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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14514/2022

ACPR/296/2023 du 27.04.2023 sur ONMMP/424/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;INJURE
Normes : CPP.310; CP.198; CP.177

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14514/2022 ACPR/296/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 27 avril 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Giovanni CURCIO, avocat, rue De-Grenus 10, case postale 1270, 1211 Genève 1,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 2 février 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 16 février 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction. Il sollicite également l'octroi de l'assistance juridique pour la procédure de recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 5 juillet 2022, B______ a déposé plainte contre inconnu pour injures, menaces et tentative d'agression, en lien avec des faits survenus le 1er précédent.

Alors qu'il se trouvait assis à la terrasse d'un bar situé à la rue 1______ no. ______, à Genève, le conducteur d'une voiture, tombée en panne au milieu de la route, avait hurlé "Bordel, à qui est le scooter garé sur la case bleue?!". Pour plaisanter, il avait répondu que le scooter en question était le sien alors que tel n'était pas le cas. L'individu, "extrêmement énervé", s'était approché de lui d'un pas rapide, en vociférant "espèce de connard, tu vas le déplacer ton scooter", avant d'armer son poing pour le frapper au niveau du visage. Effrayé, il avait immédiatement reculé. Alors qu'il tentait de calmer la situation, l'individu lui avait derechef donné l'impression qu'il allait lui asséner un coup de poing au visage. Pour se défendre, il avait tenu les deux bras de l'intéressé et l'avait "accompagné en direction du capot de la voiture", sans être brusque, ni violent.

L'individu en question a été identifié comme étant A______.

b. Le 30 septembre 2022, le précité s'est présenté à la police, où il a été entendu en lien avec l'altercation.

Sa voiture était tombée en panne au milieu de la route, bloquant la circulation en sens unique. Pour libérer la voie, il avait trouvé une place bleue qui était cependant occupée par un scooter, dont il avait supposé que le propriétaire se trouvait parmi les clients du bar adjacent. Il avait calmement interrogé ceux-ci mais personne n'avait répondu, sauf B______ qui lui avait dit: "mais tu te prends pour qui?", puis l'avait traité "d'enculé". Avec l'aide de passants, il avait finalement pu déplacer sa voiture et tandis qu'il se redressait après avoir vérifié la distance entre les roues et le trottoir, il avait reçu un coup de poing à l'arrière de la tête. B______ l'avait alors plaqué contre le capot en se couchant sur lui, avant de frotter ses parties génitales contre ses fesses, "comme s'il [l]e sodomisait". Il avait senti son sexe en érection et "son haleine répugnante" d'alcool et de tabac. L'acte avait duré environ trente secondes, puis des tiers étaient intervenus pour le "libérer" de ce "prédateur sexuel". Après avoir surmonté son "état de choc", il avait appelé la police qui, une fois sur les lieux, l'avait soumis ainsi que B______ à un éthylotest.

Pour ces faits, A______ a déposé plainte contre B______. Il a produit à l'appui un constat médical du 4 juillet 2022, à teneur duquel il aurait déclaré avoir été victime d'un coup au niveau occipital et d'une projection contre le capot de sa voiture. L'examen clinique neurologique n'avait pas relevé de lésions. La colonne vertébrale présentait des douleurs à la palpation. Le scanner ne montrait aucune hémorragie, ni fracture. En conclusion, les observations cliniques, soit un "traumatisme crânien simple" et un "traumatisme cervical simple" étaient compatibles avec ses dires.

c. À teneur du rapport de renseignements de la police du 7 janvier 2023, A______ a expliqué aux policiers intervenus sur place avoir été "bousculé" par B______. Ce dernier présentait un taux d'alcoolémie de 0.76mg/l. Aucune blessure ou marque n'avait été constatée sur les deux protagonistes. L'exploitant du bar où s'était déroulé l'incident avait demandé une interdiction d'entrée à l'encontre de A______, "pour le scandale occasionné".

d. Le 21 août 2022, la police a auditionné C______, présent sur la terrasse du bar au moment de l'incident.

Il a expliqué que A______ était sorti de son véhicule pour faire "un cirque au milieu de la rue en criant qu'il était en panne". Constatant qu'un motocycle était garé sur une place bleue, le précité avait hurlé: "Qui est le connard qui a stationné son scooter de merde à cet endroit". Un individu – soit B______ – avait rétorqué "ironiquement" que c'était le sien. A______ avait injurié ce client, le qualifiant notamment de "connard" et "enculé". Un conflit verbal avait éclaté puis A______ s'était approché de B______ en armant un poing en direction de sa tête et en déclarant "je vais te péter la gueule". Ce dernier avait alors empoigné A______ pour parer le coup et l'avait "maitrisé contre le capot".

e. Entendu en qualité de prévenu, A______ a contesté les faits tels que décrits par B______ et C______.

f. Par ordonnance pénale du 2 février 2023 – frappée d'opposition – le Ministère public a condamné A______ pour menaces et injures.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public constate que les déclarations de B______ étaient corroborées par celles de C______. Le constat médical produit par A______ ne relevait aucune lésion et faisait uniquement état des symptômes décrits par ce dernier, alors que les policiers n'avaient constaté aucune marque ou blessure. Les éléments constitutifs des infractions d'injure, de lésions corporelles simples et de désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel n'étaient pas établis.

