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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22130/2022

ACPR/39/2024 du 23.01.2024 sur ONMMP/3925/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ACTE D'ORDRE SEXUEL AVEC UN ENFANT;VIOLATION DU DEVOIR D'ASSISTANCE OU D'ÉDUCATION
Normes : CPP.310; CP.187; CP.219

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22130/2022 ACPR/39/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 23 janvier 2024

 

Entre

A______, mineure représentée par sa mère B______, domiciliée ______, représentée par Me C______, avocate,

recourante,


contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 6 octobre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 19 octobre 2023, A______, représentée par sa mère, B______, recourt contre l'ordonnance du 6 octobre 2023, notifiée le 9 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur les faits visés par sa plainte du 17 octobre 2022.

La recourante conclut, sous suite de frais, à l'annulation de l'ordonnance querellée, au renvoi de la cause au Ministère public, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de CHF 4'725.30 pour ses frais de défense.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 800.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 17 octobre 2022, B______ a déposé plainte pénale, pour le compte de sa fille, A______ née le ______ 2015, à l'encontre de D______, pour des faits constitutifs, selon elle, de traitements volontairement dégradants, acte d'ordre sexuel sur un enfant de moins de 16 ans et violation du devoir d'assistance et d'éducation.

Le 12 avril 2022 à la sortie des classes, le père de A______ avait été informé par D______, remplaçant ponctuel dans la classe de leur fille, que ce dernier avait dû retirer une écharde sur ou sous la fesse de celle-ci. Interrogée sur le sujet, A______ avait expliqué à ses parents s'être enfoncé une sorte d'écharde juste sous la fesse gauche. Afin de soulager sa douleur, le maître de classe lui avait proposé de la retirer, pendant la récréation, dans la classe. Pour ce faire, il avait baissé son pantalon et sa culotte. Il avait alors aperçu des morceaux de papier toilette coincés dans ses fesses et les avaient retirés. A______ avait spontanément évoqué sa gêne à l'égard de ce geste. Si le premier morceau avait pu être retiré en position debout, pour le second, D______ lui avait demandé de se pencher en avant, les mains au sol et les fesses en l'air, cela afin d'aller le chercher "au fond".

Le 22 avril 2022, B______ avait adressé un courriel à l'enseignante titulaire de son enfant pour l'informer des faits susmentionnés, précisant ne pas douter des bonnes intentions de l'enseignant, mais estimer plus approprié de faire appel à une femme ou encore à elle-même dans ce genre de situation au vu de l'âge de sa fille.

Le 31 mai 2022, une médiation s'était tenue dans le bureau du directeur de l'école, en présence de l'infirmière, d'une personne du service de médiation scolaire, ainsi que du mis en cause. Lors de cette discussion, D______ n'avait exprimé aucune empathie à l'égard du ressenti de A______. En outre, son récit différait de celui de cette dernière et omettait des éléments importants.

Or, les faits dénoncés étaient graves et objectivés par le témoignage de A______ elle-même.

Le fait tout d'abord que D______ ait, en lieu et place de l'infirmière scolaire, décidé seul de prodiguer des soins corporels à une enfant de six ans, qui plus est dans une zone intime de son corps, était problématique. Le fait qu'il lui ait ensuite demandé, dans l'enceinte même de la classe, vraisemblablement en présence et sous les yeux d'une autre camarade, de baisser sa culotte et de se mettre dans une position humiliante, à savoir à quatre pattes, constituait en outre un traitement dégradant, mais également un acte d'ordre sexuel.

Au vu des déclarations de A______, il apparaissait que D______ avait pu apposer ses doigts non seulement autour de l'anus de l'enfant, mais vraisemblablement à l'intérieur de celui-ci, la fillette ayant avoué à sa mère que cela lui avait fait "mal au fond" et que l'intéressé avait "un petit peu enfoncé sa main pour l'attraper". Dans ces circonstances, l'on ne pouvait qualifier l'acte du mis en cause, extrêmement intrusif et porté sur une enfant de six ans, de simple maladresse ou de geste inconvenant.

En outre, les comportements adoptés par l'intéressé étaient susceptibles de compromettre le développement physique et psychique de l'enfant et pouvaient aisément être qualifiés d'atteinte à la personnalité.

b. Entendue par l'infirmière de l'école le 28 avril 2022, A______ a relaté les faits suivants.

