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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19744/2022

ACPR/674/2023 du 28.08.2023 sur OMP/7162/2023 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19744/2022 ACPR/674/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 28 août 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 18 avril 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 1er mai 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 avril 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a révoqué la défense d'office ordonnée précédemment en sa faveur et relevé Me B______ de sa mission.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au maintien de la défense d'office en sa faveur et de la désignation de Me B______, conformément à l'ordonnance rendue le 20 janvier 2023 par le Ministère public.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.A______, né le ______ 1973, a travaillé au sein de la société C______ S.A. (ci-après : C______) jusqu'au 5 septembre 2022, date de son licenciement immédiat.

Il est père de cinq enfants: D______, né le ______ 2000, E______, né le ______ 2002, F______, né le ______ 2006 et G______, née le ______ 2011 – nés de son union avec H______ – ainsi que I______, né le ______ 2020 – domicilié en France auprès de sa mère, J______ –.

b. Dans le cadre de la présente procédure, A______ est prévenu d'escroquerie (art. 146 CP), abus de confiance (art. 138 CP), gestion déloyale (art. 158 CP) et faux dans les titres (art. 251 CP).

c. Le 9 novembre 2022, A______ a déposé une demande d'assistance judiciaire, sollicitant la nomination d'office de son défenseur privé, Me B______, laquelle l'assistait depuis le 17 octobre 2022, date de son arrestation par la police.

Il expliquait vivre, depuis son licenciement, sur ses économies et être dans l'attente d'une décision de sa caisse de chômage. Outre ses propres charges, il subvenait à l'entretien de ses enfants, soit CHF 3'655.- pour G______ et CHF 985.- pour F______, conformément à l'arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la Cour de Justice (ACJC/1694/2019), CHF 1'850.- pour D______ et CHF 2'000.- pour E______, conformément aux conventions conclues sous seing privé avec les concernés et
CHF 1'003.90 pour I______, conformément au budget qu'il a établi d'entente avec J______, les charges totales de l'enfant s'élevant à EUR 2'022.50. Le montant total des contributions en leur faveur s'élevait à CHF 11'930.90. Il ne disposait dès lors pas des moyens nécessaires pour prendre en charge ses frais de défense. De plus, la procédure présentait une certaine difficulté et le principe de l'égalité des armes exigeait qu'il soit représenté, à l'instar de ses coprévenus.

d. Par ordonnance du 20 janvier 2023, le Ministère public a ordonné la défense d'office en faveur de A______ en la personne de Me B______ avec effet au 17 octobre 2022, considérant que, dans le rapport du 6 janvier 2023, le Greffe de l'assistance juridique avait attesté que A______, "en l'attente d'une décision du chômage suite à son licenciement et qui vi[vai]t actuellement sur ses économies", avait rendu vraisemblable que sa situation financière ne lui permettait pas d'assumer par ses propres moyens les honoraires d'un avocat.

e. Le 27 février 2023, le Ministère public a sollicité du Greffe de l'assistance juridique un rapport tenant compte de la situation actualisée de A______.

f. Par pli du 22 mars 2023, A______ a notamment transmis l'ordonnance du 7 février 2023 du Tribunal de première instance (OTPI/90/2023), lui donnant acte de son engagement de verser CHF 850.- "à titre de coûts direct" et CHF 600.- "à titre de contribution de prise en charge" de G______, et CHF 1'160.- de contribution à l'entretien de F______. Le Tribunal a relevé que les montants ne suffisaient pas à couvrir le déficit mensuel de H______.

Ainsi, son revenu mensuel net moyen, estimé à CHF 8'929.15, ne lui permettait pas de couvrir ses charges, de verser les contributions à l'entretien de ses enfants et de payer certaines de leurs factures, telles que les primes d'assurance-maladie de D______ et I______.

g.a. Dans son rapport du 27 mars 2023, le Greffe de l'assistance juridique atteste que A______ était en mesure de régler par ses propres moyens les honoraires d'un avocat, son solde disponible étant largement supérieur au minimum vital en vigueur à Genève majoré de 25%.

g.b. Il ressort du tableau annexé audit rapport que les montants suivants ont été pris en compte par ledit service:

