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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16581/2021

ACPR/303/2023 du 03.05.2023 sur OCL/378/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : VOIES DE FAIT;INJURE;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.319; CP.126; CP.177; CP.181; CPP.29; CPP.30

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16581/2021 ACPR/303/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 3 mai 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me Mario BRANDULAS, avocat, BLAGOJEVIC BRANDULAS & PARTNERS, rue Marignac 14, case postale 504, 1211 Genève 12,

recourante,

contre l'ordonnance de classement partiel et de refus de réquisition de preuves rendue le 14 mars 2023 par le Ministère public,

et

B______, domicilié ______ [VD], comparant en personne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 27 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 14 mars 2023, notifiée le 17 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé la jonction de la cause à la procédure P/1______/2023 (chiffre 1 du dispositif), rejeté ses réquisitions de preuve (chiffre 2), ordonné le classement des "faits survenus en été 2020, des faits survenus entre le 15 mai 2023 environ et le 29 mai 2021 inclus, soit les faits susceptibles d'être qualifiés de menaces, d'injures, de tentative de contrainte et de voies de faits, en ce qu'ils concernent l'éventuelle saisie des cheveux, les secousses de la tête et prise des joues et du cou de la plaignante; des faits susceptibles d'être qualifiés de dommages à la propriété, survenus à une date indéterminée; des faits susceptibles d'être qualifiés de menace, survenus aux alentours du 5 mai 2021; des faits susceptibles d'être qualifiés d'injure, survenus aux alentours du 5 mai 2021 et des faits susceptibles d'être qualifiés de vol d'usage, survenus le 12 février 2021, à l'égard de B______" (chiffre 3) et dit que la procédure suivait son cours pour le surplus (chiffre 4).

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation des chiffres 1 à 3 de l'ordonnance querellée, à la jonction de la procédure avec la P/1______/2023 et au renvoi de la cause au Ministère public pour "nouvelle décision dans le sens des considérants".

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 29 mai 2021, A______ a porté plainte contre B______, avec qui elle est mariée depuis le ______ 2018.

Le jour-même, ils s'étaient disputé en raison du fait qu'il partait en week-end avec une autre femme. Comme elle refusait de lui dire comment elle l'avait appris, B______ l'avait prise par les cheveux, derrière la nuque, et l'avait secouée. Il lui avait ensuite attrapé les joues ainsi que la gorge, avec les deux mains, "sans vraiment serrer", en menaçant de "tout casser dans la maison"; puis saisi un couteau en déclarant "je vais te tuer". Durant la dispute, elle lui avait lancé le contenu de son verre d'eau et il en avait fait de même.

Avant leur mariage, ils avaient eu quelques désaccords et il l'avait "tapée une fois". Après, il ne l'avait jamais "frappée" mais la rabaissait constamment, la traitant notamment de "fille de pute". Il l'avait fait chez des amis aux alentours du 5 mai 2021, au cours d'une soirée où leurs connaissances avaient dû s'interposer en raison d'une dispute, durant laquelle elle avait pensé que B______ allait lui asséner un coup.

C______, son fils d'une précédente relation, avait vu, au cours de l'été 2020, B______ l'attraper par les cheveux.

b. Le 3 novembre 2021, A______, depuis lors mise au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite, a produit une déclaration écrite de son fils C______, relatant notamment un épisode survenu un "dimanche 11 octobre [2020]", durant lequel il avait vu B______ projeter sa mère contre un mur, avant de la relever en la tirant par les cheveux.

c. Par courrier du 26 novembre 2021, A______ a déposé une plainte complémentaire pour vol d'usage et dommage à la propriété notamment, reprochant à B______ d'avoir, le 12 février 2021, utilisé son véhicule de marque D______/3______ [modèle], sans son autorisation, et causé un accident à cette occasion.

d. À la police, B______ a contesté les faits, si ce n'est d'avoir traité A______ de "fille de pute" à une occasion.

