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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/1252/2022

ACPR/544/2023 du 18.07.2023 sur JTPM/908/2022 ( TPM ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 14.09.2023, rendu le 20.12.2023, REJETE, 7B_611/2023
Descripteurs : RÉVOCATION DU SURSIS;ACTE DE RECOURS;RESTITUTION DU DÉLAI;EMPÊCHEMENT(EN GÉNÉRAL)
Normes : CP.95.al3; CPP.94

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/1252/2022 ACPR/544/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 18 juillet 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Claudio FEDELE, avocat, Saint-Léger Avocats, rue de Saint-Léger 6, case postale 444, 1211 Genève 4,

recourant,

contre le jugement rendu le 23 décembre 2022 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 18 avril 2023, A______ recourt contre le jugement du 22 décembre 2022, notifié (art. 85 al. 4 CPP) le 2 janvier 2023, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a ordonné la levée de l'assistance de probation ordonnée contre lui par jugement du Tribunal de police du 22 avril 2021 et ordonné la révocation du sursis.

A______ conclut, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif au recours et à la restitution du délai de recours; principalement, à l'annulation du jugement précité et à la poursuite de l'assistance de probation.

b. Par ordonnance OCPR/25/2023 du 20 avril 2023, la Direction de la procédure a accordé l'effet suspensif au recours et suspendu, en conséquence, l'exécution de la peine ordonnée par le jugement querellé.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par jugement du Tribunal de Police du 22 avril 2021, A______ a été déclaré coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art 187 ch. 1 CP), contrainte sexuelle (art 189 al. 1 CP), vol (art. 139 ch. 1 CP), empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP), conduite sous défaut de permis de conduire (art. 95 al. 1 let a LCR), usage abusif de permis et de plaques (art. 97 al. 1 let b LCR) et consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).

Il a été condamné à une peine privative de liberté de 23 mois et 15 jours, sous déduction de 28 jours de détention avant jugement, et à une peine pécuniaire de 10 jours-amende d'un montant de CHF 80.-/jour, ainsi qu'à une amende de CHF 500.-. Il a été mis au bénéfice du sursis avec un délai d'épreuve de 5 ans.

Une interdiction d'exercer toute activité impliquant des contacts réguliers avec des mineurs, pour une durée de 10 ans (ci-après, l'interdiction d'exercer), a également été prononcée, ainsi qu'une assistance de probation pour la durée de ladite interdiction, soit jusqu'au 22 avril 2031.

b. Dans une note interne datée du 8 novembre 2022, l'intervenant socio-judiciaire du Service de probation et d'insertion (ci-après, SPI) a exposé que lors du suivi après jugement, A______ avait été convoqué en vain à deux reprises et s'était finalement présenté le 4 avril 2022, à la suite de la troisième et dernière convocation avant dénonciation. Lors de cet entretien, l'interdiction d'exercer avait été clarifiée.

Le SPI avait informé A______ qu'il serait recontacté mi-août 2022 pour un prochain entretien afin de rediscuter du respect de l'interdiction d'exercer. Après plusieurs essais de le joindre par téléphone pendant un mois, une première convocation lui avait été adressée mi-septembre 2022 pour un rendez-vous le 6 octobre 2022. Ce rendez-vous n'ayant pas été honoré, une deuxième convocation lui avait été adressée pour un entretien le 17 octobre 2022. Par suite du deuxième manquement, une troisième convocation lui avait été envoyée pour le 20 octobre 2022. À la date de la note, le SPI demeurait sans nouvelle de A______.

Le SPI n'était dès lors pas en mesure d'assumer le mandat confié, ni de contrôler l'interdiction.

c. Par requête du 5 décembre 2022, le Ministère public a saisi le TAPEM et conclu à la levée de l'assistance de probation, ainsi qu'à la révocation du sursis.

d. Selon l'extrait du casier judiciaire, dans sa teneur au 12 décembre 2022, A______ a été condamné à deux autres reprises depuis le jugement du Tribunal de police susmentionné : le 19 mai 2022 pour lésions corporelles simples (contre le partenaire), et le 18 juillet 2022 pour dommages à la propriété.

e. Par lettre du 7 décembre 2022, le TAPEM a imparti un délai au 19 décembre 2022 à A______ pour déposer ses éventuelles observations écrites ou pour solliciter la tenue d'une audience. Le précité n'y a pas donné suite.

