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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/28/2023

ACPR/281/2023 du 18.04.2023 ( RECUSE ) , REJETE

Recours TF déposé le 09.05.2023, rendu le 16.10.2023, ADMIS/PARTIEL, 7B_189/2023
Descripteurs : RÉCUSATION
Normes : CPP.56

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/28/2023 ACPR/281/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 18 avril 2023

 

Entre

 

A______, domicilié c/o Mme. B______, ______, comparant par Me Nils DE DARDEL, avocat, boulevard Georges-Favon 13, 1204 Genève,

requérant,

et

 

C______, Procureur, Ministère public, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

cité.


EN FAIT :

A. Par courrier reçu par le Ministère public le 21 février 2023, A______ requiert la récusation de C______, dans la procédure P/1______/2018.

Le Procureur a transmis cette requête à la Chambre de céans avec ses observations.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par arrêt du 15 novembre 2022, la Chambre de céans a annulé le classement prononcé le 29 octobre 2021 par le Ministère public, dans la P/1______/2018, et a retourné la cause au Procureur afin qu'il renvoie en jugement les trois policiers prévenus des chefs d'infractions aux art. 186, 123 et 312 CP, charge pour lui (art. 397 al. 3 CPP) de solliciter du Tribunal de police la jonction des procédures P/1______/2018 et P/2______/2018.

b. Par courrier du 11 janvier 2023, l'un des prévenus a requis du Ministère public qu'il procède à trois actes d'instruction, à savoir l'audition de l'ancienne procureure D______, du juge E______ et de A______, faisant valoir notamment: " Il est logique que ces réquisitions de preuve puissent être faites le moment venu, après un éventuel arrêt annulant le classement, ce qui permet au demeurant de les cibler en fonction des considérants de celui-ci".

c. Par courrier du 27 janvier 2023, le conseil de A______ a contesté la position de son confrère et s'opposait aux réquisitions du prévenu, ajoutant que si le Ministère public les suivait, il ne "présenterait pas une position d'impartialité".

d. Le 14 février 2023, C______ a adressé aux parties un avis de prochaine clôture de l'instruction rédigé comme suit :

"Vu l'arrêt rendu par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice le 15 novembre 2022, annulant l'ordonnance de classement du 29 octobre 2021 et renvoyant la cause au Ministère public pour qu'il défère F______, G______ et H______ au Tribunal de police;

Attendu qu'un acte d'accusation sera donc prochainement rendu;

Qu'il se justifie dès lors de rendre un nouvel avis de prochaine clôture (arrêt du Tribunal fédéral 6B_846/2021 du 11 janvier 2023 consid. 23)."

C. Dans sa requête A______ sollicite la récusation de C______ lui reprochant de s'être montré partial et d'avoir suscité l'image d'un magistrat, irrité par une décision de la Chambre de céans lui ayant donné tort, qui s'était empressé de la contredire (art. 56 let. f CPP), au motif que "l'avis de prochaine clôture avec annonce d'un futur acte d'accusation et fixation d'un délai aux parties pour des réquisitions de preuve implique que le Ministère public se réserve, à l'issue du délai fixé, d'accepter des réquisitions de preuve, de poursuivre l'instruction et de revenir, cas échéant, sur son intention de dresser un acte d'accusation." En donnant instruction au Ministère public de renvoyer les prévenus en jugement, l'autorité de recours l'avait instruit de saisir d'emblée le Tribunal de police et avait imposé aux parties de faire valoir leurs moyens de preuve non pas devant le Ministère public, mais devant ce Tribunal. Il conteste que l'arrêt du Tribunal fédéral cité par C______ trouve à s'appliquer en l'espèce. En outre, l'avis de prochaine clôture violait la nécessité d'instruire conjointement les procédures P/1______/2018 et P/2______/2018, dont la jonction avait été ordonnée par la Chambre de céans. Le Procureur avait manifesté sa prévention par l'avis du 14 février 2023, qui n'était pas susceptible de recours, ce qui donnait l'image insidieuse de sa part.

Il demande à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure recours.

D. a. Dans sa détermination, le Procureur conclut au rejet de la requête.

Il avait considéré, se fondant sur le récent arrêt du Tribunal fédéral qu'il avait cité, que les prévenus qui avaient renoncé à former des réquisitions de preuve dans l'idée qu'ils allaient bénéficier d'un classement n'avaient pas à se voir privés du droit de former de telles réquisitions si le classement était annulé et qu'un renvoi en jugement était ordonné par l'autorité de recours. À supposer que cette approche fût critiquable, voire erronée, elle ne constituait pas un indice de partialité de sa part. Au surplus, le requérant se fourvoyait en prétendant qu'en émettant l'avis de prochaine clôture, il se serait réservé de revenir sur l'intention de dresser un acte d'accusation et qu'il aurait eu l'intention de "contredire l'autorité supérieure". Il ressortait de son texte même que l'avis de prochaine clôture faisait référence à l'obligation imposée par la Chambre de céans de déférer les prévenus au Tribunal de police, lequel insistait sur le fait qu'un acte d'accusation serait "donc prochainement rendu".

