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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/50/2023

ACPR/547/2023 du 19.07.2023 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : MESURE THÉRAPEUTIQUE INSTITUTIONNELLE;RISQUE DE RÉCIDIVE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CP.59.al3

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/50/2023 ACPR/547/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 19 juillet 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me C______, avocat,

recourant,

contre la décision rendue le 6 avril 2023 par le Service de l'application des peines et mesures,

et

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, route des Acacias 78-82, 1227 Les Acacias, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 20 avril 2023, A______ recourt contre la décision du 6 avril 2023, communiquée sous pli simple, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après : SAPEM) a ordonné l'exécution de sa mesure thérapeutique institutionnelle en milieu fermé.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'octroi d'une défense d'office pour l'instance de recours et, principalement, à l'annulation de la décision querellée et, cela fait, au maintien de l'exécution de la mesure au sens de l'art. 59 CP en milieu ouvert et à ce que son transfert en milieu ouvert soit ordonné immédiatement, subsidiairement dès que possible, et, plus subsidiairement, à ce qu'une hospitalisation de décharge soit ordonnée, à lever dès que le corps médical l'estimera opportun.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant suisse né le ______ 1974, a fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu rendue le 26 mars 2004 par la Chambre d'accusation, qui l'a déclaré irresponsable du chef de meurtre (art. 111 CP) et a ordonné son internement.

Il lui était reproché d'avoir, le 20 août 2003, alors qu'il rentrait chez lui, étranglé D______, une amie rencontrée dans le hall de son immeuble, avant de lui asséner des coups de couteau au cou, provoquant son décès.

b. Plusieurs rapports d'expertise psychiatrique concernant A______ ont été établis les premières années de son incarcération.

b.a. Le 8 décembre 2003, le Dr E______ a diagnostiqué une schizophrénie paranoïde continue, des troubles mentaux et des troubles du comportement liés à l'utilisation de cannabis ainsi qu'un syndrome de dépendance à cette substance, des troubles mentaux et des troubles du comportement liés à l'utilisation de cocaïne ainsi qu'un syndrome de dépendance à cette substance, et une personnalité dyssociale.

L'intéressé avait alors un historique de 33 hospitalisations en milieu psychiatrique, qui avaient pour motifs des décompensations psychotiques aiguës à la suite d'abus de drogues diverses (cannabis, LSD, champignons hallucinogènes), dont la consommation était alors considérée comme une forme d'auto-médication d'un trouble schizophrénique en évolution. Les symptômes de la schizophrénie paranoïde chronique étaient aggravés par la consommation de substances toxiques et l'arrêt de la médication spécifique qui lui était nécessaire. Un traitement médical ou de soins spéciaux était nécessaire pour atténuer ou limiter le danger de récidive, l'intéressé étant toutefois incapable de s'inscrire de façon durable dans un processus de soins volontaire. Son état mental et l'absence de garantie d'adhésion durable à un traitement rendaient nécessaire une mesure de sûreté de type internement, cumulée à une mesure de soins, pour prévenir la mise en danger d'autrui.

b.b. Le 19 mars 2008, le psychologue F______ a considéré que le cours de la maladie mentale de A______ était imparfaitement contrôlé par la prise de médicaments, l'intéressé nécessitant des hospitalisations psychiatriques carcérales fréquentes. La mesure d'internement demeurait nécessaire, aucun milieu institutionnel autre que le milieu carcéral ne répondant au besoin de sécurité de l'encadrement à accorder à l'intéressé.

b.c. Selon un rapport du 30 juin 2008 de la Dre G______, l'internement de A______ demeurait nécessaire. Il avait régressé dans la prise de conscience de ses actes. Les graves troubles psychiques dont il souffrait l'empêchaient d'intérioriser la sanction et d'adhérer au traitement de manière appropriée. Il était sérieusement à craindre que l'intéressé commette de nouvelles infractions portant gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui, compte tenu de son trouble de la personnalité dyssociale, de sa schizophrénie paranoïde continue, et des troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de plusieurs types de substances psychoactives.

b.d. Dans un rapport du 15 novembre 2010, le Dr H______ a confirmé la nécessité de maintenir l'internement de A______, en raison de son trouble mental et des risques de décompensation sévère qui y étaient liés en cas d'interruption du traitement.

c. Le 17 mars 2011, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a libéré conditionnellement A______ de la mesure d'internement, a fixé un délai d'épreuve de 5 ans et ordonné une mesure institutionnelle en milieu fermé au sens de l'art. 59 al. 3 CP.

