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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17134/2021

ACPR/654/2023 du 18.08.2023 sur OCL/809/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PRIORITÉ(CIRCULATION);LÉSION CORPORELLE PAR NÉGLIGENCE;ACCIDENT DE LA CIRCULATION;PRINCIPE DE LA CONFIANCE(RÈGLE DE LA CIRCULATION);CIRCULATION ROUTIÈRE(DROIT DE LA CIRCULATION ROUTIÈRE)
Normes : CPP.319; CP.125; LCR.90; LCR.26

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17134/2021 ACPR/654/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 18 août 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me Yves MABILLARD, avocat, PBM AVOCATS SA, avenue de Champel 29, case postale, 1211 Genève 12,

recourant,

contre l'ordonnance de classement rendue le 5 mai 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 19 juin 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 5 juin 2023, notifiée le 7 suivant, par laquelle le Ministère public a classé la procédure à l'égard de B______.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et, principalement, à ce qu'ordre soit donné au Ministère public de poursuivre B______ des chefs de lésions corporelles par négligence et/ou de violation des règles de la LCR, et, subsidiairement, à la reprise de l'instruction pour procéder à tout acte visant à "établir la punissabilité" de la précitée, en particulier à l'audition de l'appointé C______.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 2 septembre 2021, aux alentours de 23h, B______ roulait sur le quai de Cologny en direction de Vésenaz, au volant de sa voiture de marque D______, accompagnée de ses passagères, E______, F______, G______ et H______. Elle s'est engagée sur la contre-route du chemin de la Tour-Carrée et s'est arrêtée au signal cédez-le-passage, dans le but de faire demi-tour, comme le permet la signalisation au sol, et reprendre la route en direction de Genève.

La configuration des lieux implique, pour ce faire, de couper les deux voies de circulation du quai de Cologny en direction de Vésenaz.

Après avoir commencé la manœuvre, l'arrière gauche du véhicule de B______ a été heurté par le motocycle de marque I______, arrivant depuis la ville, conduit par A______, lequel était accompagné de sa passagère, J______. Le conducteur de la moto a chuté et glissé, avant de s'encastrer sous une voiture stationnée à 36 mètres du choc. La passagère a également chuté et glissé sur une distance de 59 mètres. Après la collision initiale, la moto a encore heurté un candélabre situé à 33 mètres du point de choc.

A______ a souffert d'un ligament déchiré au majeur de la main gauche, de brûlures au ventre et aux avant-bras, ainsi que d'hématomes au coccyx, au torse et au pied droit. Pour ces faits, il a porté plainte le 11 novembre 2021.

b. La police a procédé aux auditions des personnes impliquées dans l'accident et des personnes présentes sur les lieux ou dans les environs proches le soir en question.

b.a. B______ a expliqué qu'à la hauteur du chemin de la Tour-Carrée, elle s'était engagée dans la contre-route pour faire demi-tour. Elle s'était arrêtée au signal cédez-le-passage car il y avait de la circulation. Avant de s'engager, elle avait vérifié la route dans les deux sens. Il y avait un véhicule arrivant "au loin" de chaque côté. Celui circulant en direction de Vésenaz se trouvait sur la voie de droite. Les conditions de circulation étaient fluides et elle n'avait pas vu la moto, qui circulait peut-être derrière la voiture. C'était au moment de traverser qu'elle avait vu le motocycle arriver "très vite", juste avant qu'il ne percutât l'arrière de sa voiture. L'engin devait avoir tout juste dépassé le véhicule se trouvant sur la voie de droite car il n'était pas sur celle de gauche au moment où elle s'était engagée sur le quai.

b.b. A______ a affirmé avoir circulé le long des quais à une vitesse constante jusqu'au lieu de l'accident, soit 60km/h. Il se trouvait sur la voie de gauche, pour éviter les voitures qui s'arrêtaient à droite pour se parquer. Alors qu'il "dépassait" un véhicule qui freinait devant lui sur la voie de droite, il en avait vu un autre qui lui coupait la route. Compte tenu du fait qu'il avait une passagère, il avait essayé de ralentir le plus possible avec les freins avant et arrière, tout en essayant de ne pas se "foutre par terre". Il ignorait sa vitesse exacte avant le heurt mais il ne pensait pas circuler à une vitesse supérieure à 75km/h. La conductrice de la voiture lui barrant la voie n'avait pas dû le voir car il dépassait le véhicule qui freinait.

