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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/25665/2022

ACPR/293/2023 du 26.04.2023 sur OTMC/975/2023 ( TMC ) , REFUS

Recours TF déposé le 03.05.2023, rendu le 23.05.2023, REJETE, 1B_234/2023
Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25665/2022 ACPR/293/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 26 avril 2023

 

Entre

 

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me V______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 3 avril 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

 

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte déposé le 12 avril 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 avril 2023, notifiée le surlendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prolongé sa détention provisoire jusqu'au 7 juin 2023.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa mise en liberté immédiate avec les mesures de substitution, ordonnées pour une durée de six mois, suivantes : interdiction de quitter la Suisse; obligation de déférer à toute convocation de la police et du pouvoir judiciaire; obligation de se présenter à un poste de police une fois par semaine; obligation de maintenir déposés en mains du Ministère public de la République et canton de Genève ses documents d'identité; obligation de résider au domicile conjugal sis au no. ______ avenue 1______, [code postal] C______ [GE]; interdiction de tout contact, sous quelque forme que ce soit, direct ou indirect, par l'intermédiaire de tiers ou d'application de messagerie quelle qu'elle soit, avec D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.        À teneur du rapport d'arrestation du 8 mars 2023, D______ a porté plainte, le lundi 26 septembre 2022, à la suite d'une altercation dont il avait été victime dans la nuit du 24 septembre 2022 vers 03h00, lors de laquelle A______ lui avait donné un coup de couteau sur le crâne.

Après avoir quitté son travail, vers 1 heure, il avait passé deux heures avec "I______" dans un café à boire une soupe et du thé; ils s'étaient ensuite rendus, vers 3 heures, au café "K______" où ils avaient discuté pendant quelques minutes. A______, E______, un prénommé "G______" et deux inconnus étaient sortis de l'établissement et lui avaient donné entre quinze et vingt coups de poings sur les jambes, le torse, les bras et le crâne, sans rien dire, sauf le premier cité qui avait ordonné "Tapez"; cinq ou six clients avaient essayé de les séparer, en vain. J______, qui passait par là par hasard en voiture, l'avait pris dans son véhicule afin de le sortir de cette situation. Alors qu'il se dirigeait vers la voiture, aidé par deux personnes, il avait reçu un coup sur le crâne; il s'était retourné et avait vu A______ tenant un couteau de la main droite. Il avait vu, grâce au phare d'une voiture, l'éclat de la lame qui faisait 15 centimètres; J______ avait également vu le couteau. Il était ensuite monté dans la voiture et s'était évanoui avant de se réveiller à 7 heures aux urgences à l'hôpital, avec sa femme à ses côtés.

Le dimanche, il était resté chez lui, avec son épouse et ses enfants, et le lundi, il avait été déposé plainte.

Il pensait que l'agression était en lien avec un différend financier qu'il avait avec A______.

E______, qui avait participé à l'agression avec son frère, lui avait adressé, dans la matinée du dimanche, plusieurs messages-audio, manifestant ses regrets.

À teneur du constat médical du 24 septembre 2022 des HUG, D______ avait expliqué s'être fait agresser "par 3 personnes dans la rue. Il dit avoir reçu un choc sur la tête et dit ensuite avoir perdu connaissance pendant une quinzaine de minutes." L'examen médical met en évidence la présence d'une plaie superficielle pariétale gauche, arquée, d'environ 4 cm ayant nécessité 3 points de suture.

