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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7785/2023

ACPR/19/2024 du 15.01.2024 sur OTMC/3733/2023 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE RÉCIDIVE;EXPERTISE
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7785/2023 ACPR/19/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 15 janvier 2024

Entre

A______, actuellement détenue à la prison de B______, représentée par Me C______, avocat,

recourante,

 

contre l’ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 12 décembre 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565 - 1211 Genève 3

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 22 décembre 2023, A______ recourt contre l’ordonnance du 12 décembre 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a autorisé la prolongation de sa détention provisoire jusqu’au 17 mars 2024.

Elle conclut à sa libération immédiate, subsidiairement avec des mesures de substitution, qu'elle propose; et, plus subsidiairement encore, à une prolongation de détention limitée au 31 janvier 2024 et qu'il soit dit qu'il n'y aura plus d'autre prolongation ainsi qu'au constat de la violation du principe de la célérité.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.        À teneur du rapport de renseignements du 7 avril 2023, la police est intervenue au domicile des époux D______ et A______, à E______ [GE], car des cris avaient été entendus provenant d'un appartement et un couteau (de cuisine, lame de 18 cm) avait été lancé depuis la fenêtre. Dans l'appartement se trouvaient, outre le couple, quatre enfants soit G______ (né en 2006; fils d'une précédente union de D______), F______ (né en 2014), H______ (née 2016) et I______ (né en 2018 et qui est autiste).

D______ n'a pas souhaité déposer plainte contre sa femme. Son couple traversait des difficultés depuis que le diagnostic d'autisme avait été établi pour I______. Sa femme s'était, alors, mise à consommer de l'alcool de plus en plus régulièrement jusqu'à en devenir violente.

b.        Le 24 avril 2023, le Procureur a prévenu A______, ressortissante paraguayenne née en 1984 et titulaire d'un permis B, de menaces (art. 180 al. 1 et 2 let. a CP), voies de faits (art. 126 al. 1 et 2 let. a CP) et violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP), pour avoir le 29 mars 2023, au domicile familial, alors qu'elle avait consommé de l'alcool :

- saisi un couteau de cuisine, dont la lame mesurait environ 18 cm, et menacé son époux, D______, au moyen de celui-ci, avant de hurler et de jeter ledit couteau par la fenêtre, effrayant le précité;

- attrapé et déchiré les vêtements de D______, causant de la sorte une griffure sur le torse de son époux, attestée par constat médical;

- agi de la sorte devant G______, le fils de D______, ainsi que devant leur fils F______, mettant ainsi en danger leur développement psychique;

- à des dates indéterminées avant le 29 mars 2023, au domicile familial, alors qu'elle avait consommé de l'alcool, griffé et déchiré les vêtements de D______.

c.         À teneur du rapport d'interpellation du 21 mai 2023 et de renseignements du lendemain, la police était intervenue au domicile des époux A______/D______, pour un conflit de couple, à la demande du fils aîné. Elle s'est trouvée face à A______, qui présentait des signes d'ébriété avancés (0.85mg/L). Les quatre enfants étaient présents dans le logement. Depuis le 8 octobre 2021, la police avait été sollicitée à sept reprises, principalement en raison de l'état d'alcoolisation de A______.

d.        Le 20 juin 2023, le Procureur a prévenu A______ de dommages à la propriété (art. 144 CP), lésions corporelles simples (art. 123 CP), injure (art. 177 CP) et violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP), pour avoir le 21 mai 2023, vers 16h30, au domicile conjugal, au cours d'une dispute avec son mari:

saisi et déchiré le col du t-shirt de D______;

griffé D______ au pectoral droit;

alors que ce dernier l'avait repoussée des deux mains, saisi le tiroir d'une commode et frappé D______ au bras droit, lui causant un hématome;

traité D______ de "sale con", portant ainsi atteinte à son honneur;

le tout en présence de G______ et F______, mettant en danger leur développement psychique.

e.         Le 22 juin 2023, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après, TPAE) a ordonné, sur mesures superprovisionnelles, notamment, le retrait de garde aux parents sur les trois enfants du couple et leur placement dans un foyer.

f.         Le 19 juillet 2023, le Procureur, qui avait ordonné, le 3 précédent, la suspension de la procédure (art. 55a CP) pour une durée de 6 mois, l'a reprise.

g.        À teneur des rapports d'interpellation et d'arrestation du 18 juillet 2023, lors de l'intervention de la police, le 18 juillet 2023 à 3h.15, un incendie s'était déclaré dans l'appartement de A______, situé au 1er étage de l'immeuble; une émanation de fumée épaisse avait gagné l'ensemble du bâtiment; vingt et un habitants de l'immeuble avaient été incommodés par la fumée et deux d'entre eux avaient été conduits aux urgences des HUG pour des contrôles approfondis.

