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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6288/2023

ACPR/531/2023 du 12.07.2023 sur ONMMP/1210/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DIFFAMATION;DÉLAI;PLAINTE PÉNALE;DÉNONCIATION CALOMNIEUSE
Normes : CPP.310; CP.303; CP.174; CP.173; CP.31

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6288/2023 ACPR/531/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 12 juillet 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Reza VAFADAR, avocat, VAFADAR Sàrl, rue François-Bellot 4, 1206 Genève

recourant

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 23 mars 2023 par le Ministère public

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3

intimé


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 3 avril 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 mars 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte contre B______.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 23 février 2023, C______ a déposé plainte contre A______, lui reprochant de l'avoir injurié et menacé de le frapper ce jour-là.

En substance, il a exposé avoir été mandaté par la société COOPÉRATIVE D______ (ci-après, D______) en qualité d'agent de sécurité, pour contrôler les véhicules stationnés sur son site, sis chemin 1______ no. ______ à E______ [GE].

Ce jour-là, en effectuant sa ronde habituelle, il avait constaté que la camionnette de la société F______ SÀRL, dont A______ était l'administrateur, était stationnée "hors case" devant le bâtiment de D______. Il avait donc dressé un constat d'infraction puis regagné son véhicule. Alors qu'il était au téléphone avec B______, secrétaire de direction de D______, A______ était arrivé à sa hauteur au volant de sa camionnette et l'avait traité de "petit pédé" et de "fils de pute". Lorsqu'il lui avait enjoint de cesser ses insultes, l'intéressé lui avait répondu de "ferme[r] [sa] gueule" et menacé de "lui rouler dessus avec [sa] voiture" ainsi que de "le chopper". Ensuite, A______ lui avait jeté l'amende – chiffonnée – au visage, puis, en armant son poing gauche, fait mine de lui porter un coup, avant d'interrompre son geste et de quitter les lieux, tout en poursuivant ses insultes. B______, qui était toujours au téléphone et avait entendu l'altercation, lui avait recommandé de déposer plainte.

b. Entendu le 28 février suivant par la police en qualité de prévenu, A______ a déclaré ne pas se souvenir des termes exacts qu'il avait utilisés pour s'adresser à C______, précisant qu'ils s'étaient mutuellement insultés. Il contestait l'avoir menacé de lui rouler dessus avec son véhicule et tenté de le frapper. Le jour des faits, il avait stationné sa camionnette devant le dépôt-atelier de sa société afin de charger du matériel. Lorsqu'il avait regagné son véhicule, une dizaine de minutes plus tard, une contravention avait été déposée sur son pare-brise. À cette suite, il s'était rendu sur le parking principal, où la voiture de C______ était habituellement garée. Au volant de sa camionnette, il s'était adressé au prénommé, mais celui-ci, qui semblait être au téléphone, l'avait ignoré. Afin d'attirer son attention, il avait chiffonné l'amende et l'avait jetée sur lui, en lui disant "d'enlever son uniforme", avant de finalement quitter les lieux.

Depuis qu'il avait refusé de travailler pour le compte de D______, au mois de juin 2022, il avait le sentiment d'être persécuté par B______. La société précitée lui avait notamment retiré la place de parking qu'elle lui louait devant son dépôt-atelier, sous prétexte que des travaux de marquage au sol devaient y être entrepris. Or, à l'issue de ceux-ci, il n'avait pas pu récupérer sa place, laquelle avait été réattribuée à une autre société locataire. Depuis l'été 2022, D______ lui louait une place située à 150 mètres de son dépôt, de sorte que, lorsqu'il garait sa camionnette devant celui-ci, il trouvait régulièrement des amendes sur son pare-brise, ce qui "l'énervait passablement".

