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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/247/2023

ACPR/397/2023 du 24.05.2023 sur JTPM/244/2023 ( TPM ) , ADMIS

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE;PRONOSTIC;RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CP.86

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/247/2023 ACPR/397/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 24 mai 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'Établissement ouvert B______, comparant par Me C______, avocate,

recourant,

contre le jugement rendu le 11 avril 2023 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 24 avril 2023, A______ recourt contre le jugement du 11 avril 2023, notifié le 14 suivant, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a refusé sa libération conditionnelle.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés à CHF 2'400.-, à ce que sa libération conditionnelle lui soit octroyée, avec un délai d'épreuve d'un an, l'obligation de suivre un traitement psychiatrique et de rechercher activement un travail ainsi que toutes autres mesures jugées nécessaires.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, né en 1979, exécute des peines privatives de liberté prononcées les 17 mars 2022 (75 jours), 22 avril 2022 (45 jours), 10 mai 2022 (60 jours), 19 mai 2022 (80 jours) et 11 juillet 2022 (80 jours), par le Ministère public de Genève pour vol, vol d'importance mineure et violation de domicile.

Il exécute également plusieurs peines privatives de liberté de substitution en conversions de peines pécuniaires et/ou d'amendes, prononcées par le Ministère public de Genève les 15 juin 2021 (30 jours), 16 février 2022 (35 jours), 11 mars 2022 (65 jours), 17 mars 2022 (10 jours) et par le Service des contraventions le 28 juillet 2022 (10 jours), essentiellement pour violation de domicile et vol d’importance mineure.

Il a été incarcéré le 8 juin 2022 à la prison de D______, transféré le 16 septembre 2022 à l'Établissement fermé E______, puis le 31 janvier 2023 à l'Établissement ouvert B______ où il se trouve actuellement.

b. Les deux tiers des peines que A______ exécute actuellement sont intervenus le 16 avril 2023, tandis que la fin des peines est fixée au 27 septembre 2023.

c. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à une autre reprise, soit le 16 mai 2018, à une peine pécuniaire de 150 jours-amende et une amende de CHF 2'000.- pour vol, vol d'importance mineure, violation de domicile et contravention à l'art. 19a LStup. Un traitement institutionnel des troubles mentaux (art. 59 CP) avait été ordonné, dont la libération conditionnelle prononcée le 1er juillet 2020 avait pris effet le 14 janvier 2022 (sans solde de peine) avec un délai d'épreuve d'un an, une assistance de probation et des règles de conduite.

d. Le 14 mars 2023, la direction de l'Établissement ouvert B______ a préavisé favorablement la libération conditionnelle de A______. L'intéressé avait adopté un très bon comportement et n'avait fait l'objet d'aucune sanction. Il effectuait consciencieusement son travail à l'atelier cuisine, se montrant assidu et ponctuel. Il ne sous-estimait pas ses délits et était conscient qu'il devait poursuivre son suivi psychologique afin de ne pas récidiver, étant souligné que ledit suivi était déjà planifié. Il était au bénéfice d'une curatelle de représentation, de sorte que le Service de protection de l'adulte (ci-après, SPAd) pouvait demander la réouverture de son dossier à l'Hospice Général. Il était soutenu par sa sœur qui habitait à Genève. Sa fille de 16 ans vivait à F______ [VS] et était venue lui rendre visite au B______.

Il disposait d'un solde de CHF 17.30 sur son compte libre, d'un montant de CHF 505.20 sur son compte réservé et de CHF 375.15 sur son compte bloqué.

e. Dans le formulaire qu'il a rempli en vue de sa libération conditionnelle, A______ se dit ressortissant marocain, divorcé, père d'une fille de 16 ans et titulaire d'un permis C. À sa libération, il comptait d'abord rendre visite à son père malade au Maroc, puis revenir à Genève chez sa sœur, rechercher du travail ou un stage et garder contact avec sa fille.

f. Selon les renseignements donnés par l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM), A______ dispose d'un permis C valable. Son passeport algérien (copie en mains de l'OCPM) est échu depuis le 27 février 2020.

