant pas le ministère public dans sa décision finale (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (CPP) du 21 décembre 2005, FF 2006 1254 ; ACPR/409/2013 du 29 août 2013).

Au vu de ce qui précède, faute d'avoir agi dans délai imparti par l'avis de prochaine clôture, respectivement d'avoir interpellé l'autorité intimée ou saisi l'autorité de recours après avoir pris connaissance de l'ordonnance de classement du 28 mars 2023, la recourante ne peut plus, de bonne foi, faire valoir ses prétentions en indemnisation dans le cadre de la procédure pénale.

4.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

5.             Les recourants, qui succombent, supporteront, conjointement et solidairement, les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare irrecevable le recours de B______.

Rejette le recours de A______ Sàrl.

Condamne A______ Sàrl et B______, conjointement et solidairement, aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leur conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/8804/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'415.00

-

CHF

Total

CHF

1'500.00