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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/759/2023

ACPR/63/2024 du 25.01.2024 sur JTPM/647/2023 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : TRAITEMENT AMBULATOIRE;PROLONGATION
Normes : CP.63; CP.63a; CP.56.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/759/2023 ACPR/63/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 25 janvier 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,


contre le jugement rendu le 22 septembre 2023 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, route des Acacias 82, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 5 octobre 2023, A______ recourt contre le jugement du 22 septembre 2023, notifié le 25 suivant, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a ordonné la poursuite de son traitement ambulatoire pour une durée de trois ans, soit jusqu'au 24 septembre 2026, sans préjudice des contrôles annuels prévus par l'art. 63a CP.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation du jugement précité et à ce que la prolongation du traitement ambulatoire soit limitée à un an, soit jusqu'à son prochain réexamen. Il sollicite également la désignation de Me B______ en tant que défenseur d'office.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par jugement rendu le 24 septembre 2018 (P/1______/2014), le Tribunal criminel a déclaré A______ coupable d'assassinat, tentative de lésions corporelles graves et menaces. Le Tribunal l'a condamné à une peine privative de liberté de 16 ans, sous déduction de 1'020 jours de détention avant jugement et a ordonné que l'intéressé soit soumis à un traitement ambulatoire (art. 63 CP).

Il a été reconnu coupable d'avoir commandité l'homicide de C______, avec lequel il avait pour projet d'ouvrir un bar, conduisant ce dernier dans un guet-apens le 7 octobre 2014 aux Philippines, et d'avoir payé un peu moins de CHF 1'000.- pour le faire tuer. En outre, le 27 juin 2017, durant sa détention à la prison de D______, il avait essayé de porter un coup à la gorge de son co-détenu au moyen d'un tesson de tasse et de s'être dirigé de façon menaçante en direction de ce dernier en tenant une fourchette, de sorte à l'effrayer.

Hormis la condamnation précitée, aucune autre condamnation ni aucune enquête pénale en cours ne figurent dans l'extrait du casier judiciaire suisse de A______ au 20 juillet 2023.

b. Incarcéré à la prison de D______ le 11 décembre 2015, A______ a été transféré le 3 janvier 2019 à l'établissement de E______. Puis, le 5 février 2019, il a intégré le pénitencier de F______ des Établissements de G______ (ci-après: les G______) jusqu'à son transfert à H______ dudit établissement le 3 février 2022, où il demeure actuellement.

La condition temporelle pour l'octroi d'une libération conditionnelle sera réalisée le 9 août 2026, la fin de peine étant fixée au 9 décembre 2031.

c.a. Dans le cadre de la procédure P/1______/2014, une expertise psychiatrique a été ordonnée, dont le rapport a été rendu le 13 avril 2016. Selon les experts du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML), A______ souffre de personnalité dyssociale, lésion auto-infligée et utilisation d'alcool nocive pour la santé.

Au moment des faits, il présentait un grave trouble mental, de sévérité moyenne, sous forme d'un trouble de la personnalité de type dyssocial, associé à une grande immaturité. Le passage à l'acte criminel reproché était en lien avec ledit trouble psychique et sa responsabilité était très faiblement restreinte. Il présentait un risque de commettre à nouveau des infractions "de toute nature". Un traitement ambulatoire était préconisé pour diminuer le risque de récidive et améliorer certains traits de la personnalité accessibles à la psychothérapie, comme le manque d'empathie.

c.b. Dans un premier complément d'expertise du 10 novembre 2016, sollicité par le Ministère public ensuite de nouvelles déclarations de A______ – lequel expliquait avoir engagé un individu pour éliminer la victime –, les experts ont maintenu leur diagnostic. La dangerosité de l'expertisé était en relation avec son impulsivité, sa difficulté à anticiper les conséquences de ses actes, son immaturité, le manque d'"insight" et de très faibles capacités d'empathie. Le risque de commettre à nouveau des infractions "de toute nature" était essentiellement lié à la problématique de sa personnalité. Un traitement médical était souhaitable, non seulement pour sa santé, mais aussi pour diminuer le risque de récidive. Un milieu de vie, tel qu'un établissement pour jeunes adultes, permettant une activité de travail régulière permettrait de limiter ses troubles du comportement.

c.c. Un second complément d'expertise, rendu le 25 janvier 2018, a été sollicité par le Ministère public, d'une part en raison des avancées de l'enquête – A______ contestant désormais avoir tué ou fait tuer C______ – et, d'autre part, de la survenance des faits concernant son co-détenu.