d. Le 11 janvier 2016, le SAPEM a validé un plan d'exécution de la mesure (ci-après : PEM), qui prévoyait, en première phase, des conduites sur une période d'une année, étant précisé qu'une nouvelle expertise psychiatrique pouvait être réalisée après quelques conduites pour permettre la réévaluation de l'état clinique de A______.

e.a. Dans un rapport d'expertise du 15 avril 2016, les Dres I______ et J______, du CURML, ont posé le diagnostic d'une schizophrénie de type indifférencié, de syndromes de dépendance au cannabis et à la cocaïne (abstinent compte tenu de l'environnement protégé de l'expertisé) et d'utilisation nocive pour la santé de produits hallucinogènes. Elles ont relevé que A______ avait, encore récemment, connu des hallucinations visuelles l'ayant conduit à agresser violemment un codétenu. Le maintien de la mesure était justifié, un élargissement progressif de celle-ci n'étant pas indiqué faute de périodes de stabilité suffisantes sans décompensations aiguës ni actes hétéro ou auto-agressifs.

e.b. Dans un rapport d'expertise du 29 août 2017, les Drs K______ et L______, du Centre d'expertise du CHUV, ont diagnostiqué une schizophrénie paranoïde continue et des troubles mentaux et des troubles du comportement liés à l'utilisation de substances psychoactives multiples, avec un syndrome de dépendance (abstinent compte tenu de l'environnement protégé). Le type de schizophrénie dont l'intéressé était atteint se caractérisait par un délire en réseau, mal systématisé, à thématiques abondantes et à mécanismes multiples, confinant à des productions délirantes imaginatives ou fantastiques. La maladie connaissait une évolution par poussées, avec des périodes relativement aiguës. Il avait fallu des années pour stabiliser cette pathologie sévère et la relative stabilité actuelle ne devait pas être considérée comme acquise. L'acte meurtrier était intervenu dans un contexte associant décompensation psychotique aiguë, rupture thérapeutique, consommation de toxiques, idées suicidaires récurrentes avec passage à l'acte et contact, certes inopiné, avec une femme qui avait été son amante.

Le risque de commission d'une nouvelle infraction ne pouvait pas être écarté au regard de la pathologie toujours présente de l'intéressé. Ce risque était toutefois peu important. Les facteurs susceptibles d'entrainer un acte violent étaient la décompensation de sa maladie, la consommation de produits psychoactifs, l'opposition aux soins et la rupture du lien avec les soignants. Un régime progressif pouvait être envisagé, sous la réserve de la stabilité de l'état de santé de A______, mais il était prématuré d'envisager un placement en milieu ouvert, sans connaître le résultat d'un éventuel élargissement par le biais de conduites et de congés.

f. Par décision du 10 novembre 2017, le SAPEM a octroyé à A______ un régime de conduites, encadrées par des agents de la Brigade de sécurité et des audiences pour les trois premières, l'intéressé étant soumis à des contrôles d'abstinence avant chaque conduite.

g. Dans ses rapports des 14 mars et 14 août 2019, le Service des mesures institutionnelles (ci-après : SMI) a préconisé la poursuite des conduites avec un accompagnement infirmier et l'identification rapide d'un projet de placement permettant à A______ de bénéficier de soins psychiatriques continus dans un milieu qui ne pouvait être uniquement carcéral. L'intéressé présentait toujours des idées suicidaires récurrentes, ainsi que des idées délirantes et des hallucinations auditives avec une intensité fluctuante, ces symptômes étant accompagnés d'une angoisse importante. A______ faisait néanmoins appel aux soignants de manière adéquate, anticipait les moments d'angoisse et arrivait à mettre en place des stratégies efficaces.

h. Dans son rapport de suivi médico-psychologique du 26 mai 2020, le SMI a relevé que l'intéressé présentait un état clinique stable. Il était pleinement collaborant aux soins et adhérait à la médication. Le détenu était progressivement préparé à un projet de placement en milieu ouvert.

i. Le 9 juillet 2020, la Dre M______ a, sur demande de la direction de [la prison] N______, souligné l'absence de contre-indication à des conduites ou à des congés futurs mais également l'importance de réévaluer médicalement l'intéressé le jour même de la conduite. Par ailleurs, il était judicieux de limiter les conduites au domaine de O______ [établissement psychiatrique].