c. Le même jour, il a déposé plainte contre C______ et B______. En substance, il reprochait au premier de s'être rendu coupable de dénonciation calomnieuse, l'ayant accusé – sur demande de B______ – d'avoir tenté de le frapper le 23 février 2023, ce qui était faux. De plus, C______ le persécutait, en le verbalisant à chaque fois qu'il stationnait sa camionnette devant son dépôt. L'intéressé agissait de sa propre initiative ou sur ordre de B______. Quant à cette dernière, elle "s'acharnait" contre lui, en "cherchant à le faire amender" à chaque fois qu'elle voyait son véhicule, commettant par là un abus de pouvoir. De plus, en début d'été 2022, elle l'avait faussement accusé d'avoir endommagé la porte des toilettes communes situées dans l'enceinte du bâtiment où se trouvait son dépôt-atelier, lesquelles avaient été privatisées au bénéfice d'une autre société depuis les faits. Il savait que ces allégations avaient été portées à la connaissance de "l'homme à tout faire", un certain "G______", car l'un de ses employés lui avait indiqué avoir entendu ce dernier sous-entendre qu'il était l'auteur des dégâts. Il produirait prochainement les éléments de preuve permettant d'appuyer ses dires.

d. Entendu le 6 mars 2023 par la police au sujet de la plainte déposée contre lui par A______, C______ a contesté les faits reprochés, précisant que son travail consistait à verbaliser tous les véhicules mal stationnés sur le site de D______. B______ ne lui avait jamais donné pour instruction d'amender spécifiquement celui du plaignant.

e. Auditionnée le 9 mars suivant par la police en qualité de prévenue, B______ a également contesté les faits reprochés. Depuis 2012, elle était notamment chargée de louer à des artisans des locaux situés dans les bâtiments de D______. Entre 2021 et début 2022, la société avait autorisé ses locataires à stationner leurs véhicules respectifs devant son bâtiment administratif, à titre gracieux. Ils avaient toutefois été avisés du fait que des travaux de marquage au sol allaient être réalisés au mois d'avril 2022, de sorte que les places devraient être libérées. A______, qui avait pris pour habitude de garer sa camionnette à proximité de son dépôt, avait continué à le faire, malgré le nouveau marquage au sol.

Elle contestait vouloir lui nuire en faisant en sorte qu'il soit verbalisé. Depuis une vingtaine d'années, une société de sécurité était mandatée par D______ pour contrôler le stationnement des véhicules sur son site, étant précisé que les agents de sécurité agissaient de leur propre initiative.

Le 13 juin 2022, A______ l'avait agressée, après avoir trouvé une contravention sur son pare-brise. Elle avait déposé plainte contre lui pour menaces, qui avait abouti à une ordonnance pénale le 14 juillet 2022.

S'agissant de l'altercation survenue entre A______ et C______ le 23 février 2023, elle avait le souvenir d'avoir entendu le premier, qui était très en colère, dire au second que "s'il le retrouvait, il lui roulerait dessus avec sa voiture".

Enfin, questionnée sur le fait qu'elle aurait accusé A______ d'avoir cassé une porte de toilettes, elle a répondu "[qu'ils] savaient" qu'il était l'auteur des dégâts concernés. Cela étant, dans la mesure où [ils] n'en avaient pas la preuve, aucune plainte n'avait été déposée contre lui pour ces faits.

f. Selon le rapport de renseignements du 15 mars 2023, les images de
vidéo-surveillance du site de D______ du 23 février 2023 permettaient de constater que A______ avait, à travers la vitre baissée de sa camionnette, effectué un geste menaçant envers C______, en pointant son poing gauche dans sa direction.

g. Par ordonnance pénale du 23 mars 2023, le Ministère public a déclaré A______ coupable d'injure (art. 177 CP) et de menaces (art. 180 CP).

Ce dernier y a formé opposition.

h. Le même jour, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière s'agissant de la plainte déposée par A______ contre C______. Bien que les versions des parties étaient contradictoires, les menaces alléguées par ce dernier étaient corroborées par les images de vidéo-surveillance versées au dossier ainsi que par les déclarations de B______. Dans ces circonstances, la plainte de C______, qui avait abouti à une ordonnance pénale contre A______, n'était pas dénuée de fondement. Les éléments constitutifs de l'infraction de dénonciation calomnieuse (art. 303 CP) n'étaient donc pas réunies.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public refuse d'entrer en matière sur la plainte déposée par A______ contre B______, au motif qu'il n'était pas établi que celle-ci se serait "acharnée" contre lui, étant précisé que faire amender le plaignant, lorsque son véhicule était mal stationné, n'était pas constitutif d'une quelconque infraction pénale.