Lorsque celle-ci avait découvert son intention de partir en week-end avec une autre femme, une dispute avait éclaté durant laquelle elle lui avait lancé le contenu d'un verre d'eau; il en avait fait de même. Il n'avait toutefois fait que saisir son poignet pour lui prendre le verre, sans l'attraper par les cheveux ou saisir son cou. S'il l'avait insultée, c'était parce qu'elle lui avait également dit "fils de pute".

Le 12 février 2021, il avait emprunté le véhicule de A______ – avec son autorisation – pour faire une course, sa trottinette électrique n'ayant plus de batterie. Sur le chemin du retour, il avait heurté le véhicule qui le devançait. Étant sous le coup d'un retrait de permis, il avait inscrit le nom de son père sur le constat à l'amiable.

e. Les 10 décembre 2021 et 14 janvier 2022, A______ a formulé le souhait au Ministère public de pouvoir être accompagnée aux audiences de C______ en qualité de personne de confiance, proposant d'entendre celui-ci au préalable pour ne pas entraver son audition en qualité de témoin.

Le Ministère public a refusé ces demandes, dans la mesure où il ne pouvait être exclu que C______ soit interrogé comme témoin.

f. La police a procédé aux auditions de proches du couple, à savoir:

- E______, laquelle a relaté une dispute entre A______ et B______ survenue chez F______ pendant "l'été 2021", lors de laquelle les deux s'étaient insultés et celui-là s'était approché de celle-ci d'un air menaçant. Elle s'était alors interposée pour empêcher B______ de devenir "violent physiquement". Elle n'avait pas assisté à d'autres faits similaires mais A______ lui avait dit que B______ avait cassé le bracelet d'une montre;

- F______, qui a confirmé la dispute entre les précités survenue chez elle, le 9 mai 2021, durant laquelle B______ s'était avancé vers A______ "pour la frapper". Le couple se disputait verbalement de manière régulière. Le 29 mai 2021 ou le lendemain, A______ l'avait appelée en pleurant pour lui dire que B______ avait été violent et menaçant avec un couteau. A______ avait également mentionné un dommage au bracelet d'une montre.

g. Le 4 janvier 2022, B______ a versé au dossier des attestations de proches, soit notamment de ses parents et de sa compagne, également utilisées dans le cadre de la procédure civile en mesures protectrices de l'union conjugale.

h. Par-devant le Ministère public le 1er septembre 2022, B______ a confirmé ses précédentes déclarations, précisant qu'il n'avait traité A______ de "fille de pute" qu'à une seule reprise, en réponse à la même insulte. Lors de leurs disputes, il ne s'était jamais montré menaçant, ni violent physiquement ou verbalement. Concernant la soirée chez F______, il n'avait fait que se lever en entendant A______ le traiter de "fils de pute". Il était éloigné d'elle d'une distance d'au moins deux mètres cinquante.

En réponse à la question de savoir si, "au cours de l'été 2020", en présence de C______, il avait tiré les cheveux de A______, il a expliqué n'avoir fait qu'aider la précitée à rentrer chez elle, du fait qu'elle était ivre. Face à la remarque du Procureur constatant qu'il savait exactement à quoi il était fait allusion, il a précisé que c'était le seul moment où C______ s'était levé du canapé car il avait entendu quelque chose.

E______ et F______ ont réitéré leurs propos à la police, la première expliquant qu'après l'incident, elle était restée avec A______ pour "la calmer" et la seconde relatant que le jour en question, B______ s'était approché à environ deux mètres cinquante de A______, en parlant très fort et en gesticulant.

A______ a confirmé la teneur de ses plaintes, revenant notamment sur la dispute du 29 mai 2021. Le jour en question, B______ avait saisi le couteau avant de le lâcher pour la saisir par les cheveux, au-dessus de la nuque. En réaction, elle avait ouvert le robinet pour lui gicler de l'eau.

i. Lors de l'audience du 14 suivant, B______ a précisé que les clés [du véhicule] D______/3______ [marque, modèle] étaient librement accessibles dans l'appartement. Le 12 février 2021, c'était A______ qui l'avait encouragé à prendre la voiture pour aller acheter un fusible, elle-même ne voulant pas sortir.