j. Dans ses rapports de suivi médico-psychologique des 18 septembre 2020 et 18 février 2021, le SMI a relevé que A______ présentait un état clinique stable avec une symptomatologie psychotique floride fluctuante. Les projets de placement avaient été élargis au-delà de O______, un placement à P______ [établissement psychiatrique] étant, selon le second rapport, en cours de concrétisation.

k. Le 24 février 2021, la Commission d'évaluation de la dangerosité a préavisé favorablement le passage de l'intéressé en milieu ouvert, relevant que malgré les fragilités encore constatées, les risques étaient limités au vu du projet thérapeutique envisagé à P______ et de l'adhésion de A______ à ce projet.

l. Par décision du 12 mars 2021, le SAPEM a ordonné le passage en milieu ouvert de A______, comprenant des sorties accompagnées par le personnel de l'établissement.

m. Le 24 mars 2021, A______ a intégré l'établissement de P______.

n. Selon le rapport médical du 30 septembre 2021 de la Dre Q______, du centre de psychiatrie et de psychothérapie R______, A______ se présentait aux entretiens de manière volontaire et les investissait beaucoup, s'exprimant librement. Le discours délirant était plutôt bien contenu et la conscience morbide peu présente. Ses capacités d'adaptation étaient préservées dans certains contextes, plutôt hypo-stimulants, et il disposait de la capacité à évaluer son état psychique pour annuler ou reporter une sortie.

o. Dans son rapport du 13 octobre 2021, la directrice de P______ a relevé que A______ respectait le cadre de son placement, qui devait ainsi être maintenu. Son comportement restait stable malgré des périodes de crise qu'il parvenait à gérer avec le soutien de l'équipe. A______ investissait bien le lien avec les intervenants et parvenait à aborder sa maladie en termes de symptômes. Malgré une symptomatologie très présente, il tenait à montrer aux intervenants sa "partie saine". Aucune idée suicidaire ni comportement hétéro-agressif n'étaient relevés. Les sorties accompagnées s'étaient bien déroulées.

p. Par décision du 2 novembre 2021, le SAPEM a octroyé à A______ un régime de sorties non accompagnées en deux étapes, soit durant trois mois au minimum trois sorties par semaine de 30 minutes maximum puis trois sorties d'une heure maximum, afin de se promener autour de l'établissement.

q. Dans son préavis du 8 décembre 2021 dans le cadre de l'examen annuel de la mesure, le SAPEM a relevé que A______ avait réussi son passage en milieu ouvert et son intégration à P______, laquelle était toutefois encore récente. Il avait créé de bons liens avec les intervenants et sa thérapeute et abordait ainsi librement sa maladie, ses symptômes et ses difficultés. Il se montrait également capable d'utiliser ses réserves médicamenteuses, de se mettre à l'écart ou d'annuler une sortie si nécessaire. L'évolution positive de A______ devait encore être confirmée, le régime progressif – avec l'octroi de sorties de courtes durées autour de l'établissement – étant en cours de mise en œuvre. Au vu de la gravité de son trouble et de la durée de son incarcération, d'éventuels allégements devaient être très progressifs.

r. Par courriel du 22 juin 2022, la direction de P______ a informé le SAPEM que A______ avait été transféré au service des urgences à la suite de sévères automutilations ayant entraîné une perte de sang importante.

s. Par décision du 24 octobre 2022, le SAPEM a octroyé à A______ un régime de 9 heures maximum fractionnables de sorties non accompagnées, mais au maximum deux heures de suite, régime élargi à 14 heures par décision du 13 février 2023.

t. Dans son rapport d'évaluation du 9 février 2023, le SMI a relevé que A______ était atteint d'une pathologie sévère, avec un trouble souvent instable malgré la prise de traitement et l'adhésion au suivi. Il avait une conscience partielle de sa maladie : tout en reconnaissant souffrir d'un trouble sévère, il souhaitait le soigner par la pratique du bouddhisme. Son discours ne présentait pas d’éléments délirants francs, mais était marqué par une tendance à la méfiance et à une interprétation hostile de la réalité. L’adhésion au traitement apparaissait principalement liée à une obligation plus qu’à une réelle conscience de la maladie.

u. Par décision du 13 février 2022, le SAPEM a octroyé à A______ un élargissement du cadre des sorties non accompagnées. Il ne nourrissait pas de doute quant à l'absence de dangerosité de A______, dès lors que l'alliance thérapeutique était bonne et qu'il savait se protéger et protéger les autres en cas de péjoration de son état psychique, par exemple par le report de congés, l'isolement ou la prise de réserve médicamenteuse.

v. Le 28 mars 2023, le SAPEM a, à titre de mesure conservatoire, ordonné l'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle en milieu fermé et révoqué les sorties liées au placement en milieu ouvert.