Les experts ont confirmé la constance du trouble de personnalité, notamment dans sa composante immature et dyssociale. La dangerosité de l'expertisé demeurait en lien avec la problématique de sa personnalité et dépendait, principalement, de l'évolution de la composante dyssociale. L'évolution péjorative de la personnalité du précité en prison depuis la précédente expertise, avec une aggravation notable des traits de personnalité dyssociale et narcissique, rendait toutefois le pronostic inquiétant. La commission de nouveaux faits, le 27 juin 2017, en lien avec la personnalité dyssociale (impulsivité, mauvaise maîtrise de la violence, intolérance à la frustration) augmentait par ailleurs de manière significative ledit risque, sans toutefois pouvoir évaluer cette augmentation de manière précise. Une mesure ambulatoire apparaissait toujours souhaitable.

d. Par jugement rendu le 18 août 2022 (PM/2______/2022) le TAPEM a rejeté la demande de levée de mesure formée par A______ et ordonné la poursuite du traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP – dont l'échéance était prévue le 24 septembre 2023 – sans préjudice des contrôles annuels, ledit traitement apparaissant indispensable pour réduire le risque de récidive.

Le fait que A______ reconnaisse, depuis peu, avoir commandité l'assassinat de la victime était un indice fort que ce dernier profitait pleinement du traitement ambulatoire, malgré les changements fréquents de psychiatres, changements dont il se plaignait. Compte tenu des nombreux objectifs en cours et de l'évolution positive récente, la situation demeurait fragile et le suivi thérapeutique nécessaire afin de consolider les acquis et l'accompagner dans les étapes à venir.

e. Selon le rapport établi le 15 décembre 2022 par les G______, A______ adoptait un bon comportement en détention, tant envers le personnel que ses codétenus. Il n'avait pas fait l'objet de sanction depuis le mois de mars 2022 et démontré une abstinence durable à l'alcool et aux stupéfiants.

Depuis le 11 avril 2022, A______ travaillait au sein de l'atelier "______" et entreprenait, depuis le 27 septembre 2022, une attestation fédérale de formation professionnelle dans ce domaine. Bien qu'il puisse être rapidement déconcentré, il se montrait appliqué et investi dans l'exécution de ses tâches et fournissait de bonnes prestations.

Ses projets futurs demeuraient inchangés, ce dernier se projetant encore à court terme dans le domaine de l'hôtellerie de luxe, avant d'ouvrir un bar en tant qu'indépendant. Il recevait la visite régulière de ses proches et n'avait bénéficié d'aucun élargissement, si ce n'est son passage à H______, prévu par le Plan d'exécution de sanction (ci-après: PES) avalisé par le Service d'application des peines et mesures (ci-après: SAPEM) le 17 mai 2021. Depuis mars 2022, il s'acquittait du paiement des frais de justice à hauteur de CHF 20.- mensuellement.

f. Selon le rapport médical du Service de médecine et psychiatrie pénitentiaire du CHUV (ci-après: SMPP) du 27 décembre 2022, A______ était au bénéfice d'un suivi psychothérapeutique hebdomadaire, d'un suivi psychiatrique et d'un traitement médicamenteux consistant en un stabilisateur d'humeur. Le prénommé se montrait investi, assidu et preneur des soins proposés, verbalisant le souhait de travailler sur le plan psychothérapeutique dans le but de surmonter ses difficultés psychiques et d'avancer dans son parcours carcéral et, par la suite, socio-professionnel. L'alliance thérapeutique était très bonne. Les objectifs du traitement étaient la poursuite des réflexions quant à son fonctionnement psychique, la confiance en soi, le travail introspectif, le soutien dans son quotidien et son projet de réinsertion, ainsi qu'une réduction progressive du traitement médicamenteux. Le travail thérapeutique était source de remise en question. A______ verbalisait un sentiment de remords quant au délit pour lequel il avait été condamné et reconnaissait son fonctionnement comme étant problématique.

