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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21613/2021

ACPR/888/2023 du 13.11.2023 sur ONMMP/2912/2023 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;LÉSION CORPORELLE;VIOLENCE DOMESTIQUE;VICTIME;HOMME;SOUPÇON
Normes : CPP.310; CP.123

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21613/2021 ACPR/888/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 13 novembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière et de refus de réquisitions de preuve, ainsi que contre l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite, rendues le 20 juillet 2023 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 27 juillet 2023, A______ recourt contre les ordonnances du 20 juillet 2023, communiquées sous pli simple, par lesquelles le Ministère public a, pour l'une, refusé ses réquisitions de preuve et refusé d'entrer en matière sur sa plainte contre son épouse, et, pour l'autre, refusé sa demande d'assistance judiciaire gratuite.

Le recourant conclut, préalablement, à être dispensé des frais de la procédure, et, principalement, à l'annulation des ordonnances susmentionnées, au renvoi de la cause au Ministère public pour complément d'instruction et à l'octroi de l'assistance juridique gratuite avec effet au 8 novembre 2021.

b. Dans son rapport du 8 septembre 2023, le Greffe de l'assistance juridique a constaté que A______ ne pouvait, en raison de sa situation financière, faire face aux honoraires d'un avocat. Le recourant a ainsi été dispensé, par la Direction de la procédure, du versement des sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 8 octobre 2021, A______, né en 1985, de nationalité péruvienne et titulaire d'un permis de séjour, s'est présenté au poste de police, où il a été entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements. En substance, il a exposé avoir épousé en 2015, au Pérou, C______, ressortissante espagnole et péruvienne (titulaire d'un permis d'établissement en Suisse) née en 1970, et l'avoir rejointe en Suisse en 2017. Leur relation était "tourmentée". Lorsqu'ils étaient au Pérou, elle le frappait "déjà" et cela n'avait pas changé à son arrivée en Suisse. Chaque semaine, elle lui donnait des coups de poing à divers endroits du corps, y compris au visage, surtout lorsqu'elle buvait de l'alcool. En 2018, elle l'avait frappé avec un talon au niveau de la tête. Il avait saigné, mais n'avait pas consulté de médecin, car il n'avait pas encore de permis. Il vivait toujours avec la précitée, qui le menaçait de le dénoncer s'il abandonnait le domicile conjugal.

A______ a précisé ne pas souhaiter porter plainte pour ces faits.

b. Entendue le même jour par la police, C______ a expliqué que sa relation avec A______ était très conflictuelle depuis deux ans, car lorsque le précité buvait, il devenait agressif. Il l'insultait souvent et lui avait craché au visage environ un mois plus tôt. Dès le début de leur relation, elle avait eu des informations selon lesquelles il la trompait, et il était d'ailleurs père de trois enfants de mères différentes, au Pérou. Elle avait effectivement lancé une chaussure en direction du précité, mais pas en 2018, cela s'était passé au Pérou, à une date dont elle ne se souvenait pas ; il n'avait pas été blessé. Elle ne l'avait jamais frappé et n'en aurait d'ailleurs pas la force [physique].

c. Par courrier daté du 8 novembre 2021, A______ a déposé plainte contre C______ pour injures, menaces, lésions corporelles simples, subsidiairement voies de fait, contrainte, subsidiairement extorsion et chantage, et dénonciation calomnieuse. Il a également déposé plainte contre D______ – la sœur de son épouse – pour menaces, traite d'êtres humains, subsidiairement usure, atteinte astucieuse aux intérêts pécuniaires d'autrui et détournement de retenues sur salaires.

En substance, il a expliqué qu'après son arrivée à Genève en 2017, il avait régulièrement été menacé par son épouse. Chaque fois qu'ils avaient une discussion au sujet de ses filles [nées d'une autre relation, au Pérou], ou qu'il sortait, il y avait une dispute et la précitée lui donnait des coups de poing au visage ou des gifles, lui disant "je vais te faire jeter, sal[e] chien de merde". Il a produit à cet effet trois photographies, non datées, sur lesquelles il présente une tuméfaction à un œil (première photo), des rougeurs sur un côté du visage (deuxième photo) et un hématome sur une partie indéterminée du corps (troisième photo). En 2017, il avait commencé à travailler dans le restaurant tenu par la sœur de son épouse, pour un salaire mensuel de CHF 600.- qui avait ensuite été augmenté, en dernier lieu à CHF 1'000.-. Son épouse lui disait qu'elle dénoncerait sa situation irrégulière en Suisse s'il se plaignait d'elle ou de ses conditions de travail. En avril 2017, les coups, les insultes et les menaces de la part de C______ s'étaient intensifiés. Elle l'avait frappé une fois à l'aide d'un talon jusqu'à ce qu'il saigne.

