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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23446/2022

ACPR/405/2023 du 31.05.2023 sur ONMMP/942/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);COMMANDEMENT DE PAYER
Normes : CPP.310; CP.181

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23446/2022 ACPR/405/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 31 mai 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12,

recourant,

 

contre l’ordonnance de non-entrée en matière rendue le 10 mars 2023 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 21 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance rendue le 10 précédent, communiquée par pli simple, aux termes de laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte pénale déposée en octobre 2022 contre B______ du chef de (tentative de) contrainte.

Il conclut, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de cette décision, la cause devant être retournée au Procureur afin qu'il ouvre une instruction, rende une ordonnance pénale ou renvoie le mis en cause en jugement.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

c. À réception de ce montant, la cause a été gardée à juger sans échange d’écritures ni débats.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Par contrat du 25 février 2013, B______, unique détenteur du capital-actions de C______ SA, société propriétaire d'un immeuble situé à D______ [GE] "soumis au régime de la [propriété par étages (ci-après : PPE)]", a vendu à A______ une partie de ses titres.

Ces actions conféraient à l’acquéreur un lot de ladite PPE ("lot 6.03"), consistant dans un appartement, une cave et un box, locaux qui étaient alors remis à bail à un tiers, contrat que A______ s'engageait à reprendre.

Le prix, fixé à CHF 135'000.-, devait être réglé en deux tranches, l’une de CHF 20'000.-, à payer par virement bancaire d'ici le 28 mars suivant, et l’autre de CHF 115'00.-; B______ prêtait ce dernier montant à A______, avec intérêts à 2% l'an; l’emprunt était "remboursable lors de la liquidation" de la société et garanti par le nantissement du certificat d'actions de l’acheteur, remis en pleine propriété à B______.

a.b. A______ s'est acquitté de la première somme précitée. Il affirme avoir remis CHF 70'000.- supplémentaires en mains du vendeur, à une date non précisée.

b. Le 2 avril 2015, B______ et A______ ont conclu un nouveau contrat, à teneur duquel : le premier prêtait CHF 146'000.- au second; les amortissements (CHF 2'500.- par trimestre) et intérêts (2% l'an) afférents à ce prêt étaient directement prélevés sur les loyers encaissés [par la régie E______ (ci-après : la régie)] pour la location des appartement, cave et box précités; ce prêt était garanti par une cédule hypothécaire d'un montant correspondant, à créer sur le lot de PPE appartenant à A______; B______ conservait en nantissement le certificat d’actions appartenant au précité jusqu’à l’établissement de ce droit de gage immobilier.

Aux dires de A______, le capital emprunté comprenait les CHF 115'000.- "déjà prévu[s]" par le contrat du 25 février 2013, ainsi qu’une somme supplémentaire (CHF 31'000.-), destinée à l'exécution de travaux dans ses locaux.

c.a. Par missive du 14 avril 2022, B______, représenté par la régie, informait A______ qu’il dénonçait le prêt du 2 avril 2015, faute de remboursement selon les modalités convenues. Il l’invitait à s’acquitter de la somme due, soit CHF 167'117.10, dans un délai de six semaines.

Le montant précité se décomposait comme suit, d'après le décompte annexé à cette missive : CHF 107'007.50 (correspondant au prêt de CHF 115'000.-, sous déduction de CHF 7'992.50 réglés par A______); CHF 5'738.70 (équivalant aux intérêts dus sur ce prêt); CHF 54'370.90 (au titre de "décompte[s] ( ) lot 6.03" impayés).

c.b. Le dernier nommé ne s’est pas acquitté de ces sommes.

d.a.a. Le 24 juin 2022, B______, représenté par la régie, a fait notifier à A______ un commandement de payer, poursuite ordinaire n° 1______, portant sur ces mêmes sommes.

