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Décisions | Chambre pénale de recours

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CP/528/2021

ACPR/520/2023 du 04.07.2023 sur OMP/5280/2023 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : AVOCAT D'OFFICE;ASSISTANCE JUDICIAIRE;HONORAIRES;COMMUNICATION AVEC LE DÉFENSEUR;ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE;AVOCAT DE LA PREMIÈRE HEURE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE;ENTRAIDE JUDICIAIRE PÉNALE
Normes : CPP.135; RAJ.16

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

CP/528/2021 ACPR/520/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 4 juillet 2023

 

Entre

A______, avocate,

recourante,

contre l'ordonnance d'indemnisation rendue le 20 mars 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 31 mars 2023, Me A______ recourt contre l'ordonnance du 20 mars 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a arrêté son indemnité au titre de l'assistance judiciaire à CHF 1'507.80 (chiffre 1 du dispositif).

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens en CHF 900.- (pour 4h30 de rédaction), à l'annulation de ladite ordonnance et à ce que son indemnité soit fixée à CHF 4'505.45.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Dans le cadre de l'exécution d'une demande d'entraide des autorités françaises, le Ministère public a, par mandat d'actes d'enquête du 27 octobre 2021, ordonné l'audition de B______ par la police genevoise en qualité de prévenu pour des faits de recel en bande organisée, vol, détention illégale d'armes ou munitions et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime. La présence d'un avocat était autorisée.

La police était également chargée de demander à la personne entendue si elle était d'accord avec une exécution simplifiée de la demande d'entraide, à savoir avec la transmission du procès-verbal de sa déclaration et des éventuelles pièces annexées (art. 80c EIMP).

b. Le précité a été extrait de la prison de C______ le 7 décembre 2021 à cette fin.

Me A______ défendant les intérêts du prévenu dans une autre affaire, la police l'a contactée pour qu'elle assiste son client à l'audition au Vieil Hôtel de Police (VHP). Avant celle-ci, elle a pu s'entretenir avec lui durant 20 minutes.

Dite audition a débuté à 9h25 et s'est terminée à 16h25.

Au début du procès-verbal, il est mentionné que l'avocate précitée assiste le prévenu en qualité d'avocat de choix. À la fin de son audition, le prévenu indique solliciter la nomination d'office de son conseil avec effet au 7 décembre 2021.

c. Par pli du 8 décembre 2021 adressé au Ministère public, Me A______ a sollicité sa désignation comme conseil d'office de B______ avec effet au 7 décembre 2021, celui-ci étant indigent.

d. Par ordonnance du 1er avril 2022, le Ministère public a fait droit à cette requête.

e. La procédure d'entraide a été clôturée par décision du même jour, contre laquelle le prévenu, qui avait refusé l'exécution simplifiée, n'a pas recouru.

Le 24 juin 2022, le Ministère public a donc transmis le procès-verbal d'audition du prévenu à l'autorité requérante.

f. À teneur du dossier, Me A______ a été désignée comme avocate d'office de B______ avec effet au 4 novembre 2021 dans le cadre d'une autre procédure pénale diligentée contre l'intéressé à Fribourg pour infractions à la LStup.

En outre, Me A______ a consulté le dossier de la présente procédure au Ministère public le 7 avril 2022.

g. Le 1er mars 2023, Me A______ a produit son état de frais pour l'activité consacrée au dossier du 6 décembre 2021 au 28 avril 2022, totalisant CHF 4'183.34, plus TVA, soit CHF 4'505.45. La note d'honoraires se décompose comme suit :

- pour le poste Conférences : 5 parloirs à C______, d'une durée de 1h30 chacun, les 6 et 16 décembre 2021, 5 avril, 8 avril et 27 avril 2022;

- pour le poste Procédures : consultation du dossier le 7 avril 2022 (20 mn); étude du dossier les 8, 19 et 20 avril 2022 (1h + 1h + 1h50); travail sur dossier les 25 et 27 avril 2022 (30 mn + 45 mn);

- pour le poste Audiences : audition police le 7 décembre 2021 de 9h00 à 16h30 (7h00);

- pour le poste Déplacements : déplacement à VHP le 7 décembre 2021 (1h00) et déplacement au Ministère public le 7 avril 2022 (1h00).

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a retranché :

- les trois parloirs des 6 décembre 2021, 8 avril 2022 et 27 avril 2022 (4h30 au total), au motif que la fréquence autorisée pour les visites à C______ était d'au maximum une visite par mois, plus une supplémentaire avant ou après audience;

- 3h00 d'étude du dossier, vu le volume et les questions juridiques qui se posaient;

- 1h00 pour le poste Audiences, le 7 décembre 2021, la rémunération de l'avocat de la première heure devant être sollicitée auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire;

- CHF 100.- pour le déplacement à VHP du 7 décembre 2021, la rémunération de l'avocat de la première heure devant être sollicitée auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire.

