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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8174/2022

ACPR/158/2024 du 01.03.2024 sur ONMMP/3409/2023 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;REPRÉSENTATION;DÉLAI
Normes : CPP.310; CPP.127; CPP.395

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8174/2022 ACPR/158/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 1er mars 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE],

B______ et C______, domiciliés ______ [GE],

agissant tous en personne,

recourants,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 28 août 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par ordonnance du 28 août 2023, notifiée le 30 août 2023 à A______, le 6 septembre 2023 à C______ et le 25 septembre 2023 à B______, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur les faits visés par la procédure.

b. Par acte expédié le 16 septembre 2023, A______, B______ et C______ recourent contre cette ordonnance et concluent à la confirmation des "conclusions de [leurs] plaintes". Ils sollicitent également d'être exonérés des frais de la procédure.

Ledit acte est visiblement signé par A______, en son nom, et au nom de B______ et C______. Deux "procurations" sont jointes, par lesquelles les précités autorisent A______ à les représenter dans le cadre du recours.

c. Les recourants ont été dispensés du versement des sûretés (art. 383 al. 1 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 6 avril 2022, A______ et ses parents, B______ et C______, d'origine iranienne, ont déposé plainte contre "les personnes passées" la veille pour "exécuter l'avis judiciaire daté du 28 mars 2022".

En substance, il ressort de cette plainte que A______ avait accueilli ses parents dans l'appartement qu'il louait à D______, sis route 1______ no. ______. Le 11 novembre 2020, cette dernière avait résilié le bail et, par la suite, obtenu des juridictions genevoises l'autorisation de requérir leur évacuation par la force publique.

Alors que la cause était pendante auprès du Tribunal fédéral, E______, huissière de justice, s'était rendue à l'appartement le 5 avril 2022 avec un serrurier et des policiers alors que A______ et sa compagne étaient absents. En revanche, B______ et C______, sous-locataires, encore endormis à l'arrivée des personnes (09h00), avaient été effrayés par cette intervention injustifiée et disproportionnée, durant laquelle les serrures de l'appartement avaient été changées.

b. Le 3 juillet 2022, B______ et C______ ont, derechef, déposé une plainte contre la régie F______, E______ et la raison individuelle "G______", accusant ceux-ci de les avoir "agressés" le 5 avril 2022 et de les avoir laissés "effrayés et traumatisés".

Cette plainte a donné lieu à l'ouverture de la P/14598/2022, jointe par la suite à la P/8174/2022.

c. Le 12 suivant, B______ et C______ ont précisé que leur plainte visait également "les agents de police P2______, P3______ et P4______". Tant leur bailleresse que la régie connaissaient "la vulnérabilité de [leur] état physique et psychique", avant l'intervention du 5 août 2022. E______ et le serrurier étaient revenus à l'appartement le 12 avril 2022, accompagnés de cinq policiers.

d. Invitée par le Ministère public à se déterminer par écrit, E______ a expliqué avoir reçu de la régie F______, le 28 mars 2022, un jugement d'évacuation exécutoire. Le jour même, elle avait envoyé un avis aux locataires concernés, soit A______ et sa compagne, leur demandant de libérer rapidement l'appartement, faute de quoi la force publique serait mise en œuvre. Le 5 avril 2022, elle s'était présentée sur place, accompagnée d'un serrurier et de représentants du Service des évacuations de la police. Les cylindres de l'appartement avaient été changés et une clé avait été remise à B______ et C______. Lors de sa seconde visite le 12 avril 2022, A______ lui avait présenté un contrat de sous-location en faveur de ses parents.

e. À la suite d'échanges de courriers entre le Ministère public et les plaignants, B______ a déclaré, le 19 décembre 2022, maintenir sa plainte contre la régie F______, E______ et l'entreprise individuelle "G______".

f. Il ressort notamment des pièces versées à la procédure ce qui suit:

- par jugement du Tribunal des baux et loyers (ci-après: TBL) du 27 avril 2021 (JTBL/380/2021 dans la cause C/5______/2021), A______ et sa compagne, ainsi que "toute autre personne faisant ménage commun avec eux", ont été condamnés à évacuer immédiatement l'appartement sis route 1______ no. ______, en raison d'arriérés de loyers. La bailleresse, D______, était autorisée à requérir l'évacuation par la force publique, dès l'entrée en force dudit jugement;

- la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice (ci-après: CBL) et le Tribunal fédéral, ont successivement rejeté (ACJC/210/2022), puis déclaré irrecevable (4A_125/2022 du 1er avril 2022) les recours formés par A______ pour contester ce jugement.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public constate que deux infractions pouvaient entrer en ligne de compte en lien avec les faits dénoncés: la contrainte et la violation de domicile. E______ disposait d'un jugement, du 27 avril 2021, entré en force, autorisant explicitement la bailleresse à requérir l'évacuation par la force publique. La précitée était dès lors légitimée à faire appel aux services de la police, à mandater un serrurier et à se présenter sur les lieux pour faire exécuter ledit jugement. Face à B______ et C______, elle s'était limitée à faire changer les cylindres, sans exercer la moindre contrainte à l'égard des prétendus sous-locataires, lesquels avaient été autorisés à rester sur les lieux. Rien ne permettait d'établir que les personnes intervenues le jour en question étaient allées au-delà du nécessaire pour exécuter leur mission. Le simple fait que B______ et C______, âgés et ne parlant pas français, aient pu être inquiétés, ne pouvait pas être imputé aux mis en cause. Enfin, la bailleresse n'avait pas à attendre de jugement du Tribunal fédéral avant d'entamer les démarches en évacuation. Le jugement d'évacuation était en force, l'effet suspensif n'ayant pas été accordé par l'instance fédérale. À titre subsidiaire, lors de l'intervention de E______, le Tribunal fédéral avait déjà rendu son arrêt constatant l'irrecevabilité du recours A______.