g. L'Unité d'évaluation criminologique du Service pénitentiaire du canton de Vaud (ci-après: UEC) a procédé à un point de situation, en particulier s'agissant de l'évaluation du risque de récidive et du risque de fuite présentés par A______.

À teneur du rapport établi le 20 février 2023, A______ avait exposé devoir encore travailler sur son manque de confiance en soi. Il semblait aussi bénéficier d'un meilleur accès à son registre émotionnel, apparaissant touché par certaines thématiques. Il exprimait toujours de la honte quant à son "délit", ainsi que davantage de culpabilité.

Sur le plan professionnel, A______ se montrait investi dans les cours théoriques dispensés et les résultats étaient bons. Toutefois, il avait fait l'objet de "plusieurs absences injustifiées au travail", ce qui pouvait, à terme, "péjorer son projet de formation". Par ailleurs, il pouvait rencontrer des difficultés à gérer plusieurs tâches simultanément. Durant son temps libre, il ne s'adonnait à aucune activité de loisir structurée ce qui constituait, "d'après la littérature, un facteur de risque".

A______ appartenait à une "catégorie d'individus" pour laquelle le risque de récidive générale et violente pouvait toujours être qualifié de moyen, notamment au regard de son manque de motivation au sein de l'atelier, du fait qu'il ne participait pas aux activités de loisir structurées en les murs et, dans une certaine mesure, de son isolement social. Le niveau des facteurs de protection pouvait être encore apprécié comme étant moyen, en raison principalement de son réseau familial qui semblait soutenant et de sa bonne motivation dans le cadre de son suivi thérapeutique. Le cadre actuel (conditions de vie contrôlées et supervisées, accès à des soins professionnels) participait également à ladite appréciation. Le risque de fuite était considéré comme faible.

Il était nécessaire que A______ maintienne des liens avec sa famille, continue de s'investir dans son suivi thérapeutique et demeure compliant à sa médication; en particulier il était encouragé à poursuivre son bon investissement et les réflexions autour de la stabilité émotionnelle, de son fonctionnement psychique et de la confiance en soi. Il semblait aussi pertinent qu'il travaille sur la réceptivité, notamment en raison de sa motivation fluctuante au sein de son travail à l'atelier et ceci afin de favoriser une conscientisation de ses fragilités et du potentiel impact que ses absences répétitives pourraient avoir sur sa formation.

h. Le bilan de phase n° 1 et suite du PES, validé par le SAPEM le 18 avril 2023, prévoit l'examen d'un passage à I______ des G______ dès le mois d'août 2024, en fonction de la réussite de la formation entreprise, étant précisé que celle-ci n'était dispensée qu'au sein de H______ des G______, où se trouve A______.

S'agissant des éléments favorables à la progression, une amélioration avait été constatée en ce qui concernait la gestion de ses émotions et de la frustration. Le SMPP avait aussi décrit A______ comme moins impulsif et moins labile. Il continuait de se rendre régulièrement aux entretiens fixés dans le cadre de son traitement ambulatoire au sens de l'article 63 CP. L'alliance thérapeutique et la compliance médicamenteuse étaient bonnes. A______ se montrait critique face à ses passages à l'acte.