D______ a remis une copie d'une convention de vente du 18 novembre 2021 du restaurant L______ entre les vendeurs, M______ [épouse du plaignant] et N______, et les acheteurs, A______ et O______.

b.        À teneur de ce rapport, les frères A______/E______ ont déposé, au même moment, une main-courante mentionnant que, à la suite d'un conflit d'argent, D______ se montrait provoquant envers eux et qu'il se serait battu avec E______ pour atteindre son frère A______.

c.         Le rapport du CURML du 12 décembre 2022 relève que, lors de l'expertise du 26 septembre 2022, D______ a déclaré que "[ ] cinq personnes l'ont attaqué, lui donnant des coups de poing et de pieds sur tout le corps, il précise connaître trois des agresseurs. A la fin de l'agression, l'un d'eux lui a donné un coup de couteau au niveau de la tête, se positionnant derrière M. D______ et lui assénant un coup de couteau de haut en bas, avec la pointe frappant sa tête à l'arrière gauche. Il précise que le couteau était un couteau d'environ 15 cm de long avec une lame lisse. L'agresseur tenait le couteau dans la main droite". L'expertisé a déclaré n'avoir consommé ni alcool ni drogue avant les faits ni depuis.

Les experts ont mis en évidence des lésions traumatiques pouvant entrer chronologiquement avec les faits, et les commentent ainsi : la dermabrasion – linéaire au niveau du bras droit – et les ecchymoses – au niveau des membres supérieurs (bras droit, avant-bras droit et coude gauche) – sont la conséquence de traumatismes contondants (heurts du corps contre un/des objet/s contondant/s, coups reçus par un/des objet/s contondant/s ou pressions locales fermes pour les ecchymoses), avec une composante tangentielle (frottement) pour la dermabrasion. Elles sont trop peu spécifiques pour pouvoir se prononcer quant à leur origine précise. Elles peuvent toutefois être la conséquence de coups portés à ces niveaux, tel que rapporté par l'expertisé. La croûte du cuir chevelu, résultat d'un processus de guérison cutanée, ne permet pas d'apprécier les caractéristiques lésionnelles initiales, ni de se prononcer sur la lésion primaire sous-jacente. Les informations contenues dans le dossier médical de D______ ne leur permettent pas de se prononcer sur le mécanisme lésionnel avec certitude, mais semblent plutôt évocatrices d'un traumatisme contondant.

Les lésions constatées n'ont pas mis en danger la vie de l'expertisé.

d.        Entendu par la police le 20 février 2023, J______ a déclaré avoir quitté son travail, après que D______ lui ait envoyé un message via Whatsapp, et qu'ils se soient appelés, lui disant qu'il n'était pas bien. S'il avait su que ce dernier avait été agressé, il s'y serait rendu mais avec la police. À son arrivée, il avait constaté que D______ avait du sang sur la tête et qu'il y avait plusieurs personnes plus loin, mais il n'avait pas pu voir qui elles étaient. D______ lui avait dit avoir été agressé par son "ami A______" et plusieurs autres personnes sans donner de nom. Ce soir-là, D______ avait bu. Il l'avait raccompagné chez lui où sa femme l'avait pris en charge.

e.         Entendu par la police, A______ a déclaré que la nuit en question, il était au café "K______" où il jouait aux cartes; il avait consommé de l'alcool durant la soirée et était "bourré". Environ 10 minutes avant la fermeture, D______ était entré dans le café et avait commencé à l'insulter et le provoquer en disant à tout le monde qu'il irait en prison et serait expulsé de Suisse. Il lui avait répondu de ne pas se moquer de lui et que, s'il voulait être un homme, il fallait qu'il commence par lui rembourser ce qu'il lui devait. Cette scène s'était déroulée devant tous les clients soit notamment F______, G______, son frère E______ et son cousin H______.
Le ton était monté et ils s'étaient insultés. Le patron du café avait fait sortir D______. Lorsqu'ils étaient sortis à leur tour, ce dernier était encore là et avait commencé à être agressif avec lui s'approchant pour le frapper. Son frère E______ s'était interposé et, voulant calmer le jeu, s'était un peu éloigné avec D______. Un véhicule était venu prendre en charge D______, et lui-même avait quitté les lieux avec F______.

Il avait revu D______, le lendemain, à l'occasion du mariage d'un compatriote; ils s'étaient salués de loin, sans vraiment se parler.

Le lendemain, de mémoire, il avait envoyé un message vocal WhatsApp à D______ concernant leur différend financier.