Par ailleurs, dans le cadre de la demande de regroupement familial qui avait été déposée [en faveur de ses filles, cf. B.g. infra], il avait appris que son épouse avait déclaré aux autorités qu'il était arrivé en Suisse le 5 octobre 2019, ce qui était faux.

Du 15 février à septembre 2020, ils avaient hébergé son cousin, E______, lequel avait été témoin des violences qu'il subissait. En août 2020, il s'était finalement résolu à demander de l'aide à [l'association] F______, sur conseil du dénommé G______, qui avait vu des marques sur son visage et sur l'un de ses bras. Son épouse l'avait plusieurs fois menacé de le faire expulser de Suisse, s'il la quittait, ou de le dénoncer pour vol. Au début du mois d'octobre 2021, lorsqu'il avait annoncé à C______ qu'il souhaitait se séparer, elle lui avait répondu qu'elle le brûlerait avec de l'essence si elle le croisait. Il s'était rendu à la police pour s'assurer qu'il avait le droit de partir. Le jour où il était allé récupérer ses affaires au domicile conjugal, la police [appelée par les deux époux] avait dû intervenir.

d. Par lettre du même jour, A______ a requis le bénéfice de l'assistance juridique gratuite.

e. Le 6 janvier 2022, C______ a déposé plainte contre A______ pour dénonciation calomnieuse. Elle a par ailleurs mentionné que le précité était, le jour où il était venu récupérer ses affaires, entré sans droit dans l'appartement et avait emporté des affaires lui appartenant.

f. Le 9 août 2022, D______ a déposé plainte contre A______ pour diffamation et dénonciation calomnieuse.

g.A______ a été entendu par la gendarmerie le 15 février 2022 sur la plainte déposée contre lui par son épouse, puis à nouveau le lendemain sur sa plainte (à lui) du 8 novembre 2021. Il était, les deux fois, assisté d'un interprète et de son avocat.

Il a expliqué comme suit les raisons de son audition à la police le 8 octobre 2021, puis son dépôt de plainte le 8 novembre suivant :

"En octobre 2021, j'étais en plei[n] conflit avec ma femme et j'ai fait plusieurs all[ers] à la police car je vivais une situation qui n'allait plus avec ma femme. J'avais demandé un jour à la police si je pouvais aller chercher mes affaires dans l'appartement où se trouvait ma femme, car je voulais éviter les problèmes et entre les nombreux contacts que j'ai eu avec la police, je me suis retrouvé à déposer une plainte pénale à l'encontre de ma femme, mais sans m'en rendre compte. C'est la raison pour laquelle, j'ai parallèlement déposé une plainte pénale auprès du Ministère public à travers mon avocat et que je me retrouve avec deux procédure[s] mais pour la même affaire. Par conséquent, concernant la plainte à l'encontre de C______ je me réfère à ma plainte déposée auprès de vos collègues en octobre 2021. Cependant, il y a des informations complémentaires concernant cette plainte qui figurent dans la plainte déposée en novembre 2021 auprès du Ministère public. De ce fait, je me réfère au deux plaintes déposées" (audition du 16 février 2022, p. 3-4).

Il ressort, au surplus, des audition de A______ que, depuis qu'il avait quitté le domicile conjugal, il vivait avec ses deux filles – nées au Pérou en janvier 2014 et juillet 2017 – et la mère de celles-ci, qui étaient arrivées à Genève en octobre 2021. La demande de regroupement familial [pour ses filles] avait été déposée le 21 janvier 2021 par C______. Lorsqu'il avait fait la connaissance de cette dernière, en 2014, au Pérou, sa fille aînée avait 5 ou 6 mois. Il avait épousé C______ en 2015. Il avait conçu sa deuxième fille avec la mère de sa première fille, alors qu'il se trouvait au Pérou et C______ à Genève. À cette époque, lui et son épouse n'étaient "plus ensemble à ce moment-là, à cause de la distance".

