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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22281/2022

ACPR/500/2023 du 27.06.2023 sur OMP/7170/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;JONCTION DE CAUSES
Normes : CPP.132; CP.49

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22281/2022 ACPR/500/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 27 juin 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me Samir DJAZIRI, avocat, Djaziri & Nuzzo, rue Leschot 2, 1205 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 17 avril 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 28 avril 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 précédent, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner la défense d'office en sa faveur.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à ce que son conseil soit désigné à sa défense d'office avec effet au 14 avril 2023.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Il est reproché à A______, ressortissant nigérian domicilié en France, d'avoir, à Genève :

- à tout le moins les 19 octobre, 22 novembre et 24 novembre 2022, lendemain de sa dernière condamnation non encore définitive ni exécutoire, pénétré sur le territoire suisse en provenance de France puis d'y avoir séjourné du 19 au 20 octobre 2022, et du 24 novembre au 14 décembre 2022, date de sa dernière interpellation, alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires ni d'un passeport valable indiquant sa nationalité;

- le 22 novembre 2022 et le 14 décembre 2022, lors de son interpellation par la police, de s'être légitimé au moyen d'un document ne lui appartenant pas, soit d'une demande d'asile effectuée en France au nom de B______, né le ______ 2000, dans le but de tromper les autorités sur sa véritable identité et de pouvoir pénétrer et séjourner sur le territoire helvétique;

- le 22 novembre 2022 et le 14 décembre 2022, lors de son interpellation, détenu respectivement 1.8 gramme et 0.5 gramme de haschich, drogue destinée à sa propre consommation.

Entendu par la police le 20 octobre 2022, en présence d'un interprète, le prévenu a indiqué que sa véritable identité était B______ et qu'il avait changé son nom à son arrivée en France. Il pensait que l'attestation de demande d'asile française dont il était porteur lui donnait le droit de venir en Suisse.

Entendu par la police le 23 novembre 2022, en présence d'un interprète, il a expliqué être venu en Suisse en tram depuis la France pour sortir en boîte de nuit. Les autorités françaises s'étaient trompées de nom lors de sa demande d'asile. Enfin, il consommait environ 8 grammes de haschich par jour.

Entendu par la police le 14 décembre 2022, en présence d'un interprète, le prévenu a indiqué avoir quitté le territoire suisse depuis sa dernière interpellation par la police. Il ne savait toutefois pas depuis quand il séjournait en Suisse. Il n'avait pas de passeport mais uniquement le document délivré par les autorités françaises, auprès desquelles il avait déposé une demande d'asile. Il y avait eu une erreur sur son nom et sa date de naissance lors de l'établissement du document. Pour le surplus, il ne savait pas qu'il ne pouvait pas se rendre en Suisse avec ce document. Il consommait jusqu'à trois joints de haschich par jour, étant précisé qu'il avait fumé ce jour.

b. Par ordonnance pénale du 21 octobre 2022, rendue dans la procédure P/22281/2022, le Ministère public l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- le jour, avec sursis pendant 3 ans, pour entrée illégale et séjour illégal.

Par ordonnance pénale du 23 novembre 2022, rendue dans la procédure P/1______/2022, le Ministère public a condamné le prévenu à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 10.- le jour, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour faux dans les certificats étrangers, entrée illégale et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants.

Par ordonnance pénale du 15 décembre 2022, rendue dans la procédure P/2______/2022, le Ministère public a condamné le prévenu à une peine privative de liberté de 45 jours, avec sursis pendant 3 ans, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour faux dans les certificats étrangers, entrée illégale, séjour illégal et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants.

Le prévenu a fait opposition aux trois ordonnances pénales précitées, par son conseil.

c. Entendu par le Ministère public le 6 décembre 2022, en présence d'un interprète, le prévenu a déclaré que les autorités françaises ne l'avaient pas informé du fait qu'il ne pouvait pas voyager avec une attestation de demandeur d'asile. Elles avaient fait une erreur en inscrivant le nom de B______ et il devait avoir un rendez-vous à C______ [France] pour la rectifier. Il n'avait pas de passeport. Le haschich retrouvé sur lui était destiné à sa consommation personnelle.

À l'issue de l'audience, il a sollicité d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire.

d. Les procédures P/1______/2022, P/2______/2022 et P/22281/2022 ont été jointes sous ce dernier numéro.

e. Par ordonnance du 19 décembre 2022, le Ministère public a refusé d'ordonner la défense d'office en faveur du prévenu. Ce dernier a interjeté recours contre cette décision.

f. Par nouvelle ordonnance pénale du 22 décembre 2022, statuant sur les oppositions aux ordonnances pénales des 21 octobre, 23 novembre et 15 décembre 2022, le Ministère public a mis à néant ces dernières et déclaré A______ coupable de faux dans les certificats d'un document étranger (art. 252 CP cum art. 255 CP) ainsi que d'infractions aux art. 115 al. 1 let. a et b LEI, et l'a condamné à une peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction de 4 jours de détention avant jugement, avec sursis pendant 3 ans, et à une amende de CHF 100.- pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).

g. Par arrêt du 15 février 2023 (ACPR/127/2023), la Chambre de céans a rejeté le recours du prévenu contre l'ordonnance du 19 décembre 2022.