C. Dans la décision querellée, le TAPEM a retenu que le risque de récidive élargi était avéré, A______ n'ayant non seulement pas pris au sérieux la chance qui lui avait été octroyée par le Tribunal de police dans son jugement du 22 avril 2021, mais commis de nouvelles infractions depuis cette décision. Partant, il y avait lieu de lever l'assistance de probation et de révoquer le sursis, le solde de peine à exécuter étant de 22 mois et 23 jours de privation de liberté ainsi qu'une peine pécuniaire de 10 jours-amende à CHF 80.-/jour.

D. a. Dans son recours, A______ expose que, parallèlement à la procédure ayant conduit au jugement du Tribunal de police susmentionné, il avait fait l'objet d'une autre procédure (P/1______/2020) dans le cadre de laquelle il avait été condamné à une peine privative de liberté de 6 mois et 15 jours. Il avait été totalement abattu lorsqu'il avait appris, le 30 août 2022, qu'il devrait retourner en prison. Étant déjà dépressif, il avait replongé dans une profonde dépression, qui n'avait été ni traitée ni suivie par des spécialistes. Il s'était complètement laissé aller dans sa vie personnelle, n'avait plus ouvert ses courriers ni répondu aux appels téléphoniques ; il avait en outre abandonné tous ses projets de vie. Comprenant "récemment", à l'ouverture de son courrier, qu'il allait devoir effectuer 22 mois et 23 jours de peine privative de liberté, il avait contacté le Tribunal pénal, qui lui avait envoyé le jugement querellé – dont il ne contestait pas la notification en décembre 2022 –. Il en avait donc pris connaissance pour la première fois le 4 avril 2023.

À la lecture du jugement, il avait pris conscience qu'il devait être pris en charge par des spécialistes et entamer une "sérieuse thérapie". Son premier rendez-vous avec une psychiatre avait eu lieu le 17 avril 2023, et des antidépresseurs lui avaient été prescrits ; un second rendez-vous avait été pris pour le 8 mai 2023.

À l'appui de son recours, il produit le rapport d'évaluation des urgences psychiatriques, du 13 septembre 2021, à teneur duquel il avait été adressé la veille par la police pour un "comportement suicidaire avec menaces d'auto-égorgement suite à dispute avec sa compagne". Selon le constat médical, il avait expliqué avoir ressenti l'envie de se suicider après s'être disputé avec sa compagne, car il était malheureux et nostalgique de sa vie d'avant la procédure judiciaire de 2019 [celle ayant conduit au jugement du Tribunal de police du 22 avril 2021]. Il avait rapporté "une symptomatologie dépressive en péjoration progressive" depuis environ deux ans, sur un bilan de vie négative par suite de sa détention provisoire en 2019. En l'absence de risque suicidaire imminent, il avait été orienté vers un psychiatre à domicile.

A______ produit également les cartons de rendez-vous auprès d'un médecin de la permanence B______, les 17 avril et 8 mai 2023, et la prescription d'un antidépresseur.

b. Le TAPEM s'en rapporte à justice quant à la recevabilité et le fond du recours, et renonce à formuler des observations.

c. Le SAPEM conclut au rejet "de l'effet suspensif". A______ avait été convoqué le 14 mars 2023 (par lettre du 23 janvier 2023) et le 12 avril 2023 (par lettre du 20 mars 2023), mais n'avait donné suite à aucune de ces convocations. Or, l'intéressé avait été en mesure de contacter le TAPEM avant le 4 avril 2023, de sorte que rien n'aurait dû l'empêcher de donner suite aux convocations susmentionnées. Son absence de collaboration dans l'exécution de la peine était fautive.

d. Le Ministère public conclut au rejet du recours. L'état du recourant entre septembre 2021 et avril 2023 n'était nullement documenté. Aucun document n'établissait qu'en raison d'un hypothétique état dépressif, il aurait été dans l'incapacité de recourir dans le délai. Au contraire, il s'était présenté au SPI le 4 avril 2022 pour un entretien au cours duquel l'interdiction d'exercer avait été clarifiée et il avait été informé qu'il serait convoqué à nouveau. Il devait donc s'attendre à recevoir des courriers et des convocations, de sorte qu'il aurait dû prendre les mesures pour être atteint, le cas échéant en l'étude de son conseil. Partant, l'existence des circonstances visées par l'art. 94 CPP n'était pas prouvée.

e. A______ n'a pas répliqué.