h. Le Ministère public a ouvert une instruction, le 11 avril 2022, contre D______ pour infractions aux art. 157, 159, 180 et 182 CP.

i. Par lettre de son conseil, du 1er novembre 2022, A______ a relancé le Ministère public sur sa demande d'assistance judiciaire gratuite. Il informait par ailleurs l'autorité que, "en réaction à [s]a plainte pénale", C______ avait transmis des informations "contradictoires et erronées" à l'OCPM, induisant cet office en erreur.

j. Par avis du 5 juin 2023, le Ministère public a informé les parties de la prochaine clôture de l'instruction et imparti à celles-ci un délai pour faire valoir leurs éventuelles réquisitions de preuves.

K. A______ a produit à la procédure, par l'intermédiaire de son conseil, copies de deux attestations du Centre genevois de consultation pour victimes d'infractions (LAVI), des 23 novembre 2022 et 31 mai 2023, ainsi que d'une attestation établie par le foyer H______, le 25 mai 2023, certifiant qu'il y avait séjourné en urgence du 20 octobre au 16 novembre 2021.

L'attestation de l'intervenante LAVI expose que A______ était suivi depuis le 11 octobre 2021, "en raison des nombreuses violences qu'il [avait] confié avoir subies". Il présentait un état de stress aigu et exprimait beaucoup de peur et d'insécurité. Il avait été orienté vers un service de soutien psychologique spécialisé dans l'aide aux hommes victimes de violence conjugale. Lors des entretiens, le précité avait "du mal à contenir ses émotions" et semblait "épuisé et en vigilance constante". Il avait rapidement fait part des menaces reçues de son épouse, qu'il prenait très au sérieux. Tout au long du suivi, il avait été constaté que l'évolution des violences et des menaces dans le contexte conjugal et familial provoquait de fortes manifestations de peur, d'agitation et de pleurs. Les efforts fournis par l'intéressé pour tenter de sortir de l'emprise de sa relation conjugale tout en maintenant une vie professionnelle active avaient participé à son état d'épuisement physique et de détresse psychique. Il était très atteint par la dimension d'humiliation et de honte, soit un ressenti très fréquent chez les victimes de violences conjugales, d'autant plus forte chez les hommes. La peur de perdre son permis de séjour avait contribué à maintenir A______ dans une situation "précaire et dangereuse". Toutes les manifestations de souffrance décrites avaient semblé compatibles avec son récit.

A______ a, par ailleurs, sollicité l'audition de l'intervenante du Centre LAVI ainsi que de son cousin E______. Il a également requis l'audition de G______ et de I______, à qui il s'était confié et qui avaient constaté à de nombreuses reprises des griffures et des coups sur son visage et son corps. Il a demandé l'audition des policiers auxquels il s'était adressé début octobre 2021, sollicité l'apport de la liste des appels qu'il avait effectués au 117 le jour où il s'était rendu au domicile conjugal, ainsi que l'audition des policiers qui l'avaient accompagné et l'obtention du rapport de police afférent à cette intervention, car, ce jour-là, les policiers avaient été témoins de l'intimidation exercée par son épouse et la sœur de celle-ci.

l. Le 20 juillet 2023, le Ministère public a, par ordonnance pénale, déclaré D______ coupable d'infractions aux art. 117 al. 1 LEI, 87 al. 2 LAVS et 76 al. 2 LPP. Par ordonnance de classement partiel, il a classé la plainte de A______ à l'égard de la précitée pour menaces et usure. A______ n'a pas recouru contre cette décision.

Le Ministère public a, par ailleurs, refusé d'entrer en matière sur la plainte de D______ pour diffamation et dénonciation calomnieuse à l'égard de A______, ainsi que sur la plainte de C______ contre le précité. Ces décisions n'ont pas été contestées.

C. a. Dans l'ordonnance de non-entrée en matière querellée, le Ministère public a retenu que les déclarations des parties étaient divergentes. A______ alléguait avoir été frappé avec un talon et avoir reçu d'autres coups de la part de son épouse, sans toutefois décrire la façon de procéder de celle-ci ni préciser les dates. C______ contestait quant à elle avoir frappé son époux, et l'épisode de la chaussure s'était, selon elle, déroulé au Pérou avant 2018, sans qu'il ne soit blessé. Les photographies produites par le plaignant n'étaient pas propres à prouver que C______ fût à l'origine des lésions et aucun certificat médical n'avait été produit. En l'absence d'éléments de preuve objectifs, tel qu'un témoin direct impartial ou un constat médical, il n'était pas possible de privilégier l'une ou l'autre des versions. Les faits en lien avec la chaussure pourraient éventuellement être constitutifs de voies de fait (art. 126 al. 1 CP). Or, indépendamment du lieu de commission, les faits étaient atteints par la prescription (art. 109 CP).

