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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7384/2021

ACPR/332/2023 du 09.05.2023 sur OMP/6461/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE;VOL(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.132; CP.139

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7384/2021 ACPR/332/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 9 mai 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [France], comparant par Me Annette MICUCCI, avocate, Merkt & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale 5556, 1211 Genève 4,

recourante,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'office rendue le 3 avril 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 17 avril 2023, A______ (née A______ [nom de jeune fille]) recourt contre l'ordonnance du 3 avril 2023, communiquée par pli simple et reçue selon elle le 5 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner la défense d'office en sa faveur.

La recourante conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à l'octroi de l'assistance judiciaire à compter du 23 décembre 2022.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par ordonnance pénale du 23 décembre 2022, le Ministère public a condamné A______, ressortissante française, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, à CHF 100.- le jour, avec sursis pendant 3 ans, pour vol (art. 139 ch. 1 CP) ainsi qu'à une amende de CHF 500.- pour vol d'importance mineure (art. 139 at 172ter CP).

En substance, il lui était reproché d'avoir, alors qu'elle travaillait comme aide-soignante [à] B______ à Genève :

- en date du 6 août 2020, entre 14h et 16h, dérobé un billet de CHF 100.- se trouvant dans le porte-monnaie se trouvant dans le sac à main de la résidente C______, que celle-ci avait laissé dans sa chambre;

- en date du 8 juillet 2020, entre 17h30 et 20h30, dérobé la somme de CHF 2'600.- dans le portefeuille se trouvant dans la poche intérieure de la veste rangée dans l'armoire du résident D______, dans la chambre de ce dernier;

- entre le 5 et le 25 juin 2020, vraisemblablement le 20 juin 2020, dérobé les valeurs et effets personnels (soit CHF 650.-, une montre [de marque] E______ , une carte d'identité suisse, une carte bancaire et divers objets personnels) du résident F______, que le personnel avait placés dans un tiroir de la pharmacie de l'établissement.

Plaintes pénales ont été déposées par les précités, respectivement les 7 août 2020, 15 juillet 2020 et 29 juin 2020.

b. Le 22 décembre 2022, A______, qui était sous avis de recherche et d'arrestation, avait été appréhendée lors de son entrée en Suisse à l'aéroport de Genève. Lors de son audition subséquente par la police, le même jour, elle avait renoncé à être assistée d'un avocat. Elle avait contesté intégralement les faits reprochés.

c. Le 23 décembre 2023, elle a, par l'intermédiaire de son conseil, formé opposition à l'ordonnance pénale.

d. Par courrier du 29 mars 2023, elle a sollicité la désignation de son conseil comme défenseur d'office avec effet au 23 décembre 2022 et produit des pièces justificatives sur sa situation personnelle.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public retient que la cause ne présente pas de difficultés particulières juridiques ou de fait et que la prévenue était donc à même de se défendre seule. La cause était en outre de peu de gravité, l'intéressée n'étant passible que d'une peine privative de liberté maximale de 4 mois ou d'une peine pécuniaire maximale de 120 jours-amende.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que la cause n'est pas de peu de gravité, la Cour européenne des droits de l'homme ayant statué, dans un arrêt HAMDANI c. Suisse du 28 mars 2023, qu'une peine privative de liberté de 75 jours (pour vol et séjour illégal) n'était pas négligeable. En outre, ici, les plaignants étaient âgés et pour certains incapables de discernement. Elle avait été condamnée sans être préalablement confrontée à ceux-ci. L'ordonnance pénale était erronée en tant qu'elle la reconnaissait coupable de vols. Une telle condamnation était lourde de conséquence pour son métier, de sorte que l'assistance d'un avocat était nécessaire. La procédure d'opposition était utile puisque les déclarations d'une plaignante, entendue contradictoirement le 12 avril dernier, s'étaient "déjà révélées complètement contradictoires" s'agissant du moment du prétendu vol. Elle n'avait en outre pas fait l'objet d'un mandat de comparution, ayant été arrêtée à sa descente de l'avion à l'aéroport de Genève. Ce faisant, elle n'avait pas pu "être informée de la procédure en cours ou solliciter l'accès à son dossier".

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. À teneur de l'art. 132 al. 1 let. b CPP, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts.

La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_194/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.1). L'art. 132 al. 3 CPP prévoit qu'en tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende.

3.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. En particulier, il convient de s'attacher à la peine concrètement encourue et non à la seule peine-menace prévue par la loi (ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit Commentaire du CPP, 2e éd., 2016, n. 30 ad art. 132). La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure. La jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi – qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes – ferait ou non appel à un avocat.

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).

3.3. En l'espèce, la peine concrètement encourue par la recourante s'élève à 90 jours-amende – assortie de surcroît d'un sursis par le Ministère public dans son ordonnance pénale du 23 décembre 2022 – de sorte que la cause est de peu de gravité, au sens de l'art. 132 al. 3 CPP.

Même si l'on tient compte d'un risque d'aggravation de la peine par le Tribunal de police – pour le cas où le Ministère public déciderait de maintenir son ordonnance pénale –, force est de constater que la recourante, qui n'a pas d'antécédents judiciaires connus, resterait concrètement toujours passible d'une peine moins élevée que celle au-delà de laquelle on peut considérer que l'affaire n'est pas de peu de gravité selon l'art. 132 al. 3 CPP.

L'arrêt HAMDANI c. Suisse du 28 mars 2023 qu'elle évoque ne lui est d'aucun secours à cet égard, en tant qu'il concerne un individu condamné par ordonnance pénale à une peine privative de liberté de 75 jours à laquelle s'ajoutait la révocation d'une précédente condamnation à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, soit une peine "non négligeable" nullement comparable à la peine pécuniaire dont il est ici question.

Partant, le recours peut être rejeté pour ce motif déjà.

En outre, l'examen des circonstances permet de retenir que la cause ne présente pas de difficultés particulières, du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, que la recourante ne serait pas en mesure de résoudre seule. Les faits et dispositions applicables sont clairement circonscrits et ne présentent aucune difficulté de compréhension ou d'application pour l'intéressée, qui est ressortissante française au bénéfice d'un permis frontalier. La recourante s'est déjà exprimée à leur égard lors de son audition à la police du 22 décembre 2022 et a parfaitement compris ce qui lui était reproché. Quant à l'acte d'opposition, il n'a pas besoin d'être motivé, de sorte qu'il ne nécessitait pas le concours d'un avocat.

Que les plaignants soient des personnes âgées, pour certaines incapables de discernement, selon elle, ne rend pas la cause plus complexe pour l'intéressée, et ce d'autant moins compte tenu de la période pénale et des montants en jeu.

Partant, en l'absence de cette condition cumulative, la défense d'office ne se justifie pas. Peu importe à cet égard que la recourante affirme être innocente. Certes une condamnation pénale définitive pourrait avoir des répercussions pour sa carrière professionnelle. Or, on n'en est pas là, la procédure d'opposition – dans laquelle la recourante est parfaitement à même de s'expliquer à nouveau – étant en cours. Enfin, la recourante n'allègue pas que son avocate aurait entrepris des démarches particulières visant à faire constater la violation de ses prétendus griefs en lien avec son arrestation et son accès au dossier.

La question de l'indigence, non remise en cause par le Ministère public, n'a ainsi pas besoin d'être examinée.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).