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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16392/2015

ACPR/535/2023 du 18.07.2023 sur JTDP/122/2023 ( TDP ) , REJETE

Recours TF déposé le 27.07.2023, rendu le 18.01.2024, ADMIS, 6B_939/2023
Descripteurs : AVOCAT D'OFFICE;ASSISTANCE JUDICIAIRE;HONORAIRES;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.135; RAJ.16

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16392/2015 ACPR/535/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 18 juillet 2023

 

Entre

A______, avocat, comparant par Me Rémy BUCHELER, avocat, Pont-Rouge Avocats, route des Jeunes 9, 1227 Les Acacias,

recourant,

contre le jugement rendu le 31 janvier 2023 par le Tribunal de police (décision d'indemnisation),

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, case postale 5715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 2 février 2023, A______ recourt contre le jugement du 31 janvier précédent, notifié le jour-même, par lequel le Tribunal de police lui a alloué une indemnité de CHF 15'539.80 pour la défense de B______ dans la procédure de première instance.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à ce qu'il lui soit alloué une indemnité de CHF 21'176.30.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par ordonnance de révocation et remplacement du 15 mai 2020, le Ministère public a nommé Me A______ à la défense d'office de B______.

b. Le 24 août 2022, le Ministère public a transmis un acte d'accusation en procédure simplifiée au Tribunal de police, retenant à l'encontre de B______ l'escroquerie par métier, la violation grave des règles de la circulation routière et la non-restitution du permis ou de plaques.

c. Le 31 janvier 2023, Me A______ a communiqué au Tribunal de police son état de frais.

Il était soumis au tarif horaire de CHF 150.- jusqu'au 30 décembre 2020 et CHF 200.- au-delà. Pour le poste "Correspondance", il sollicitait une rémunération effective, plutôt que basée sur le forfait de 20%.

Ledit poste couvrait la période du 20 mai 2020 au 30 janvier 2023, avec un total de deux-cents-dix-huit entrées, parmi lesquelles figuraient notamment: "Téléphone avec C______ (médical): transfert à l'hôpital?" (0h05); "Courrier avec le MP (efax): demande de tenue d'un index et numération des pièces" (0h45); "Courrier avec le MP (efax) demande de 8 mesures médicales" (0h30); "Courrier avec service médical de C______" (0h30); "Téléphone avec Mme [ ] (SPI): souhaite restée (sic) informée des changements dans les MSubs" (0h05); "Courrier avec l'OCPM: mise en demeure préalable à un recours en déni de justice (attestation de résidence)" (0h20); "Courrier avec l'OCPM: urgent, renouvellement et risques médicaux de M. B______" (0h30); "courrier avec le client: envoi permis de séjour original" (1h00).

Le décompte final de ses activités se présentait comme suit:

- Conférence: 34h05 – CHF 5'310.-;

- Procédure: 99h30 – CHF 15'259.-;

- Audiences: 47h15 – CHF 7'518.33;

- Correspondance: 42h35 – CHF 7'515.13;

- Déplacements: 03h30 – CHF 683.34

- Autres: 05h30 – CHF 863.50

- Total: 232h35 – CHF 37'150.13.

À ce montant devaient encore être additionnés CHF 1'464.- pour les frais d'interprète, et soustraits de CHF 15'000.-, payés à titre d'avance sur taxation. Au bout du compte, le montant total requis était de CHF 26'500.13, TVA comprise.

d. Le 9 février suivant, il a envoyé au Greffe de l'assistance judiciaire son état de frais intermédiaire, présentant un solde ouvert de CHF 25'828.49, réitérant sa demande de rémunération effective du poste "Correspondance" (41h35).

C. Dans son jugement, le Tribunal de police retient 146h50 d'activité, à des tarifs horaires variables, pour aboutir à un montant de CHF 22'810.05. Pour le poste "Correspondance", il n'y avait pas lieu de s'écarter du forfait de 10%, vu l'importance de l'activité déployée. Cela représentait CHF 2'281.- (10% de CHF 22'810.05). L'indemnité finale de CHF 15'539.80 était ainsi fixée de la sorte:

Indemnité

fr. 22'810.00

Forfait 10%

fr. 2'281.00

Déplacements

fr. 1'880.00

Sous-total

fr. 26'971.05

TVA

fr. 2'076.75

Débours

fr. 1'492.00

Déductions

fr. 15'000.00

Total

fr. 15'539.80

 

 

 

D. a. Dans son recours, Me A______ renonce à contester les différentes réductions opérées par le Tribunal de police, sauf celle liée au poste "Correspondance". Il avait sollicité, à deux reprises, que ces activités soient rémunérées de manière effective, et non selon un forfait. Cette modalité se justifiait compte tenu du caractère indispensable de la défense du prévenu mais également car les nombreuses correspondances avaient permis d'éviter diverses démarches qui auraient nécessité une activité plus conséquente. L'envoi d'un courrier au client permettait, par exemple, d'éviter un parloir. La réduction opérée par le Ministère public forçait à déployer "plus de prestations que nécessaire (et de manière moins efficace)".