De plus, les faits dénoncés par A______ au poste de police le 8 octobre 2021 et ceux faisant l'objet de sa plainte pénale n'étaient pas identiques et divergeaient en partie, en particulier s'agissant des propos pouvant éventuellement constituer des menaces et des injures. Ici aussi, il n'y avait aucun élément de preuve objectif. Au surplus, la non-entrée en matière se justifiait par souci d'apaisement, compte tenu du fait que la situation des parties s'était manifestement stabilisée depuis leur séparation, la culpabilité de C______ et les conséquences de ces actes, non établis, n'étant pas importants (art. 8 CPP et 52 CP).

b. Dans l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite, le Ministère public a retenu que l'action civile paraissait vouée à l'échec, au vu de l'ordonnance de non-entrée en matière rendue.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public une constatation incomplète et erronée des faits. Premièrement, le Procureur n'avait traité "qu'une partie de [s]a plainte pénale", qu'il avait au demeurant déposée le 8 novembre 2021 et non le 8 octobre 2021. À cette dernière date, il s'était rendu à la police pour déposer une main-courante. Quoi qu'il en soit, le Ministère public n'avait "traité" que les faits concernant D______. Deuxièmement, le Ministère public avait refusé d'auditionner un témoin direct des faits. Que cette personne eût un lien familial avec lui n'autorisait pas l'autorité à exclure son témoignage, car il était constant que dans le cadre de violences conjugales, les faits avaient souvent lieu dans un contexte familial.

Il reproche par ailleurs au Ministère public d'avoir, en violation des art. 309 et 310 CPP, conclu à l'absence de prévention pénale avant même d'instruire les faits. Une instruction aurait pu laisser apparaître que son épouse le menaçait "au niveau de son permis de séjour" et, qu'une fois "libéré d'elle", elle aurait mis ses menaces à exécution en transmettant de fausses informations aux autorités administratives pour lui faire perdre ledit permis. Il était également surprenant que le Ministère public n'ait pas instruit les infractions prévues aux art. 303 et 304 CP, pourtant poursuivies d'office.

Enfin, le Ministère public avait refusé à tort de lui octroyer l'assistance judiciaire gratuite, au vu de l'activité déployée s'agissant des faits reprochés à D______ et le résultat obtenu, et dans la mesure où l'instruction "de la présente cause" devrait être ordonnée.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Les photographies produites par A______ n'étaient pas datées, de sorte qu'il n'était pas possible de les rattacher à l'un ou l'autre des faits dénoncés. En outre, elles comportaient des lésions trop peu spécifiques pour en déterminer l'origine et aucun certificat médical attestant d'une lésion ne figurait à la procédure. C______ avait, quant à elle, toujours formellement contesté les faits reprochés, admettant seulement avoir lancé une chaussure en direction de son mari, au Pérou. Tout au plus, ces faits pourraient relever de voies de fait, infraction désormais prescrite. Le contexte de conflit familial imposait d'apprécier avec circonspection les déclarations de tout témoin lié à l'une ou l'autre des parties, ce qui était le cas du cousin du plaignant. Au surplus, les éléments constitutifs de la dénonciation calomnieuse (art. 303 CP) ou de l'induction de la justice en erreur (art. 304 CP) n'étaient pas réalisés. Enfin, il ressortait de la procédure que A______ disposait d'un titre de séjour délivré le 14 avril 2021, sans qu'il ne ressorte de la procédure ou des échanges avec l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM) que C______ aurait sciemment communiqué des informations fausses, le précité faisant lui-même état de contradictions et d'erreurs dans les informations fournies par celle-ci.

c. Dans sa réplique, A______ relève que le Ministère public aurait pu, après ouverture d'une instruction, retrouver la date des photographies par l'analyse des téléphones portables "des parties". Elles auraient aussi pu être rattachées aux faits dénoncés si le témoin cité avait été auditionné. L'absence de certificat médical n'était pas suffisante pour écarter la commission d'une infraction pénale. Par ailleurs, C______ n'avait nullement été entendue sur les faits dénoncés dans sa plainte du 8 novembre 2021, ni sur les faits relatifs à l'OCPM. Or, l'infraction visée à l'art. 304 CP visait la dénonciation à une autorité et non seulement à une autorité de poursuite pénale.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner deux ordonnances sujettes à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recours ne fait plus mention des injures (art. 177 CP), contrainte (art. 181 CP), extorsion et chantage (art. 156 CP), ni de la dénonciation calomnieuse (art. 303 CP), de sorte que l'ordonnance querellée est définitive sur ces points.