D. a. À l'appui de son recours, Me A______ conteste les réductions opérées.

Premièrement, elle n'était pas intervenue comme avocate de la première heure lors de l'audition à la police du 7 décembre 2021 mais comme avocate de choix (au début de l'audition), de sorte qu'elle ne pouvait prétendre à une indemnité comme avocat de permanence. La totalité des heures passées à VHP devait être rémunérée sous l'angle de la nomination d'office puisque celle-ci lui avait été accordée avec effet au 7 décembre 2021.

Deuxièmement, le parloir à C______ du 7 décembre 2021, en tant que démarche urgente pour préparer l'audition à la police, devait également être indemnisé. Le parloir du 8 avril 2022 faisait suite à la consultation du dossier de la veille et était nécessaire pour reprendre avec le client ce qui figurait au dossier et les charges qui pesaient sur lui. Le parloir du 27 avril 2022 avait pour but de discuter des suites relatives à la procédure et à l'impact de celle-ci sur la procédure parallèle fribourgeoise. Les cinq parloirs étaient ainsi nécessaires et justifiés, la procédure ayant duré cinq mois, de décembre 2021 à avril 2022.

Troisièmement, le dossier, même s'il n'était pas volumineux, n'était pas dénué de complexité en tant qu'il portait sur une demande d'entraide internationale, soit "un domaine juridique peu habituel". Il avait soulevé des questions juridiques pointues nécessitant un travail important. Les 3 heures de travail sur dossier retranchées étaient injustifiées.

Enfin, le déplacement jusqu'à VHP le 7 décembre 2021 devait aussi être rémunéré sous l'angle de la nomination d'office, pour les mêmes motifs que ceux énoncés plus haut.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. Me A______ n'avait sollicité sa désignation comme avocat d'office qu'au terme de l'audition de son client par la police. Ce dernier n'avait non plus produit aucune pièce sur sa situation financière à l'appui de sa demande. Le dossier était composé principalement de pièces issues de la procédure vaudoise dans le cadre de laquelle l'avocate précitée était déjà nommée. Les entretiens des 8 et 27 avril 2022 n'apparaissaient pas nécessaires et auraient pu avoir lieu précédemment, aucune pièce n'ayant été versée à la suite de la décision de clôture, respectivement, visait la défense des intérêts du prévenu dans le cadre de la procédure fribourgeoise. Enfin, les questions juridiques qui se posaient n'étaient aucunement complexes.

c. Me A______ réplique. Ce n'était que lors de l'audition de son client par la police qu'elle avait eu connaissance des charges pesant contre lui. Quoi qu'il en soit, le Ministère public avait expressément ordonné la défense d'office dès le 7 décembre 2021. Les documents produits à l'appui de la demande d'entraide étaient nouveaux. Des recherches avaient enfin été nécessaires sur les enjeux relatifs à la procédure simplifiée de manière générale. Elle persistait dans son recours et sollicitait que l'indemnité sollicitée à ce titre soit augmentée de 45 minutes pour l'analyse et la rédaction de la réplique.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 135 al. 3 let. a et 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du défenseur d'office, qui a qualité pour recourir (art. 135 al. 3 let. a et 382 al. 1 CPP).

2.             L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c).

Seules les heures nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ). D'autant plus de retenue s'imposera que la constitution de l'avocat est ancienne de sorte qu'il est censé maîtriser la cause et/ou que le dossier n'a pas connu de développements particuliers (AARP/111/2021 du 21 avril 2021, consid. 5.3).

Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3 et les références).

La rémunération forfaitaire de déplacement aller/retour au et du Palais de justice ou au et du bâtiment du Ministère public a été arrêtée, depuis la modification du RAJ du 1er octobre 2018, à CHF 100.- pour les chefs d'étude (ACPR/178/2019 du 6 mars 2019).

3.             La recourante conteste le retranchement de la première heure passée à assister son client à VHP le 7 décembre 2021, ainsi que le temps de déplacement en ce lieu, au motif qu'elle n'était pas intervenue comme avocate de la première heure.

À raison. Elle a été appelée par la police pour assister le prévenu en qualité d'avocate de choix, et non comme avocate de permanence.

Elle a par la suite été désignée comme avocate d'office du prévenu avec effet au 7 décembre 2021. Que la demande d'assistance judiciaire du prévenu ait été protocolée à la fin du procès-verbal d'audition par la police du 7 décembre 2021 n'y change donc rien. Il y a ainsi lieu d'indemniser une heure supplémentaire au tarif de CHF 200.- ainsi que le temps de déplacement à VHP, soit CHF 100.-.

4. La recourante estime que le parloir du 6 décembre 2021 doit être indemnisé.

4.1. L'assistance juridique est en règle générale octroyée avec effet au jour du dépôt de la requête (art. 5 al. 1 RAJ ; ACPR/360/2015 du 30 juin 2015 consid. 3.1), sous réserve de démarches urgentes entreprises peu de temps avant (ATF 122 I 203 consid. 2f p. 208/209; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019 n. 68 ad art. 136). L'activité antérieure à la prise d'effet ou, au plus tard, à la nomination de l'avocat, n'est pas prise en charge par l'assistance juridique (AARP/379/2013 du 20 août 2013; AARP/437/2013 du 23 septembre 2013; AARP/465/2013 du 8 octobre 2013; AARP/546/2013 du 13 novembre 2013).

