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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8824/2022

ACPR/556/2023 du 21.07.2023 sur ONMMP/2/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;PLAINTE PÉNALE
Normes : CP.30; CP.179septies

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8824/2022 ACPR/556/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 21 juillet 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me B______, avocate,

recourante,

contre l'ordonnance de non entrée en matière rendue le 3 janvier 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié par messagerie sécurisée, le 19 janvier 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 janvier 2023, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte.

La recourante conclut à l'annulation de l'ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour instruction. Elle sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire pour le présent recours, ainsi que la nomination d'office de Me B______.

b. La recourante a été dispensée de l'avance de sûretés, au vu de son indigence.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Dans le cadre de la procédure référencée P/1______/2020, C______ a été, sur plainte de son épouse, A______, déclaré coupable de tentative de menaces, d'injures et de voies de fait par jugement du Tribunal de police, le 18 mai 2022, produit à l'appui du recours.

b. Antérieurement, entre les 1er février et 19 mars 2022, C______ a adressé environ six messages écrits ainsi qu'un message vocal à A______, dans lesquels, en substance, il s'excusait de ses comportements.

c. A______, sous la plume de son conseil, a porté plainte contre C______, le 8 avril 2022. En faisant référence à une lettre - annoncée mais non produite - du 23 mars 2022 adressée au Tribunal de police, elle expliquait viser "les nouveaux faits de la nuit du 18 au 19 mars 2022". Elle a ajouté que son ex-conjoint la contactait très souvent pour notamment lui demander une "nouvelle chance", ce qui générait de l'anxiété. Elle avait perdu le sommeil et l'appétit. Elle portait ainsi plainte pour violation de l'art. 179septies CP.

À l'appui de sa plainte, elle a produit les messages de son ex-conjoint ainsi qu'un chargé de pièces dont le bordereau ne mentionnait pas non plus la lettre du 23 mars 2022.

d. Entendu par la police le 12 mai 2022, C______ a expliqué qu'une procédure pénale était en cours, dans laquelle son ex-conjointe lui reprochait des faits de violences conjugales, ayant conduit à leur séparation. Il a expliqué, en résumé, qu'il communiquait encore avec son ex-conjointe, qu'elle le contactait "tout le temps" par message et lui proposait également d'aller manger ensemble ou de passer des nuits chez elle. De son côté, il lui avait envoyé les messages visés par la plainte pour s'excuser et lui avait laissé un message vocal parce qu'il ne comprenait pas qu'elle ait débarrassé ses affaires dehors, pensant qu'ils allaient se remettre ensemble puisqu'il passait des nuits chez elle. Il a également précisé qu'elle répondait à ses messages.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu, après avoir résumé les déclarations de C______, que les éléments constitutifs de
l'art. 179septies CP n'apparaissaient pas réalisés dès lors que rien n'indiquait que le précité avait agi par méchanceté ou espièglerie.

D. a. Dans son recours, A______ reproche à l'ordonnance querellée de ne pas avoir traité des faits de la nuit du 18 au 19 mars 2022, mentionnés dans sa lettre du 23 mars 2022 "annexé[e]", à savoir lorsque son ex-conjoint était venu taper à sa porte, crier, tenter de l'appeler et l'insulter. Il s'agissait là d'infractions d'injures, menaces et contrainte et le Ministère public avait commis un déni de justice. De plus, bien qu'elle eût demandé l'audition de sa cousine, le Ministère public n'avait pas entendu celle-ci. Elle reproche également à l'autorité précédente de ne pas avoir pris en compte le contexte de violences conjugales en lien avec l'art. 179septies CP.

b. Dans ses observations, le Ministère public se rapporte à son ordonnance querellée et conclut au rejet du recours, sans autres développements.

c. La recourante n'a pas répliqué.

 

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et - faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP - dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles produites par la recourante sont également recevables, la jurisprudence constante admettant leur production en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas avoir traité les faits relatifs aux infractions d'injures, menaces et contrainte, commettant ainsi un déni de justice.

2.1. L'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinente pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst féd. De même, la jurisprudence déduit du droit d'être entendu ancré à l'art. 29 al. 2 Cst féd. l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et exercer son droit de recours à bon escient (arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 et les références citées).

2.2. Une plainte est valable selon l'art. 30 CP si l'ayant droit, avant l'échéance d'un délai de trois mois depuis que l'auteur de l'infraction lui est connu (art. 31 CP), manifeste sa volonté inconditionnelle que l'auteur de l'infraction soit poursuivi et que la procédure pénale se poursuive sans autre déclaration de sa volonté (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.4 p. 387; 131 IV 97 consid. 3.1 p. 98), dans les formes et auprès des autorités compétentes selon l'art. 304 al. 1 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_942/2017 du 5 mars 2018 consid. 1.1).

Pour être valable, la plainte doit en sus exposer de manière détaillée le déroulement des faits sur lesquels elle porte, afin que l'autorité pénale sache pour quel état de fait l'ayant droit demande une poursuite pénale. Elle doit contenir un exposé des circonstances concrètes, sans qu'il soit nécessaire qu'elles soient absolument complètes. Ainsi, en cas d'injures par exemple, il n'est pas nécessaire que la plainte reproduise exactement les termes injurieux. En revanche, la qualification juridique des faits incombe aux autorités de poursuite (ATF 131 IV 97 consid. 3 p. 98 s.; arrêt du Tribunal fédéral 6B_942/2017 du 5 mars 2018 consid. 1.1; cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_396/2008 du 25 août 2008 consid. 3.3.2). Si le plaignant énonce les éléments constitutifs qui, selon lui, sont réalisés, l'autorité n'est pas liée par cette qualification. L'autorité pénale doit, par exemple, partir du principe qu'une plainte pour dénonciation calomnieuse au sens de l'art. 303 CP englobe également une atteinte à l'honneur au sens des art. 173 CPss (ATF 115 IV 1 consid. 2b, JdT 1990 IV 109). Cela n'exclut en revanche pas que le plaignant limite sa plainte en n'indiquant que partiellement les faits pour lesquels il requiert une poursuite pénale (ATF 131 IV 97 consid. 3.1 p. 98; 85 IV 73 consid. 2 p. 75).