E______ E______ a déclaré à la police que lorsque D______ était arrivé au "K______", il avait crié des insultes, menaçé de faire "péter" le bar et de leur lancer une bombe. Tout le monde était sorti du bar et il avait eu une empoignade avec D______. Un ami de D______, "J______" était arrivé dans un 4x4 et l'avait tiré par le bras en essayant de le raisonner; il s'était fâché contre lui et avait saisi D______ par les poignets à plusieurs reprises; il l'avait pris dans les bras et jeté dans son véhicule avant de quitter les lieux Son frère A______ n'avait rien fait et n'avait pas touché D______.

Ce dernier, qui était bourré, avait perdu l'équilibre et était tombé sur la piste cyclable devant le bar; sa tête avait heurté le trottoir. Lui-même avait perdu l'équilibre et était tombé lorsque les clients avaient tenté de les séparer.

Il avait croisé le plaignant le lendemain à un mariage et lui avait envoyé trois ou quatre messages vocaux en lui demandant de l'excuser s'il avait été blessé durant "l'espèce de mêlée" devant le bar.

f.         Le 8 mars 2023, le Procureur a mis en prévention A______ ainsi que E______ pour agression (art. 134 CP) et tentative de lésions corporelles graves (art. 122 CP cum art. 22 CP) pour les faits relatés dans la plainte.

A______ a confirmé ses déclarations à la police; il n'avait jamais eu de couteau et n'avait pas frappé D______; quand ce dernier avait commencé à les insulter, les personnes présentes étaient parties. Son frère avait essayé de le séparer de D______.

E______ a également confirmé ses déclarations et précisé qu'il n'y avait eu aucun coup; il y avait eu une empoignade, les gens tenaient D______ y compris son ami J______; D______ s'était blessé en tombant. Il lui avait envoyé les messages Whatsapp pour s'excuser si lors de l'empoignade, il avait eu mal ou s'était fait mal. Il n'avait aucune information sur la vente du restaurant. Son frère était resté à l'intérieur du café.

g.        Par mandat du 26 mars 2023, le Procureur a chargé la police d'entendre F______, G______, H______ et I______.

h.        Lors de l'audience de confrontation du 5 avril 2023, D______ a précisé avoir croisé P______, qui avait proposé de boire un verre au café "K______". I______ avait parqué sa voiture et ils y étaient entrés tous le trois. A______ et son frère E______ étaient à l'étage inférieur, avec un groupe de 7 ou 8 personnes – dont G______ alias G______, Q______ et R______ – , à jouer tandis que lui-même était à l'étage et discutait avec son ami. Un moment plus tard, il était sorti avec P______ et I______ et, sans qu'il ne comprenne pourquoi, 5 personnes l'avaient agressé lui donnant des coups de poing; quelqu'un l'avait tenu par derrière et une autre personne lui avait planté un couteau sur la tête. Il avait poussé la personne qui le tenait et, se retournant, avait vu A______ qui tenait le couteau.
Son ami, J______, était arrivé, avait ouvert la portière de sa voiture et l'y avait directement fait entrer et ramené chez lui. Son épouse l'avait emmené à la police [du quartier] de S______ [GE] où un policier lui avait demandé pourquoi ils n'avaient pas appelé une ambulance; il lui avait répondu que s'il était resté là-bas, ils l'auraient tué. Il n'était pas alcoolisé en arrivant au café et avait bu une bouteille de bière sur place.

E______ a précisé qu'ils étaient huit ou neuf, soit G______, R______, Q______, le propriétaire du café, T______, et son neveu, ainsi que F______ et U______.