A______, qui présentait un taux d'alcool dans le sang de 1.03mg/l, a spontanément déclaré avoir allumé une bougie sur la table de la salle de séjour avant de sortir vider les poubelles. À son retour, son appartement était en feu et elle était dans l'impossibilité d'y pénétrer à cause de l'épaisse fumée.

Au vu des premières constatations du SIS, il semblait que plusieurs départs de feu distincts s'étaient déclarés de manière quasi instantanée dans l'appartement. En outre, un chalumeau avait été retrouvé sur place.

h.        Le 18 juillet 2023, A______ a été prévenue d'incendie intentionnel (art. 221 al. 1 voire al. 2 CP). Elle a déclaré avoir allumé des bougies dans chacune des pièces de l'appartement. Elle ignorait la manière dont le feu avait pu se déclencher simultanément dans les diverses chambres. Elle n'avait pas d'explication s'agissant du chalumeau retrouvé dans la chambre à coucher. Elle était seule dans l'appartement, ses enfants ayant été placés en foyer et I______ à l'hôpital et son mari étant en vacances; elle était très triste de cette situation.

i.          Lors de l'audience du 16 août 2023, D______ a déclaré que sa femme s'était très bien occupée de son fils et de leur premier enfant. Elle buvait depuis longtemps, sans que cela soit problématique. Lorsque I______ avait eu un an et qu'ils avaient appris qu'il était autiste, la consommation d'alcool de la prévenue était devenue problématique. Le soir de l'incendie, lors d'une conversation téléphonique, alors qu'il était en vacances avec les enfants, il lui avait dit qu'ils allaient dormir et qu'elle devait les laisser tranquilles, elle lui avait dit qu'elle allait mettre le feu; il pensait qu'elle avait fait une crise de jalousie parce qu'il était en vacances avec les enfants et pas elle.

A______ a déclaré que, quelques jours avant qu'il ne parte en vacances, son mari lui avait dit qu'il était en train de planifier qu'elle quitte la maison. À la question de savoir si le soir de l'incendie, elle avait dit à son mari qu'elle allait mettre le feu, elle a répondu "non; je ne me souviens pas." Elle était dépressive, raison pour laquelle elle buvait de l'alcool.

j.          Le 19 juillet 2023, le TMC a ordonné la mise en détention provisoire de A______ pour risque de réitération, et a prolongé la détention jusqu'au 17 décembre 2023.

k.        Dans son rapport du 28 août 2023, la BPTS a situé six origines distinctes et espacées sur le dessus des cinq lits situés dans les chambres de l'appartement ainsi que sur le canapé dans la pièce salon/cuisine; seule une intervention humaine volontaire pouvait être la cause de ces départs de feu, les différentes calcinations constatées excluant une propagation du sinistre d'une pièce vers une autre.

l.          Par courrier du 28 août 2023, le SPMI a informé le Ministère public que : "en parlant des visites avec leur père, H______ a soulevé [auprès d'une intervenante du Service] le fait qu'ils n'avaient plus de maison à cause du feu et qu'elle ne comprenait pas comment cela pouvait être à cause d'une bougie. Elle a ajouté à cela que la veille de l'incendie, les époux A______/D______ étaient au téléphone, en caméra, à côté d'elle (c'était pendant la semaine de vacances accordée à Monsieur D______ avec H______ et F______). H______ a remonté que : "maman a dit qu'elle allait brûler l'appartement, papa il pensait qu'elle le ferait pas alors il lui a dit"vas-y"".

m.      Le 29 août 2023, le Ministère public a ordonné l'expertise psychiatrique de A______. Les experts ont sollicité un premier délai à fin novembre, puis à fin décembre 2023. Ils ont annoncé le dépôt du rapport la semaine du 8 janvier 2024.

C.           a. Dans l’ordonnance attaquée, le TMC retient que les charges graves demeurent suffisantes pour justifier le maintien en détention provisoire de la prévenue, vu les constatations de police et les déclarations de D______, les dénégations de l'intéressée n'emportant pas conviction.

L'instruction se poursuivait, le Ministère public étant dans l'attente du rapport d'expertise psychiatrique, lequel devait être remis prochainement. Le renvoi en jugement interviendrait après que les parties auront pu se prononcer sur les conclusions de l'expertise, et les experts éventuellement entendus. Ainsi, à réception du rapport, voire après audition des experts, le Ministère public serait à même d'apprécier si un maintien en détention provisoire se justifie, ou si une libération assortie de mesures de substitution ou une exécution anticipée de mesures est possible.