3.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas avoir instruit les faits qu'il qualifie d'induction de la justice en erreur (art. 304 CP), soit le fait, pour son épouse, d'avoir, selon lui délibérément, transmis des informations erronées à l'OCPM.

L'art. 304 CP ayant toutefois pour but la protection exclusive de la justice pénale, soit un intérêt collectif (ACPR/738/2018 du 10 décembre 2018 consid. 4.2; ACPR/813/2016 du 23 décembre 2016 consid. 1.3.ii.; et les références citées), le recourant n'a aucun intérêt juridiquement protégé à s'en plaindre, de sorte que le recours est – si tant est que les faits dénoncés relevaient de cette infraction – irrecevable sur ce point.

4.             Le recourant invoque une constatation incomplète et erronée des faits, en tant que le Ministère public n'aurait "traité" qu'"une partie" de sa plainte pénale. Ce faisant, il reproche en réalité au Ministère public de n'avoir ouvert une instruction que pour les faits visant la sœur de son épouse. Dans la mesure où le Ministère public peut renoncer à ouvrir une instruction pénale lorsqu'il rend une ordonnance de non-entrée en matière (art. 309 al. 4 CPP), cette décision ne constitue pas une constatation incomplète des faits. Au surplus, le recourant s'en prend à l'appréciation des faits par l'autorité précédente, grief qui n'est pas visé par l'art. 393 al. 2 let. b CPP.

Quoi qu'il en soit, la Chambre de céans jouissant d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

5.             Le recourant fait grief au Ministère public de ne pas avoir ouvert d'instruction pour les violences physiques qu'il dit avoir subies de la part de son épouse.

5.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a. CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale, et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 310).

5.2. Selon l'art. 309 al. 1 let. a CPP, le ministère public ouvre une instruction lorsqu'il ressort du rapport de police, des dénonciations ou de ses propres constatations des soupçons suffisants laissant présumer qu'une infraction a été commise.

Les indices d'un acte punissable rendant nécessaire l'ouverture d'une enquête pénale doivent être importants et de nature concrète. De simples rumeurs ou suppositions ne suffisent pas. Il suffit qu'il existe des indices concrets d'une infraction et pas seulement une possibilité indéterminée en ce sens (arrêt du Tribunal fédéral 6B_178/2017 du 25 octobre 2017 consid. 2.2.2). La notion est d'ailleurs suffisamment élastique pour que, en pratique, le ministère public puisse ouvrir une instruction chaque fois que cela lui semble justifié, à la seule condition qu'il existe certains éléments concrets dans le sens d'une infraction. La loi n'exclut l'ouverture que dans les cas où le dossier ne contient aucun élément concret et où l'enquête s'apparenterait à une "fishing expedition", soit la recherche indéterminée de moyens de preuve, ou lorsqu'il existe uniquement des rumeurs floues ou des hypothèses. Le ministère public dispose ainsi d'un très large pouvoir d'appréciation pour estimer qu'il existe des soupçons justifiant l'ouverture d'une instruction (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 8 ad art. 309 et les références citées).

5.3. En l'espèce, le recourant reproche au Ministère public d'avoir pris en considération les déclarations de son épouse à la police le 8 octobre 2021, sans auditionner celle-ci à nouveau après le dépôt de sa plainte pénale le 8 novembre suivant. Or, la plainte n'a pas apporté d'éléments fondamentalement nouveaux à la dénonciation du 8 octobre 2021 s'agissant de la mise en cause, mais a complété les déclarations du recourant à la police, ce que ce dernier a d'ailleurs admis devant les policiers le 16 février 2022. L'audition de la mise en cause – et ses dénégations – portent ainsi bel et bien sur les faits dont se plaint le recourant.