Elle avait signalé à D______ avoir mal à l'arrière supérieure de sa cuisse gauche. Ce dernier avait alors offert de la soigner dans la classe, pendant la récréation. Il lui avait baissé son pantalon, puis sa culotte, et lui avait appliqué du froid sur la zone irritée. Elle avait continué toutefois de se plaindre de douleurs. Il avait ensuite aperçu du papier toilette coincé dans ses fesses. Il lui avait alors demandé s'il pouvait aller le chercher. Le premier morceau se trouvant tout près des fesses, il avait pu l'attraper facilement. En revanche, pour le second, il avait dû lui demander de se baisser parce qu'il était enfoncé: "(…) je crois que c'était dans le trou des fesses. (…) Il a un petit peu enfoncé sa main pour l'attraper. Ça m'a un petit peu gênée.". Elle avait vu les deux morceaux de papier toilette que le mis en cause avait jetés à la poubelle, lesquels mesuraient au maximum 5cm: "J'ai vu le 1 et après le 2. Il les a mis à la poubelle".

Elle n'avait rien dit quand D______ lui avait demandé s'il pouvait aller chercher le papier toilette dans ses fesses. À la question de savoir si elle pensait que le fait que le maître la soigne était une bonne chose, elle avait répondu "Un petit peu bien mais un petit peu pas bien, parce que ça m'a un petit peu vexé là où il est allé chercher et parce que le 2ème papier toilette bin il était plus enfoncé donc je devais mettre les mains bas et ensuite lever mes fesses. Il l'a pris avec ses mains et ensuite moi ça m'avait vexé. J'avais cru que quelqu'un était venu. E______ elle était revenue, je crois qu'elle a vu les trous des fesses parce que si on se met comme ça on voit bien les fesses".

Elle avait finalement précisé ne plus penser à cette histoire.

c. Le 9 mai 2022, la Brigade des mœurs avait été contactée par le père de A______ au sujet des faits précités. Les parents de l'enfant souhaitaient déposer plainte contre le remplaçant et faire en sorte que celui-ci ne travaille plus jamais avec des enfants. Le lendemain, ils s'étaient présentés dans les locaux de la police afin d'expliquer une nouvelle fois les faits, précisant notamment qu'une camarade de leur fille était entrée dans la classe au moment des faits et avait rigolé.

Sur question, ils avaient indiqué que leur fille allait tout à fait bien après les faits, de même que plusieurs semaines plus tard, et qu'elle n'avait pas eu peur d'aller à l'école depuis cet évènement.

d. Dans ses observations adressées à la police le 16 mai 2022, l'infirmière scolaire soulignait que le récit de A______ comportait des hésitations quant à l'évènement lié à l'écharde dans la mesure où elle disait ne pas comprendre précisément où elle avait pu l'attraper et ne l'avoir pas vue. En revanche, elle relatait l'épisode du papier toilette sans trop réfléchir, en apportant un certain nombre de détails, tout en écartant le fait de s'être mal essuyée aux toilettes.

Elle n'avait pas observé de signes liés à une profonde anxiété, détresse ou excitation émotionnelle chez A______, mais des sentiments négatifs avec une forme d'incompréhension autour de ce qu'elle disait avoir vécu, générant ainsi chez elle un certain mal-être. Malgré le fait que l'enfant disait ne plus penser à l'événement, cette situation était bien inscrite dans son esprit.

e. Entendue par la police le 15 mars 2023, A______ a expliqué, en substance, ce qui suit.

Elle avait informé D______ qu'elle avait mal sur un côté, soit plus précisément en dessous de sa fesse gauche en raison d'une écharde. Il avait alors demandé à tous les élèves de sortir à la récréation, sauf elle. Il lui avait baissé le pantalon pour appliquer du froid avec un papier. Sans le faire exprès, il avait mis du papier dans son derrière. Elle ne savait pas comment le papier était rentré dans ses fesses. Elle pensait qu'au moment de lui appliquer du froid, il avait dû mettre le papier près de sa culotte, lequel était ensuite rentré à l'intérieur. En réalité, il ne s'agissait pas de papier toilette, c'était un grand papier, sans coupures ni lignes. Il lui avait ensuite demandé s'il pouvait baisser sa culotte pour aller chercher le papier et elle avait dit oui. Il lui avait demandé de se baisser avec ses mains par terre pour qu'il puisse aller chercher le papier "au fond" car deux morceaux ne voulaient pas sortir. Elle avait senti quand il avait tiré le papier. Elle avait été gênée tout du long car elle n'aimait pas qu'il touche ses parties intimes.

f.a. Entendu par la police le 31 mars 2023, D______ a expliqué que A______ s'était plainte de douleur au niveau de sa fesse peu de temps avant la récréation. En regardant, il avait aperçu une rougeur et une écharde qu'il avait alors retirée avec les doigts, de même qu'un bout de papier toilette au niveau des fesses.