La motivation de A______ demeurait cependant fluctuante, ce dernier ayant fait l'objet de diverses absences injustifiées en atelier. Il était donc nécessaire qu'il demeure encadré et soutenu par les intervenants concernés. A______ présentait une certaine anxiété et verbalisait des difficultés à se projeter. Une tendance à minimiser ses fragilités et les difficultés auxquelles il pourrait être confronté à l'avenir était toujours constatée par les intervenants. Le prénommé envisageait notamment sur le long terme d'ouvrir son propre établissement de restauration, sans faire de lien avec le contexte de son passage à l'acte ni se rendre compte du caractère "peu réaliste et trop ambitieux" de ce projet, vu sa situation personnelle, son parcours et son profil psychiatrique.

i. Selon le rapport établi le 19 mai 2023 par les G______, aucun nouvel élément n'était à relever depuis l'élaboration du bilan précité. A______ avait toutefois fait l'objet de plusieurs absences injustifiées au travail "dernièrement", de sorte qu'un courrier de "recadrage" afin de lui fixer des objectifs personnels et assurer sa présence à l'atelier lui avait été adressé.

j. Le rapport établi le 1er juin 2023 par le SMPP confirme les éléments contenus dans le dernier compte rendu (cf. B.f.).

k. Dans son préavis du 24 juillet 2023 relatif à l'examen annuel de la mesure, le SAPEM conclut à la prolongation du traitement ambulatoire pour une durée de trois ans, cette échéance correspondant approximativement à l'examen de la libération conditionnelle de A______.

A______ savait tirer un large bénéfice du traitement ambulatoire dont il faisait l'objet. Il s'investissait tant dans le suivi psychothérapeutique que le suivi psychiatrique, lesquels lui permettaient de poursuivre les objectifs fixés et de contribuer à la diminution du risque de récidive. Toutefois, l'intéressé présentait encore quelques fragilités, concrétisées "par plusieurs absences au sein de son atelier de travail, qui était étroitement lié à la formation entreprise". Comme ladite formation s'inscrivait dans le cadre de son projet de réinsertion, il était important que A______ puisse bénéficier du soutien que conférait le suivi entrepris, en particulier dans les périodes où il était vulnérable ou instable.

l. Le 14 août 2023, le Ministère public a fait siens le préavis et les conclusions du SAPEM.

m. Dans ses déterminations écrites du 19 septembre 2023, A______ ne s'oppose pas à la prolongation du traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 al. 4 CP mais à la durée de trois ans proposée par le SAPEM. En effet, vu l'évolution positive, la mesure devait être réexaminée chaque année.

Il avait constaté une amélioration de la qualité de son suivi, ressentant des progrès dans son évolution et sa prise de conscience. En revanche, il souhaitait que les changements réguliers de médecins cessent, ayant besoin d'une plus grande stabilité dans les suivis thérapeutiques mis en place.

En outre, certains éléments ne devaient pas être pris en considération dans l'examen annuel de son traitement ambulatoire, comme le fait qu'il manquait de motivation au sein de l'atelier et qu'il avait fait l'objet d'absences injustifiées, dès lors qu'il avait été malade à ces occasions et que la procédure disciplinaire ouverte ensuite de l'avertissement non formel qui lui avait été adressé le 9 novembre 2022 avait été classée. Il était aussi faux de retenir qu'il présentait encore "quelques fragilités lesquelles se concrétis[aient] par plusieurs absences au sein de l'atelier" bien qu'il admette que tant le suivi psychothérapeutique que le suivi psychiatrique lui permettaient de poursuivre les objectifs fixés.

C. Dans le jugement querellé, le TAPEM retient que le traitement mis en place était adapté à la situation de A______ et qu'il était utile. En effet, le suivi avait permis à ce dernier de se stabiliser, aucune nouvelle condamnation n'était survenue et aucune enquête pénale n'était en cours, le prénommé reconnaissait les faits commis et verbalisait des remords, il était bien intégré à H______ et adoptait un bon comportement en détention, il était abstient à l'alcool et aux stupéfiants, la gestion de ses émotions et frustrations s'était améliorée, l'alliance thérapeutique et la compliance médicamenteuse étaient bonnes et il s'investissait dans son travail en ______ et sa formation.