b. Dans sa réplique, A______ estime que les directives de l'arrêt de renvoi étaient impératives pour le Ministère public et pour toutes les parties à la procédure de recours, de sorte que c'était à tort qu'un prévenu avait demandé des mesures d'instruction. C______ admettait qu'il s'agissait de permettre aux prévenus de faire valoir leurs moyens de preuve, sans mentionner les plaignants auxquels il avait refusé, dans sa décision de classement, leurs réquisitions de preuve; il présentait le comportement d'un magistrat soucieux essentiellement de sauvegarder les intérêts des policiers, négligeant les offres de preuve des plaignants. L'avis de prochaine clôture n'étant pas susceptible de recours et invitant les parties à formuler des réquisitions de preuve susceptibles d'en prolonger l'administration, il n'était pas raisonnable de retenir que le Procureur n'aurait commis qu'une simple erreur de procédure ne justifiant pas une récusation. Il estime inévitable pour la détermination de l'existence ou de l'inexistence de la délivrance d'un mandat oral de perquisition aux policiers, que les parties formulent des réquisitions de preuve, mais l'administration de nouvelles preuves par le Ministère public, selon l'art. 318 CPP, avait pour fonction de prendre une nouvelle décision qui pouvait être un acte d'accusation ou un classement. Or, la directive de la Chambre de céans excluait cette dernière possibilité. Le requérant fait également le grief au Procureur de persister à violer l'unité de la procédure alors que la procédure parallèle était pendante devant le Tribunal de police.

c. Le Ministère public n'a pas dupliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. La récusation des magistrats et fonctionnaires judiciaires au sein d'une autorité pénale est régie expressément par le CPP (art. 56 et ss. CPP).

À Genève, lorsque, comme en l'espèce, le Ministère public est concerné, l'autorité compétente pour statuer sur la requête est la Chambre pénale de recours de la Cour de justice (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ), siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ).

1.2. Le requérant, partie plaignante dans la P/1______/2018, dispose de la qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP).

2.             2.1. La demande de récusation doit être présentée sans délai par les parties dès qu'elles ont connaissance d'un motif de récusation (art. 58 al. 1 CPP), soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_601/2011 du 22 décembre 2011 consid. 1.2.1), sous peine de déchéance (ATF 138 I 1 consid. 2.2).

2.2. En l'espèce, la requête reçue le 21 février 2023 par le cité est recevable s'agissant des griefs liés à l'avis de prochaine clôture de l'instruction datée du 14 précédent et envoyé par pli simple.

3.             3.1. À teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.

3.2. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 138 IV 142 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_568/2011 du 2 décembre 2011, consid. 2.2, avec références aux ATF 136 III 605 consid. 3.2.1; 134 I 20 consid. 4.2; 131 I 24 consid. 1.1; 127 I 196 consid. 2b).

L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011; ATF 136 III 605 consid. 3.2.1 ; arrêt de la CourEDH Lindon, par. 76; N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung, 2009, n. 14 ad art. 56).

3.3. Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que la personne en cause est prévenue ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. Il appartient aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises, car la procédure de récusation n'a pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2).

3.4. En l'espèce, le requérant voit une apparence de prévention de C______ dans l'avis de prochaine clôture de l'instruction et plus précisément dans la possibilité offerte, à tort selon lui aux prévenus, de déposer des réquisitions de preuve. Si certes, cet avis fait, chronologiquement, suite au courrier d'un des prévenus, il s'adresse à toutes les parties, soit y compris le requérant, lequel soutient qu'il est "inévitable pour la détermination de l'existence ou de l'inexistence de la délivrance d'un mandat oral de perquisition aux policiers que les parties formulent des réquisitions de preuve". On peine ainsi à voir dans cet acte procédural une prévention à l'encontre du requérant, et ce, sans qu'il y ait lieu de se pencher sur le bien-fondé de cet avis, d'autant plus que l'intéressé ne soutient pas que C______ pourrait traiter les réquisitions de preuve de manière partiale, à supposer qu'il entre en matière.

Le requérant redoute davantage que la procédure soit classée comme l'art. 318 CCP en offre la possibilité au ministère public. Il ne peut se fonder sur le texte de cet article pour supputer une intention cachée de C______. Cette crainte est à l'évidence infondée, le précité ayant annoncé, se conformant ainsi à l'arrêt de renvoi de la Chambre de céans, la rédaction prochaine d'un acte d'accusation. En outre, le requérant sait qu'un classement peut faire l'objet d'un recours.

4.             Partant, la requête est infondée.

5.             Le recourant sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

5.1. Pour juger de la nécessité de la désignation d'un conseil juridique au lésé, il faut que le concours d'un avocat soit objectivement ou subjectivement nécessaire. Il faut tenir compte notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances personnelles du demandeur, de ses connaissances linguistiques, de son âge, de sa situation sociale et de son état de santé (ATF
123 I 145 consid. 2b/cc et 3a/bb; arrêts du Tribunal fédéral 1B_450/2015 du 22 avril 2016; 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.2 ; 6B_122/2013 du 11 juillet 2013 consid. 4.1.2 ; ACPR/238/2013 du 31 mai 2013). Plus les conséquences possibles de la procédure apparaissent lourdes pour le requérant, plus l'assistance d'un avocat apparaît justifiée. Il n'existe pas de règle unique (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd. Bâle 2019, n. 59-63 ad art. 136 ; DCPR/138/2011 du 10 juin 2011).

5.2. Une requête en récusation ne nécessite pas de connaissance juridique particulière, un citoyen ordinaire devant être en mesure de faire valoir ses droits en exposant simplement ce qui, selon lui, ferait apparaitre le magistrat comme étant partial. Le requérant était ainsi parfaitement apte à agir seul. Enfin, la requête était vouée à l'échec. Aucune circonstance ne justifie l'octroi de l'assitance judiciare pour la procédure de recours.

6.             En tant qu'il succombe, le requérant supportera les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP), fixés en totalité à CHF 600.-, y compris un émolument de décision.

7.             Le rejet de la demande d’assistance judiciaire sera, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_215/2018 du 14 juin 2018 consid. 1.2).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la requête.

Rejette la demande d'assistance judiciaire.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au requérant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président ; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges ; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/28/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur demande de récusation (let. b)

CHF

515.00

-

CHF

Total

CHF

600.00