A______ a déclaré que le propriétaire avait mis D______ hors de son café et ce dernier avait commencé à l'insulter. Comme il voulait s'approcher de lui, des gens l'avaient tenu. Son frère E______ avait poussé D______ en lui disant d'arrêter tandis que lui-même était déjà plus loin, au bout de la rue.

i.          Par mandat du 11 avril 2023, le Procureur a chargé la police d'identifier et entendre les autres participants à l'agression ainsi que les témoins cités dans le procès-verbal du 5 avril 2023.

j.          Parallèlement, il a demandé au plaignant s'il levait les médecins des HUG de leur secret médical afin de solliciter le rapport de sa prise en charge.

k.        A______, né en 1986, est ressortissant turc au bénéfice d'une autorisation d'établissement depuis 2018. Il est marié et a deux enfants mineurs.

l.          À teneur de son casier judiciaire suisse, il a été condamné en 2018 pour tentative de contrainte et une procédure est pendante en appel devant la Chambre d'appel et de révision pour viol, lésions corporelles simples et tentative de contrainte.

C.            Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu que les charges demeuraient suffisantes pour justifier le maintien en détention provisoire du prévenu, eu égard aux constatations de police, aux déclarations de D______, au constat médical du 24 septembre 2022 et à celui de lésions traumatiques du 12 décembre 2022, aux déclarations de J______, ainsi qu'aux messages envoyés par E______ au plaignant quelques heures après les faits. L'instruction se poursuivait.

Le risque de collusion demeurait très concret vis-à-vis de D______, E______, F______, G______, H______, I______ et J______. Il convenait ainsi d'éviter que le prévenu tente de les influencer et compromette la recherche de la vérité. Le risque était renforcé par le fait que tous étaient issus de la communauté turque.

Le risque de réitération était tangible, le prévenu ayant déjà été condamné en 2018, pour tentative de contrainte. En outre, il avait été condamné par jugement du Tribunal correctionnel du 1er septembre 2022 à une peine privative de liberté de 4 ans et demi, pour viol, tentatives de contrainte et lésions corporelles simples, jugement qui n'est pas entré en force, un appel étant pendant.

Le principe de proportionnalité de la détention provisoire demeurait respecté et aucune mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre le but de la détention, au vu des risques retenus.

D.            a. Dans son recours, A______ allègue l'absence de charges suffisantes, respectivement l'absence de proportionnalité de la durée de détention prononcée. Le plaignant avait fait des déclarations variables et sujettes à caution que ce soit notamment sur le nombres d'agresseurs ou de coups et sur la présence, ou non, du couteau; elles étaient en contradiction avec le constat médical des HUG, l'expertise du CURML, les déclarations de J______, ainsi qu'avec le fait qui s'était rendu le lendemain à un mariage.

Le TMC aurait dû s'interroger sur la réalité de la convention de vente produite par le plaignant, lequel avait inventé l'agression au couteau pour éluder ses engagements financiers. Il n'y avait aucune charge par rapport à un coup de couteau qualifié de tentatives de lésions corporelles graves.

Il conteste l'existence d'un risque de collusion; J______ avait été entendu; les prévenus avaient été confrontés au plaignant. Les auditions des témoins n'étaient pas susceptibles de soutenir la thèse de ce dernier. Il en allait de même du risque de réitération vu l'ancienneté de ses antécédents et de son appel contre la condamnation du 1er septembre 2022.

Il invoque une violation du principe de célérité par le Procureur; la procédure avait connu des temps morts dès lors que, depuis son arrestation, le 8 mars 2023, seule une audience de confrontation s'était tenue sans qu'aucune audition de témoins n'ait été appointée.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Il rappelle l'importance des actes d'enquêtes confiés à la police sous l'angle du risque de collusion.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans formuler d'observations.

d. Le recourant réplique.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste les charges reprochées.

2.1.       Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

2.2.       En l'espèce, les charges pesant sur lui reposent, certes, sur les déclarations du plaignant mais également sur le constat médical et l'expertise, dont il ressort que le plaignant a été victime de coups donnés avec un objet contondant – sans pouvoir exclure absolument l'utilisation d'un couteau. L'intéressé a donc bien été victime de lésions corporelles lors d'une altercation avec plusieurs personnes. L'implication du recourant est confirmée par le plaignant mais contestée par le premier cité et par son frère. À ce stade de l'instruction, le rôle de chacun, ainsi que celui des autres individus que la police doit entendre, n'est pas encore établi de manière claire, de sorte qu'il n'est pas possible en l'état d'exclure l'intervention du recourant.