Le risque de réitération de nouvelles infractions susceptibles de mettre gravement en danger la sécurité et la santé d'autrui était tangible, compte tenu de la consommation excessive d'alcool par la prévenue et de l'absence totale de prise de conscience de la gravité de ses actes, sa situation s'étant péjorée ces derniers mois, tous les faits qui lui étaient reprochés étant en lien avec l'alcool. L'intéressée était dans un déni manifeste de son problème d'addiction à l'alcool, ce qui aggravait ce risque. Ses actes semblaient liés également à l'évolution négative de sa situation familiale, qui restait inchangée, les enfants étant toujours placés en foyer.

L'expertise psychiatrique devait déterminer le degré de dangerosité de la prévenue, l'intensité du risque de récidive, l'impact de sa dépendance à l'alcool ainsi que les éventuelles mesures à même de pallier ce risque. Aucune mesure de substitution n'était apte à pallier le risque de réitération en l'état; le suivi thérapeutique auquel la prévenue avait déclaré s'être soumise n'avait eu que peu d'effets, compte tenu du taux d'alcool qu'elle présentait immédiatement après les faits, de sorte qu'un tel suivi ne paraissait pas à même de réduire le risque de récidive.

Le principe de proportionnalité de la détention provisoire demeurait largement respecté.

b. À l’appui de son recours, A______ considère que la prolongation de la détention viole le principe de la célérité, sachant qu'elle reposait principalement sur le motif qu'une expertise psychiatrique serait nécessaire pour prononcer une remise en liberté, alors que le délai pour le dépôt avait été repoussé à la demande des experts. La procédure ne nécessitait aucune autre mesure d'instruction. Sa détention était devenue contreproductive, faute de lui permettre de débuter sa réinsertion et d'organiser son suivi médical à l'extérieur.

Elle conteste également l'existence d'un risque de réitération. Elle n'avait pas d'antécédent judiciaire. L'épisode de l'incendie était un incident isolé et n'était pas uniquement lié à une consommation d'alcool, mais également au contexte familial chaotique, qui avait nécessité l'intervention du TPAE et du SPMi. Depuis, les enfants étaient placés dans un foyer; D______ s'était vu attribuer un logement individuel tandis qu'elle-même pourrait loger chez sa sœur. En outre, elle n'avait jamais nié rencontrer des difficultés en lien avec sa consommation d'alcool et effectuait un suivi, notamment au CAPPI J______ et au CAAP K______. Enfin, la peine concrètement encourue était possiblement atteinte.

c. Le TMC maintient sa décision sans autres observations.

d. Le Ministère public propose de rejeter le recours. La consommation d'alcool de la recourante était hors de contrôle. L'ensemble des faits reprochés à A______ était lié d'une part à cette consommation, alors qu'elle faisait l'objet d'un suivi au CAAP, et d'autre part à sa situation familiale difficile. Elle semblait avoir agi à chaque fois de manière impulsive et violente pour répondre à une contrariété. L'existence d'un trouble mental lié à sa consommation ou déclenché par cette dernière ne pouvait être exclu. Le risque de récidive d'infractions contre l'intégrité corporelle, le patrimoine ou la sécurité collective était présent. Il l'était d'autant plus que, même en cas de libération, sa situation familiale ne s'améliorerait pas instantanément et qu'elle devrait faire face à d'autres contrariétés à l'avenir. En l'état de la procédure, il n'était pas possible de déterminer si le trouble de A______ pouvait être contenu et de quelle manière. Aucune mesure de substitution apte à pallier le risque de réitération ne pouvait être envisagée à ce stade.
Seule l'expertise permettrait d'éventuellement envisager une alternative à la détention provisoire, en fonction de ses résultats.

La durée de la détention respectait le principe de la proportionnalité au vu de la peine concrètement encourue; en effet, si les soupçons du Ministère public devaient se confirmer, elle serait passible d'une peine privative de liberté supérieure à une année (art. 221 al. 1 CP).

Il était dans l'attente du rapport d'expertise pour poursuivre l'instruction de la responsabilité pénale de A______ au moment des faits et les éventuelles mesures qui pourraient être envisagées. Si des reports de délai avaient été sollicités par les experts, la durée de l'établissement de leur rapport restait en adéquation avec les durées usuelles pour la reddition de ce genre de rapport.

e. A______ réplique en précisant que le Ministère public n'avait pas jugé utile de demander sa mise en détention provisoire ni d'ordonner des mesures de substitution à la suite des premières mises en prévention; c'était ainsi bien la prévention d'incendie qui avait motivé son arrestation.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 384 let. b et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             S'agissant des charges, au sens de l'art. 221 al. 1 CPP, la recourante ne les conteste pas. Il peut donc être renvoyé à la motivation du premier juge sur ce point, étant précisé que la prévention d'incendie intentionnel suffit à fonder la détention provisoire.