-          ressources mensuelles: indemnités moyennes de chômage: CHF 8'753.08;

-          dépenses mensuelles: minimum vital (débiteur avec obligation de soutien):
CHF 1'687.50 en tenant compte de la majoration de 25%, assurance-maladie: CHF 362.30; loyer: CHF 2'116.-; impôts: CHF 581.-; pensions alimentaires:
CHF 2'610.-; TPG: CHF 70.-; forfait pour recherche d'emploi: CHF 80.-;

-          total des dépenses: CHF 7'506.80 en tenant compte de la majoration de 25%;

-          solde disponible OP: CHF 1'246.28 en tenant compte de la majoration de 25%;

-          contribution potentielle: CHF 623.14.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public, compte tenu du rapport précité, a révoqué la défense d'office en faveur de A______ au motif qu'il ne se trouvait plus dans une situation d'indigence.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public une constatation incomplète des faits ainsi qu'une violation de l'art. 132 CPP.

Le Ministère public avait omis de prendre en considération, dans les charges relevant de son minimum vital, sa participation à l'entretien de I______, de D______ et de E______ ainsi que les assurances-maladie obligatoires en faveur des deux premiers cités.

S'agissant de I______, la mère de ce dernier et lui-même entendaient soumettre au Tribunal compétent de K______ [France] un accord relatif à la prise en charge de ses frais. Dans l'attente de la ratification dudit accord, il versait, d'entente avec la mère, CHF 530.- par mois pour l'entretien de leur fils, montant qui correspondait à la moitié des frais de crèche et d'assistance maternelle. De plus, il s'acquittait de la prime d'assurance-maladie LAMal de l'enfant, laquelle s'élevait à CHF 89.30 depuis le 1er février 2023, soit CHF 619.30.

Il subvenait aussi aux besoins de ses deux enfants majeurs, encore en formation: D______ débutant en septembre prochain un cursus à [l'école] L______ et E______ poursuivant ses études d'informatique au sein de [école] M______. Il avait conclu deux conventions sous seing privé avec eux. Toutefois, en raison du changement de sa situation financière, ils avaient, d'un commun accord, réduit le montant des contributions, à CHF 500.- pour D______ et CHF 300.- pour E______. Il s'acquittait, en sus, de la prime d'assurance-maladie LAMal de D______ laquelle s'élevait, depuis le 1er janvier 2023, à CHF 375.90 selon l'avis produit.

Ainsi, ses charges s'élevaient à CHF 8'963.50 (soit CHF 9'301.- en tenant compte de la majoration de 25%), montant qui se décomposait comme suit: minimum vital:
CHF 1'350 (majoré de 25%: CHF 1'687.50), loyer: CHF 2'115.-; assurance-maladie LAMal: CHF 362.30; assurance maladie D______: CHF 375.90; assurance-maladie I______: CHF 89.30; contribution d'entretiens: G______: CHF 850.- + CHF 600.-; F______: CHF 1'160.-; I______: CHF 530.-; E______: CHF 300.- et D______: CHF 500.-; impôts: CHF 581; TPG: CHF 70.-; forfait recherche d'emploi: CHF 80.-. Son revenu mensuel net moyen de CHF 8'798.40 ne lui permettait pas de prendre en charge les honoraires d'un conseil.

Enfin, l'assistance d'un défenseur était justifiée pour sauvegarder ses intérêts, compte tenu de la complexité de la procédure, en fait et en droit.

À l'appui, il produit notamment:

-          les versements à J______ en faveur de I______, soit CHF 542.86 le 2 mars 2023 (assistante maternelle et crèche pour décembre 2022), CHF 519.13 le 15 mars 2023 (assistante maternelle et crèche pour janvier 2023), CHF 565.30 (assistante maternelle et crèche pour février 2023) et CHF 479.32 le 1er mai 2023 (assistante maternelle et crèche pour mars 2023);

-          le paiement de la prime d'assurance-maladie de I______ pour les mois de février, mars et avril 2023;

-          les versements de CHF 500.- et CHF 300.- effectués respectivement en faveur de D______ et E______ pour les mois de mars à mai 2023

-          le versement de CHF 150.- effectué en faveur de D______, libellé "iscrizione L______".