Il existe ainsi des soupçons suffisants, à ce stade de l'instruction.

3.             Le recourant conteste un risque de collusion.

3.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2.       En l'espèce, le risque de collusion existe à l'évidence s'agissant des personnes qui étaient présentes lors des faits reprochés. Il est essentiel de déterminer qui a pris part à cette agression. Les deux prévenus n'ont déjà pas une version identique des évènements, le frère du recourant assurant l'absence d'implication de ce dernier – à raison ou parce qu'il veut le protéger au regard de ses antécédents et de la procédure pendante devant la Chambre d'appel et de révision –.

Aucune mesure de substitution ne peut palier ce risque, notamment pas l'interdiction de contact avec les personnes que la police doit entendre. En effet, tous les protagonistes sont de la même communauté et un fort lien de solidarité semble exister en faveur du recourant.

Le risque de collusion est donc élevé.

4.             Le risque de collusion étant réalisé, l'autorité de recours peut se dispenser d'examiner si le risque de réitération – alternatif – retenu par l'autorité précédente l'est également (arrêt du Tribunal fédéral 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1 et la jurisprudence citée).

5.             La durée du placement en détention, telle que l’a fixée le premier juge, n’atteint pas encore la durée de la peine à laquelle le recourant pourrait concrètement s’exposer, s’il était reconnu coupable de toutes les préventions qui lui ont été notifiées (art. 212 al. 3 CPP).

6.             Le recourant reproche une violation du principe de la célérité.

6.1. L'art. 29 al. 1 Cst. prévoit que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.

À teneur de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Lorsque le prévenu est détenu, la procédure est conduite en priorité (art. 5 al. 2 CPP).

Le grief de violation du principe de la célérité ne doit être examiné, lors du contrôle judiciaire de la détention, que pour autant que le retard dans la procédure soit propre à mettre en cause la légalité de la détention provisoire et donc à justifier un élargissement. N'importe quel retard n'est cependant pas suffisant. Il doit s'agir d'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 140 IV 74 consid. 3.2; 137 IV 118 consid. 2.1; 137 IV 92 consid. 3.1). La diligence consacrée à une instruction pénale ne s'apprécie pas seulement à l'aune du nombre ou de la fréquence des audiences d'instruction (ACPR/339/2020 du 22 mai 2020 consid. 5.2.; ACPR/196/2018 du 4 avril 2018 consid. 5.2.; ACPR/373/2013 du 7 août 2013 consid. 3.3.). On ne saurait ainsi reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure.

La violation éventuelle du principe de la célérité n'entraîne pas la libération immédiate du détenu lorsque la détention demeure matériellement justifiée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1B_150/2012 du 30 mars 2012 consid. 3.3; 1B_44/2012 consid. 4 et 5).

6.2. En l'espèce, aucun retard injustifié ni manquement ne saurait être reproché au Ministère public, l'instruction de la cause suivant son cours à un rythme raisonnable.

Le recourant considère que la procédure a connu des temps morts dès lors que, depuis son arrestation, le 8 mars 2023, seule une audience de confrontation s'est tenue sans qu'aucune audition de témoins n'ait été appointée. Or, ce n'est pas le nombre d'audiences qui importe. À la suite des déclarations des prévenus, le Procureur a chargé la police, fin mars et mi-avril, d'entendre les personnes qui apparaissent essentielles à l'éclaircissement des évènements et dont les noms n'ont été révélés qu'au fil du temps.

Le grief est rejeté.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

8.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

8.2.       En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

La procédure n'étant pas terminée, il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade, le défenseur d'office du recourant (art. 135 al. 2 CPP).


 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 


 

P/25665/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

 

-

CHF

 

 

Total

CHF

900.00