b.c. J______ a déclaré qu'avec A______, ils circulaient sur le quai de Cologny en direction de Vésenaz, de mémoire sur la voie de droite, sans en être certaine. Il était possible que la moto ait dépassé des véhicules sur la route. A______ avait "un petit peu" l'habitude de rouler "de manière sportive" et il lui arrivait "légèrement" de commettre des excès de vitesse. Juste avant l'accident, elle estimait que la moto circulait à environ 70km/h. En voyant une voiture venir de la droite, elle avait eu le temps de se dire "on va taper".

b.d. E______, passagère à l'avant de la D______, a déclaré que B______ avait fait demi-tour à la hauteur du "P______" pour repartir en direction de Genève. Pour cela, cette dernière s'était arrêtée au cédez-le-passage avant de s'engager sur le quai de Cologny. Par habitude, elle avait elle-même observé la circulation et vu que les voitures qui roulaient en direction de Vésenaz freinaient pour s'arrêter au feu se trouvant à la hauteur du chemin de la Tour-Carrée. Dans ses souvenirs, il y avait un véhicule, dont elle avait l'impression qu'il allait s'arrêter, sur la voie de droite, tandis que celle de gauche était vide. B______ s'était engagée et, "tout à coup", une moto avait surgi sur la voie de gauche "à une vitesse folle". Son amie avait essayé d'accélérer mais n'avait pas pu éviter la collision.

b.e. F______, passagère arrière gauche de la voiture, a affirmé qu'au moment pour B______ de s'engager, il n'y avait aucun véhicule proche, les deux voies étaient libres. Selon elle, B______ avait le temps de passer sans obliger un autre véhicule venant du quai à ralentir pour les laisser passer. En regardant une seconde fois sur la gauche un bref instant après, elle avait vu une moto arriver "à fond la caisse" sur la voie de gauche.

b.f. G______, passagère arrière centrale, a déclaré qu'au moment de la manœuvre, il y avait de la circulation en direction de Vésenaz mais que les voitures étaient loin et qu'il y avait de la place pour s'engager sur le quai de Cologny.

b.g. H______, passagère arrière droite, a relaté que toutes les occupantes du véhicule, dont B______, avaient contrôlé la route et qu'il y avait de la place pour s'engager sans qu'aucun usager de la route n'ait besoin de freiner. Des voitures circulaient en direction de Vésenaz mais elles se trouvaient encore loin. Si elle avait conduit le soir des faits, elle se serait également engagée compte tenu de la circulation.

b.h. K______ a expliqué avoir suivi le véhicule conduit par B______ le soir en question et se trouvait derrière cette dernière au moment de l'accident. Alors que la [voiture] D______ de son amie se trouvait entre les deux voies de circulation du quai de Cologny, elle avait vu la moto en percuter l'arrière gauche. Elle n'avait rien vu, ni entendu, avant le choc.

b.i. L______ circulait avec son mari sur le quai de Cologny en direction de Vésenaz le soir des faits. Elle a expliqué qu'après avoir passé le radar situé à droite de la chaussée, une moto l'avait dépassée par la gauche, "hyper rapidement". Elle avait été choquée car elle ne l'avait ni entendue, ni vue venir. Ce dépassement avait été effectué à "une vitesse folle". Elle estimait rouler à 60km/h, car elle venait de passer devant le radar, tandis que la vitesse de la moto devait dépasser 100km/h. Entre cinq et dix secondes plus tard, elle avait entendu un bruit, correspondant au choc de l'accident. Elle ne pouvait pas dire si le motard avait freiné avant le choc et n'avait pas vu l'accident. De son avis, "on ne pouvait pas, en tant qu'usagers de la route circulant normalement, s'imaginer qu'un motocycliste allait arriver à une telle vitesse à l'intersection". Elle n'avait vu aucun véhicule devant elle ralentir pour laisser passer la D______ de B______ et en déduisait que celle-ci s'était engagée sans déranger la circulation.