Le 5 juillet suivant, il lui en a fait notifier un second, poursuite en réalisation de gage mobilier n° 2______, pour un montant identique.

d.a.b. À réception, le débiteur y a formé opposition.

d.b. Le 6 juillet 2022, A______, représenté par son avocat, a requis de la régie qu’elle retire l'une de ces deux poursuites, arguant qu’il ne percevait pas l’utilité de la première si B______ estimait être au bénéfice d’un gage mobilier.

Il lui a été répondu que la poursuite ordinaire "fai[sai]t suite" à la dénonciation du prêt et que la seconde concernait le nantissement du certificat d’actions, conformément à la convention du 25 février 2013.

e. En octobre 2022, A______ a porté plainte contre B______ pour (tentative de) contrainte.

En substance, il lui reprochait d’avoir déposé "non pas une, mais deux poursuites à [s]on encontre", portant sur le même montant, d’une quotité élevée. Par ce procédé, le mis en cause cherchait à l’amener à payer, "le plus rapidement possible", la somme réclamée, dont le fondement était contesté (puisque le montant de CHF 167'117.10 ne tenait compte, ni des CHF 70'000.- payés en espèces par ses soins, ni des loyers acquittés par le locataire de ses biens immobiliers, pourtant directement encaissés par la régie). À défaut de paiement, il "[s]e verrai[t] faire l’objet de deux procédures judiciaires" distinctes. Cette situation était, pour lui, source de tourments.

C. Dans sa décision déférée, le Ministère public a considéré que le but poursuivi par le mis en cause était d'obtenir le remboursement du prêt consenti au plaignant ainsi que d’autres créances, qu'il estimait dues. Il appartiendrait au juge civil de se prononcer sur le bien-fondé des prétentions déduites en poursuites, tout comme sur la validité des deux commandements de payer litigieux. À cette aune, les éléments constitutifs d’une (tentative de) contrainte n’étaient pas réunis.

D. Par jugement du 10 février 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : TPI) a débouté B______ des fins de sa requête en mainlevée de l’opposition formée par A______ à la poursuite en réalisation de gage (n° 2______).

Il a retenu ne pas être en mesure de déterminer si le capital total réclamé était ou non exigible lors du dépôt de la réquisition de poursuite; en effet, la clause du contrat du 25 février 2013 [seule pièce produite par le requérant, à l’exclusion de la convention du 2 avril 2015] afférente à la durée et au remboursement du prêt n’était pas claire, si bien qu’elle nécessitait l’interprétation du juge de l’action en reconnaissance de dette. À cela s’ajoutait que le requérant n’avait pas justifié être en possession du certificat d’actions objet du nantissement.

E. Dans son recours, A______ relève qu’il ne critique pas, sur le plan pénal, le bien-fondé/la quotité de la somme déduite en poursuites, mais le procédé utilisé par le mis en cause. Ce dernier, en lui ayant fait notifier, à quelques jours d’intervalle, deux commandements de payer portant sur les mêmes créances, et ce "sans aucune raison apparente", s’était manifestement rendu coupable de (tentative de) contrainte. Un tel constat s’imposait d’autant plus que le remboursement du prêt n’était pas exigible, comme l’avait retenu le TPI.

À l’appui de son acte, il produit des pièces nouvelles, dont la teneur a été résumée ci-avant (cf. lettre D.), dans la mesure utile.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de non-entrée en matière, décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 310 al. 2 cum 322 al. 2 CPP; art. 393 al. 1 let. a CPP), et émaner du plaignant, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP) qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à voir poursuivre la prétendue infraction commise contre sa liberté de décision ou d’action (art. 181 CP; art. 115 cum 382 CPP).

1.2. Il en va de même des pièces nouvelles jointes à cet acte (arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.2. in fine).

2. La Chambre de céans peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3. 3.1. Selon l’art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs d’une infraction ne sont manifestement pas réunis.

Cette disposition s’interprète à la lumière du principe in dubio pro duriore, selon lequel le procureur ne peut clore une procédure que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Ce magistrat et la juridiction de recours disposent, à cet égard, d'un pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1177/2022 du 21 février 2023 consid. 2.1).

