Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/11227/2022

ACPR/693/2023 du 06.09.2023 sur OMP/3826/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PLAIGNANT;ASSISTANCE JUDICIAIRE;PARTIE CIVILE
Normes : CPP.136

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11227/2022 ACPR/693/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 6 septembre 2023

 

Entre

A______, p.a. Hôtel B______, ______, représenté par Me F______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance judiciaire rendue le 27 février 2023 par le Ministère public,


et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 16 mars 20213, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 février 2013, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé de le mettre au bénéfice de l'assistance judiciaire.

Il conclut à l'annulation de cette ordonnance et à la nomination de Me F______ en qualité d'avocat d'office, sous suite de frais et dépens, chiffrés à CHF 600.-.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ était locataire d'un studio au rez supérieur d'un immeuble sis à Genève, dont l'accès se faisait par un corridor fermé par une porte palière.

b. Le 10 mai 2022, A______ s'est présenté au poste de police de C______ pour y déposer plainte pénale contre son bailleur, D______.

Le vendredi 18 septembre 2020, ce dernier avait en effet quitté les lieux en fermant à clé la porte palière, dont il avait fait changer la serrure à l'insu de son locataire. Lui-même s'était trouvé enfermé dans son logement, alors qu'il souffrait d'insoutenables douleurs en raison d'une spondylarthrite ankylosante, et n'avait pu être libéré que le vendredi suivant, après avoir téléphoné à la police. Son état de santé l'avait en effet empêché de réfléchir correctement et d'appeler les secours plus rapidement. Cette semaine passée enfermé avait eu un impact important, puisqu'il n'avait pas pu prendre son traitement, ce qui avait entraîné deux hospitalisations.

Il souhaitait également déposer plainte contre E______, huissier judiciaire mis en œuvre par D______, pour être entré à plus de six reprises dans son studio, sans le prévenir, entre juin et octobre 2020.

A______ a confirmé à cette occasion son intention de formuler des prétentions civiles pour tort moral.

c. Entendu par la police, D______ a expliqué que A______ avait rapidement accumulé des retards de loyer, de sorte qu'il avait obtenu du tribunal compétent son expulsion. Il s'était ensuite rendu sur place avec E______, avait frappé plusieurs fois à la porte du studio et, sans réponse, en avait déduit que le locataire était parti. Il n'avait donc pas fermé à clé la porte palière dans le but de séquestrer ce dernier. En toute hypothèse, A______ aurait pu l'appeler sur son téléphone, ou signaler sa présence à des tiers par la fenêtre du studio, qui donnait sur un jardin dans lequel jouaient fréquemment des enfants.

d. E______ a déclaré être intervenu dans le cadre de son activité d'huissier judiciaire à la suite du jugement d'évacuation rendu par le Tribunal des baux et loyers au printemps 2020. Le cylindre de la porte palière avait effectivement été changé, mais alors que A______ ne se trouvait pas dans le studio.

e. Le Ministère public a ouvert une procédure pénale contre les mis en cause des chefs de contrainte, respectivement d'abus d'autorité.

Ceux-ci ont été entendus le 29 novembre 2022, en l'absence de A______, qui ne s'est pas présenté. Ce dernier a été entendu à son tour, en l'absence des intéressés, le 10 janvier 2023.

f. Le 21 février 2023, A______, qui émarge à l'assistance publique, a sollicité le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite et la nomination de Me F______, avocat, pour la défense de ses intérêts, vu la complexité de la procédure et son intention de réclamer une indemnité pour tort moral.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public a justifié son refus par le fait que l'action civile paraissait vouée à l'échec, l'octroi d'un tort moral semblant illusoire au vu des faits dénoncés.

D. a. Dans son recours, A______ fait valoir que la restriction de liberté dont il a fait l'objet ainsi que les conséquences de celles-ci sur son état de santé paraissaient largement suffisantes pour justifier l'octroi d'une indemnité pour tort moral. Une audience était encore prévue pour entendre le policier qui était intervenu pour ouvrir la porte, de sorte qu'il n'était, à ce stade, pas possible d'établir précisément si les chances de succès de la procédure étaient inférieures à celles d'un échec.

b. Dans ses observations, le Ministère public réitère que les faits dénoncés n'étaient pas suffisamment graves pour justifier l'octroi d'une indemnité pour tort moral, étant relevé que même dans l'hypothèse où il aurait été réellement enfermé, le plaignant aurait pu en tout temps appeler pour être délivré.