Le jour même, P______ l'avait informé qu'au matin, A______ avait commis des actes graves, menaçant la sécurité de l'établissement et des intervenants, notamment en jetant des objets lourds.

w. Selon le rapport de l'établissement établi le lendemain par S______, directrice de structures psycho-sociales de P______, l'intéressé avait refusé de prendre son traitement, présentant une attitude fermée et s'isolant dans sa chambre. Craignant un passage à l'acte auto-agressif, les intervenants du foyer avaient organisé des passages réguliers afin de maintenir une présence et un contrôle. En fin de matinée, il avait refusé de laisser entrer l'intervenante chargée du contrôle, tenant des propos incohérents. En raison de bruits inquiétants provenant de sa chambre, trois membres de l'équipe s'étaient rendus sur son étage. A______ avait alors surgi hors de sa chambre, armé dans chaque main de morceaux de métal provenant du siphon du lavabo qu'il avait arraché. Il avait tenté de coincer l'un des employés au fond du couloir pour lui asséner des coups. Après une violente mêlée, le collaborateur était finalement parvenu à se dégager. A______ s'était attaqué à ce collaborateur car il lui reprochait, dans le cadre d'une sortie non accompagnée, d'être intervenu pour le faire rentrer du cimetière où il méditait dans le but de parvenir à "une libération cosmique". A______ avait également lancé en direction de la directrice du foyer le siphon, pour les mêmes motifs.

Toutes les tentatives d'entrer en contact avec l'intéressé étaient restées vaines et les collaborateurs présents s'étaient coordonnés pour assurer la sécurité des autres résidents et du personnel. Le temps qu'une patrouille de police parvienne sur les lieux, soit 40 minutes, A______ avait vociféré sur l'étage où il se trouvait et jeté avec une extrême violence des objets lourds contre les vitres. Il s'était ensuite muni de l'extincteur de l'étage qu'il avait utilisé de manière désordonnée, tout en continuant à crier, avant de saisir la lance incendie et d'inonder l'étage, les escaliers et les ascenseurs. À l'arrivée de la police, il était resté hermétique aux tentatives de négociation des agents et avait tenté d'enjamber la fenêtre du deuxième étage. Les policiers, aidés d'un collaborateur du foyer, étaient parvenus à le retenir et à le maîtriser. A______ ne semblait plus reconnaître les membres de l'équipe qu'il côtoyait pourtant depuis deux ans. Il s'adressait à des personnes qui n'existaient pas et suppliait "Laurence" (objet de son délire) de lui venir en aide, le regard fixe et exalté. Au moment de quitter le foyer en ambulance, escorté par la police, l'intéressé s'était calmé et avait accepté la prise d'un traitement, avant d'être transféré à la prison de B______.

x. Dans son rapport du 31 mars 2023, le Dr T______, psychiatre, a indiqué que la situation de A______ n'avait pas évolué, l'intéressé restant très critique par rapport aux soins prodigués, en particulier sur le plan médicamenteux, avec la proximité très nette d'aspects délirants autour des prises de sang préconisées. Il se montrait aussi régulièrement critique vis-à-vis de l'institution et de sa prise en charge générale.

Les derniers mois, il avait pu élargir quelque peu ses activités, notamment en bénéficiant de sorties seul autour de l'institution. De telles sorties, souvent en lien avec la méditation, paraissaient lui faire du bien mais étaient également teintées d'aspects délirants. Au cours du suivi, il était arrivé que l'intéressé refuse son traitement, de manger ou encore de parler, principalement dans les mois ayant suivi le changement de thérapeute en août 2022.

y. Il ressort d'un compte-rendu de réseau du 3 avril 2023 (réunissant P______, le SMI, le Dr T______ et le SAPEM) que A______ se soumettait à son traitement et se montrait à l'écoute des intervenants. Ses délires restaient riches, malgré la médication. Il existait un risque auto-agressif. En revanche, aucun élément ne permettait de retenir un risque hétéro-agressif. Une nouvelle expertise psychiatrique de A______ devait être ordonnée, la dernière datant de 5 ans en arrière.