Elle a statué qu'il était faux de la part de l'intéressé de considérer que les peines privatives de liberté encourues ensuite de ses oppositions s'additionneraient simplement et dépasseraient dès lors le seuil de gravité de l'art. 132 al. 3 CPP, ce raisonnement faisant fi des règles régissant le concours de peines (cf. art. 49 al. 1 CP). Cela était d'autant plus vrai que le Ministère public l'avait, sur oppositions, condamné à une peine privative de liberté de 90 jours. Partant, la cause était de peu de gravité, au sens de l'art. 132 al. 3 CPP. Ensuite, l'examen des circonstances du cas d'espèce permettait de retenir que la cause ne présentait pas, au moment du dépôt de la demande d'assistance judiciaire, et ne présentait toujours pas, de difficultés particulières, du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, que le recourant n'aurait pas été ou ne serait pas en mesure de résoudre seul. Les faits et dispositions applicables étaient clairement circonscrits et ne présentaient aucune difficulté de compréhension ou d'application, même pour un profane. Le recourant avait pu s'exprimer à cet égard, avec l'aide d'un interprète, à la police et devant le Ministère public, reconnaissant partiellement les faits. Il avait ainsi parfaitement compris ce qui lui était reproché.

h. Le prévenu a formé opposition à l'ordonnance pénale du 22 décembre 2022.

i. À cette suite, le Ministère public a, le 16 janvier 2023, maintenu sa décision et transmis la procédure au Tribunal de police.

j. Par ordonnance pénale du 11 avril 2023 rendue dans la P/3______/2023, le Ministère public a condamné A______ à une peine privative de liberté de 60 jours, avec sursis pendant 3 ans, pour faux dans les certificats étrangers et entrée illégale. Il était reproché au précité : d'avoir à tout le moins le 10 avril 2023, pénétré sur le territoire suisse, à Genève, alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires ni d'un passeport valable indiquant sa nationalité; de s'être, le 10 avril 2023, lors de son interpellation par la police, légitimé au moyen d'un document ne lui appartenant pas, soit d'une demande d'asile effectuée en France au nom de B______, né le ______ 2000, dans le but de tromper les autorités sur sa véritable identité et de pouvoir pénétrer et séjourner sur le territoire helvétique.

Entendu par la police le 10 avril 2023 avec l'aide d'un gendarme effectuant la traduction, le prévenu avait refusé de s'exprimer.

k. Par courrier du 14 avril 2023, le prévenu a formé opposition à l'ordonnance précitée, sollicité la jonction de la procédure à la P/22281/2022 et demandé à ce que son conseil soit désigné en qualité de défenseur d'office.

l. Le 25 avril 2023, le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale et transmis la procédure au Tribunal de police.

m. Le 2 mai 2023, le Tribunal de police a joint la procédure P/3______/2023 à la P/22281/2022 déjà pendante devant lui.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que la cause ne présente pas de difficultés particulières juridiques ou de fait et que le prévenu est donc à même de se défendre efficacement seul. La cause était de peu de gravité et n'exigeait pas la désignation d'un défenseur d'office, dès lors que le prévenu n'était passible que d'une peine privative de liberté maximale de 4 mois ou d'une peine pécuniaire maximale de 120 jours-amende.

D. a. À l'appui de son recours, A______ indique ne pas être familiarisé avec la pratique judiciaire, ne pas parler couramment le français et être domicilié à l'étranger. En outre, au vu des peines prononcées par les deux ordonnances pénales dont il faisait l'objet, la limite des 120 unités pénales de l'art. 132 al. 3 CPP était atteinte.

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits – la décision querellée ayant été communiquée par pli simple – (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. L'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur à deux conditions : le prévenu doit être indigent et la sauvegarde de ses intérêts doit justifier une telle assistance, cette seconde condition devant s'interpréter à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP.

La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_194/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.1).

2.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure. La jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi – qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes – ferait ou non appel à un avocat.

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).

2.3. En l'espèce, la question de l'indigence du recourant n'a pas été examinée, mais peut toutefois rester ouverte vu ce qui suit.

À suivre le recourant, le cumul des peines privatives de liberté prononcées dans les deux procédures désormais jointes, soit 90 jours et 60 jours, dépasserait le seuil de gravité de l'art. 132 al. 3 CPP. Or, la Chambre de céans a statué dans son précédent arrêt qu'il était faux d'additionner purement et simplement les peines encourues ensuite des oppositions, car cela était contraire aux règles régissant le concours de peines (cf. art. 49 al. 1 CP). Le même raisonnement prévaut ici.

Quand bien même, l'examen des circonstances du cas d'espèce permet de retenir que la cause ne présente, pas plus qu'avant, de difficultés particulières, du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, que le recourant ne serait pas en mesure de résoudre seul. Les faits et dispositions applicables – identiques dans les deux procédures jointes – sont clairement circonscrits et ne présentent aucune difficulté de compréhension ou d'application, même pour un profane. S'agissant des faits ayant donné lieu à l'ordonnance pénale du 22 décembre 2022, le recourant a pu s'exprimer, avec l'aide d'un interprète, à la police et devant le Ministère public, reconnaissant partiellement les faits. Il a ainsi parfaitement compris ce qui lui était reproché. S'agissant des faits ayant donné lieu à l'ordonnance pénale du 11 avril 2023, un gendarme a fonctionné comme traducteur mais le prévenu a refusé de s'exprimer, étant rappelé qu'il lui était reproché en substance les mêmes faits que ceux ayant donné lieu à l'ordonnance pénale du 22 décembre 2022.

En l'absence de cette condition cumulative, la défense d'office ne se justifie pas.

Partant, c'est à juste titre que la défense d'office a été refusée par le Ministère public.

3. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4. La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Sarah RYTER, greffière.

 

La greffière :

Sarah RYTER

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).