3.             La recourante estime ne présenter aucun risque de réitération.

3.1.       Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.2 ; 137 IV 84 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_413/2019 du 11 septembre 2019 consid. 3.1). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné – avec une probabilité confinant à la certitude – de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1). Une expertise psychiatrique se prononçant sur ce risque n'est cependant pas nécessaire dans tous les cas (ATF 143 IV 9 consid. 2.8).

3.2.       En l’espèce, la prévention du risque de récidive doit sans conteste permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle de la recourante. Cette dernière a, que ce soit avec un chalumeau ou des bougies, mis le feu à son appartement par des départs simultanés. Cet incendie a aussi entraîné une mise en danger collective des vingt et un habitants de l'immeuble. La recourante était alors sous l'emprise de l'alcool; cette emprise existe depuis plusieurs mois sans qu'un suivi au CAAP n'ait empêché le passage à l'acte. Le danger de récidive est donc concret.

4.             Aucune des mesures de substitution suggérées par la recourante (interdiction de consommer de l'alcool et obligation de se soumettre à des tests inopinés d'abstinence aux boissons alcoolisées; obligation de poursuivre un traitement thérapeutique assidu, notamment concernant la consommation d'alcool auprès du Service d'addictologie des Hôpitaux universitaires de Genève) n'est en l'état de nature à pallier ce risque, vu l'absence de succès du suivi thérapeutique déjà entrepris.

Seule l'expertise psychiatrique, dont le rapport doit être déposé incessamment, permettra d'apprécier l'ampleur de ce risque et les mesures pour le pallier. Il conviendra alors de déterminer si une mise en liberté est envisageable et sous quelles mesures de substitution.

5.             Le principe de proportionnalité (art. 212 al. 3 CPP) n’apparaît pas enfreint. Si la recourante – détenue depuis le 18 juillet 2023 – devait être condamnée pour toutes les préventions retenues contre elle, la durée, à ce jour, de sa détention avant jugement n’atteindrait pas encore la peine à laquelle elle pourrait être concrètement exposée, et ce, quelle que soit l’infraction qui serait retenue contre elle en concours avec l’incendie intentionnel.

6.             La recourante se plaint de la violation du principe de la célérité.

6.1. L'art. 29 al. 1 Cst. dispose que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.

À teneur de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Lorsque le prévenu est détenu, la procédure est conduite en priorité (art. 5 al. 2 CPP).

Le grief de violation du principe de la célérité ne doit être examiné, lors du contrôle judiciaire de la détention, que pour autant que le retard dans la procédure soit propre à mettre en cause la légalité de la détention provisoire et donc à justifier un élargissement. N'importe quel retard n'est cependant pas suffisant. Il doit s'agir d'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 140 IV 74 consid. 3.2; 137 IV 118 consid. 2.1; 137 IV 92 consid. 3.1 et les arrêts cités). La diligence consacrée à une instruction pénale ne s'apprécie pas seulement à l'aune du nombre ou de la fréquence des audiences d'instruction (ACPR/339/2020 du 22 mai 2020 consid. 5.2.; ACPR/196/2018 du 4 avril 2018 consid. 5.2.; ACPR/373/2013 du 7 août 2013 consid. 3.3.). On ne saurait ainsi reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure.

La violation éventuelle du principe de la célérité n'entraîne pas la libération immédiate du détenu lorsque la détention demeure matériellement justifiée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1B_150/2012 du 30 mars 2012 consid. 3.3; 1B_44/2012 consid. 4 et 5).

6.2. En l'espèce, la procédure ne viole pas le principe de la célérité. Aucun retard ne peut être reproché au Procureur qui n'est pas responsable des délais sollicités par les experts. Le délai pris pour la reddition d'un rapport d'expertise reste dans la norme.

7.             Le recours sera par conséquent rejeté. La recourante supportera les frais de l'instance, qui comprendront un émolument de CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

8.             La recourante plaide au bénéfice d'une défense d'office.

8.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

8.2. En l'occurrence, quand bien même la recourante succombe, on peut admettre que l'exercice de ce premier recours ne procède pas d'un abus.

9.             L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprendront un émolument de CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son défenseur, au Tribunal des mesures de contrainte et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

P/7785/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10 03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'000.00

Total

CHF

1'085.00