g. Le 15 mars 2023, le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) a préavisé défavorablement la libération conditionnelle de A______. Malgré un bon comportement en détention, l'intéressé avait déjà bénéficié d'une libération conditionnelle en juillet 2020, assortie d'une assistance de probation, ce qui ne l'avait pas empêché de récidiver.

h. Par requête du 17 mars 2023, le Ministère public a conclu à l'octroi de la libération conditionnelle de A______.

i. Le 21 mars 2023, le TAPEM a fixé à l’intéressé un délai pour déposer des conclusions écrites ou solliciter la tenue d'une audience.

j. Par courrier du 24 mars 2023, A______ s'est prononcé en faveur de sa libération conditionnelle avec un délai d'épreuve d'un an.

C. Dans sa décision querellée, le TAPEM retient que le pronostic se présente sous un jour défavorable, au vu des nombreux antécédents de A______. Même s'il s'était bien comporté en détention, la libération conditionnelle devait lui être refusée car il avait déjà bénéficié d'un tel élargissement le 14 janvier 2022 et avait depuis lors récidivé à sept reprises. À cela s'ajoutait qu'il n'avait présenté aucun projet de réinsertion concret et étayé, se contentant de se prévaloir du soutien du SPAd et de l'Hospice Général.

D. a. Dans son recours, A______ considère pouvoir bénéficier d'une libération conditionnelle. Il s'était très bien comporté en détention. Son suivi psychologique était déjà planifié en vue d'une libération, il avait recréé des liens avec sa fille, pouvait compter sur l'aide de sa sœur, reprendre son suivi avec sa curatrice et faire rouvrir son dossier auprès de l'Hospice Général, ce qui lui permettrait d'avoir un emploi chez G______. En outre, contrairement à ce qui était retenu, le risque de récidive n'était pas élevé. Il n'avait pas été condamné pour des infractions graves, mais essentiellement pour des vols à l'étalage dans des magasins d'alimentation dans une période pendant laquelle il consommait de manière excessive des anxiolytiques et des somnifères. En tant que de besoin, il acceptait d'ores et déjà que la libération conditionnelle soit assortie d'un délai d'épreuve d'un an et de règles telles que l'obligation de recherche d'emploi et de suivre un traitement psychiatrique.

À l'appui, il produit divers courriels du SPAd, notamment un courriel du 23 février 2023, indiquant qu'avant son incarcération, il était aidé par l'Hospice Général, qu'à sa sortie, il pouvait être hébergé dans un hôtel et suivi par le cabinet "H______" ainsi que par son médecin traitant, le Dr I______, du centre médical de J______.

b. Dans ses déterminations, le Ministère public s'en rapporte à l'appréciation de la Chambre de céans, précisant notamment que les nombreux antécédents de A______ concernaient essentiellement des infractions contre le patrimoine, notamment à l'occasion de violation de domicile dans des commerces où il avait commis des vols, y compris d'importance mineure. En outre, il était titulaire d'un permis C et recevait la visite de sa sœur ainsi que de sa fille.

c. A______ ne réplique pas.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus en matière de libération conditionnelle par le TAPEM (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1), dont le jugement constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363).

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. Le recours est recevable, pour avoir été déposé selon la forme (art. 384 let. b, 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et dans le délai (art. 396 al. 1 CPP) prescrits, par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

1.4. Les pièces nouvelles sont recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             Le recourant estime qu'il remplit les conditions d'octroi de la libération conditionnelle.

2.1. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2). Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées). Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr; force est de se contenter d'une certaine probabilité; un risque de récidive est inhérent à toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b).

Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées). Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie de règles de conduite et d'un patronage, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine (ATF 124 IV 193 consid. 4d/aa/bb).

2.2. En l'espèce, le recourant a subi les deux tiers de ses peines le 16 avril 2023, de sorte que la première condition posée par l'art. 86 al. 1 CP est réalisée.