b.j. M______, époux de L______, a relaté que la circulation était fluide et que leur voiture roulait à 50km/h environ. Environ 100 mètres avant le lieu de l'accident, une moto les avait dépassés "comme un fou", "comme un boulet de canon" ou encore "excessivement vite", soit à une vitesse qu'il estimait entre 100km/h et 150km/h. Il avait à peine eu le temps de dire à sa femme "il est fou, il va se tuer". L'impact avait eu lieu environ deux secondes après. Le motard avait tenté une manœuvre d'évitement sur la droite avant la collision. En raison de son positionnement, il n'avait pas vu l'accident.

b.k. N______, qui circulait avec un ami aux alentours de Genève-Plage, en direction de Vésenaz, a expliqué avoir entendu un motocycle roulant "à vive allure". Au moment d'être dépassé par la machine, qui était "bien au-dessus de la limitation", il avait dit à son ami "lui, il va mourir". Ils avaient été "choqués" par la vitesse. Environ dix secondes après, un "boum" assez sourd avait retenti et, en se rapprochant, il avait pu constater que ses "craintes s'étaient réalisées". Ni lui, ni son ami n'avaient vu l'accident et il ignorait si la moto avait freiné après l'avoir devancé mais il pouvait affirmer qu'elle n'avait pas changé son régime moteur. En tant que moniteur de conduite, il ne comprenait pas comment la configuration des lieux où était survenu l'accident n'avait pas encore été changée. Il était "extrêmement" dangereux de pouvoir couper deux voies de circulation sur ce quai.

b.l. O______, qui était dans la voiture avec N______, a déclaré avoir entendu "un bruit de moto très fort", c'est-à-dire "en pleine accélération et haut dans les tours". Presque au même moment, l'engin les avait dépassés par la gauche "à une vitesse folle", soit environ 120km/h. Il avait pensé "lui, il n'aura bientôt plus de permis". Environ cinq ou six secondes après, il avait entendu un bruit et, en se rapprochant, il avait compris qu'un accident était survenu. Pour lui, la conductrice du véhicule impliqué ne pouvait pas voir la moto en raison de la vitesse à laquelle celle-ci arrivait, surtout si les autres voitures sur la voie de droite circulaient à une vitesse normale.

c. Dans le rapport de renseignements du 21 janvier 2022, l'appointé C______, de la Police routière, conclut que le motocycle circulait sur la partie gauche de la voie avant le choc. Les traces relevées sur les lieux et les dégâts principaux présentés par la moto démontraient une cinétique relativement élevée. Au marquage du cédez-le-passage, la visibilité sur la gauche se situait entre 130 et plus de 400 mètres. Un véhicule circulant à 60km/h mettait ainsi entre sept et vingt-quatre secondes pour parcourir ces deux distances respectives. La chaussée étant éclairée par des candélabres, la visibilité pouvait être considérée comme bonne. Au vu des éléments, il était probable qu'au moment où B______ avait regardé sur la gauche, la moto fût masquée par la voiture qu'elle dépassait. Celle-ci arrivant sur les lieux de l'accident plusieurs secondes après le choc, la vitesse du motocycliste pouvait donc être estimée à "nettement supérieure" à celle de l'automobiliste.

d. À teneur du rapport de renseignements du 13 mars 2022, les images de vidéoprotection de la caméra située au quai de Cologny, à la hauteur de Genève-Plage, ne permettaient pas de découvrir d'éléments utiles à l'enquête. Un CD-ROM contenant les images a été versé au dossier.

e. Le 31 mai 2022, le Ministère public a tenu une audience.

J______ a expliqué ne pas pouvoir estimer la vitesse à laquelle roulait la moto qui ne lui semblait cependant pas excessive. Lorsqu'elle était avec A______, ce dernier faisait attention et elle avait confiance en lui et sa conduite.