4.2. En l'espèce, Me A______ a été nommée en qualité d'avocate d'office du prévenu avec effet au 7 décembre 2021.

L'activité antérieure à la nomination de l'avocat – dont l'urgence n'est ici pas réalisée – n'étant pas prise en charge par l'assistance juridique, c'est à juste titre que le Ministère public n'a pas indemnisé la recourante pour le parloir du 6 précédent. Cela se justifie d'autant moins que 20 minutes d'entretien ont été accordées à l'avocate et son client avant l'audition du 7 décembre 2021, temps déjà inclus dans le poste Audiences (9h00-16h30) réclamé.

Sur ce point, la décision du Ministère public est fondée.

5. La recourante critique ensuite le retranchement des parloirs des 8 et 27 avril 2022.

5.1. Dans le cas des prévenus en détention provisoire, une visite par mois jusqu'au prononcé du jugement est admise, indépendamment des besoins de la procédure, pour tenir compte de la situation particulière de la personne détenue; le temps compté pour les visites dans les établissements du canton est d'une heure et trente minutes, déplacement inclus (ACPR/521/2022 du 4 août 2022 consid. 3.1.4).

En revanche, il n'y a pas lieu à indemnisation au titre de l'assistance juridique d'une visite postérieure à la décision (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.93 du 3 novembre 2015 consid. 4.2.3).

5.2. En l'occurrence, quand bien même on peut admettre que l'avocate d'office a déployé son activité sur une période d'environ cinq mois, la décision de clôture du 1er avril 2022 étant sujette à recours, deux visites au client à la prison, postérieures à ladite décision, apparaissent excessives pour discuter de l'opportunité d'un recours. Seul le parloir du 8 avril 2022 sera donc indemnisé, ce d'autant que la justification du parloir du 27 avril 2022 semble plutôt liée à une autre affaire, fribourgeoise, pour laquelle la recourante peut également prétendre à une indemnisation au titre de la défense d'office. Il ne saurait donc être question ici d'une indemnisation à double.

6. La recourante conteste enfin le retranchement de 3h00 pour l'étude du dossier, arguant que celui-ci était complexe.

Force est toutefois de constater que la procédure d'entraide dont il est ici question ne portait que sur l'audition du prévenu par la police. Elle n'a pas connu d'autre développement. Selon le Ministère public, qui n'a pas été contredit sur ce point par la recourante, cette dernière connaissait déjà les pièces produites car issues d'une procédure diligentée dans un autre canton et dans laquelle elle assistait déjà le prévenu. On ne saurait en outre considérer la présente procédure comme complexe du seul fait qu'il s'agit d'une demande d'entraide, l'essentiel de l'activité de la recourante ayant consisté à assister son client lors de son audition par la police et à se déterminer avec lui sur les enjeux d'une procédure simplifiée de transmission des pièces. Telle activité ne nécessitait pas des recherches juridiques approfondies. Le retranchement de 3h00 opéré pour l'étude du dossier n'apparaît ainsi pas critiquable.

7. En résumé, l'indemnisation sera complétée des montants suivants :

- audience police du 7 décembre 2021 (1h00 à CHF 200.-) = CHF 200.-

- parloir du 8 avril 2022 (1h30 à CHF 200.-) = CHF 300.-

- forfait de 20% alloué par le Ministère public = CHF 100.-

- déplacement VHP du 7 décembre 2021 = CHF 100.-

Sous-total = CHF 700.-

TVA (7.7%) = CHF 53,90

Total = CHF 753,90

8. Le recours sera ainsi partiellement admis et l'indemnisation octroyée par le Ministère public complétée du montant de CHF 753,90, TVA (7.7%) incluse.

9. L'admission du recours, même partielle, ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

10. Le défenseur d'office a droit à des dépens lorsqu'il conteste avec succès une décision d'indemnisation (ATF 125 II 518 consid. 5 p. 520; arrêt du Tribunal fédéral 6B_439/2012 du 2 octobre 2012 consid. 2).

La recourante chiffre son intervention à 5h15 pour la rédaction de l'acte de recours (onze pages, page de garde et conclusions comprises) et de la réplique (un courrier de trois pages), ce qui est excessif, eu égard à l'absence de complexité de la cause et au succès partiel obtenu. Une indemnité correspondant à 3h00 de travail, soit CHF 646,20, (TVA 7.7%) incluse, sera dès lors accordée.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet partiellement le recours et complète le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance du Ministère public du 20 mars 2023 comme suit :

-          arrête à CHF 753,90, TVA (7.7%) incluse, le complément d'indemnité dû à Me A______ pour l'activité déployée en faveur de B______ dans le cadre de la procédure CP/528/2021.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 646,20, (TVA 7.7%) incluse, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).