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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/134/2024

ACPR/209/2024 du 20.03.2024 sur JTPM/130/2024 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE;PRONOSTIC
Normes : CP.86

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/134/2024 ACPR/209/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 20 mars 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'Établissement fermé de B______, comparant en personne,

recourant,

 

contre le jugement rendu le 27 février 2024 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte reçu le 6 mars 2024 au greffe de la Chambre de céans, A______ recourt contre le jugement rendu le 27 février 2024, notifié le lendemain, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a refusé sa libération conditionnelle.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant palestinien, se trouve actuellement en exécution de peine pour les condamnations suivantes :

- peine privative de liberté de 10 mois, sous déduction de 23 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de CHF 300.-, prononcée par le Tribunal de police le 20 juin 2022, pour délits contre la loi sur les stupéfiants, séjour illégal, infraction à l'art. 119 al. 1 LEI et contravention à l'art. 19a LStup;

- peine privative de liberté de 1 mois, sous déduction de 3 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, prononcée par le Tribunal de police le 10 novembre 2022, pour délit contre la loi sur les stupéfiants, séjour illégal et infraction à l'art. 119 al. 1 LEI;

- peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 15 jours-amende, prononcée par le Ministère public le 22 juin 2023, pour délits contre la loi sur les stupéfiants, séjour illégal, infraction à l'art. 119 al. 1 LEI et empêchement d'accomplir un acte officiel.

Il a d'abord été incarcéré à la prison de C______ du 27 mai au 17 octobre 2023, date à laquelle il a été transféré à l'Établissement fermé de B______ où il se trouve actuellement.

b. Les deux tiers des peines que A______ exécute actuellement sont intervenus le 28 février 2024, tandis que la fin des peines est fixée au 30 juillet 2024.

c. Selon les renseignements donnés par l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM), A______ ne bénéficie d'aucune autorisation de séjour en Suisse et fait l'objet d'une décision de renvoi exécutoire, prononcée le 10 décembre 2009. Lors de son audition du 7 juin 2023 organisée par l'OCPM durant sa détention, il n'a pas été collaborant et n'a fourni aucune information permettant de l'identifier et de découvrir son pays d'origine. En l'état, son renvoi ne pouvait être organisé.

d. Le plan d'exécution de la sanction (ci-après, PES), validé par le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) le 10 juillet 2023, ne prévoit aucune autre phase que le milieu fermé. S'agissant de sa situation administrative, il est noté qu'une décision d'interdiction d'entrée en Suisse, valable du 9 octobre 2020 au 8 octobre 2024, a été notifiée à A______ le 21 août 2021. L'intéressé – qui affirme avoir compris ne pas pouvoir rester en Suisse à sa sortie de prison – a déclaré vouloir se rendre en Italie, pays dans lequel vivent son ex-compagne et leur fille. Il a toutefois aussi évoqué des projets de mariage avec sa compagne actuelle qui est de nationalité suisse. En outre, il s'est décrit comme un "consommateur invétéré de cannabis depuis son plus jeune âge", déclarant qu'il n'hésiterait pas à en consommer en prison s'il en avait la possibilité.

e. À teneur de son casier judiciaire suisse, A______ a, en outre, été condamné le 22 mars 2007 par la Cour correctionnelle de Genève à une peine privative de liberté de 2 ans et 6 mois, pour brigandages et le 15 juillet 2020 par les juges d'instruction de Genève à une peine privative de liberté de 5 mois, pour violation de domicile, vol, entrée illégale et séjour illégal. Du 27 août 2010 au 22 juin 2023, il a été condamné à seize reprises, essentiellement pour vol, violation de domicile, dommages à la propriété, infractions à la loi sur les stupéfiants et séjour illégal.