A______ a contesté ces déclarations. Elle n'avait jamais eu accès aux clés de la voiture, B______ les conservant pour lui car le véhicule était stationné au parking du [centre d'affaire] G______ tandis que la place liée au domicile du couple était occupée par [un véhicule de marque] H______ appartenant au précité.

j. Entendue par la police en qualité de témoin, I______ a déclaré avoir ponctuellement donné des cours de conduite à A______ entre le 6 janvier et le 5 avril 2021. Pour ce faire, elles utilisaient [le véhicule] D______/3______, qui était stationnée sur une place extérieure au domicile de la précitée.

k. Le 15 février 2023, le Ministère public a ordonné la jonction de la procédure avec la P/23694/2022, dans le cadre de laquelle B______ est poursuivi pour diverses violations à la LCR.

l. Dans le délai imparti par l'avis de prochaine clôture, A______ a sollicité la jonction de la procédure avec la P/1______/2023, ouverte en lien avec sa plainte déposée au début du mois de janvier 2023 contre B______ pour violation d'une obligation d'entretien et faux dans les titres. Elle a également requis l'audition de son fils et de tout(e)s les auteur(e)s des attestations produites par le précité.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public refuse d'abord la jonction des procédures, sollicitée par A______, au motif que la P/1______/2023 n'était pas en état d'être jugée, contrairement à la présente.

Les réquisitions de preuve pouvaient également être écartées. L'audition de C______ porterait sur des faits pour lesquels la plainte était tardive tandis que celle des auteurs des attestations produites par B______ pouvaient être sollicitées dans le cadre de la procédure P/2______/2022, ouverte sur plainte du précité contre A______.

Sur le fond, aucun élément objectif ne permettait de privilégier l'une ou l'autre des versions s'agissant de la dispute survenue le 29 mai 2021, dont les faits dénoncés pouvaient être constitutifs de voies de fait, menaces et tentative de contrainte. Pour la dispute du 5 mai 2021, B______ avait déclaré ne pas s'être approché de A______ à moins de deux mètres cinquante, ce qu'avait confirmé F______. En outre, il ne ressortait pas des déclarations de la plaignante qu'elle avait été effrayée par le geste de l'intéressé. Les éléments constitutifs de la menace n'étaient pas non plus réalisés pour cet épisode. Pour les faits survenus en "été 2020", ils pouvaient être qualifiés de voies de fait. Cela étant, la notion de "réitérées reprises" au sens de la norme topique ne s'appliquait pas dans le cas d'espèce, A______ n'ayant dénoncé que deux incidents impliquant de la violence, en deux ans. La plainte était ainsi tardive sur ce volet. Le contexte conflictuel permettait de retenir que des injures étaient réciproquement échangées, ce que les témoins avaient confirmé. Il se justifiait ainsi de renoncer à toute poursuite pénale. Faute d'élément objectif, rien ne permettait d'établir un dommage à la propriété en lien avec le bracelet de la montre de A______. Enfin, rien ne permettait de retenir que B______ avait utilisé sans droit [le véhicule] D______/3______ [marque, modèle].

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public d'avoir retenu que deux épisodes de violence ressortaient de ses plaintes alors qu'elle en avait dénoncé quatre en tout, soit le coup reçu avant le mariage, l'incident devant son fils et les deux événements des 5 et 29 mai 2021. En cela, la condition de "réitérées reprises" de l'art. 126 ch. 2 CP était remplie et les comportements incriminés devaient être poursuivis d'office. Dans ces circonstances, le Ministère public ne pouvait pas classer les faits survenus en octobre 2020 et il se justifiait d'entendre C______ à ce sujet.

En lien avec la dispute du 29 mai 2021, ses déclarations ne présentaient aucune contradiction qui permettaient d'abandonner les charges de voies de fait, menaces et tentative de contrainte. Pour celle du 5 mai 2021, le Ministère public ne pouvait retenir qu'elle n'avait pas été effrayée alors qu'il ne lui avait pas posé de questions à cet égard et qu'il ressortait de l'audition de E______ qu'après l'incident, des amis étaient restés pour la calmer.