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 135 al. 3 let. a et 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de l’avocat d'office, qui a qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif est prévu à l'art. 16 al. 1 RAJ; il s'élève à CHF 200.-/heure pour un chef d'Étude (let. c) et à CHF 110.-/heure pour un stagiaire (let. a); la TVA est versée en sus.

L'art. 3 RAJ prévoit que l'assistance juridique ne couvre que les démarches ou les actes de procédure utiles à la défense de la personne bénéficiaire (al. 2). Elle ne s'étend pas aux activités relevant de l'assistance sociale ou dont d'autres organismes subventionnés directement ou indirectement peuvent se charger à moindre frais (al. 3).

2.2. Seules les activités nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

Sont prises en considération les opérations directement liées à la procédure pénale, l'avocat devant ainsi veiller au respect du principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_360/2014 du 30 octobre 2014 consid. 3.3, non publié in ATF 140 IV 213). On exige de sa part qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (ATF 117 Ia 22 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_129/2016 du 2 mai 2016 consid. 2.2 et les réf. citées; décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2023.59 du 5 juin 2023 consid. 4.1.2). 

2.3. Les démarches ne nécessitant pas ou peu de motivation ou autre investissement particulier en termes de travail juridique, tels que le temps et les frais liés aux courriers et aux téléphones, sont en principe incluses dans le forfait – fixé à 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures –; les écritures plus amplement motivées sont, quant à elles, indemnisées séparément dans les limites du principe de nécessité (ACPR/896/2021 du 20 décembre 2021 consid. 4.1; AARP/59/2020 du 30 janvier 2020, consid. 15.3 et les références citées). L'autorité peut s'éloigner du taux de 20% pour l'indemnisation forfaitaire dans la mesure où les frais et l'activité sont couverts par un montant inférieur, l'aspect déterminant étant leur couverture.

2.4. Lorsque le défenseur d'office entend remettre en question la quotité du forfait sus-évoqué, il doit établir que la procédure a généré des prestations/contacts importants susceptibles d'excéder les heures de travail admises par l’autorité. En règle générale, il suffit que la somme octroyée couvre les frais concrètement encourus, ainsi que le temps consacré à ces activités. Dite autorité peut donc s'éloigner, sans arbitraire, du taux de 20%, l'aspect déterminant étant que lesdits frais et activités soient couverts (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.1 et 3.5.2; ACPR/885/2022 du 20 décembre 2022 consid. 2.5).

2.5. En l'espèce, le poste "Correspondance" de l'état de frais du recourant est substantiel, avec plus de deux cents entrées, pour une activité totale de 42h35.

Néanmoins, il ressort du détail de ses activités que de nombreuses occurrences ne sont pas directement liées à la procédure ou qu'elles concernent des problématiques périphériques, qui ne sont pas strictement nécessaires à la défense du prévenu.

En particulier, toutes les démarches auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations, du Service de probation et d'insertion ou toutes celles liées à la santé du prévenu ou son éventuel permis de séjour ne sont pas incluses dans l'assistance juridique.

L'importance numérique de ce poste doit, partant, être grandement nuancée puisqu'il apparaît artificiellement gonflé par des activités qui ne remplissent pas les exigences légales pour être prises en compte dans l'indemnisation du défenseur d'office.

Une fois écartées ces activités étrangères, le poste "Correspondance" ne présente plus d'élément permettant de justifier une rémunération effective et semble, au contraire, couvert par l'indemnité de CHF 2'281.- allouée par l'instance précédente.

Enfin, on ne voit pas en quoi la réduction de ces durées inciterait à favoriser une activité plus conséquente – et moins performante – de l'avocat d'office, dès lors qu'il appartient, au contraire, à celui-ci d'effectuer son mandat de la manière la plus cohérente, expéditive et efficace possible. À titre superfétatoire, le nombre de visites avec un client en détention est, en règle générale, limité à un par mois pour les défenseurs d'office (ACPR/885/2022 précité, consid. 2.2), si bien que le recourant ne saurait tirer argument d'un courrier envoyé en lieu et place d'un parloir.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal de police a agi de bon droit en appliquant le taux forfaitaire de 10% pour rémunérer l'activité déployée par le recourant en lien avec le poste "Correspondance".

3.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne Me A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à
CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Tribunal de police.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16392/2015

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00