Il a bénéficié d'une libération conditionnelle le 3 mars 2008 (solde de peine de 8 mois et 14 jours), avec un délai d'épreuve d'un an.

f. Selon le préavis favorable de la direction de la prison de C______ du 19 décembre 2023, le comportement en détention de A______ était qualifié de correct, hormis un incident le 21 juin 2023 ayant entraîné son placement en cellule forte. Il était occupé du 2 juillet au 17 octobre 2023 au sein de la cuisine de l'établissement, où il a donné satisfaction.

g. Le 21 décembre 2023, l'Établissement fermé de B______ a préavisé défavorablement la libération conditionnelle de l'intéressé. Même s'il faisait preuve d'une attitude positive au travail, il avait fait l'objet d'une sanction disciplinaire le 28 novembre 2023 pour consommation de stupéfiants et n'avait pas commencé à payer les frais de justice.

Il disposait de CHF 119.25 sur son compte libre, de CHF 357.30 sur son compte réservé et de CHF 305.40 sur son compte bloqué.

h. Dans le formulaire qu'il a rempli en vue de sa libération conditionnelle, A______ déclare être célibataire et père d'une fille de 15 ans. Il était démuni de papiers d'identité, sans autorisation de séjour et faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse. À sa libération, il voulait se rendre en Italie pour voir sa fille qui avait bientôt son anniversaire. Il demandait "pardon" et faisait part de ses regrets. Il demandait à ce qu'on l'aide à terminer sa formation de boulanger-pâtissier et à trouver un travail. Il pouvait disposer d'un logement à sa libération, notamment chez sa compagne à Genève, et il souhaitait s'occuper davantage de sa fille en Italie ainsi que fonder une famille.

i. Le 7 décembre 2022, le SAPEM a préavisé défavorablement la libération conditionnelle de A______, en raison de ses dix-huit condamnations inscrites à son casier judiciaire et l'échec de sa précédente libération conditionnelle. Le pronostic pénal apparaissait défavorable sous l'angle du risque de récidive.

j. Par requête du 12 février 2024, le Ministère public a conclu au refus de la libération conditionnelle de l'intéressé.

k. Lors de l'audience du 27 février 2024 par-devant le TAPEM, A______ a confirmé sa demande de libération conditionnelle. Même si sa compagne venait lui rendre régulièrement visite en détention et habitait à Genève, il comptait se rendre en Italie à sa libération. Son ancienne compagne y vivait avec leur fille et elles étaient toutes les deux de nationalité italienne. Elle lui avait trouvé un logement ainsi qu'un travail dans "un domaine où il pourrait s'occuper des chevaux". Il n'avait pas de titre de séjour en Italie mais "une fois sur place", il contacterait un avocat pour "faire les démarches" car, sans contrat de travail, il ne pouvait rien faire à l'avance. Il avait proposé au Service des contraventions de payer CHF 50.- par mois pour rembourser ses frais de justice, mais s'était vu opposer un refus en raison de ses nombreuses dettes. Il regrettait beaucoup les infractions à l'origine de ses condamnations. Il avait fait "ces erreurs quand [il] étai[t] jeune". À 46 ans, il avait désormais l'envie d'une "autre vie" et considérait que c'était "le moment ou jamais de travailler". Il avait beaucoup souffert en prison et sa fille avait besoin de lui.

C. Dans sa décision querellée, le TAPEM retient que le pronostic se présente sous un jour particulièrement défavorable, au vu des antécédents de A______ et de l'échec de sa précédente libération conditionnelle. Sa prise de conscience paraissait limitée, étant précisé qu'il avait été sanctionné pour avoir consommé des stupéfiants en détention. Sa situation personnelle était inchangée et on ne percevait aucun effort de l'intéressé pour modifier la situation, étant précisé qu'il n'avait pas voulu collaborer avec les autorités administratives en vue de son identification et son renvoi de Suisse alors qu'il fait l'objet d'une décision de renvoi exécutoire depuis le 10 décembre 2009. Il ne présentait aucun projet concret et étayé de sorte qu'il se retrouverait dans la même situation à sa sortie de prison. Il n'avait aucune garantie de pouvoir séjourner ou travailler légalement en Italie. Rien n'indiquait qu'il pourrait mettre davantage à profit une libération conditionnelle et le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaissait très élevé.