Le traitement restait cependant nécessaire afin de poursuivre l'investissement dans le travail thérapeutique entrepris, la compliance à la médication et maintenir la stabilité psychique de A______, qui souffrait encore d'anxiété et de fragilités. Il était nécessaire qu'il entame un travail sur la réceptivité afin d'assurer sa présence constante au sein de l'atelier ______ – ses absences répétées ayant été relevées par l'UEC, par la direction des G______ ainsi que dans le bilan de phase n°1 et suite du PES –, ce afin d'éviter que sa formation ne soit compromise, de l'inciter à s'investir dans d'autres activités que son travail et sa formation, et de l'accompagner dans la réalisation d'un projet d'avenir réaliste en fonction de sa situation personnelle, de son parcours et de son profil psychiatrique, en vue de prévenir une éventuelle récidive, dont le risque avait été qualifié de moyen par l'UEC.

D. a. Dans son recours, A______ reproche à l'autorité intimée une constatation incomplète des faits et une violation des art. 3 CEDH, 36 al. 3 Cst, 56 al. 1 et 2 ainsi que 63 al. 4 CP.

Si l'utilité du traitement n'était pas contestée, l'objectif rappelé de "poursuivre l'investissement dans le travail thérapeutique entrepris et la compliance à la médication, de maintenir la stabilité psychique du cité, qui souffre encore d'anxiété et de fragilités" ne pouvait être atteint sans une "stabilisation thérapeutique", c’est-à-dire par la possibilité de développer une relation thérapeutique avec un seul thérapeute sur le long cours. Les changements permanents de thérapeutes – dont il s'était déjà plaint – n'offraient pas le suivi qu'il était en droit d'attendre, en application de l'art. 3 CEDH. Ainsi, une prolongation de trois ans ne se justifiait pas.

En outre, le premier juge avait retenu, à tort, que sa formation était compromise en raison d'absences injustifiées, ignorant par-là ses observations du 19 septembre 2023. De même, il ne pouvait lui être reproché de ne pas s'investir dans d'autres activités, au regard de son emploi du temps réel, qu'il détaille dans une lettre produite à l'appui de son recours. Il ressort notamment de ce document qu'il travaille six jours sur sept en atelier, qu'il révise et élabore son travail de fin d'étude le lundi après-midi, qu'il suit des cours théoriques le mardi matin et, le vendredi après-midi, de culture générale, qu'il se rend à ses rendez-vous médicaux le jeudi matin et reçoit, en plus, la visite de sa famille. Il y ajoute également que les animations se déroulaient en soirée, et qu'il préférait utiliser ce temps pour téléphoner, lire ou élaborer de nouvelles recettes. Il explique encore ne pas souhaiter nouer des relations avec ses co-détenus puisque son avenir se dessinait sans eux. Enfin, il maintenait que son projet de réinsertion était réaliste, compte tenu de l'expérience professionnelle dont il disposait avant son incarcération et de la formation entreprise; il mettait toutes les chances de son côté pour réussir.

Enfin, l'État devait offrir un "établissement approprié" au sens de l'art. 56 al. 5 CP. De plus, le traitement ambulatoire ne pouvait, en règle générale, excéder cinq ans (art. 63 al. 4 CP). Or, la situation ne permettait pas de conclure qu'il soit nécessaire de poursuivre la mesure pour le détourner d'autres crimes ou délits en relation avec son trouble mental. Au contraire, il s'agissait d'une prolongation de "confort", dont la motivation relevait davantage de l'incapacité de l'administration à offrir un encadrement médical approprié à atteindre le résultat recherché dans le délai maximum prévu par la loi.

b. Le TAPEM maintient les termes de son jugement.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sans formuler d'observations.

d. Le SAPEM conclut au rejet du recours.

A______ bénéficiait d'un suivi thérapeutique utile, nécessaire et adéquat auprès du SMPP depuis le 5 février 2019, dont il reconnaissait les bienfaits.

Son manque d'implication au sein de l'atelier était fondé sur les différents rapports (de l'UEC du 20 février 2023 et des G______ des 19 mai 2023 et 9 novembre 2022). S'il est vrai que A______ avait regagné en motivation et diminué ses absences injustifiées, ce changement était récent et fragile, et ne permettait pas de remettre en cause le jugement querellé.