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

S'il n'était pas contesté que A______ se trouvait en situation de défense obligatoire, ce dernier ne se trouvait toutefois pas en situation d'indigence.

Sur la base des pièces produites, le Greffe de l'assistance juridique n'avait pas retenu certaines charges annoncées par A______, à savoir les contributions pour les enfants majeurs et pour I______, lesquelles ne reposaient sur aucune décision de justice. La situation personnelle et financière des enfants majeurs n'avait pas été démontrée, en particulier s'agissant de leurs cursus de formation – tant au regard de leur durée que de leur objet – ainsi que de leurs éventuelles activités lucratives. En effet, il ressortait des informations disponibles en open source sur internet, en particulier de son profil N______ [réseau social professionnel], que E______ se présentait comme développeur indépendant, de sorte qu'il n'était pas exclu qu'il tire un revenu de cette activité. En outre, n'étaient pas expliquées les circonstances dans lesquelles ce dernier avait été amené à entreprendre une formation complémentaire après l'obtention d'un CFC et d'une maturité professionnelle. D______, quant à lui, faisait partie de l'équipe nationale suisse de rugby ainsi que de l'équipe du O______; ni le temps qu'il consacrait à son activité de rugbyman ni l'éventuelle rémunération qu'il en tirait n'étaient établis. A______ n'avait donné aucune information sur le cursus de son fils qui, âgé de 23 ans, entendait débuter la L______. Or, il s'agissait d'éléments déterminants pour établir s'il existait une réelle obligation d'entretien de la part du prénommé ou s'il s'agissait de contributions d'entretien volontaires en soutien à ses enfants.

Par ailleurs, chacun des parents avait cette obligation et aucune information n'avait été transmise s'agissant de la situation personnelle de la mère de ses enfants majeurs. Il en allait de même de la contribution d'entretien de I______, étant précisé que ses charges, telles qu'elles ressortaient du budget, n'apparaissaient pas toutes justifiées.

c. A______ réplique et persiste dans les termes de son recours.

E______ avait obtenu un CFC en développement d'application en 2021, puis sa maturité professionnelle, en vue de débuter, dès septembre 2022, un programme de Bachelor en informatique et systèmes de communication au sein de M______, pour une durée de trois ans à temps plein. Cette formation lui était indispensable pour se lancer sur le marché du travail. Les projets mis en exergue par le Ministère public avaient été réalisés dans le cadre de ses études.

D______ avait obtenu un CFC en Arts et Design de l'école de Culture Générale en 2020. Il avait effectué une classe passerelle du P______ à Genève et s'était vu délivrer une maturité spécialisée en Q______ en 2022. Afin d'achever cette formation, il avait préparé le concours d'admission à la L______ et pourrait entamer, dès septembre prochain, le Bachelor en R______ et de produits avec orientation Q______. Cette formation de trois ans à temps plein lui était indispensable pour se lancer sur le marché du travail. Enfin, le rugby était un loisir.

La mère de ces derniers percevait de faibles revenus ne lui permettant pas de couvrir ses propres charges.

S'agissant de I______, le Tribunal judiciaire de K______ avait rendu, le 9 juin 2023, un jugement homologuant la convention parentale du 3 mai 2023, au terme de laquelle il devait s'acquitter d'une contribution d'entretien mensuelle
d'EUR 1'150.- en faveur de son fils. Cette somme n'englobait toutefois pas les primes d'assurance-maladie dont il s'acquittait en faveur de ce dernier.

À l'appui, il produit les attestations relatives à la formation de D______, le jugement rendu le 9 juin 2023 par le Tribunal de K______ et la convention du 3 mai 2023.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles produites devant la juridiction de céans sont également recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2).

2.             Le recourant se plaint d'une constatation incomplète des faits par le Ministère public (art. 393 al. 2 let. b CPP).

Comme la juridiction de céans dispose d'un plein pouvoir de cognition (art. 393 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_139/2022 du 2 mai 2022 consid. 2.2), les éventuelles lacunes entachant l’ordonnance querellée auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-avant.

Le grief sera donc rejeté.

3.             3.1. Un cas de défense obligatoire au sens de l'art. 130 CPP impose au prévenu l'assistance d'un défenseur, que celui-ci le soit à titre privé (cf. art. 129 CPP) ou désigné d'office (cf. art. 132 CPP).