B______, L______ et O______ ont confirmé leurs déclarations à la police. En réponse à une question, la première citée n'a pas su dire la couleur du feu de signalisation à l'intersection pour les voitures se dirigeant vers la ville.

A______ a affirmé qu'il circulait, le soir des faits, au maximum à 70km/h. Il savait que deux radars se succédaient le long du quai, limité à 60km/h et il était à cette vitesse au moment de les passer car il ne voulait "pas prendre d'amende".

f. En réponse à l'avis de prochaine clôture, A______ a, le 14 avril 2023, contesté sa responsabilité dans la survenance de l'accident. Les nombreux témoignages recueillis ne permettaient pas de déterminer si, avant le choc, il avait freiné pour atteindre une vitesse "adéquate". Les personnes entendues, qui ne se trouvaient pas dans la D______ accidentée, n'avaient d'ailleurs pas vu le choc. Le rapport de renseignements du 21 janvier 2022 ne permettait pas non plus de conclure qu'il roulait à une vitesse excessive. Il sollicitait ainsi l'audition de l'appointé C______, l'obtention d'un rapport sur les caractéristiques techniques de décélération de la I______ [marque du motocycle], une copie des images de vidéosurveillance figurant, "sous scellés", au dossier et la mise en œuvre d'une expertise dynamique des véhicules.

g. Par ordonnance pénale du 5 juin 2023 – frappée d'opposition – le Ministère public a déclaré A______ coupable de violation grave des règles de la circulation routière pour avoir circulé, le soir des faits, à une vitesse largement excessive par rapport à la limitation de 60km/h.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public tient pour établi qu'au moment de s'engager sur le quai de Cologny, B______ était débitrice de la priorité et que, pour effectuer sa manœuvre, elle s'était arrêtée au signal cédez-le-passage, avait contrôlé le trafic avant d'avancer. À ce moment, était visible un véhicule circulant au loin sur la voie de droite, en direction de Vésenaz, lui laissant ainsi le temps nécessaire pour rejoindre le quai dans le sens opposé. Ce n'était qu'une fois engagée sur le quai de Cologny que B______ et ses amies avaient aperçu la moto conduite par A______, lequel circulait à une vitesse excessive, ce qui était corroboré par les déclarations concordantes des témoins et par les conclusions du rapport de renseignements du 21 janvier 2022. Dans ces circonstances, B______ avait fait preuve de toute l'attention requise; le trafic visible et prévisible au moment des faits lui permettait de s'engager sur le quai de Cologny sans gêner un véhicule prioritaire. L'apparition inopinée et à vitesse excessive de A______, alors qu'elle était presque complètement sur la voie opposée, constituait un comportement imprévisible pour elle, d'autant qu'il apparaissait vraisemblable que la moto fût cachée par la voiture se trouvant sur la voie de droite. B______ pouvait ainsi se prévaloir du principe de la confiance et effectuer son demi-tour, sans qu'aucune infraction ne pût lui être reprochée. Quant aux réquisitions de preuve formulées par A______, elles n'apparaissaient pas pertinentes et pouvaient être rejetées.