La procédure P/1______/2023 partageant avec la présente les personnes impliquées et correspondant à "deux phases ou aspects d'une même maltraitance" infligée par B______, la jonction des causes s'avérait fondée.

Le Ministère public avait finalement enfreint le principe de la bonne foi en lui refusant le droit d'être accompagnée par son fils aux audiences, au motif que celui-ci pouvait être entendu comme témoin, pour finalement classer la procédure.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours contre l'ordonnance de classement partiel est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de classement sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. En revanche, en tant que la recourante se plaint – sous le grief d'une violation de la bonne foi – des deux refus du Ministère public que son fils l'accompagne comme personne de confiance vu son statut de témoin potentiel, le recours est irrecevable car tardif (art. 396 al. 1 CPP), lesdits refus remontant à plus d'un an.

2.             La recourante conteste le bien-fondé du classement des faits visés par l'ordonnance querellée.

2.1.1. Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b) ou lorsqu'on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (let. e).

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci, qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et qui s'impose également à l'autorité de recours, signifie que, en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243).

Dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu, le principe "in dubio pro duriore" impose, en règle générale, que ce dernier soit mis en accusation. Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis typiquement "entre quatre yeux" pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.2). Il peut toutefois être renoncé à une mise en accusation si : la victime fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles; une condamnation apparaît, au vu de l'ensemble des circonstances, a priori improbable pour d'autres motifs; il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre des versions opposées des parties comme étant plus ou moins plausible et aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 précité, consid. 2.2).

En cas de contexte conflictuel entourant le dépôt d'une plainte, il convient de considérer avec une certaine prudence les allégations des protagonistes et de ne les retenir que si elles sont corroborées par d'autres éléments objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 1B_267/2011 du 29 août 2011 consid. 3.2).

2.1.2. Pour les infractions poursuivies sur plainte, l'existence d'une plainte pénale valable constitue une condition à l'ouverture – plus exactement : à l'exercice – de l'action pénale au sens de l'art. 319 al. 1 let. d CPP (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 10 ad art. 319 et 10a ad art. 310; cf. également ATF 118 IV 325 c. 2b p. 328 s.).

Le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l’ayant droit a connu l’auteur de l’infraction (art. 31 CP).

2.2.1. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26; ATF 117 IV 14 consid. 2a p. 15 ss). Une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait ; de même une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 191 et les références citées). Ont également été qualifiés de voies de fait: une gifle, un coup de poing/pied ou encore l'arrosage d'une personne au moyen d'un liquide ou le renversement d'un liquide ou solide (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 4.4).

Les voies de fait ne sont en principe punissables que sur plainte (cf. art. 126 al. 1CP). Elles se poursuivent toutefois d'office dans les cas énumérés à l'art. 126 al. 2 CP, qui, pour chacune des hypothèses prévues, implique que l'auteur ait agi à réitérées reprises. Tel est le cas lorsque les voies de fait sont commises plusieurs fois sur la même victime – notamment le conjoint (let. b) – et dénotent une certaine habitude (ATF 134 IV 189 consid. 1.2. p. 191; 129 IV 216 consid. 3.1 p. 222). La doctrine précise que l'auteur doit agir souvent, précisant que deux fois ne sauraient suffire (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., Berne 2010, n. 22 ad art. 126 CP).

2.2.2. Se rend coupable de menaces celui qui, par une menace grave, alarme ou effraie une personne. L'infraction est poursuivie sur plainte (art. 180 CP).

Il faut que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée, peu importe que les menaces lui aient été rapportées de manière indirecte par un tiers. Elle doit craindre que le préjudice annoncé se réalise (arrêts du Tribunal fédéral 6B_578/2016 du 19 août 2016 consid. 2.1; 6B_871/2014 du 24 août 2015 consid. 2.2.2 ; 6B_820/2011 du 5 mars 2012 consid. 3).