Avec la permission de l'enfant, il avait retiré son pantalon et baissé sa culotte. Il avait toujours su que ce n'était pas une posture adéquate pour un enseignant, mais n'y avait pas pensé sur le moment souhaitant venir en aide à l'élève. Ensuite, il avait apposé du papier humide pour calmer l'irritation et pressé sur la zone où l'écharde était visible, à savoir sur le bas de la fesse droite, vers la raie des fesses. Le papier se trouvait entre ses fesses, soit pris dans la raie des fesses et dépassait un peu sur la fesse droite. Le papier était déjà présent quand il lui avait baissé la culotte, ce n'était pas lui qui avait déposé ce papier. Il avait dû s'y reprendre à deux fois pour le lui enlever, car il s'était déchiré la première fois qu'il avait tiré dessus. Il ne se souvenait pas s'il lui avait demandé de se baisser ou non. Elle était debout quand il lui avait enlevé le papier. Tout cela s'était passé en classe et avait duré environ cinq minutes. Il n'y avait personne d'autre dans la pièce au moment des faits, à l'exception d'un enfant qui était venu prendre quelque chose et qui était ressorti.

Sa posture n'avait pas été adéquate et il avait fait preuve d'une erreur de jugement assez grave. Il regrettait beaucoup l'impact que cela avait eu sur la famille de A______ et espérait que cette dernière avait pu passer à autre chose. C'était une situation qu'il ne reproduirait plus jamais. Il avait d'ailleurs renoncé à travailler dans le primaire. S'il n'avait pas pu voir qu'il mettait cet enfant dans une situation stressante, il n'avait peut-être pas les compétences ni la formation nécessaire pour travailler dans ce milieu. Quoi qu'il en soit, le Département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après: DIP) avait décidé d'arrêter de recourir à ses services pour des remplacements.

Il n'avait pas ressenti d'excitation lors de cet acte et ne se sentait pas attiré par les enfants.

f.b. Par courrier du 13 juin 2022, le DIP informait le mis en cause qu'il ne ferait plus appel à ses services. En effet, et bien que ce dernier reconnaisse les faits et la nature inadéquate de son comportement, il n'avait pas su garder la distance adéquate qu'un enseignant, même remplaçant, se devait de tenir avec les élèves.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public constate qu'aucun élément figurant à la procédure ne permettait de soupçonner que D______ avait fait subir un acte d'ordre sexuel à A______. Les déclarations de l'intéressé concordaient avec la description faite par l'enfant des évènements. Si le fait que le mis en cause avait lui-même retiré l'écharde qui faisait mal à l'enfant, puis, le papier coincé entre ses fesses, pouvait être considéré comme inadéquat, ce qu'il reconnaissait, un tel comportement ne constituait pas un acte d'ordre sexuel, cette condition objective de l'infraction à l'art. 187 ch. 1 CP faisant ainsi défaut.

Par ailleurs, rien ne laissait supposer que le développement physique ou psychique de A______ avait été mis en danger par D______. Les parents de l'enfant avaient en effet indiqué que leur fille allait tout à fait bien après les faits, de même que quelques mois plus tard. A______ n'avait en outre exprimé aucune crainte de retourner à l'école. Une violation du devoir d'assistance ou d'éducation n'était dès lors pas établie.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte du 17 octobre 2022.

Contrairement à ce qui figurait dans l'ordonnance querellée, les bouts de papier n'étaient pas collés sur ses fesses, mais se trouvaient dans ses fesses, soit vers son anus. Le fait que ces morceaux étaient tout petits corroborait le fait qu'elle se soit retrouvée mains au sol, les fesses, en l'air, écartées, afin que D______ puisse y accéder. Elle n'avait pas consenti à ces gestes et n'avait eu de cesse de répéter que cet évènement l'avait gênée. Au vu de son jeune âge, elle ne pouvait vraisemblablement pas s'opposer à cette figure d'autorité. Le fait qu'elle allait bien ne signifiait pas qu'elle n'avait pas été victime des agissements de D______.

Il était par ailleurs surprenant qu'au moment où le mis en cause avait raconté à son père qu'une écharde lui avait été retirée, il n'ait pas précisé que celle-ci se trouvait au niveau de ses fesses et qu'elle s'était retrouvée culotte baissée et fesses écartées dans une salle de classe.

Finalement, le Ministère public avait lui-même reconnu que le comportement de l'intéressé était inadéquat et que son geste était inapproprié. En outre, le mis en cause avait de lui-même décidé de ne plus travailler avec les enfants, le DIP ayant également indiqué ne plus recourir à ses services.