D. a. Dans son recours, A______ se plaint d'abord d'une constatation inexacte des faits. J______ avait affirmé qu'il conduisait prudemment avec elle et n'avait pas eu l'impression que leur vitesse était excessive. Les témoins entendus n'avaient pas vu le heurt et avaient été dépassés plusieurs centaines de mètres avant l'impact; leurs déclarations ne pouvaient dès lors pas contredire ses propres affirmations selon lesquelles il roulait à environ 75km/h au maximum avant la collision. Le témoignage de M______ était contradictoire avec celui de son épouse et devait donc être écarté. N______ et O______ avaient déclaré avoir été dépassés "bruyamment" et aucune des passagères de la D______, ni la conductrice de la voiture la suivant, n'avaient entendu la moto, ce qui confirmait que sa vitesse n'était pas la même entre les deux points. Par ailleurs, B______ n'avait pas fait preuve de toute la prudence requise en croisant deux voies rapides à une allure trop faible. De manière contraire à l'art. 319 CPP, le Ministère public avait considéré que la précitée n'était pas responsable de l'accident. Pourtant, la manœuvre effectuée était périlleuse, notamment au vu de la configuration des lieux, jugée dangereuse par N______. Il suffisait pourtant à B______ d'attendre la phase de feu rouge pour pouvoir s'engager sur le quai. Inattentive, elle ne l'avait pas vu qui arrivait depuis la voie de gauche, au bénéfice de la priorité, à une vitesse qui n'était pas établie. À ce propos, il avait déclaré avoir ralenti avant chaque radar. Or, l'un d'eux se trouvait avant l'intersection avec le chemin de la Tour-Carrée, de sorte qu'il ne roulait pas à une vitesse excessive. B______ ne pouvait ainsi pas être exonérée de toute faute. Enfin, il était nécessaire de connaître les caractéristiques de la I______ [marque du motocycle] en lien avec sa décélération.

Il produit divers plans et photographies du quai de Cologny, où il y indique l'emplacement de deux radars: le premier se situe, côté Vandœuvres du quai, à la hauteur du croisement avec le chemin Byron, soit à environ 400 mètres du lieu de l'accident visant l'arrière des véhicules roulant dans la direction de Vésenaz; le second, côté lac, une cinquantaine de mètres après les feux à l'intersection avec le chemin de la Tour-Carrée visant l'arrière des véhicules se dirigeant vers la ville.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

 

 

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles produites devant la juridiction de céans sont également recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2).

2.             Le recourant allègue une constatation erronée des faits (art. 393 al. 2 let. b CPP).

Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

3.             Le recourant s'oppose au classement de la procédure.

3.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Cette disposition doit être appliquée conformément au principe "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2; arrêt 6B_400/2020 du 20 janvier 2021 consid. 3.1).

3.2. L'art. 125 CP punit quiconque, par négligence, fait subir à une personne une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé.

3.2.1. Conformément à l'art. 12 al. 3 CP, il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l'auteur a agi sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte.

Deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence. En premier lieu, il faut que l'auteur viole les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires. Un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît qu'au moment des faits, son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui (ATF 136 IV 76 consid. 2.3.1). Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut donc se demander si une personne raisonnable, dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur, aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la survenance du résultat dommageable (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 et les références citées). Lorsque des prescriptions légales ou administratives ont été édictées dans un but de prévention des accidents, ou lorsque des règles analogues émanant d'associations spécialisées sont généralement reconnues, leur violation fait présumer la violation du devoir général de prudence (ATF 143 IV 138 consid. 2.1; 135 IV 56 consid. 2.1; 134 IV 255 consid. 4.2.3). Dans le domaine du trafic routier, il convient de se référer aux règles de la circulation routière (ATF 122 IV 133 consid. 2a). En second lieu, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c'est-à-dire qu'il faut pouvoir reprocher à l'auteur une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 135 IV 56 consid. 2.1; 134 IV 255 consid. 4.2.3 et les références citées).

3.2.2. Conformément au principe de la confiance découlant de la règle générale de l'art. 26 al. 1 LCR, tout usager de la route qui se comporte conformément aux règles établies, doit pouvoir, dans la mesure où aucune circonstance particulière ne s'y oppose, admettre que les autres participants à la circulation routière se conduiront également de façon conforme aux règles, c'est-à-dire qu'ils ne le gêneront pas et ne le mettront pas en danger (ATF 143 IV 138 consid. 2.1; 125 IV 83 consid. 2b).

3.3.1. L'art. 27 al. 1 LCR impose aux usagers de la route de se conformer aux signes et aux marques. Ceux-ci ne sont obligatoires que s'ils sont clairs et que leur portée est aisément reconnaissable (ATF 127 IV 229 consid. 2c.aa ; 106 IV 138 consid. 3).

3.3.2. L'art. 36 al. 2 de l'ordonnance sur la signalisation routière (OSR) prévoit que le signal "Cédez le passage" oblige le conducteur à accorder la priorité aux véhicules circulant sur la route dont il s'approche (ATF 143 IV 500 consid. 1.2.1).