A______ avait été condamné pour assassinat et une récidive violente avait été commise durant la détention. Il était donc essentiel que le risque de comportements violents soit réduit au maximum; c'était le principal objectif du traitement ambulatoire auquel il était soumis. Sa poursuite pour une durée de trois ans était proportionnée pour atteindre les divers objectifs thérapeutiques en cours, vu la fragilité de A______ et pour prévenir une éventuelle récidive, dont le risque était qualifié de moyen par l'UEC.

e. A______ réplique.

L'absence à laquelle le SAPEM se référait était liée à son état de santé. Il n'avait toutefois pas pu obtenir de certificat médical compte tenu de l'absence de personnel médical ces jours-là. Il persiste pour le surplus dans les termes de son recours.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision judiciaire ultérieure indépendante au sens de l'art. 363 CPP, sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_293/2012 du 21 février 2013 consid. 2; ACPR/421/2013) et émaner du condamné visé par la mesure, qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant se plaint d'une constatation incomplète des faits par l'autorité précédente (art. 393 al. 2 let. b CPP).

Comme la juridiction de céans dispose d'un plein pouvoir de cognition (art. 393 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_139/2022 du 2 mai 2022 consid. 2.2), les éventuelles lacunes entachant le jugement querellé auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-avant.

Le grief sera donc rejeté.

3.             3.1. À teneur de l'art. 63 al. 1 CP, lorsque l’auteur souffre d’un grave trouble mental, est toxico-dépendant ou qu’il souffre d’une autre addiction, le juge peut ordonner un traitement ambulatoire au lieu d’un traitement institutionnel, aux conditions suivantes : a. l’auteur a commis un acte punissable en relation avec son état; b. il est à prévoir que ce traitement le détournera de nouvelles infractions en relation avec son état.

Le traitement ambulatoire ne peut en règle générale excéder cinq ans. Si, à l'expiration de la durée maximale, il paraît nécessaire de le poursuivre pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits en relation avec son trouble mental, le juge peut, à la requête de l'autorité d'exécution, le prolonger de un à cinq ans à chaque fois (art. 63 al. 4 CP). La mesure ne prend pas fin avec l'écoulement du temps, mais dure en principe le temps nécessaire pour que son but soit atteint ou jusqu'à ce qu'il paraisse exclu qu'il puisse l'être (ATF 143 IV 445 consid. 2.2; 141 IV 236 consid. 3.5.; 141 IV 49 consid. 2.1.).

3.2. Selon l’art. 63a CP, l’autorité compétente vérifie au moins une fois par an s’il y a lieu de poursuivre le traitement ambulatoire ou de l’arrêter. Au préalable, elle entend l’auteur et demande un rapport à la personne chargée du traitement (al. 1). L'autorité compétente ordonne l’arrêt du traitement ambulatoire lorsque celui-ci s’est achevé avec succès (al. 2 let. a), si sa poursuite paraît vouée à l’échec (al. 2 let. b) ou à l’expiration de la durée légale maximale du traitement des personnes dépendantes de l’alcool, de stupéfiants ou de médicaments (al. 2 let. c).

3.3. Selon la jurisprudence, un traitement ambulatoire doit être levé lorsqu'il n'existe plus de risque que le condamné commette d'autres infractions ou que le trouble psychique ayant motivé la mise en place de la mesure a disparu. Dans le premier cas, on vise la possibilité pour l'intéressé de gérer ses problèmes de manière socialement acceptable malgré la persistance du trouble. Le second cas vise la guérison de la personne concernée, ce qui inclut une stabilisation de l'état de la personne concernée grâce aux efforts thérapeutiques (ATF 122 IV 8 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1147/2020 du 26 avril 2021 consid. 3.3.1).