z. Par courriers des 3 et 4 avril 2023 relatifs à la décision de placement en milieu fermé à titre de mesure conservatoire, A______ a fait valoir que son placement en milieu fermé était disproportionné compte tenu de l'évolution favorable qu'il avait connue jusqu'alors. Le ressenti des collaborateurs de P______ – qui avaient été atteints dans "leur sentiment de bien-être et leur tranquillité psychique" – ne devait pas constituer un critère pertinent pour son retour en milieu fermé, d'autres solutions, telle que des hospitalisations à [la prison] N______ ou le placement dans une unité fermée de O______ [établissement psychiatrique], pouvant être privilégiées.

C. Dans la décision querellée, le SAPEM considère qu'il existe un risque extrêmement clair et concret de commission de nouvelles infractions, compte tenu du saccage ayant eu lieu à P______ et de l'agression d'un collaborateur dudit établissement. Bien que A______ n'eût commis aucun acte de violence depuis 2015, il avait paru exalté, ne semblant plus reconnaître les intervenants qu'il côtoyait depuis deux ans et n'avait pu être maîtrisé que par l'intervention de la police, aidée d'un collaborateur du foyer. Cet événement de violence contredisait les différents rapports d'établissement qui avaient relevé la capacité de A______ de gérer ses symptômes. Son caractère imprévisible était donc particulièrement inquiétant. Par ailleurs, le risque de fuite n'était pas exclu dès lors qu'à l'arrivée de la police, l'intéressé avait tenté de sauter du deuxième étage du bâtiment. Un placement en milieu fermé apparaissait donc indispensable pour protéger la société, tout en garantissant la poursuite de la prise en charge de l'intéressé dans le cadre de sa mesure, qui était toujours nécessaire, adéquate et proportionnée.

D. a. Dans son recours, A______ expose que son évolution en milieu ouvert a toujours été très positive ; son comportement n'avait jusqu'alors pas donné lieu à des plaintes. Le dernier rapport d'expertise retenait un risque de récidive peu important, hors présence de facteurs de risque. Or, il avait déjà eu à gérer, en milieu ouvert, des facteurs de risque (actes auto-agressifs, altération de la stabilité psychique, situations anxiogènes) sans passage à l'acte, de sorte que la présence de tels facteurs n'impliquait pas un risque de récidive qualifié. Par ailleurs, la tentative de sauter du deuxième étage à l'arrivée de la police ne procédait pas d'une volonté de fuir mais pouvait s'inscrire dans l'expression du délire et résulter d'une velléité auto-agressive, la phase de décompensation aiguë le privant de toute façon des facultés intellectuelles et psychiques nécessaires à une évasion. D'autres solutions qu'un placement en milieu fermé étaient envisageables, notamment le recours aux hospitalisations de décharge dès l'apparition de facteurs de risque. De plus, l'hôpital de O______ [établissement psychiatrique] comprenait une unité fermée, à tout le moins dans laquelle les chambres pouvaient être fermées. Le placement en milieu fermé violait donc le principe de la proportionnalité. Enfin, il sollicitait l'octroi de l'assistance judiciaire, faisant valoir être indigent et ne pas disposer des connaissances suffisantes pour résoudre seul les questions juridiques de la présente procédure.

b. Dans ses observations, le SAPEM relève que l'unité U______ à O______ ne pouvait être fermée, le site correspondant à un placement en milieu ouvert. De plus, le maintien d'un patient en chambre fermée était une décision médicale et non une modalité du placement. Les hospitalisations de décharge – qui étaient déjà pratiquées avant la survenance de la crise du 28 mars 2023 – ne permettaient pas de pallier le risque présenté par l'intéressé, compte tenu de l'imprévisibilité de sa réaction et la rapidité de la survenance de la crise après le refus par l'intéressé de prendre sa médication. Le risque de récidive était dès lors concret et hautement probable. Le risque de fuite était également concret dès lors que c'était à l'arrivée de la police – et donc de son arrestation – que A______ avait tenté de sauter du deuxième étage du bâtiment. Enfin, l'intéressé avait exercé de la violence sur un collaborateur de P______, l'intention ou non de frapper l'employé en question n'étant pas déterminante.

c. Par courrier adressé 15 mai 2023 sans le concours de son conseil, A______ a requis son audition par la Chambre de céans. Son comportement à l'encontre du collaborateur de P______ procédait d'une volonté d'intimider celui-ci, car il l'avait, une semaine plus tôt, interrompu dans sa méditation.