D. a. Dans son recours, A______ affirme pouvoir bénéficier, à sa sortie, d'un travail et d'un logement en Italie. Il demande pardon pour les erreurs commises et regrette d'avoir "fumé" en prison. La prison lui "avait ouvert les yeux" et il avait "vraiment" changé. Il confirme son projet de retourner en Italie, auprès de sa fille.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écriture ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus en matière de libération conditionnelle par le TAPEM (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1), dont le jugement constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363).

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. En l'espèce, le recours est recevable, pour avoir été déposé selon les forme et délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 "a contrario" CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant estime que les conditions d'octroi de sa libération conditionnelle sont remplies.

3.1. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2). Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées). Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr; force est de se contenter d'une certaine probabilité; un risque de récidive est inhérent à toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b).

Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées). Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie de règles de conduite et d'un patronage, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine (ATF 124 IV 193 consid. 4d/aa/bb).

3.2. En l'espèce, la condition objective d'une libération conditionnelle est réalisée depuis le 28 février 2024.

S'agissant du pronostic, il se présente sous un jour défavorable, nonobstant le préavis positif de la prison de C______, étant souligné que ledit préavis n'est pas, à lui seul, déterminant en terme de risque de récidive. En outre, si le comportement relevé par ledit établissement peut être qualifié de bon, il doit toutefois être tempéré par la sanction dont le recourant a fait l'objet le 28 novembre 2023 à l'Établissement fermé de B______ pour consommation de stupéfiants. De plus, le recourant a de très nombreux antécédents. Après la fin du délai d'épreuve de sa libération conditionnelle octroyée en 2008, il n'a pas hésité à revenir en Suisse et y commettre toute une série d'infractions, objets de ses 17 condamnations entre le 15 juillet 2010 et le 22 juin 2023, notamment pour des infractions contre le patrimoine et des délits contre la loi sur les stupéfiants. Le recourant a ainsi démontré un ancrage certain dans la délinquance et une faible, pour ne pas dire inexistante, sensibilité à la sanction.

Rien n'indique aujourd'hui qu'il saurait mettre à profit une nouvelle libération conditionnelle, les circonstances n'ayant pas changé.

Au contraire, sa situation personnelle demeure quasi identique à celle l'ayant conduit à commettre des infractions, faisant toujours l'objet d'une décision de renvoi de Suisse. Il se montre ambivalent dans ses projets d'avenir, alléguant aussi bien son intention de se rendre en Italie auprès de sa fille, que de rester à Genève pour habiter chez sa compagne et terminer sa formation. En tout état, ses projets d'avenir en Italie ne sont nullement étayés, il ne dispose d'aucune autorisation de séjour dans ce pays et n'a fait aucune démarche dans ce sens, en particulier pour obtenir des documents attestant de son identité. Sa paternité ne l'a, au demeurant, nullement empêché de commettre les infractions inscrites à son casier judiciaire.

Dans ces circonstances, la probabilité qu'il commette de nouvelles infractions du même ordre que celles pour lesquelles il est actuellement incarcéré est donc très élevée.

Enfin, les regrets et excuses du recourant – qui affirme avoir changé – sont insuffisants, au vu du dossier, pour remettre en cause les conclusions qui précèdent.

Le fait qu'il s'obstine à refuser de retourner dans son pays d'origine et à collaborer à son renvoi de Suisse renforce le risque de récidive.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les conditions d'une mise en liberté conditionnelle ne sont, en l'état, pas réalisées. L'appréciation émise par le TAPEM ne souffre dès lors d'aucune critique.

4.             Justifié, le jugement querellé sera donc confirmé.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, au Tribunal d'application des peines et des mesures et au Ministère public.

Le communique, pour information, au Service de l'application des peines et mesures.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/134/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

505.00

Total

CHF

600.00