Le recourant s'est par ailleurs comporté correctement en détention.

S'agissant du risque de récidive, les désormais neuf condamnations du recourant, en particulier pour des infractions contre le patrimoine, dénotent effectivement une apparente absence de prise de conscience et un penchant pour la délinquance. Il doit toutefois être tenu compte du fait qu'il exécute l'intégralité des peines prononcées à son encontre depuis juin 2021 et n'a encore, dans ce cadre, jamais été libéré conditionnellement d'une peine, étant souligné que la libération conditionnelle dont il a bénéficié le 14 janvier 2022 concernait le traitement institutionnel des troubles mentaux (art. 59 CP) prononcé le 16 mai 2018.

S'il n'a certes pas de projet de réinsertion concret puisqu'il n’a pas encore de promesse d'embauche ou de stage, il dispose toutefois d'un statut administratif stable (permis C), d'une curatelle auprès du SPAd, du soutien de l'Hospice Général, d'un suivi psychothérapeutique déjà organisé et de la possibilité d'un hébergement dans un hôtel, soit autant d'éléments permettant d'assurer un encadrement soutenant et de contenir le risque de réitération.

Par conséquent, à l'instar du Ministère public, la Chambre de céans considère que les conditions de l'art. 86 al. 1 CP sont réalisées, le pronostic, bien que mitigé, n'étant pas encore défavorable, au sens des principes sus-évoqués.

La libération conditionnelle du recourant sera dès lors ordonnée avec effet au jour où un logement sera mis à sa disposition et sera assortie d'un délai d'épreuve d'un an.

Le recourant devra, dans le délai d'épreuve, sous forme de règles de conduite, poursuivre son traitement psychothérapeutique et se soumettre à des contrôles réguliers de son abstinence à l'alcool et aux stupéfiants. Une assistance de probation sera également ordonnée afin qu'il trouve une activité occupationnelle.

3. Fondé, le recours sera donc admis. Le jugement querellé sera annulé et la libération conditionnelle du recourant prononcée aux conditions sus-décrites.

4. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

5. Le recourant, qui obtient gain de cause, sollicite l’octroi de dépens totalisant CHF 2’400.-, correspondant à 6 heures d’activité au tarif de CHF 400.- du chef d'étude, au titre de : entretien avec le SPAd, déterminations (20 minutes), prise de connaissance du dossier (75 minutes), courriel au SPAd, procuration (5 minutes), lettre à la Chambre de céans (10 minutes), rédaction du recours et chargé de pièces (4 heures), lettre à la Chambre de céans (10 minutes).

Une somme de CHF 1'600.- lui sera allouée, équivalant à quatre heures d’activité au tarif demandé – temps qui paraît adéquat pour accomplir les postes listés supra (étant souligné que l'acte de recours comprend 12 pages, dont 5 de développements topiques en droit), majorées de la TVA à 7.7% (art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable par le renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et annule le jugement entrepris.

Ordonne la libération conditionnelle de A______ avec effet au jour où un logement sera mis à sa disposition.

Fixe à A______ un délai d'épreuve d'une année à compter de sa libération effective, en l'avertissant que s'il devait, durant ce délai, commettre un nouveau crime ou un délit, violer les règles de conduite ou se soustraire à l'assistance de probation, sa réincarcération pour le solde de sa peine pourra être ordonnée, nonobstant une nouvelle peine ou mesure (art. 89 CP).

Fait obligation à A______, durant le délai d'épreuve, à titre de règles de conduite de :

- poursuivre sérieusement son traitement psychothérapeutique;

- se soumettre à des contrôles réguliers de son abstinence à l'alcool et aux stupéfiants.

Ordonne une assistance de probation.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'723.20 TTC pour ses frais de défense en procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil), au Tribunal d'application des peines et des mesures et au Ministère public.

Communique la page de garde et le dispositif de l'arrêt, pour information, au greffe de l'Établissement ouvert B______, au Service de l'application des peines et mesures et à l'Office cantonal de la population et des migrations.


 

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).