 

EN DROIT :

1.             Le recourant demande la restitution du délai de recours.

1.1. Selon l'art. 396 al. 1 CPP, le délai de recours est de 10 jours. Il est réputé observé si l'acte de procédure est accompli auprès de l'autorité compétente au plus tard le dernier jour du délai.

1.2. Une restitution du délai peut être demandée si la partie qui le requiert a été empêchée sans sa faute de procéder et qu'elle est ainsi exposée à un préjudice irréparable. Celle-ci doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part (art. 94 al. 1 CPP), s'adresser, par une demande écrite dûment motivée, dans les 30 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé, à l'autorité auprès de laquelle l'acte de procédure aurait dû être accompli (art. 94 al. 2, 1ère phrase, CPP) et accomplir dans le même délai l'acte de procédure omis (art. 94 al. 2, 2e phrase, CPP).

La restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_401/2019 du 1er juillet 2019 consid. 2.3; 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1 et l'arrêt cité). Elle ne doit être accordée qu'en cas d'absence claire de faute (arrêt 6B_125/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1).

Par empêchement non fautif, il faut comprendre toute circonstance qui aurait empêché une partie consciencieuse d’agir dans le délai fixé (ACPR/196/2014 du 8 avril 2014). Il s'agit non seulement de l’impossibilité objective, comme la force majeure, mais également l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à l’erreur (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 94 CPP).

L'impossibilité subjective doit s'apprécier selon des critères objectifs, c'est-à-dire en fonction de ce qui peut raisonnablement être exigé d'un plaideur ou d'un mandataire diligent. En toutes hypothèses, il doit exister un lien de causalité entre le motif invoqué et l’empêchement (F. AUBRY GIRARDIN / J.-M. FRÉSARD / P. FERRARI / A. WURZBURGER / B. CORBOZ, Commentaire de la LTF, Berne 2014, n. 7 ad art. 50).

Il existe un "préjudice important et irréparable" lorsque le fait d’avoir manqué le délai empêche la partie de faire valoir ses droits et que cette inobservation l’empêche également de les faire valoir ultérieurement dans la procédure (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 94);

1.3. En l'espèce, le recourant, qui ne conteste pas la notification du jugement querellé le 2 janvier 2023, dépose son recours bien après l'échéance du délai légal. Il lui appartient donc de rendre vraisemblable qu'il n'a pas, comme il l'allègue, pu recourir dans ce délai.

En l'occurrence, le recourant établit avoir été amené le 12 septembre 2021 par la police aux urgences psychiatriques après avoir proféré des menaces suicidaires. Il se disait malheureux en raison de la procédure pénale. Toutefois, aucun risque suicidaire imminent n'a été diagnostiqué et le recourant a pu rejoindre son domicile avec une aide psychiatrique ambulatoire. Entre cette date et le 17 avril 2023, jour de sa consultation auprès de la permanence B______, le demandeur ne produit aucun élément de nature à conforter ses allégations selon lesquelles un état dépressif l'aurait empêché, fin décembre 2022, d'aller chercher, à l'office postal, le pli contenant le jugement querellé et recourir contre cette décision dans le délai de recours, ou de mandater une personne pour agir à sa place.

Il ressort au contraire du dossier que le 4 avril 2022, il s'est présenté au SPI pour un entretien, de sorte qu'il est établi qu'il n'était pas, à cette période, dans un état psychique l'empêchant d'agir, même s'il a manqué – pour une raison que le dossier n'établit pas – les rendez-vous précédents. Or, aucun des éléments produits à l'appui du recours ne rend vraisemblable que l'état du recourant se serait altéré, entre avril et décembre 2022, au point de l'empêcher de prendre connaissance du jugement querellé et de recourir contre celui-ci.

2.             Partant, le recourant n'ayant pas démontré l'existence d'un empêchement, au sens de l'art. 94 CPP, sa demande de restitution de délai sera rejetée. Le recours, tardif, est dès lors irrecevable.

3.             Le demandeur, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la demande de restitution de délai et déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil), au Tribunal d'application des peines et des mesures, au Ministère public et au Service de l'application des peines et mesures.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/1252/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

Total

CHF

985.00