3.2. La direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP). Il s'agit de conditions cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_667/2011 du 7 février 2012 consid. 1.2).

L'art. 132 al. 1 let. b CPP s'applique également à des cas de défense obligatoire autres que ceux de la let. a, notamment lorsque le prévenu, qui disposait jusqu'alors d'un défenseur de choix, voit sa situation financière évoluer au point de ne plus disposer des moyens nécessaires à la rémunération de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 1B_461/2016 du 9 février 2017 consid. 2.2.2).

La condition de l'indigence est réalisée si la personne concernée ne peut assumer les frais du procès sans entamer les moyens nécessaires à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1 p. 537 ; 135 I 221 consid. 5.1 p. 223).

Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée, celui-ci devant indiquer de manière complète et établir autant que possible ses revenus, sa situation de fortune et ses charges. Il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité des ressources effectives du requérant et, d'autre part, l'ensemble de ses engagements financiers. Concernant ces derniers, seules les charges réellement acquittées sont susceptibles d'entrer dans le calcul du minimum vital. Des dettes anciennes, sur lesquelles le débiteur ne verse plus rien, ne priment pas l'obligation du justiciable de payer les services qu'il requiert de l'État (ATF 135 I 221 consid. 5.1 p. 223).

Pour déterminer les charges d'entretien, il convient de se fonder sur le minimum vital du droit des poursuites augmenté de 25% (ATF 124 I 1 consid. 2c p. 4), auquel il convient d'ajouter le loyer, les dettes d'impôts échues, y compris les arriérés d'impôts, pour autant qu'elles soient effectivement payées, la prime d'assurance-maladie obligatoire et les frais de transport nécessaires à l'acquisition du revenu, qui sont établis par pièces. Les dettes ordinaires d'un débiteur ne font pas partie du minimum vital (DCPR/211/2011 du 16 août 2011).

Le devoir d'assistance du conjoint ou des parents pour les enfants mineurs, tel qu'il découle du droit civil, doit également être pris en considération (ATF 127 I 202 consid. 3c p. 206). Alors qu'il faut présumer, en cas de doute, que le créancier d'aliments en a réellement besoin pour subvenir à ses besoins, le paiement effectif des pensions alimentaires doit être prouvé par le débiteur (L. DALLEVES/B. FOEX/N. JEANDIN (éds), Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, Bâle 2005, N. 129 ad art. 93 et les références citées).

L'entretien d'un enfant majeur n'est inclu dans le minimum vital du débiteur que pour autant que les parents assument une obligation légale à cet égard. Selon la jurisprudence, l'art. 277 al. 2 CC est applicable à la poursuite pour dettes en ce sens que les parents ont l'obligation d'entretenir l'enfant majeur lorsque, à sa majorité, celui-ci n'a pas encore de formation appropriée et pour autant que les circonstances, à savoir les conditions économiques et les ressources des parents, permettent de l'exiger d'eux; en outre, l'obligation d'entretien n'existe que pour une première formation, à caractère professionnel. La formation doit de surcroît "correspondre à un plan de carrière fixé avant la majorité". Si ces conditions sont réalisées, seront portés à la charge du débiteur non seulement la base mensuelle d'entretien de cet enfant majeur mais également ses frais d'assurance maladie; en revanche, les frais liés à ses études supérieures (taxes d'inscription, fournitures scolaires ou universitaires, frais de déplacement, de repas hors du domicile etc.) ne seront pas pris en compte (L. DALLEVES/B. FOEX/N. JEANDIN (éds), op. cit., Bâle 2005, N. 105, 106 ad art. 93 et les références citées).

Il incombe au requérant de prouver les faits qui permettent de constater qu'il remplit les conditions de la mesure qu'il sollicite. S'il ne fournit pas des renseignements suffisants (avec pièces à l'appui) pour permettre d'avoir une vision complète de sa situation financière, la requête sera rejetée (ATF 125 IV 161 consid. 4 p. 164). En revanche, lorsque le requérant remplit ses obligations, sans que cela permette d'établir d'emblée de cause, pour l'autorité, son indigence, il appartient à celle-ci de l'interpeller (arrêt du Tribunal fédéral 1B_347/2018 du 10 janvier 2019 consid. 3.1 et les références citées).