À teneur de l'art. 14 de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière (OCR), celui qui est tenu d'accorder la priorité ne doit pas gêner dans sa marche le conducteur bénéficiaire de la priorité. Il réduira sa vitesse à temps et, s'il doit attendre, s'arrêtera avant le début de l'intersection. L'arrêt s'impose, en particulier dès que le non-prioritaire constatera qu'il ne pourrait pas libérer la route prioritaire avant l'arrivée du prioritaire et ce, avec une marge de sécurité suffisante et si la situation n'est pas claire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_299/2011 du 1er septembre 2011 consid. 3.2). Le bénéficiaire de la priorité est gêné dans sa marche au sens de cette disposition, lorsqu'il doit modifier brusquement sa manière de conduire, par exemple parce qu'il est soudainement contraint de freiner, d'accélérer ou de faire une manœuvre d'évitement sur l'intersection, voire peu avant ou peu après celle-ci, sans qu'il importe de savoir si une collision survient ou non (ATF 114 IV 146 ss; 143 IV 500 consid. 1.2.1; 6B_263/2009 du 14 juillet 2009 consid. 1.1.2).

3.3.3. Le conducteur débiteur de la priorité peut se prévaloir du principe de la confiance. Si le trafic lui permet de s'engager sans gêner un véhicule prioritaire, on ne peut lui reprocher aucune violation du droit de priorité s'il entrave malgré tout la progression du prioritaire en raison du comportement imprévisible de ce dernier (ATF 120 IV 252 consid. 2d/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_959/2016 du 6 juillet 2017 consid. 2.2). Dans l'optique d'une règle de priorité claire, on ne peut toutefois admettre facilement que le débiteur de la priorité n'a pas à compter avec le passage, respectivement l'entrave d'un prioritaire (ATF 143 IV 500 consid. 1.2.4; ATF 120 IV 252 consid. 2d/aa; arrêts du Tribunal fédéral 6B_631/2018 du 24 octobre 2018 consid. 1.2; 6B_959/2016 du 6 juillet 2017 consid. 2.2).

3.4. En l'espèce, il est établi – et non contesté – que la prévenue s'est arrêtée à la signalisation cédez-le-passage, au bout du chemin de la Tour-Carrée, dans le but de franchir les deux voies de circulation du quai de Cologny en direction de Vésenaz pour rejoindre celles menant à la ville. Elle était donc débitrice de la priorité aux véhicules circulant, dans les deux sens, sur ledit quai.

À teneur de ses déclarations, la prévenue disposait du temps nécessaire pour entreprendre sa manœuvre, les véhicules venant en particulier de sa gauche se trouvant encore "au loin". Elle n'avait en tous cas pas vu la moto du recourant. La faisabilité de l'engagement sur la route et l'apparition soudaine du motocycle ainsi décrites sont corroborées par les dires des quatre autres occupantes de la voiture, qui ont, toutes, effectué un contrôle visuel du trafic. Pour elles, les deux voies en direction de Cologny étaient suffisamment dégagées pour permettre à leur amie de les traverser sans entraver la venue d'un véhicule prioritaire. Aucune n'a, en outre, mentionné la présence de la moto avant que la collision ne s'avère inévitable, laissant ainsi penser que l'engin a surgi dans le champ de vision des occupantes de la D______ alors que la voiture se trouvait déjà entre les voies. D'ailleurs, tant la prévenue que le recourant ont évoqué la possibilité que la voiture circulant sur la voie de droite ait masqué l'arrivée de la moto conduite par l'intéressé. Le rapport de renseignements du 21 janvier 2022 retient également cette hypothèse.

Le fait que la prévenue, ainsi que d'autres personnes, n'aient pas entendu la moto arriver n'est pas incompatible avec les déclarations de N______ et O______, des facteurs (vitres ouvertes, phase d'accélération du motocycle) non envisagés par la procédure pouvant expliquer cette différence.

