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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/3687/2023

ACPR/753/2023 du 28.09.2023 sur OMP/8894/2023 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : PLAIGNANT;ASSISTANCE JUDICIAIRE;PARTIE CIVILE;LÉSÉ
Normes : CPP.136

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3687/2023 ACPR/753/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 28 septembre 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'Établissement fermé de B______, représenté par
Me C______, avocate,

recourant,

contre l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance judiciaire rendue le 15 mai 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 26 mai 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 15 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé de lui accorder l'assistance judiciaire gratuite.

Le recourant conclut, préalablement, à l'admission de l'assistance judiciaire pour le présent recours, à être dispensé de verser une avance de frais, à être autorisé à consulter le dossier et à pouvoir compléter le recours ; principalement, à l'annulation de l'ordonnance susmentionnée, à l'octroi de l'assistance juridique gratuite et à l'indemnisation de son conseil à hauteur de CHF 800.-.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par lettre du 12 février 2023, A______ a déposé plainte pénale contre inconnu pour l'agression dont il avait été victime le 18 janvier précédent à l'Établissement fermé de B______ de la part d'un autre détenu – ultérieurement identifié comme étant D______ –, qui, dans un couloir, l'avait frappé à la tête avec une casserole, puis avec les poings. Les gardiens étaient intervenus pour les séparer. Il avait été transporté à l'hôpital.

À teneur du constat médical produit, A______ a présenté des plaies au cuir chevelu et à l'avant-bras, qui ont été suturées.

N'ayant "pas les moyens de […] prendre un avocat", il a requis la nomination de son avocate en qualité de conseil juridique gratuit.

b. Selon la notification de sanction prise le 18 janvier 2023 par l'Établissement fermé de B______, D______ a été sanctionné pour l'agression du 18 janvier 2023.

c. Par ordonnance du 15 mai 2023, le Ministère public a ouvert une instruction pour lésions corporelles simples, contre D______.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que A______ avait, dans sa plainte, souhaité que Me C______ soit nommée d'office en sa faveur, mais n'avait ni indiqué vouloir faire valoir des conclusions civiles ni fourni aucune pièce permettant d'établir sa situation financière et personnelle.

D. a. Dans son recours, A______ invoque une violation de son droit d'être entendu en lien avec le principe de la bonne foi, la violation de l'interdiction du formalisme excessif ainsi que la violation du droit à l'assistance juridique.

Ayant déposé plainte en personne, depuis la prison, il ne pouvait savoir qu'il devait se prononcer sur des conclusions civiles. Le Ministère public aurait dû l'interpeller sur ce point, ainsi que sur sa situation financière. En l'occurrence, il était démuni de toute ressource, puisqu'il se trouvait en exécution de peine à B______. Par ailleurs, il avait déposé, à l'appui de sa plainte, les rapports médicaux délivrés lors de son hospitalisation, de sorte que l'action civile ne paraissait pas vouée à l'échec. Partant, les conditions de l'art. 136 CPP étaient réunies.

b. Le Ministère public s'en rapporte à justice, tant sur la forme qu'au fond.

c. Le recourant n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Le recourant demande à pouvoir compléter le recours.

Il est toutefois communément admis en procédure que la motivation d'un recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même, qui ne saurait dès lors être complété ou corrigé ultérieurement (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 et 2.4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_659/2011 du 7 décembre 2010 consid. 5 ; ACPR/291/2013 du 24 juin 2013 ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 3 ad art. 385).

Quoi qu'il en soit, le recourant n'a pas répliqué après avoir reçu communication des observations du Ministère public, de sorte qu'il paraît avoir renoncé à s'exprimer plus avant sur son recours.

1.3. Conformément à sa demande, le recourant a été dispensé de verser les sûretés (art. 385 CPP).

2.             2.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).

Cette norme concrétise les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire pour la partie plaignante dans un procès pénal et reprend ainsi les trois conditions cumulatives découlant de l'art. 29 al. 3 Cst., à savoir l'indigence, les chances de succès et le besoin d'être assisté (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1B_317/2021 du 9 décembre 2021 consid. 4.1 et 6B_1321/2019 du 15 janvier 2020 consid. 3.5.1).

2.1.1. La démarche n'est pas dépourvue de toute chance de succès si, compte tenu d'une appréciation anticipée des preuves disponibles et offertes, les chances de gagner et les risques de perdre sont à peu près équivalents ou si les premières ne sont que de peu inférieures aux seconds (ATF 138 III 217 consid. 2.2.4).