Au vu de ces considérations, une mise en accusation se justifiait, les éléments constitutifs objectifs des infractions aux art. 187 al. 1 et 219 CP étant réalisés.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante se plaint du refus du Ministère public d'entrer en matière sur les faits dénoncés dans sa plainte du 17 octobre 2022.

3.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 310).

La non-entrée en matière peut également résulter de motifs juridiques. La question de savoir si les faits qui sont portés à sa connaissance constituent une infraction à la loi pénale doit être examinée d'office par le ministère public. Des motifs juridiques de non-entrée en matière existent lorsqu'il apparaît d'emblée que le comportement dénoncé n'est pas punissable (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 10 ad art. 310).

3.2.1. L'art. 187 ch. 1 CP punit celui qui aura commis un acte d'ordre sexuel sur un enfant de moins de 16 ans (al. 1), celui qui aura entraîné un enfant de cet âge à commettre un acte d'ordre sexuel (al. 2) et celui qui aura mêlé un enfant de cet âge à un acte d'ordre sexuel (al. 3).

Par acte d'ordre sexuel, il faut entendre une activité corporelle sur soi-même ou sur autrui qui tend à l'excitation ou à la jouissance sexuelle de l'un des participants au moins. Selon la jurisprudence, il faut d'abord distinguer les actes n'ayant aucune apparence sexuelle, qui ne tombent pas sous le coup de la loi, des actes clairement connotés sexuellement du point de vue de l'observateur neutre, qui remplissent toujours la condition objective de l'infraction, indépendamment des mobiles de l'auteur ou de la signification que le comportement a pour celui-ci ou pour la victime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1122/2018 du 29 janvier 2019 consid. 3.2 et les références citées). Les comportements simplement inconvenants, inappropriés, indécents, de mauvais goût, impudiques ou désagréables, doivent demeurer hors du champ des actes pénalement répréhensibles (ATF 125 IV 58 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_744/2016 du 1er mars 2017 consid. 3.2). Dans les cas équivoques, qui n'apparaissent extérieurement ni neutres, ni clairement connotés sexuellement, une appréciation objective de l'ensemble des circonstances est requise, l'acte incriminé devant porter clairement atteinte au bien juridique protégé par la disposition légale, soit le développement sexuel non perturbé de l'enfant. Il convient alors de tenir compte de l'ensemble des éléments d'espèce, notamment de l'âge de la victime ou de sa différence d'âge avec l'auteur, de la durée de l'acte et de son intensité, ainsi que du lieu choisi par l'auteur (ATF 125 IV 58 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1122/2018 du 29 janvier 2019 consid. 3.2 et les références citées). L'acte incriminé doit porter clairement atteinte au bien juridique protégé par la disposition légale applicable ; une certaine gravité est ainsi nécessaire (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 14 ad art. 187).

La notion d'acte d'ordre sexuel doit être interprétée plus largement lorsque la victime est un enfant. Dans ce cas, il faut se demander si l'acte, qui doit revêtir un caractère sexuel indiscutable, est de nature à perturber l'enfant (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1122/2018 du 29 janvier 2019 consid. 3.2).

3.2.2. D'un point de vue subjectif, l'auteur d'un acte d'ordre sexuel doit agir intentionnellement. Il faut qu'il soit conscient du caractère sexuel de son comportement, mais ses motifs ne sont pas déterminants, de sorte qu'il importe peu que l'acte tende ou non à l'excitation ou à la jouissance sexuelle (arrêts du Tribunal fédéral 6B_180/2018 du 12 juin 2018 consid. 3.1 et les références; 6B_288/2017 du 19 janvier 2018 consid. 5.1).

3.3. Selon l'art. 219 al. 1 CP est punissable quiconque viole son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il met ainsi en danger le développement physique ou psychique, ou qui manque à ce devoir.

L'infraction est un délit de mise en danger concrète du développement physique ou psychique du mineur. Il n'est donc pas nécessaire que le comportement de l'auteur aboutisse à un résultat. Toutefois, la simple possibilité abstraite d'une atteinte ne suffit pas ; il faut que cette atteinte apparaisse à tout le moins vraisemblable dans le cas concret (ATF 126 IV 136 consid. 1b).

Il n'est pas exigé que l'atteinte dont la vraisemblance est constatée soit grave. En pratique, il est souvent difficile de déterminer à partir de quand il y a un risque pour le développement du mineur. En particulier, il est ardu de distinguer les atteintes qui relèvent de l'art. 219 CP des traumatismes qui font partie de la vie de tout enfant. Ainsi, il convient d'interpréter cette disposition de manière restrictive et d'en limiter l'application aux cas manifestes (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 12 ad art. 219).