Pour le surplus, la mise en cause contestait avoir faussement accusé le plaignant auprès des autorités d'avoir cassé une porte, de sorte que les éléments constitutifs d'une dénonciation calomnieuse (art. 303 CP) ou d'une autre infraction pénale n'étaient pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

D. a. Dans son recours, A______ considère que l'audition de B______ par la police avait été ordonnée par le Ministère public en vertu de l'art. 312 CPP, de sorte qu'il n'était plus possible de statuer par la voie d'une ordonnance de non-entrée en matière. De plus, la décision querellée avait été rendue "sans attendre" les preuves qu'il avait "promis" de fournir lors du dépôt de sa plainte, et sans qu'il n'ait eu la possibilité de se déterminer sur les déclarations de C______ et de B______.

À la lecture de sa plainte et du procès-verbal d'audition de la mise en cause du 9 mars 2023, il était manifeste qu'elle l'avait accusé, à tout le moins auprès du concierge prénommé "G______", d'être l'auteur des dégâts causés sur la porte des toilettes communes situées dans l'enceinte du bâtiment où se trouvait son dépôt.

Par ailleurs, dans le cadre de la présente procédure, elle avait déclaré devant la police l'avoir entendu menacer C______ de lui rouler dessus avec son véhicule. Or, ces accusations étaient fausses et ne visaient qu'à appuyer la plainte que le prénommé avait déposée contre lui le 23 février 2023. Ces allégations avaient d'ailleurs conduit le Ministère public à prononcer une ordonnance pénale à son encontre le 23 mars 2023, de sorte que, pour ce motif déjà, les conditions d'une dénonciation calomnieuse étaient réunies. Par ailleurs, la mise en cause n'avait pas exposé, lors de son audition par la police, avoir reçu une somme mensuelle de CHF 150.- de sa part jusqu'au mois de mai 2022. Or, cela démontrait que son intérêt n'était pas de veiller à faire respecter le règlement de stationnement sur le site de D______ mais qu'il était plutôt d'ordre financier. Dans ces circonstances, l'élément constitutif subjectif de l'infraction de dénonciation calomnieuse était également réalisé.

En définitive, l'ordonnance querellée devait être annulée et la cause renvoyée au Ministère public pour instruction.

À l'appui de son recours, A______ produit une attestation sur l'honneur, datée du 2 avril 2023, signée par l'une de ses employées, H______, selon laquelle elle avait "vu" le recourant "préparer une enveloppe" contenant CHF 150.- au mois de mai 2022 à l'attention de B______, dans le but de pouvoir stationner son véhicule devant son dépôt. Aussi, "l'acharnement des amendes avait commencé" depuis qu'il avait cessé de remettre à l'intéressée lesdites enveloppes.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables et/ou mal fondés
(art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             Le recours a été déposé dans le délai prescrit – les formalités de notification
(art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées – (art. 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

3.             L'objet du litige est strictement circonscrit par la plainte du 28 février 2023. Il s'ensuit que l'invocation, en instance de recours seulement, d'une éventuelle infraction contre l'honneur ou d'une dénonciation calomnieuse découlant des déclarations de B______ devant la police du 9 mars 2023, selon lesquelles le recourant aurait menacé C______ de lui rouler dessus avec son véhicule, tombe à faux. En effet, il n'existe pas de décision préalable du Ministère public sur ce point (art. 393 al. 1 let. a CPP). Le recours est donc irrecevable sur cet aspect.

Il est, en revanche, recevable pour le surplus.

4.             La pièce nouvelle est également recevable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

5.             Le recourant considère que, ayant délégué l'audition de la mise en cause à la police, le Ministère public n'était plus habilité à rendre une décision de non-entrée en matière et qu'en l'absence de l'ouverture d'une instruction, son droit d'être entendu avait été violé.