À côté de cela, les éléments au dossier convergent vers une vitesse excessive du recourant juste avant le heurt.

Le rapport précité conclut, sur la base des constats matériels effectués sur place et sur les véhicules, à une cinétique élevée du motocycle. Les témoignages de tiers non impliqués sont encore plus probants. Sur les quatre personnes dépassées par le recourant juste avant l'accident, toutes ont catégoriquement affirmé que ce dernier roulait au-delà de la limitation à 60km/h. En général, ces témoins ont situé sa vitesse aux alentours de 100km/h et estimé qu'il roulait "comme un fou", "à une vitesse folle" ou encore "hyper rapidement". Le sentiment partagé semble être l'effarement devant la vitesse adoptée par le recourant, entrainant des remarques telles que: "il est fou, il va se tuer" ou "lui, il n'aura bientôt plus de permis" et laissant craindre aux conducteurs dépassés un accident prochain. Ces déclarations trouvent d'ailleurs échos avec celles de la passagère du recourant, selon laquelle celui-ci avait parfois tendance à conduire sportivement et au-delà des limitations.

Les dénégations du recourant au sujet de sa vitesse le soir des faits ne convainquent pas en l'état. Si aucun des tiers non impliqués n'a véritablement pu voir l'accident, il ressort de leurs dires – comme développés supra – qu'au moment d'être dépassés par l'intéressé, celui-ci roulait trop vite, sans qu'il ne soit fait mention d'une diminution de l'allure après avoir été devancés. Certes, ils n'ont donc pas pu voir si le recourant avait freiné juste avant la collusion mais rien ne laisse ainsi à penser qu'il aurait ostensiblement décéléré dans les mètres qui ont séparé le passage des voitures en question et l'intersection où a eu lieu l'accident. L'un des témoins a d'ailleurs déclaré n'avoir pas entendu de changement de régime de la moto.

De surcroît, le laps de temps entre ces dépassements et le bruit de l'accident est estimé entre deux et dix secondes au maximum et apparaît ainsi bref. L______ – dont les déclarations ne sont en rien contradictoires avec celles de son époux – estime en outre avoir été devancée par la moto à la hauteur du radar situé du côté Vandœuvres du quai de Cologny, situant ainsi sa voiture à 400 mètres des lieux de l'accident. La combinaison de ces facteurs, en tenant encore compte de la "vitesse folle" prêtée au recourant, ne fait apparaître qu'un créneau réduit au cours duquel ce dernier aurait pu ralentir spontanément et volontairement, avant même de voir la D______ de la prévenue. Enfin, la passagère de la moto ne prétend pas que le recourant ait freiné.

Le radar se trouvant à proximité de l'intersection avec le chemin de la Tour-Carrée ne saurait servir de gage pour la vitesse du recourant dans la mesure où l'emplacement et l'axe de l'appareil destinent celui-ci au contrôle des véhicules circulant sur la voie opposée à celle où il se trouvait. Enfin, et pour les motifs développés plus haut, il n'est pas nécessaire de connaître les caractéristiques techniques de décélération de sa I______ [marque du motocycle] puisque rien ne laisse à penser, en l'état du dossier, que sa vitesse n'était pas excessive juste avant l'impact.

Compte tenu de ce qui précède, c'est à raison que le Ministère public a considéré que, dans les circonstances qui étaient les siennes, la prévenue a adopté le comportement requis pour effectuer sa manœuvre sans gêner de véhicule prioritaire. L'apparition soudaine et inopinée du recourant sur la voie de gauche – auparavant dégagée – constituait un facteur imprévisible pour elle qui peut, dès lors, se prévaloir du principe de la confiance, l'exonérant ainsi de toute négligence dans ses actes. Les réquisitions de preuves sollicitées par le recourant pouvaient également être écartées.

À titre superfétatoire, les allégations du précité selon lesquelles la prévenue aurait franchi les deux voies du quai de Cologny à une vitesse trop faible ne trouvent aucune assise au dossier.

Par conséquent, aucune infraction pénale ne peut lui être reprochée.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait être traité sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17134/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00