Les conditions régissant la levée du traitement ambulatoire correspondent à celles prévues à l'art. 56 al. 6 CP, qui dispose qu'une mesure dont les conditions ne sont plus remplies doit être levée. Dans l'appréciation de la situation, l'autorité doit notamment examiner l'état de la personne et le risque qu'elle passe à nouveau à l'acte (L. MOREILLON / Nicolas QUELOZ / Alain MACALUSO / Nathalie DONGOIS (éds), op. cit., N. 8 ad art. 63a et l'ATF 122 IV 8 consid. 3a cité).

3.4. Selon l'art. 56 al. 2 CP, l'atteinte aux droits de la personnalité qui résulte pour l'auteur du prononcé de la mesure ne doit pas être disproportionnée au regard de la vraisemblance qu'il commette de nouvelles infractions et de leur gravité. Ce principe vaut tant pour le prononcé d'une mesure que pour sa prolongation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_109/2013 du 19 juillet 2013 consid. 4.4.1 ; 6B_826/2013 du 12 décembre 2013 consid. 2.8.1). La pesée des intérêts doit s'effectuer entre, d'une part, le danger que la mesure veut prévenir et, d'autre part, la gravité de l'atteinte aux droits de la personne concernée. L'importance de l'intérêt public à la prévention d'infractions futures doit se déterminer d'après la vraisemblance que l'auteur commette de nouvelles infractions et la gravité des infractions en question. Plus les infractions que l'auteur pourrait commettre sont graves, plus le risque qui justifie le prononcé d'une mesure peut être faible, et inversement. Quant à l'atteinte aux droits de la personnalité de l'auteur, elle dépend non seulement de la durée de la mesure, mais également des modalités de l'exécution. Plus la durée de la mesure – et avec elle la privation de liberté de la personne concernée – est longue, plus strictes seront les exigences quant au respect du principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1167/2014 du 26 août 2015 consid. 3.1 ; 6B_109/2013 du 19 juillet 2013 consid. 4.4.4 ; 6B_826/2013 du 12 décembre 2013 consid. 2.8.1). D'autre part, l'art. 56a CP rappelle que si plusieurs mesures s'avèrent appropriées, mais qu'une seule est nécessaire, le juge ordonne celle qui porte à l'auteur les atteintes les moins graves (arrêts du Tribunal fédéral 6B_950/2009 du 10 mars 2010 consid. 4 ; 6B_457/2007 du 12 novembre 2007 consid. 5.2 ; cf. déjà ATF 118 IV 108 consid. 2a p. 113 et les références citées).

3.5. En l'espèce, l'expertise psychiatrique du 13 avril 2016 – dont la pertinence et l'actualité ont été confirmés par l'expertise ultérieure du 25 janvier 2018 – a diagnostiqué le recourant comme souffrant d'un trouble grave de la personnalité de sévérité moyenne. Un traitement ambulatoire était préconisé pour réduire le risque de récidive et améliorer certains traits de sa personnalité, étant relevé que, selon le complément d'expertise du 10 novembre 2016, la dangerosité présentée par le recourant était liée à son impulsivité, sa difficulté à anticiper les conséquences de ses actes, son immaturité, le manque d'introspection et ses très faibles capacités d'empathie.

Le traitement, en place depuis presque cinq ans, progresse de manière satisfaisante et a permis au recourant de stabiliser son état psychique, progresser dans la gestion de ses émotions et de la frustration, verbaliser des remords quant aux infractions pour lesquelles il a été condamné et se montrer critique face à ses passages à l'acte, et reconnaitre son fonctionnement comme étant problématique.

Nonobstant lesdits progrès, le SMPP souligne la nécessité pour le recourant, sujet à une certaine anxiété, d'être soutenu, ce que ce dernier reconnait, verbalisant avoir des difficultés à se projeter. Les objectifs thérapeutiques visent donc à poursuivre le travail autour de son fonctionnement psychique (développement de l'image de soi, de capacités d'affirmation adaptées, de capacités empathiques, et de la gestion des émotions et des frustrations) et à lui apporter un soutien dans son quotidien ainsi que sa formation. Sur ce dernier point, indépendamment des raisons de ses absences, il apparait essentiel que le recourant travaille, dans le cadre du suivi thérapeutique, sur des thèmes pouvant influencer son investissement professionnel – présent ou futur – et a fortiori la formation entreprise, dès lors que ceux-ci ont un impact sur son projet de réinsertion, ses troubles du comportement et donc sur le risque de récidive. En outre, si le recourant préfère prioriser ses révisions ou ses appels téléphoniques à d'autres loisirs en commun durant son temps libre, ce choix implique de facto un isolement social, ce qui représente aussi un facteur de récidive.