5.1.  Le ministère public ne peut pas rendre une ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 CPP) après avoir ouvert une instruction. Une telle ordonnance doit ainsi être rendue à réception de la plainte et ceci avant qu'il ne soit procédé à de plus amples actes d'enquête et qu'une instruction soit ouverte, sous réserve de quelques opérations simples de la part du ministère public au préalable (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 4 ad art. 310 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.2.).

5.2.  Ainsi, avant de rendre une telle ordonnance, le ministère public peut demander des compléments d'enquête à la police, non seulement lorsqu'il s'agit de compléter un précédent rapport au sens de l'art. 307 CPP, mais aussi lorsque la dénonciation elle-même apparaît insuffisante (arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.2). Lorsqu'il agit ainsi, le ministère public n'ouvre pas d'instruction et l'enquête se poursuit ou est entamée dans le cadre de l'investigation policière (art. 306 CPP ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 22 ad art. 309). Diverses mesures d'investigation peuvent être mises en œuvre avant l'ouverture d'une instruction, telle que l'audition des lésés et suspects par la police sur délégation du ministère public (art. 206 al. 1 et 306 al. 2 let. b cum art. 309 al. 2 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_875/2018 du 15 novembre 2018 consid. 2.2.1).

5.3.  Selon une jurisprudence ancienne et éprouvée, avant de rendre une ordonnance de non-entrée en matière, le ministère public n'a pas à en informer les parties et il n'a pas à leur donner la possibilité d'exercer leur droit d'être entendu, lequel sera assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours (arrêt du Tribunal fédéral 6B_138/2021 du 23 septembre 2021 consid. 3.1).

5.4.   En l'espèce, contrairement à ce qu'allègue le recourant, le fait que la police ait procédé à l'audition de la mise en cause le 9 mars 2023 n'implique pas qu'une instruction ait été ouverte au sens de l'art. 309 al. 1 CPP, ni qu'elle aurait dû l'être, la procédure n'ayant pas dépassé la phase des premières investigations. Le Ministère public était ainsi formellement autorisé à rendre par la suite une ordonnance de
non-entrée en matière, ce qui le dispensait d'interpeller, entendre ou faire entendre le recourant ou de lui octroyer un délai pour déposer des réquisitions de preuves.

Pour le surplus, le recourant a pu faire valoir devant la Chambre de céans les arguments qu'il estimait pertinents et présenter ses réquisitions de preuve. Son droit d'être entendu a ainsi été pleinement respecté.

Ce grief sera donc rejeté.

6.             Le recourant estime qu'il existe, contre B______, une prévention suffisante de diffamation, calomnie et de dénonciation calomnieuse, au motif qu'elle l'aurait faussement accusé d'avoir endommagé une porte située dans l'enceinte du bâtiment où se trouve son dépôt-atelier.

6.1.  Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91).

6.2.  Une ordonnance de non-entrée en matière doit également être rendue lorsqu'il existe des empêchements de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), par exemple lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté
(arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

6.3.  L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon.

Cette disposition protège la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'être humain (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1.). Le fait d'accuser une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel entre dans les prévisions de l'art. 173 ch. 1 CP (ATF 132 IV 112 consid. 2.2.).

Pour qu'il y ait diffamation, il faut que l'auteur s'adresse à un tiers. Est en principe considérée comme tiers toute personne autre que l'auteur et l'objet des propos qui portent atteinte à l'honneur, par exemple un avocat ou un magistrat (ATF 86 IV 209).

6.4.  La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations propagées sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).

6.5.1. Les infractions précitées ne sont punies que sur plainte.

6.5.2. Selon l'art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction. La détermination du dies a quo se fait en tenant compte des circonstances du cas d'espèce. Le délai pour porter plainte ne commence à courir que lorsque le lésé a connu l'infraction et l'auteur de celle-ci (ATF 130 IV 97 consid. 2). Le titulaire du droit de porter plainte doit démontrer le moment à partir duquel il a eu connaissance de l’infraction et de son auteur (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 22 ad. art. 31 et les références citées.