2.2.3. Se rend coupable d'injure celui qui aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur (art. 177 al. 1 CP). Si l'injurié a riposté immédiatement par une injure ou par des voies de fait, le juge pourra exempter de toute peine les deux délinquants ou l'un d'eux (art. 177 al. 3 CP).

2.2.4. Se rend coupable de contrainte, au sens de l'art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

Se rend coupable de dommage à la propriété, au sens de l'art. 144 CP, celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui.

2.3. En l'espèce, se pose en premier lieu la question de savoir si les faits dénoncés par la recourante permettent de retenir une répétition des actes constitutifs de voies de fait au sens de l'art. 126 al. 2 CPP.

Dans sa première plainte, elle a évoqué avoir reçu un coup avant le mariage – soit antérieurement à 2018 –, mentionné un incident devant son fils survenu en octobre 2020 et l'épisode du 9 mai 2021, ainsi que détaillé la dispute du 21 mai 2021.

S'il est donc bien question de quatre complexes de fait dans sa plainte, ils sont allégués avec un degré de détails inégal. L'épisode supposément antérieur au mariage reste même très spéculatif, la recourante n'ayant donné aucune information à son sujet.

Indépendamment du fait que la recourante a déclaré, de manière contradictoire, que le prévenu ne l'avait jamais "frappée" durant le mariage, seuls trois actes – sur plus de cinq ans de relation – seraient déterminants dans l'application de la notion de "réitérées reprises".

Dans ces circonstances, une répétition d'actes prétendument violents ne peut pas être retenue, pas plus qu'une certaine habitude du prévenu à les commettre. En conséquence, une application de l'art. 126 al. 2 CP est exclue, ce qui signifie que la plainte du 29 mai 2021 est tardive en lien avec les faits antérieurs à 2018 et à ceux de 2020, lesquels devaient donc être classés.

Dans la mesure où la recourante n'allègue pas que son fils aurait été témoin d'autres actes répréhensibles, il n'y avait, par ailleurs, pas lieu d'entendre celui-ci sur ces faits, ce que le Ministère public a retenu à raison.

2.4. Reste à examiner les autres infractions classées.

Tout d'abord, même si plusieurs témoins ont affirmé que la recourante leur avait mentionné un bracelet de montre cassé par le prévenu, cette dernière n'a jamais apporté le moindre élément objectif pour établir si ce n'est déjà l'existence de l'objet, mais encore la cause et l'ampleur des dégâts, ni le coût des éventuelles réparations. À défaut d'avoir même une date, la question de savoir si le délai du dépôt de plainte a été respecté demeure indécise.

Pour ce volet, les soupçons ne sont pas suffisamment fondés pour justifier une mise en accusation.

Ensuite, en lien avec la dispute du 29 mai 2021, la recourante a fourni des explications contradictoires, malgré qu'elle soutienne l'inverse. Dans sa plainte, le prévenu l'avait d'abord saisie par les cheveux, puis s'était emparé du couteau. À teneur de ses déclarations par-devant le Ministère public, l'ordre de ces deux actes était inversé. Dans sa version initiale, elle avait jeté le contenu d'un verre d'eau au prévenu et il en avait fait de même – ce que ce dernier a, par ailleurs, confirmé lors de ses auditions. Dans un second temps, elle a expliqué avoir utilisé le robinet pour asperger le prévenu.

Ces divergences tendent à rendre moins crédibles les déclarations de la recourante, là où celles du prévenu sont restées identiques au fil de la procédure, et alors qu'aucun élément objectif – comme un constat de lésions ou de marques sur la peau – ne permet de tenir pour établie une version plutôt qu'une autre. Les témoignages indirects de l'incident ne sont pas déterminants.

Compte tenu de ce qui précède, en y ajoutant encore le contexte conflictuel, qui impose de considérer avec circonspection les allégations des parties impliquées, les soupçons contre le prévenu sont insuffisamment étayés en lien avec les faits dénoncés pour cet épisode.