3.2. Se rend coupable de contrainte au sens de l'art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

3.2.1. Pour une personne de sensibilité moyenne, faire l'objet d'un commandement de payer d'une importante somme d'argent est une source de tourments et de poids psychologique, en raison des inconvénients découlant de la procédure de poursuite elle-même et de la perspective de devoir peut-être payer le montant en question. Un tel commandement de payer est ainsi propre à inciter un individu à céder à la pression subie, donc à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Certes, faire notifier un commandement de payer lorsqu'on est fondé à réclamer une somme est licite. En revanche, utiliser un tel procédé comme moyen de pression est clairement abusif, donc illicite (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1396/2021 précité).

Lorsque la victime ne se laisse pas intimider et n'adopte pas le comportement voulu par l'auteur, ce dernier est punissable de tentative de contrainte (art. 22 al. 1 CP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1396/2021 précité).

3.2.2. Sur le plan subjectif, il faut que le prévenu ait agi intentionnellement, c'est-à-dire qu'il ait voulu contraindre la victime à adopter le comportement visé en étant conscient de l'illicéité de son comportement; le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_543/2022 du 15 février 2023 consid. 7.1).

3.3.1. Aux termes de l’art. 891 CC, le créancier qui n’est pas désintéressé a le droit de se payer sur le prix provenant de la réalisation du gage (al. 1). Le nantissement garantit le capital, les intérêts conventionnels, les frais de poursuite et les intérêts moratoires (al. 2).

3.3.2. En vertu de l’art. 41 al. 1bis LP, quand une poursuite par voie de saisie est introduite pour une créance garantie par gage, le débiteur peut demander, par le biais d’une plainte (art. 17 al. 1 LP), que le créancier exerce d’abord son droit sur l’objet du gage.

3.4.1. En l’espèce, le recourant ne critique pas, sur le plan pénal, le bien-fondé/la quotité du capital réclamé par le mis en cause (CHF 167'117.10). Il ne conteste pas non plus avoir remis, puis laissé, à ce dernier, en nantissement, son certificat d’actions, comme prévu par les conventions des 25 février 2013 et 2 avril 2015.

Le débiteur se méprend sur la portée des deux poursuites initiées contre lui.

En effet, le créancier ne réclame pas, via celles-ci, deux fois le règlement du même montant. Il s’octroie simplement la faculté de se faire payer cette somme aussi bien sur le produit de la réalisation du gage mobilier (poursuite n° 2______) que sur les autres biens du recourant (poursuite ordinaire par voie de saisie n° 1______).

Si le débiteur souhaitait que le mis en cause se désintéresse (en tout ou partie) prioritairement sur son certificat d’actions, il lui appartenait de déposer une plainte (art. 17 al. 1 LP) dans le délai de dix jours (art. 17 al. 2 LP) dès la notification du commandement de payer pour la poursuite ordinaire (cf. art. 41 al.1bis LP), ce qu’il n’allègue pas avoir fait.

Dans ces circonstances, l’on ne perçoit pas que le créancier, qui s’est contenté d’étendre le type de biens à saisir/réaliser pour être payé, ait commis un quelconque acte de contrainte.

3.4.2. Concernant l’exigibilité du prêt déduit en poursuites, le TPI a qualifié la volonté des parties au contrat du 25 février 2013 de peu claire.

Face à cette incertitude, il ne peut être reproché au mis en cause d'avoir réclamé au recourant le remboursement d’un emprunt dont l'échéance était incertaine.

3.4.3. À cette aune, les éléments constitutifs de l’infraction de tentative de contrainte – seule configuration envisageable in casu, le recourant n’ayant pas payé le capital réclamé – ne sont pas réunis.

La non-entrée en matière déférée est donc exempte de critique dans son résultat.

Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

4. Le recourant succombe (art. 428 al. 1 CPP).

Il supportera, en conséquence, les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), somme qui sera prélevée sur les sûretés versées.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés en totalité à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées (CHF 900.-).

Notifie le présent arrêt, en copie, au précité, soit pour lui à son conseil, ainsi qu’au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/23446/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00