À l'appui de sa position, le Ministère public fournit divers documents intégrés à la procédure postérieurement au recours, notamment des photos de la porte palière, prises lors d'un transport sur place, montrant que celle-ci ne disposait que d'une seule serrure et que, même fermée à clé, elle pouvait toujours être ouverte de l'intérieur, ainsi qu'un procès-verbal d'audience, lors de laquelle D______ avait déclaré n'avoir fait changer le cylindre qu'après l'évacuation de A______, le système d'ouverture de la porte depuis l'intérieur étant demeuré inchangé.

c. A______ n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).

Cette norme concrétise les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire pour la partie plaignante dans un procès pénal et reprend ainsi les trois conditions cumulatives découlant de l'art. 29 al. 3 Cst., à savoir l'indigence, les chances de succès et le besoin d'être assisté (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1B_317/2021 du 9 décembre 2021 consid. 4.1 et 6B_1321/2019 du 15 janvier 2020 consid. 3.5.1).

2.1.1. La démarche n'est pas dépourvue de toute chance de succès si, compte tenu d'une appréciation anticipée des preuves disponibles et offertes, les chances de gagner et les risques de perdre sont à peu près équivalents ou si les premières ne sont que de peu inférieures aux seconds (ATF 138 III 217 consid. 2.2.4).

Dans la mesure du possible, la partie plaignante doit chiffrer ses conclusions civiles lors de sa déclaration de partie plaignante au sens de l'art. 119 CPP, les motiver par écrit et citer les moyens de preuve à l’appui (art. 123 al. 1 CPP). Bien que le dépôt de la plainte intervienne souvent à un stade où le lésé n'est pas nécessairement en mesure d'établir l'ampleur de son préjudice – raison pour laquelle le calcul et la motivation des conclusions civiles doivent être présentés au plus tard durant les plaidoiries (art. 123 al. 2 CPP) – la partie plaignante doit toutefois, dans sa demande d'assistance judiciaire gratuite, à chaque stade de la procédure, exposer notamment en quoi son action civile ne paraît pas dépourvue de chances de succès (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1324/2021 du 20 septembre 2022 consid. 2.2).

2.1.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que la partie plaignante ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. Il faut tenir compte notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances personnelles du demandeur, de ses connaissances linguistiques, de son âge, de sa situation sociale et de son état de santé (ATF 123 I 145 consid. 2b/cc et 3a/bb; arrêts du Tribunal fédéral 1B_450/2015 du 22 avril 2016 consid. 2.3; 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.2).

La jurisprudence considère qu'en principe, la procédure pénale ne nécessite que des connaissances juridiques modestes pour la sauvegarde des droits du lésé; il s'agit essentiellement d'annoncer ses éventuelles prétentions en réparation de son dommage et de son tort moral ainsi que de participer aux auditions des prévenus, des témoins et de poser, cas échéant, des questions complémentaires; un citoyen ordinaire devrait ainsi être en mesure de défendre lui-même ses intérêts de lésé dans une enquête pénale (ATF 123 I 145 consid. 2b/bb, repris dans le Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification de la procédure pénale, FF 2006 1160 ch. 2.3.4.2; cf. également arrêts du Tribunal fédéral 1B_450/2015 du 22 avril 2016 consid. 2.3; 6B_122/2013 du 11 juillet 2013 consid. 4.1.2; 1B_26/2013 du 28 mai 2013 consid. 2.3 et les références citées).

2.2. En l'espèce, l'indigence du recourant n'est pas contestée.

Sa plainte pénale n'a pas fait d'emblée l'objet d'une non-entrée en matière ou d'un classement et des actes d'enquête étaient encore prévus au moment où la demande d'assistance judiciaire a été déposée. L'on ne peut dès lors exclure, à ce stade, toute chance de succès de la procédure pénale.

Les faits entrant en considération sont toutefois relativement simples et le recourant a été à même de se rendre au poste de police pour les exposer. L'on ne voit dès lors pas qu'il ne serait pas capable de prendre part à la suite de la procédure sans l'assistance d'un avocat.

À cela s'ajoute l'absence totale d'éléments – par exemple des certificats médicaux – étayant son affirmation selon laquelle, durant une semaine, il n'aurait pu quitter le studio (situé au rez-de-chaussée) dans lequel il aurait prétendument été enfermé, ni appeler à l'aide. Les problèmes de santé qui en auraient résulté ne sont pas davantage documentés. Or, si l'on se réfère uniquement au cours ordinaire des choses et à l'expérience générale de la vie, un enfermement qui, jusqu'à preuve du contraire, aurait tout au plus duré deux heures si le recourant avait immédiatement pris les mesures à sa portée pour y mettre un terme, n'est pas d'une intensité suffisante pour rendre vraisemblable l'allocation d'une indemnité pour tort moral.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4. La procédure de recours contre un refus d'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).