La prolongation de la mesure pour une durée de trois ans n'apparait donc en rien disproportionnée, ce d'autant que la situation du recourant sera réexaminée lors du prochain contrôle annuel. Ainsi, l'atteinte à sa liberté personnelle engendrée par la mesure demeure raisonnable au regard de ses effets positifs sur lui et du risque de récidive qu'il continue à présenter, selon la dernière évaluation effectuée par l'UEC, en cas d'interruption du traitement. Même si la mesure a été ordonnée il y a presque cinq ans, l'amélioration de son état psychique est somme toute récente et doit encore être consolidée pour atteindre les divers objectifs thérapeutiques précités.

Le souhait du recourant à pouvoir développer une relation thérapeutique stable n'est pas incompatible avec la durée de la mesure ordonnée. En outre, l'on ne saurait suivre le recourant lorsqu'il soutient que les changements périodiques de professionnels de la santé ne lui permettraient pas d'atteindre le but visé par la mesure, dès lors que l'évolution est favorable, au regard des développements qui précèdent. Enfin, l'intéressé semble reprocher à "l'État" de ne pas lui offrir un "établissement approprié". Quoiqu'il en soit, il n'appartient pas à la Chambre de céans de désigner l'institution d'exécution de la mesure, tâche qui incombent aux autorités d'exécution (R. ROTH/ L. MOREILLON (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 51  ad art. 56 CP), ou a fortiori les praticiens.

4.             Justifié, le jugement entrepris sera donc confirmé.

5.             Le recourant demande à être assisté de Me B______ dans le cadre de la procédure de recours.

5.1.  Après la condamnation, le droit de faire appel à un avocat est reconnu mais n’est pas conçu comme la base d’une reconnaissance pour des interventions systématiques d’un défenseur pendant l’application d’une peine ou d’une mesure privative de liberté (G. PALUMBO, L’avocat dans l’exécution des peines privatives de liberté: le cas particulier de la procédure disciplinaire, in RPS 132/2014 p. 92ss, pp. 94-95).

Dans un arrêt ancien (ATF 117 Ia 277 consid. 5 p. 281), le Tribunal fédéral a reconnu que, dans l’exécution des peines, il était envisageable que le détenu soit confronté à des situations juridiques ou factuelles épineuses, ou à des questions procédurales compliquées. Il a ainsi accordé l’assistance judiciaire à un détenu parce qu’il faisait face à une situation susceptible de lui causer de graves conséquences personnelles. Il y a donc tout de même une reconnaissance du besoin du détenu d’être assisté par un avocat. Néanmoins, la protection du détenu, de ce point de vue, est nettement plus faible que celle du prévenu. Elle n’est notamment pas prévue expressément par la Convention européenne des droits de l’homme (G. PALUMBO, op. cit., p. 96; ACPR/616/2015 du 16 novembre 2015).

5.2.  Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a droit, en outre, à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1 avec référence aux ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232 s. = JdT 2006 IV 47; 120 Ia 43 consid. 2a p. 44).

5.3.  En l'espèce, eu égard aux développements qui précèdent, le recours était voué à l'échec. En outre, dans la mesure où le recourant ne conteste que la durée de la mesure thérapeutique, la cause ne présentait pas de difficulté particulière et la situation n'est pas susceptible de lui causer de graves conséquences.

Il en résulte que la demande de nomination d'un défenseur d'office doit être refusée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus de l'assistance juridique sera, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance juridique.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au TAPEM, au Ministère public et au SAPEM.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/759/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

600.00