Le soutien de la collectivité publique n'est en principe pas dû, au regard de l'art. 29 al. 3 Cst., lorsque la part disponible permet d'amortir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres (ATF 141 III 369 consid. 4.1 p. 371 ; 135 I 221 consid. 5.1 p. 223 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_383/2017 du 23 novembre 2017 consid. 2).

3.3. Les normes d'insaisissabilité de Genève pour 2023 (E 3 60.04; en vigueur dès le 1er janvier 2023), prévoient un montant de base pour un débiteur vivant seul de CHF 1'200.- ou de CHF 1'350.- pour un débiteur monoparental, qui comprend les frais pour l'alimentation, les vêtements et le linge, y compris leur entretien, les soins corporels et de santé, l'entretien du logement, les assurances privées, les frais culturels ainsi que les dépenses pour l'éclairage, le courant électrique ou le gaz pour la cuisine, etc. À quoi peuvent s'ajouter, notamment, le loyer et les charges du logement, les cotisations sociales et les impôts.

3.4. En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant se trouve dans un cas de défense obligatoire. Ayant un avocat de choix, il avait sollicité que ce défenseur lui soit nommé d'office, vu son indigence. Dans un premier temps, le Ministère public a nommé d'office Me B______ à la défense de ses intérêts, sous réserve d'une décision relative à ses indemnités chômage. Le Greffe de l'Assistance juridique, qui a procédé à une nouvelle analyse après fixation de ladite indemnité par la caisse de chômage, a considéré que le recourant était en mesure de s'acquitter d'une contribution potentielle de CHF 623.14, ce qu'il conteste.

Si ce dernier ne remet pas en cause les montants retenus par le Greffe de l'assistance juridique s'agissant de son revenu net moyen ainsi que ses charges incompressibles, il reproche audit service et au Ministère public de ne pas avoir pris en compte les contributions d'entretien versées en faveur de ses fils majeurs et de I______ ainsi que du paiement des primes d'assurance-maladie obligatoire de D______ et de I______.

Il ressort des pièces produites à l'appui de sa réplique que, dans l'intervalle, un jugement a été rendu par le Tribunal de K______, au terme duquel le recourant doit verser EUR 1'150.- à titre de contribution d'entretien en faveur de son fils, I______. Cela étant, il s'agit d'un jugement entérinant un accord des parties qui a substantiellement augmenté le montant de CHF 619.30 versé jusque-là. Or, le Tribunal, s'il avait été amené à trancher le cas en l'absence d'un tel accord, aurait nécessairement dû tenir compte des autres enfants à charge du recourant, de sorte que le montant de la contribution d'entretien fixée en faveur de I______ aurait vraisemblablement diminué.

Quoiqu'il en soit, compte tenu du solde disponible du recourant après paiement de ses charges incompressibles, fixé par le Greffe de l'assistance judiciaire à
CHF 1'246.28 (en tenant compte d'une majoration de 25%), l'on ne peut retenir que, après le paiement d'une contribution d'entretien d'environ CHF 600.- en faveur de I______ – dont le versement est prouvé –, le recourant serait capable d'amortir les frais judiciaires d'un avocat en deux ans.

Pour le surplus, il n'est pas nécessaire d'établir si le recourant a rendu vraisemblable que ses deux fils, majeurs, pouvaient prétendre à une contribution d'entretien, voire au paiement de leur prime d'assurance-maladie, puisqu'il apparait que le solde disponible de ce dernier est déjà quasiment épuisé, de sorte qu'il ne pourrait, quoiqu'il en soit, pas s'en acquitter en totalité.

4.             Fondé, le recours doit être admis ; partant, l'ordonnance querellée sera annulée. La défense d'office du recourant sera admise à compter du 17 octobre 2022 et Me B______ sera désignée à cet effet.

5.             Les frais de recours seront laissés à la charge de l'État (art. 20 RAJ).

6.             L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et annule l'ordonnance du Ministère public du 18 avril 2023.

Désigne Me B______ à la défense d'office de A______, avec effet au 17 octobre 2022.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).