Ce dernier allègue avoir été régulièrement frappé par son épouse – de 15 ans son aînée –, entre son arrivée en Suisse en 2017 et la séparation en octobre 2021, sans toutefois jamais dater les événements ni les décrire de manière précise. Au sujet de l'épisode avec la chaussure, rien dans les explications du recourant ne permet de situer cet événement plus précisément en 2018, ni géographiquement, ni de déterminer s'il a provoqué une lésion. La mise en cause ne conteste pas qu'un tel incident ait eu lieu, mais le situe au Pérou, avant l'arrivée du recourant en Suisse, et sans que ce dernier n'ait été blessé. Le recourant estime qu'il appartenait au Ministère public d'instruire les faits, mais encore faut-il, avant l'ouverture d'une instruction, que le soupçon d'une infraction soit rendu suffisamment vraisemblable par la production, ou la description, d'éléments objectifs. Or, ils font défaut ici.

Les trois photographies produites ne sont ni datées, ni mises en relation avec un récit précis et descriptif. Le recourant estime qu'il appartiendrait à la police d'analyser le contenu des téléphones "des parties". Dans la mesure où il a lui-même produit les photographies, il était toutefois en mesure – et il lui revenait – d'en établir la date. Il n'appartient en effet pas aux autorités de poursuite pénale de se livrer à des analyses téléphoniques dispendieuses et chronophages – qui plus est dans le téléphone de la mise en cause, où lesdites photographies ne se trouvent (en principe) pas – pour pallier les défaillances du plaignant.

Par ailleurs, le témoin qui aurait, selon le recourant, assisté aux violences conjugales est son cousin, de sorte que les déclarations de celui-ci, même si elles venaient corroborer les dires du premier, devraient être considérées avec prudence, et pondérées avec les autres éléments objectifs du dossier, qui font ici défaut.

Les autres témoins cités par le recourant n'ont pas assisté aux faits, mais ont recueilli ses déclarations. Même si ces derniers auraient constaté des marques sur le visage et le corps du recourant, celles-ci ne sauraient, faute de lien avec des événements décrits et datés avec précision, conduire à incriminer la mise en cause.

Quant à l'attestation de l'intervenante LAVI, si elle fait certes état du désarroi du recourant au moment de la séparation, elle n'est pas de nature à établir qu'il aurait été frappé par son épouse, le recourant n'ayant jamais fait constater médicalement les lésions alléguées. L'intervention de la police, le jour où, en octobre 2021, il est allé chercher ses affaires au domicile conjugal, est certes de nature à attester des tensions au sein du couple, ce que les deux parties admettent, mais nullement des violences physiques antérieures, de sorte que l'audition des policiers et l'apport du rapport d'intervention ne seraient pas propres à corroborer la plainte sur ce point.

De même, le recourant allègue que la mise en cause l'aurait menacé de lui faire perdre son permis s'il la quittait, mais ces faits, survenus entre quatre yeux, ne reposent sur aucun élément objectif. Au demeurant, il ressort du dossier que la mise en cause a effectué les démarches en vue d'un regroupement familial en faveur des filles du recourant, procédure qui a abouti puisque les fillettes vivent désormais avec leur père. On relève au demeurant que le recourant a quitté le domicile conjugal en octobre 2021, soit au moment de l'arrivée de ses filles en Suisse, accompagnées de leur mère – avec laquelle il vit dorénavant –, de sorte que les tensions avec son épouse, à cette époque, ainsi que la crainte de perdre ses acquis administratifs, qu'il a exprimée aux intervenants LAVI, trouvent leur fondement dans cette situation.

Compte tenu de tous ces éléments, le Ministère public a retenu à bon droit l'absence d'indices concrets d'une infraction, que les actes d'instruction sollicités n'étaient pas de nature à établir.

Le recours s'avère ainsi infondé sur ce point et l'ordonnance querellée sera ainsi confirmée.

6.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas lui avoir accordé l'assistance judiciaire gratuite.

6.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).

Cette norme concrétise les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire pour la partie plaignante dans un procès pénal et reprend ainsi les trois conditions cumulatives découlant de l'art. 29 al. 3 Cst., à savoir l'indigence, les chances de succès et le besoin d'être assisté (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1B_317/2021 du 9 décembre 2021 consid. 4.1 et 6B_1321/2019 du 15 janvier 2020 consid. 3.5.1).