 

 

EN DROIT :

1.             1.1. Conformément à l'art. 128 al. 2 let. a et al. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ ; RS E 2 05), la Chambre de céans exerce les compétences que le CPP et la loi d'application du Code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP ; RS E 4 10) lui attribuent.

1.2. En vertu de la délégation figurant à l'art. 439 CPP, le législateur genevois a attribué à la Chambre pénale de recours la compétence de statuer sur les recours dirigés contre les décisions rendues par le Département de la sécurité, de la population et de la santé, ses offices et ses services, les art. 379 à 397 CPP s'appliquant par analogie (art. 42 al. 1 let. a LaCP).

1.3. En l'espèce, le recours est recevable pour être dirigé contre une décision rendue par le SAPEM (art. 5 al. 2 let. e et 40 al. 1 LaCP ; art. 11 al. 1 let. e Règlement sur l'exécution des peines et mesures du 19 mars 2014 [REPM ; RS E 4 55.05]), avoir été déposé dans la forme et le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al 1 CPP) et émaner du condamné visé par la décision déférée et qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Il ne sera pas fait droit à la demande d'audition par la Chambre de céans, le recours faisant l'objet d'une procédure écrite (art. 397 al. 1 CPP) et les débats ayant une nature potestative (art. 390 al. 5 CPP). Par ailleurs, l'art. 29 al. 2 Cst. ne confère pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 et les références citées).

3.             3.1. Conformément à l'art. 59 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel, si l'auteur a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble et qu'il est à prévoir que la mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble.

En principe, le traitement institutionnel s'effectue dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un établissement d'exécution des mesures (art. 59 al. 2 CP). Il peut toutefois aussi s'effectuer dans un établissement fermé, tant qu'il y a lieu de craindre que l'auteur ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions. Il peut aussi être effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l'art. 76 al. 2 CP dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié (art. 59 al. 3 CP).

L'art. 59 al. 3 CP subordonne le traitement dans un établissement fermé à un risque de fuite ou de récidive. Selon la jurisprudence, il doit s'agir d'un risque de récidive qualifié, puisque toutes les mesures supposent un risque de récidive (cf. art. 56 al. 1 let. b CP). Le risque est qualifié quand il est concret et qu'il est hautement probable que le condamné commette d'autres infractions dans l'établissement ou en dehors de celui-ci. Il s'agit d'un danger qui ne peut être combattu que par le placement dans un établissement fermé. Conformément au principe de la proportionnalité, l'exécution de la mesure dans un établissement fermé suppose une sérieuse mise en danger de biens juridiques essentiels (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1243/2017 du 13 mars 2018 consid. 1.1; 6B_319/2017 du 28 septembre 2017 consid. 1.1; 6B_845/2016 du 29 juin 2017 consid. 3.1.2). Le risque de récidive doit être concret et hautement probable, c'est-à-dire résulter de l'appréciation d'une série de circonstances. Il vise la dangerosité interne du prévenu. Ce sera, par exemple, le cas d'un condamné qui profère des menaces bien précises ou qui combat sciemment l'ordre de l'établissement; en revanche, l'art. 59 al. 3 CP ne devrait pas s'appliquer à de simples difficultés de comportement ou à l'insoumission vis-à-vis des employés de l'établissement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1243/2017 précité consid. 1.1; 6B_319/2017 précité consid. 1.1; 6B_538/2013 du 14 octobre 2013 consid. 3.1).

3.2. En l'espèce, le recourant considère ne pas présenter de risques qualifiés de récidive et de fuite.

Selon la dernière expertise psychiatrique, datant de 2017, la schizophrénie paranoïde continue dont il était atteint connaissait une évolution par poussées, avec des périodes relativement aiguës, et la relative stabilité – atteinte après plusieurs années – de cette pathologie sévère ne devait pas être considérée comme acquise. Si les rapports ultérieurs du SMI font état de certains progrès du recourant dans la gestion des symptômes de sa pathologie, force est de constater que ceux-ci sont encore insuffisants pour écarter le risque d'une crise psychotique incontrôlée, même à teneur des rapports les plus récents. Le rapport d'évaluation du 9 février 2023 souligne le caractère partiel de la conscience par l'intéressé de sa maladie, tandis que le rapport du 31 mars 2023 du Dr T______ relève la posture très critique de l'intéressé quant à son traitement et à l'institution. Or, ces deux éléments sont particulièrement inquiétants quant à la capacité de l'intéressé à anticiper et à gérer une décompensation psychique en milieu ouvert.