D. a. Dans leur recours, A______, B______ et C______ expliquent n'avoir pas détaillé les faits de leurs plaintes "d'une manière exacte" en raison d'un "état de détresse extrême". La régie F______ continuait à les "contraindre" au paiement "des factures injustes et même celle non-notifiées", malgré leur départ de l'appartement. Les "prévenus" étaient tous au courant de leurs difficultés socio-économiques. Le Ministère public avait constaté qu'ils [B______ et C______] avaient été effrayés et la procédure pour leur évacuation n'était pas conforme aux "règlements concernés". Aucun d'eux n'avaient reçu l'avis d'évacuation de E______ avant l'intervention du 5 avril 2022. La crise sanitaire, le décès de l'ancien locataire et l'aggravation de leur situation économique les avaient empêchés de s'acquitter du loyer.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

E. Dans un rapport du 10 janvier 2024, le Greffe de l'assistance juridique a attesté de l'indigence A______, B______ et C______.

 

EN DROIT :

1.             1.1. A______ s'est vu notifier l'ordonnance querellée le 30 août 2023, si bien que le concernant, le recours, déposé après le délai de dix jours (art. 396 al. 1 CPP), est tardif et, partant, irrecevable.

1.2. L'acte est sinon signé par le précité, au nom et pour le compte de ses parents, lesquels lui ont conféré "des procurations" annexées.

Or, à Genève, en matière pénale, seul un avocat est autorisé à assister – et donc représenter – une partie en justice (art. 127 CPP cum art. 18 LaCP). Il s'ensuit que A______ n'était pas en droit d'agir pour ses parents et de signer le recours à leur place. Les réquisits de l'art. 110 al. 1 CPP n'étant pas réunis, le recours aux noms de B______ et C______ est également irrecevable.

2.             Fût-il recevable, le recours aurait de toute manière été rejeté.

2.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a. CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, une procédure pénale peut être liquidée par ordonnance de non-entrée en matière lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_488/2021 du 22 décembre 2021 consid. 5.3; arrêts 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 2.2; 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1).

2.2. En l'espèce, à la lecture des plaintes déposées et des courriers envoyés, il apparaît que les recourants se plaignent avant tout du traumatisme prétendument causé à B______ et C______ par l'intervention du 5 avril 2022.

Ils mettent en cause les "personnes passées" à cette occasion, sans toutefois alléguer que celles-ci auraient adopté le moindre comportement inadéquat, agressif ou, plus généralement, pénalement répréhensible.

Dès lors, on peine à discerner tant les comportements dénoncés que leurs éventuels auteurs parmi ceux cités – de manière inconstante – par les recourants.

Tout au plus, les recourants semblent reprocher à l'ancienne bailleresse de n'avoir pas attendu l'issue de la procédure civile pour requérir leur évacuation. Cette accusation est toutefois infondée. Lorsque l'huissière de justice est venue à l'appartement la première fois, le Tribunal fédéral avait déjà déclaré irrecevable le recours contre l'arrêt de la CBL depuis vingt jours. En outre, l'effet suspensif n'ayant pas été accordé, le jugement du TBL du 27 avril 2021, autorisant la bailleresse à faire usage de la force publique, était exécutoire.

Cette raison légitimait d'ailleurs le changement des cylindres par l'huissière de justice et le serrurier, étant précisé qu'il s'agit de la seule mesure effectuée lors de l'intervention. Les recourants ont d'ailleurs reçu une clé et n'ont pas été forcés de quitter immédiatement l'appartement. Quant à la régie, elle n'était pas présente et les griefs formulés à son encontre par les recourants relèvent du litige civil exclusivement.

En définitive, même s'ils ont pu causer des désagréments aux recourants, les faits dénoncés ne sont constitutifs d'aucune infraction pénale.

3.             Les recourants demandent à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire, limitée à l'exonération des frais judiciaires.

3.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). L'assistance judiciaire comprend, notamment, l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

3.2. La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut donc être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou que la procédure pénale est vouée à l'échec
(arrêts du Tribunal fédéral 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1 et 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).

3.3. En l'espèce, quand bien même les recourants seraient indigents, il a été jugé supra que leurs griefs étaient juridiquement – et d'emblée – infondés. Dans ces circonstances, ils ne sauraient être exonérés des frais judiciaires.

4.             Les recourants assumeront, par conséquent, les frais de la procédure de recours, qui seront réduits et fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03) pour tenir compte de leur situation financière.

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Rejette les demandes d'assistance juridique gratuite.

Fixe les frais de la procédure de recours à CHF 600.-.

Les met à la charge A______, B______ et C______, à hauteur de CHF 200.- chacun.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/8174/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

505.00

Total

CHF

600.00