6.2. Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; il ne l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes (ATF 138 III 217 consid. 2.2.4).

Les chances de succès ne doivent pas être déniées lorsque les démarches à entreprendre portent sur des questions complexes et que leur issue apparaît incertaine (ATF 124 I 304 consid. 4b). En revanche, l'assistance judiciaire peut être refusée lorsque la requête n'est pas motivée, qu'il apparaît d'emblée que les faits allégués sont invraisemblables, que la démarche est manifestement irrecevable ou que la position du requérant est juridiquement infondée (par exemple en raison du dépôt tardif de la plainte ou d'une infraction ne protégeant pas les intérêts privés) ou si la procédure pénale est vouée à l'échec, notamment lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement doit être rendue (arrêts 1B_233/2021 du 1er juin 2021 consid. 3 et 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1).

6.3. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que la partie plaignante ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. Il faut tenir compte notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances personnelles du demandeur, de ses connaissances linguistiques, de son âge, de sa situation sociale et de son état de santé (ATF 123 I 145 consid. 2b/cc et 3a/bb; arrêts du Tribunal fédéral 1B_450/2015 du 22 avril 2016 consid. 2.3; 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.2).

6.4. En l'espèce, le Ministère public n'a pas répondu au volet du recours portant sur l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite. L'indigence du recourant est toutefois établie.

Au moment du dépôt de la demande d'assistance judiciaire, qui coincide avec celui du dépôt de la plainte pénale, il n'était pas possible d'évaluer les chances de succès de l'éventuelle action civile, que le recourant n'a d'ailleurs pas évoquée. Le Ministère public n'a, cela étant, pas d'emblée rendu une ordonnance de non-entrée en matière. À ce moment-là, l'affaire ne présentait toutefois pas de difficultés que le recourant ne pouvait surmonter sans l'aide d'un avocat, puisqu'il s'était lui-même rendu, un mois plus tôt, à la police pour dénoncer les faits à l'égard de son épouse. Les faits reprochés à sa belle-sœur auraient aussi pu être narrés à la police, sans l'aide d'un avocat. L'octroi de l'assistance judiciaire gratuite ne se justifiait donc pas. Lors des auditions à la police des 15 et 16 février 2022, la présence d'un avocat n'était pas non plus nécessaire, le recourant pouvant répondre aux questions, simples, posées par la police, en présence d'un interprète.

En revanche, au moment de l'ouverture de l'instruction, le 11 avril 2022, pour les infractions dénoncées par le recourant à l'égard de sa belle-sœur, l'action civile ne paraissait plus vouée à l'échec, même si la prévenue a, en fin de compte, été condamnée pour des infractions à la LEI. Compte tenu de la gravité des faits évoqués par le recourant, tant à l'égard de son épouse que de la sœur de celle-ci, de la complexité procédurale découlant de la pluralité de décisions qui allaient être rendues en raison des plaintes parallèles, et de l'invite faite au recourant par l'avis de prochaine clôture de solliciter d'éventuels actes d'instruction, l'affaire présentait des difficultés que le précité n'était pas en mesure de surmonter seul.

Partant, les conditions à l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite étaient réunies dès la date d'ouverture de l'instruction.

7.             Le recours sera donc partiellement admis en tant qu'il refuse au recourant l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite, laquelle sera accordée avec effet au 11 avril 2022, et la cause renvoyée au Ministère public pour qu'il indemnise le conseil juridique.

8.             Au vu de l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite en première instance, le recourant sera exonéré des frais de la procédure de recours (art. 136 al. 1 let. b CPP).

9.             Le conseil juridique du recourant sera indemnisé, pour l'instance de recours, à hauteur de 861.60 (TVA à 7.7% comprise), correspondant à quatre heures de rédaction pour un acte de recours de dix-huit pages (dont une de garde et deux de conclusions) à l'espacement large, dans une cause dépourvue de complexité juridique, et une réplique de deux pages et de demi.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours.

Annule l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite, octroie à A______ l'assistance judiciaire gratuite à compter du 11 avril 2022, désigne Me B______ à cet effet et renvoie la cause au Ministère public pour qu'il statue sur l'indemnisation de l'avocat pour la première instance.

Rejette le recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière et de refus de réquisitions de preuve visant C______.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 861.60 (TVA à 7.7% incluse) pour l'instance de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).