Dans la mesure du possible, la partie plaignante doit chiffrer ses conclusions civiles lors de sa déclaration de partie plaignante au sens de l'art. 119 CPP, les motiver par écrit et citer les moyens de preuve à l’appui (art. 123 al. 1 CPP). Bien que le dépôt de la plainte intervienne souvent à un stade où le lésé n'est pas nécessairement en mesure d'établir l'ampleur de son préjudice – raison pour laquelle le calcul et la motivation des conclusions civiles doivent être présentés au plus tard durant les plaidoiries (art. 123 al. 2 CPP) – la partie plaignante doit toutefois, dans sa demande d'assistance judiciaire gratuite, à chaque stade de la procédure, exposer notamment en quoi son action civile ne paraît pas dépourvue de chances de succès (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1324/2021 du 20 septembre 2022 consid. 2.2).

2.1.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que la partie plaignante ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. Il faut tenir compte notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances personnelles du demandeur, de ses connaissances linguistiques, de son âge, de sa situation sociale et de son état de santé (ATF 123 I 145 consid. 2b/cc et 3a/bb; arrêts du Tribunal fédéral 1B_450/2015 du 22 avril 2016 consid. 2.3; 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.2).

La jurisprudence considère qu'en principe, la procédure pénale ne nécessite que des connaissances juridiques modestes pour la sauvegarde des droits du lésé; il s'agit essentiellement d'annoncer ses éventuelles prétentions en réparation de son dommage et de son tort moral ainsi que de participer aux auditions des prévenus, des témoins et de poser, cas échéant, des questions complémentaires; un citoyen ordinaire devrait ainsi être en mesure de défendre lui-même ses intérêts de lésé dans une enquête pénale (ATF 123 I 145 consid. 2b/bb, repris dans le Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification de la procédure pénale, FF 2006 1160 ch. 2.3.4.2; cf. également arrêts du Tribunal fédéral 1B_450/2015 du 22 avril 2016 consid. 2.3; 6B_122/2013 du 11 juillet 2013 consid. 4.1.2; 1B_26/2013 du 28 mai 2013 consid. 2.3 et les références citées).

2.2. En l'espèce, s'il ne peut être fait grief au Ministère public de se montrer rigoureux dans l'analyse de l'octroi de l'assistance judiciaire à la partie plaignante et d'exiger le dépôt d'une demande en bonne et due forme accompagnée des documents utiles, il convient d'admettre que, dans le cas d'espèce, au vu de la détention du requérant, ce dernier pouvait légitimement penser que la question de son indigence ne posait pas de problème particulier, ou, à défaut, s'attendre à ce que ces informations lui soient réclamées. Il a, de plus, produit le constat médical faisant état des lésions subies, ce qui attestait de sa qualité de lésé.

Le Ministère public, qui s'en rapporte désormais à l'appréciation de la Chambre de céans, ne paraît plus contester l'indigence du recourant ni les chances de succès des prétentions civiles de ce dernier, de sorte que le recours doit être admis sur ces points.

Il n’en résulte toutefois pas encore que la demande d'assistance judiciaire devrait d’ores et déjà être admise. Le Ministère public doit se prononcer sur la nécessité du recourant d'être pourvu d'un avocat pour faire valoir efficacement ses droits, condition sur laquelle le recourant ne se prononce pas non plus dans son recours. Il convient, par conséquent, de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour qu’elle statue sur ce point (art. 397 al. 2 CPP).

3. Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis partiellement, et ce, sans suite de frais, au sens de l’art. 20 du Règlement du 28 juillet 2010 sur l'assistance judiciaire et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ; E 2 05.04) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_122/2013 du 11 juillet 2013 consid. 5.2).

4. Le conseil du recourant a requis une indemnisation pour la procédure de recours. L'assistance judiciaire gratuite sera accordée pour la procédure de recours, démarche que le recourant n'aurait pas pu exercer seul au vu de son incarcération et des questions juridiques à résoudre. L'avocate sera ainsi indemnisée, pour le recours, à hauteur de CHF 430.80 TTC, le recours ne nécessitant pas de longs développements au vu de l'absence de complexité de la cause.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours, annule l'ordonnance querellée et renvoie la cause au Ministère public, pour nouvelle décision au sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l’État.

Alloue à Me C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 430.80 (TVA à 7.7% incluse).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).