Il n'appartient pas aux autorités pénales de rechercher si des éléments évoqués par un recourant ou des pièces fournies en annexe à sa plainte peuvent fonder des poursuites concernant des agissements qui n'ont pas été expressément dénoncés (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1340/2018 du 15 février 2019 consid. 2.5).

2.3. En l'espèce, contrairement à ce que soutient la recourante, le courrier exposant les faits relatifs aux infractions d'injures, menaces et contrainte n'a pas été annexé à sa plainte, qui ne contenait aucune description des faits survenus la nuit du 18 au 19 mars 2022. Qui plus est, la plainte était explicitement formée pour une infraction à l'art. 179septies CP.

Les faits relatifs à la nuit du 18 au 19 mars 2022 ont été décrits dans un courrier adressé au Tribunal de police dans une autre procédure, qui n'était ni joint à sa plainte, ni mentionné dans le bordereau de pièces. La seule mention de ces agissements, dans la plainte, a consisté dans la référence de "nouveaux faits de la nuit du 18 au 19 mars 2022" sans autre précision. Dans ces circonstances, la plainte n'a porté que sur les faits décrits, soit une infraction à l'art. 179septies CP.

3.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas avoir pris en compte le contexte de violences conjugales dans son analyse de l'art. 179septies CP.

3.1. Selon l'article 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'un acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1, 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

3.2. L'art. 179septies CP prévoit que celui qui, par méchanceté ou par espièglerie, aura utilisé abusivement une installation de télécommunication pour inquiéter un tiers ou pour l'importuner sera, sur plainte, puni d'une amende.

L'art. 179septies CP protège le droit personnel de la victime à ne pas être importunée par certains actes commis au moyen d'une installation de télécommunication (cf. ATF 121 IV 131 consid. 5b p. 137), notamment du téléphone. L'utilisation de ce moyen de télécommunication est abusive lorsqu'il apparaît que l'auteur ne tend pas vraiment à une communication d'informations ou de pensées, mais emploie plutôt le téléphone dans le but d'importuner ou inquiéter la personne appelée.

Les téléphones inquiétants et importuns doivent atteindre une certaine gravité minimale sur le plan quantitatif et/ou qualificatif, pour constituer une atteinte à la sphère personnelle de la victime punissable pénalement au sens de l'art. 179septies CP. En cas d'atteintes légères ou moyennes à la sphère personnelle causées par l'usage du téléphone, la limite de la punissabilité exige une certaine quantité d'actes. La question du nombre d'appels nécessaire pour admettre une utilisation abusive d'une installation de communication, dépend des circonstances du cas d'espèce et ne peut pas être déterminée de façon abstraite. À titre d'exemple, l'envoi d'environ dix SMS par jour sur une période de sept mois a été considéré comme quantitativement suffisant pour importuner la personne visée (ATF 126 IV 216 consid. 2b/aa p. 219s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1088/2015 du 6 juin 2016 consid. 2.1).

3.2.1. Il y a méchanceté lorsque l'auteur commet l'acte répréhensible parce que le dommage ou les désagréments qu'il cause à autrui lui procurent de la satisfaction. Quant à l'espièglerie, elle signifie agir un peu follement, par bravade ou sans scrupule, dans le but de satisfaire un caprice momentané (ATF 121 IV 131 consid. 5b p. 137 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_441/2016 du 29 mars 2017 consid. 5.1).

En matière d'amoureux éconduit, la condition de l'espièglerie est remplie, selon la jurisprudence, lorsque la situation s'apparente à du "stalking" (sur cette notion cf. ATF 141 IV 437 consid. 3.2.2 ; 129 IV 262 consid. 2.3) avec les conséquences néfastes qu'il peut avoir sur le psychisme de la victime, par exemple en présence d'une action incessante de l'auteur, face à une volonté affichée de la victime de ne pas (re) nouer la relation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_727/2021 du 22 avril 2022 consid. 3.3.2 et 6B_1088/2015 du 6 juin 2016 consid. 2.2).

3.3. En l'espèce, la plainte ne fait aucune mention de violences conjugales mais le Ministère public a eu connaissance de l'existence d'une procédure pénale en cours, à la suite de l'audition du mis en cause par la police.

Cela étant, l'envoi de six messages et d'un message vocal en une demi-douzaine de semaines, représente, en soi, un nombre faible de communications sur une période brève, de sorte que les messages envoyés à la recourante ne sauraient être considérés comme dérangeants ou inquiétants. En effet, leur contenu n'est ni inconvenant, ni menaçant et aucune méchanceté ou espièglerie n'est perceptible, et cela malgré l'éventuel contexte de violence conjugale. C'est donc à raison que le Ministère public n'a pas retenu d'infraction à l'art. 179septies CP.

4.             La recourante a sollicité l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

4.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).

La cause ne devant pas être dénuée de toute chance de succès, l'assistance peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la position du requérant est juridiquement infondée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1. et les références citées).

4.2. En l'espèce, même si l'indigence de la recourante est établie, le recours était, pour les motifs exposés supra, voué à l'échec, si bien que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire ne sont pas remplies.

La demande sera, partant, rejetée.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03) pour tenir compte de sa situation financière.

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est rendu sans frais (art. 20 RAJ).

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/8824/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00