Preuve en est la crise du 28 mars 2023, intervenue un mois et demi après l'élargissement du cadre des sorties non accompagnées. Après une période de progrès apparemment continus dans la gestion de sa pathologie, le recourant a, de manière imprévisible, refusé de prendre sa médication puis tenté, au moyen d'une arme improvisée, d'agresser – ou, à suivre sa version, d'intimider (ce qui importe peu au vu de l'usage de la violence) – un collaborateur de l'institution dans laquelle il était placé, avant de s'adonner au saccage de l'étage. Un tel épisode corrobore la grande fragilité psychique du recourant et sa capacité, qu'il faut qualifier au mieux de partielle, à gérer une crise. Il est par ailleurs révélateur du danger que représente le recourant pour autrui, la crise inattendue ayant impliqué un acte hétéro-agressif, puis une tentative de fuite à l'arrivée de la police.

À cet égard, lors de ladite crise, le recourant s'adressait à des personnes qui n'existaient pas, avec un regard fixe et exalté, étant rappelé qu'il a déjà porté atteinte au bien le plus précieux de l'ordre juridique suisse, soit la vie d'autrui, lors d'une crise psychotique semblable. Dès lors, le risque de réitération paraît non seulement élevé mais est susceptible d'entraîner de graves conséquences.

Par ailleurs, au vu du comportement du recourant, qui était prêt à sauter du deuxième étage de l'institution pour échapper à la police, le risque de fuite est également élevé en cas de maintien dans un milieu ouvert, la question de savoir si, en cas de décompensation psychotique, l'intéressé bénéficie des capacités suffisantes pour mener à bien une évasion n'étant pas pertinente, dès lors que même une tentative d'évasion pourrait aboutir à des actes auto ou hétéro-agressifs.

Enfin, il n'appartient pas à la Chambre de céans de se prononcer sur les pistes ayant trait au lieu et aux modalités de placement suggérées par le recourant, ces éléments constituant une modalité d'exécution de la mesure, qui relève de la seule compétence de l'autorité d'exécution (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_705/2015 du 22 septembre 2015 consid. 1.4.1, avec référence à l'arrêt 6B_629/2009 du 21 décembre 2009 consid. 1.2.3 et à l'ATF 130 IV 49 consid. 3.1 p. 51), voire des instances médicales pour ce qui est de la médication.

4.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour le recours.

6.1. Après la condamnation, le droit de faire appel à un avocat est reconnu mais n'est pas conçu comme la base d'une reconnaissance pour des interventions systématiques d'un défenseur pendant l'application d'une peine ou d'une mesure privative de liberté (arrêt ACPR/451/2020 du 29 juin 2020 consid. 5.1; G. PALUMBO, L'avocat dans l'exécution des peines privatives de liberté : le cas particulier de la procédure disciplinaire, in RPS 132/2014 p. 92ss, pp. 94-95).

6.2. Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a droit en outre à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1 avec référence aux ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232 s. = JdT 2006 IV 47; 120 Ia 43 consid. 2a p. 44).

L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération et du canton for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c). Seules les heures nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

6.3. Dans le cas présent, le recourant, détenu dans le cadre d'un internement, est très vraisemblablement indigent – même s'il n'apporte aucune preuve à ce sujet –. Sa pathologie et l'importance de la cause, compte tenu de l'enjeu, commandent qu'il soit assisté d'un avocat.

Il en résulte que la demande de nomination de Me C______ en qualité d'avocat d'office et d'assistance judiciaire sera accordée pour la procédure de recours.

L'état de frais produit par Me C______ détaille 6h30 d'activité comprenant un entretien avec le recourant (1h30), l'étude du dossier (1h30) et la rédaction du recours (3h30), au tarif horaire de CHF 200.-. Cette durée apparait en adéquation avec le travail fourni. Il ne sera en revanche pas tenu compte du forfait "courrier/téléphone" en l'absence de toute opération y relative.

Sa rémunération sera, partant, arrêtée à CHF 1'400.10, TVA à 7.7% incluse.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 600.-.

Alloue à Me C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'400.10, (TVA 7.7% incluse).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au SAPEM.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/50/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00