Tout au plus, il semble établi que la recourante et le prévenu ont, à cette occasion, réciproquement jeté sur l'autre le contenu d'un verre d'eau, ce qui pourrait être constitutif d'infraction visée à l'art. 126 CP. Cela étant, les circonstances et les conséquences de l'acte commanderaient, le cas échéant, de renoncer à toute poursuite (art. 8 CPP cum art. 52 CP), tout comme pour la prévention d'injures contre le recourant, dans la mesure où il ressort de la procédure que les insultes étaient un langage commun au sein de l'ancien couple (art. 177 al. 3 CP).

L'absence d'élément concret concerne également le vol d'usage dénoncé dans la seconde plainte de la recourante. Le prévenu conteste avoir emprunté le véhicule sans l'autorisation de celle-ci, sans qu'il soit possible de déterminer s'il dit vrai ou non. Néanmoins, la recourante a allégué n'avoir pas accès à la [voiture] D______/3______, qui était garée devant le [centre d'affaire] G______, alors qu'un témoin a confirmé lui avoir donné des cours de conduite avec cette voiture, laquelle était parquée devant le domicile.

En résumé, pour les faits examinés jusque-là, le Ministère public n'a pas enfreint le droit, ni outrepassé son pouvoir d'appréciation, en les classant, faute de soupçons suffisants ou d'intérêts à la poursuite.

2.5. Les témoins s'accordent pour dire qu'au cours de la soirée du 9 mai 2021, le prévenu a adopté une attitude agressive envers la recourante, ce que celui-ci conteste. L'une des personnes présente le jour en question a néanmoins déclaré que le prévenu était resté à une distance d'environ deux mètres cinquante, ce que l'intéressé a également affirmé au moment de son audition.

En outre, la recourante a initialement dénoncé cet épisode de manière succincte et indirecte, moins dans le but d'en faire une prévention à part que d'illustrer le prétendu comportement délétère du prévenu à son égard. Aussi, même à supposer que ce dernier aurait adopté une attitude menaçante, dont la nature exacte reste indéterminée, rien ne laisse à penser que la recourante en aurait été effrayée au sens exigé par la disposition pénale topique, même si elle avait dû être "calmée" après la dispute.

Dans ces circonstances, il n'est pas établi que les éléments constitutifs de la menace seraient remplis.

3.             La recourante requiert la jonction de la procédure avec la P/1______/2023.

3.1. À teneur de l'art. 29 CPP ("Principe de l'unité de la procédure"), les infractions sont poursuivies et jugées conjointement lorsqu'un prévenu a commis plusieurs infractions (al. 1 let. a) ou s'il y a plusieurs coauteurs ou participants (al. 1 let. b).

L'art. 30 CPP prévoit la possibilité de déroger au principe de l'unité de la procédure. Une telle dérogation exige toutefois des raisons objectives, ce qui exclut de se fonder, par exemple, sur de simples motifs de commodité (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., Bâle 2019, n. 2 ad art. 30).

3.2 En l'espèce, compte tenu du fait que le classement partiel est confirmé pour les motifs exposés ci-dessus, la poursuite de la présente procédure porte principalement sur les infractions à la LCR du recourant, sur lesquelles il a déjà pu être entendu.

À l'inverse, l'instruction de la P/1______/2023, ouverte sur plainte de la recourante, vient à peine de débuter et concerne une éventuelle violation d'une obligation d'entretien.

Partant, pour ne pas retarder inutilement la présente cause, qui est en état d'être jugée selon le Ministère public, il existe un motif objectif s'opposant à la jonction sollicitée par la recourante.

4.             Justifiée dans son ensemble, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait dès lors être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5.             La recourante, au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite, sera exemptée des frais de la procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

6.             La procédure n'étant pas terminée, le prévenu étant toujours soupçonné de dommage à la propriété au préjudice de la recourante, en lien avec sa voiture, il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade, le conseil juridique gratuit de celle-ci (art. 135 al. 2 CPP cum art. 138 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, à B______ et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).