D. a. Dans son recours, A______ soutient qu'il était acquis que B______ avait fait usage de la force durant l'altercation pour l'immobiliser contre le capot de la voiture, alors que celui-ci n'en avait pas fait mention dans sa plainte. Cette "omission" permettait de douter de la sincérité du récit de l'intéressé et confirmait la crédibilité de ses propres déclarations. Il était également établi que B______ était en état d'ébriété qualifiée au moment de l'incident, ce que le Ministère public aurait dû prendre en compte dans l'établissement des faits et dans l'appréciation de ceux-ci. Il en allait de même pour le contenu de l'attestation médicale, qui confirmait que les observations cliniques étaient compatibles avec sa description des évènements. L'ouverture d'une instruction sur sa plainte permettrait en outre l'audition contradictoire de C______, qui n'avait été entendu "qu'en relation avec la plainte pénale" de B______.

À l'appui de son écriture, il produit une attestation du 14 février 2023, établie par une psychologue, selon laquelle il se serait confié au sujet d'une "agression" qui serait toujours "traumatique", notamment en raison du "caractère sexualisé" de l'acte.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

E. Selon le rapport du greffe de l'Assistance juridique du 17 mars 2023, A______ ne dispose pas des moyens nécessaires pour assumer, par ses propres moyens, les honoraires de son avocat.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles produites devant la Chambre de céans sont également recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2).

2.             Le recourant reproche au Ministère public de n'être pas entré en matière sur sa plainte.

2.1. Selon l’art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs d’une infraction ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art.  5  al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'un acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243).

2.2.1. Se rend coupable de désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198 CP) celui qui aura causé du scandale en se livrant à un acte d'ordre sexuel en présence d'une personne qui y aura été inopinément confrontée ou qui aura importuné une personne par des attouchements d'ordre sexuel ou par des paroles grossières.

2.2.2. Aux termes de l'art. 123 al. 1 CP est punissable celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé, tels que des blessures, meurtrissures, hématomes, écorchures ou des griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé.

2.2.3. Conformément à l'art. 177 al. 1 CP, se rend coupable d'injure celui qui aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur.

2.3. En l'espèce, il est admis qu'une altercation est survenue le 1er juillet 2022 entre le recourant et le mis en cause. Le déroulement de celle-ci fait cependant l'objet de versions contradictoires entre les deux protagonistes.

En substance, le premier affirme avoir conservé une attitude calme dès le début mais aurait néanmoins essuyé – sans raison – des insultes du mis en cause, un coup à la tête et enfin dû subir l'imitation d'un acte sexuel sur sa personne contre le capot de sa voiture. Le second soutient que le recourant aurait – dès le début – provoqué un esclandre devant le bar et se serait ensuite montré menaçant envers lui, en armant son poing, ce qui l'avait contraint à immobiliser l'intéressé, sans violence, pour mettre fin à l'incident.

Les déclarations du témoin – dont il n'y a pas lieu de douter de l'impartialité –corroborent le déroulement des faits tel que décrit par le mis en cause. En particulier, ce témoin a attesté le caractère agité du recourant, qui aurait initié l'altercation, son attitude agressive et la réaction, défensive et mesurée, adoptée par le mis en cause. Il n'a, en revanche, pas fait mention de gestes obscènes effectués par ce dernier et aucun acte d'instruction n'apparaît susceptible de les établir.

L'interdiction d'entrée sollicitée par le gérant du bar à l'encontre du recourant tend également à démontrer que c'est celui-ci qui a adopté un comportement perturbateur et non le mis en cause. Enfin, selon le rapport de renseignements de la police, le recourant a déclaré, sur les lieux, n'avoir été que "bousculé", sans faire état d'un coup à la tête. Les policiers n'ont, d'ailleurs, constaté aucune marque ou blessure sur les deux concernés.

Tous ces éléments forment un faisceau d'indices probants permettant de privilégier la version des évènements du mis en cause.

Face à ce constat, on ne voit pas quel élément probant pourrait ressortir de l'audition contradictoire du témoin, celui-ci ayant été entendu par la police dans le cadre du conflit opposant le recourant et le mis en cause.

L'attestation médicale produite par le recourant, qui constate des lésions dont l'origine reste incertaine mais, dans tous les cas, ne s'avèrent pas incompatibles avec le geste défensif que le mis en cause déclare avoir effectué, n'est pas non plus susceptible de renverser le constat précité. Il en va de même de l'attestation du 14 février 2023, qui n'est fondée que sur les déclarations du recourant. Pour finir, l'ébriété du mis en cause le jour en question n'enlève rien, en l'occurrence, à la force probante de ses explications, surtout quand elles coïncident avec un témoignage externe.

Compte tenu de ce qui précède, aucun élément ne permet de retenir que l'infraction visée à l'art. 198 CP aurait été réalisée, ni que le recourant aurait été injurié. Au surplus, il appert que l'attitude – défensive et mesurée – adoptée par le mis en cause lors de l'altercation serait de toute manière couverte par la légitime défense (art. 15 CP).

C'est ainsi à bon droit que le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte du recourant.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant sollicite l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

4.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).

La cause ne devant pas être dénuée de toute chance de succès, l'assistance peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la position du requérant est juridiquement infondée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1. et les références citées).

4.2. En l'espèce, même si l'indigence du requérant est établie, le recours était, pour les motifs exposés supra, voué à l'échec, si bien que les conditions pour l'assistance judiciaire ne sont pas remplies.

La demande sera, partant, rejetée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), étant précisé que le refus d'assistance judiciaire gratuite est rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14514/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

-

CHF

Total

CHF

800.00