6.6.  L'art. 303 al. 1 CP réprime notamment du chef de dénonciation calomnieuse celui qui aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'elle savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

Sur le plan objectif, une dénonciation est composée de deux éléments soit qu'une dénonciation soit faite et qu'elle fasse porter l'accusation sur une personne innocente. La dénonciation n'est calomnieuse que si la personne mise en cause est innocente, en ce sens qu'elle n'a pas commis les faits qui lui sont faussement imputés, soit parce que ceux-ci ne se sont pas produits, soit parce qu'elle n'en est pas l'auteur. Une dénonciation pénale n'est pas punissable du seul fait que la procédure pénale ouverte consécutivement à la dénonciation est classée. L'infraction n'est réalisée que si l'innocence de la personne dénoncée a été constatée dans une procédure précédente (ATF 136 IV 170 consid. 2.2 p. 177).

L'élément constitutif subjectif de l'infraction exige l'intention et la connaissance de la fausseté de l'accusation. L'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est innocente. Par conséquent, il ne suffit pas que l'auteur ait conscience que ses allégations pourraient être fausses. Il doit savoir que son accusation est inexacte. Le dol éventuel ne suffit donc pas (arrêt du Tribunal fédéral 6B_753/2016 du 24 mars 2017 consid. 2.1.2). Celui qui admet que sa dénonciation est peut-être fausse ne sait pas innocente la personne dénoncée (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 p. 176). Par ailleurs, l'auteur doit agir en vue de faire ouvrir une poursuite pénale contre la personne qu'il accuse injustement. Le dol éventuel suffit quant à cette intention (arrêt du Tribunal fédéral 6B_324/2015 du 18 janvier 2016 consid. 2.1). L'art. 303 CP n'exige pas tant l'innocence de la personne dénoncée que la connaissance certaine de cette innocence par l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1003/2017 du 20 août 2018 consid. 4.2). En l'absence d'aveu, l'élément subjectif se déduit d'une analyse des circonstances permettant de tirer, sur la base des éléments extérieurs, des déductions sur les dispositions intérieures de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_502/2017 du 16 avril 2018 consid. 2.1).

6.7.1. En l'espèce, le recourant reproche à la mise en cause de l'avoir, en début d'été 2022, accusé auprès d'un tiers d'avoir commis un dommage à la propriété, en cassant une porte située dans l'enceinte du bâtiment abritant son dépôt-atelier.

Force est toutefois de constater que le recourant n'allègue pas, ni a fortiori ne démontre, qu'il aurait eu connaissance des faits dont il se plaint moins de trois mois avant le dépôt de sa plainte. Au contraire, la seule période à laquelle il se réfère dans ses diverses écritures est celle de l'été 2022.

Ainsi, sa plainte, déposée le 28 février 2023, soit plus de six mois après les faits, apparaît tardive. Dans ces circonstances, il existe un empêchement de procéder au sens de l'art. 310 al. 1 let. b CPP qui justifie de ne pas entrer en matière sur les infractions de diffamation et de calomnie, sans qu'il soit nécessaire d'examiner au fond les griefs soulevés par le recourant.

La décision de non-entrée en matière sera donc confirmée sur ce point, par substitution de motifs.

6.7.2. S'agissant de l'infraction de dénonciation calomnieuse, aucun élément au dossier ne permet de retenir que la mise en cause aurait eu l'intention de faire ouvrir une instruction pénale contre le recourant en lien avec le dommage à la propriété précité. En effet, aucune plainte n'a été déposée contre le recourant en lien avec ces faits, ce qui n'est pas contesté par ce dernier. Il ne soutient pas non plus que la mise en cause aurait souhaité, indirectement, que le prétendu destinataire de ses allégations – à savoir le concierge prénommé "G______" – les communique à une autorité pénale pour qu'elle intervienne. Ainsi, faute de toute dénonciation, une infraction à l'art. 303 CP ne saurait trouver application.

C'est donc à bon droit que le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur cette infraction et aucune mesure d'instruction ne paraît être à même de modifier ce constat.

7.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), somme qui sera prélevée sur les sûretés versées.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6288/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

1'000.00