L'art. 219 CP ne doit pas être retenu dans tous les cas d'atteinte à l'intégrité corporelle, à la liberté ou à l'intégrité sexuelle. Il faut que des séquelles durables d'ordre physique ou psychique apparaissent vraisemblables, de telle sorte que le développement du mineur soit mis en danger. Il faut ainsi que l'auteur agisse en principe de façon répétée ou qu'il viole durablement son devoir d'éducation. Toutefois, on ne peut exclure de manière absolue qu'un seul acte grave suffise pour que des séquelles durables risquent d'affecter le développement du mineur. Toutes les circonstances de l'espèce doivent être prises en considération (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 13 ad art. 219; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 16 ad art. 219 et les références citées).

3.4.1. En l'espèce, le comportement reproché à D______, soit le fait d'avoir baissé le pantalon et la culotte d'une fillette de six ans, puis de lui avoir enlevé du papier toilette coincé entre les fesses, peut constituer, conformément à la jurisprudence précitée, un cas équivoque, de sorte qu'il convient d'examiner les circonstances entourant le comportement dénoncé et la justification apportée à celui-ci.

En l'occurrence, D______ admet avoir baissé le pantalon et la culotte de la recourante, afin, selon lui, de retirer une écharde, ainsi que du papier toilette coincé entre ses fesses. S'il reconnaît que son comportement était inadéquat, il l'explique toutefois par sa volonté de venir en aide à l'élève, contestant avoir ressenti une quelconque excitation durant l'acte.

Selon les propres déclarations de l'enfant, celle-ci avait sollicité le mis en cause en raison de douleurs qu'elle situait en dessous de l'une de ses fesses. Ce dernier avait alors baissé son pantalon, puis, avec son accord, sa culotte, et lui avait appliqué du froid sur la zone irritée avant de s'apercevoir que du papier toilette était coincé entre ses fesses. Dans la mesure où la recourante a confirmé que l'intéressé avait bien retiré du papier de ses fesses, qu'il avait ensuite jeté à la poubelle, les versions des protagonistes coïncident, aucun élément au dossier ne permettant d'affirmer que le mis en cause aurait pu profiter de ce geste pour mettre ses doigts à l'intérieur de l'anus de l'enfant.

Partant, compte tenu du contexte décrit de façon concordante par l'intéressé et la fillette, aucun élément ne permet de retenir que le geste effectué par le mis en cause avait une connotation sexuelle, que ce soit sous l'angle objectif ou subjectif.

En conséquence, et même s'il importe de reconnaître que le comportement adopté par D______ était manifestement inadéquat, ce quelle que soit la position dans laquelle la fillette se serait trouvée au moment du geste litigieux, il ne tombe pas sous le coup de l'art. 187 CP.

On ne voit pas quels actes d'instruction permettraient de parvenir à une conclusion contraire. Tant la plaignante que le mis en cause ont été entendus, de sorte que la vraisemblance qu'ils maintiennent leurs déclarations est pratiquement certaine. De surcroît, une nouvelle audition de la recourante ne serait pas recommandée au vu de son jeune âge, de même que sa confrontation avec l'intéressé. Quant à l'éventuelle audition de la camarade de classe de la recourante, celle-ci ne paraît pas probante, sa présence tout au long des faits n'étant pas avérée. Quand bien même, son témoignage ne pourrait que confirmer les versions concordantes des intéressés dont on a vu qu'elles ne permettaient pas de retenir une infraction à l'art. 187 CP.

3.4.2. S'agissant de la violation alléguée de l'art. 219 CP, il n'apparait pas que les actes dénoncés auraient durablement mis en danger le développement physique ou psychique de la plaignante. En effet, l'intervention de l'intéressé n'a eu lieu qu'à une seule reprise et durant un laps de temps relativement court. Les parents de l'enfant ont d'ailleurs indiqué à la police que leur fille allait très bien après les faits et qu'elle n'avait pas eu peur de retourner à l'école. A______ avait également dit à l'infirmière scolaire ne plus penser à cette histoire.

Par ailleurs, et bien que cette dernière relève un certain mal-être chez A______ par rapport aux événements vécus, elle a également indiqué ne pas avoir observé de signes liés à une profonde anxiété, détresse ou excitation émotionnelle chez elle, de sorte qu'il apparaît que la recourante n'a pas souffert de séquelles durables en raison des faits dénoncés.

Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que le Ministère public, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation qui est le sien, a décidé de ne pas entrer en matière sur cette infraction.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______, soit pour elle sa mère B______, aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 800.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour elle, son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22130/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00