Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/13554/2019

ACPR/277/2023 du 14.04.2023 sur OCL/1225/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉNIGREMENT;CONCURRENCE DÉLOYALE;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.319; LCD.23; LCD.3a

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13554/2019 ACPR/277/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 14 avril 2023

 

Entre


A
______ SA, ayant son siège ______,

B______, domicilié ______,

tous deux comparant par Me Daniel KINZER, avocat, CMS von Erlach Partners SA, rue Bovy-Lysberg 2, case postale 5067, 1211 Genève 3,

recourants,

 

contre l'ordonnance de classement et de refus de réquisitions de preuve rendue le 23 septembre 2022 par le Ministère public,


et


LE MINISTÈRE PUBLIC
de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 6 octobre 2022, A______ SA et B______ recourent contre l'ordonnance du 23 septembre 2022, notifiée le 26 suivant, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement de leur plainte (chiffre 1 de l'ordonnance querellée) et mis à leur charge les frais de la procédure (ch. 3) ainsi que l'indemnisation des mis en cause (ch. 4 à 8).

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il procède à des mesures d'instruction complémentaires.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 2'000.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ SA est une société anonyme inscrite le ______ 1995 au Registre du commerce de Genève, active en matière de services dans la gestion de fortune, ______, ______ et ______. Son fondateur, B______, en est également administrateur.

b. A______ SA a employé C______ en tant que "director, opérations", D______ en tant que "director, compliance & financial", E______ en tant que "head of clients relationship management", F______ en tant que "senior financial analyst" et G______ en tant que "reporting officer" jusqu'aux démissions des quatre premiers au 31 mars 2019 et de la dernière au 30 juin 2019.

c. Le ______ mars 2019, la société H______ SA, renommée le 1er avril 2021 H______ SA, a été inscrite au Registre du commerce de Genève. C______ et E______ en étaient les directeurs, et D______ l'un des administrateurs.

d. Le 1er avril 2019, F______ a commencé à travailler auprès de H______ SA. Il a été rejoint par G______ à la fin des rapports de travail de celle-ci avec A______ SA.

e. Le 28 juin 2019, A______ SA et B______ ont déposé plainte contre D______, E______, F______, C______ et G______, pour infraction à la loi sur la concurrence déloyale (LCD), diffamation (art. 173 CP), calomnie (art. 174 CP) et injure (art. 177 CP).

Ils exposaient que les précités avaient mené de façon systématique, auprès de toute la clientèle de A______ SA, une campagne de dénigrement de la société et de son fondateur, par des allégations qu'ils savaient fausses. Ces actes avaient conduit plusieurs clients à rompre leurs relations contractuelles avec la société, engendrant une perte financière importante. Ils avaient agi de manière déloyale pour nuire aux intérêts de A______ SA et s'accaparer illicitement sa clientèle et ses bénéfices. En outre, D______ et E______ avaient insulté B______ auprès d'employés de A______ SA, notamment lors d'une fête de départ tenue le 28 mars 2019, et avaient répandu la rumeur que celui-ci prévoyait de cesser les activités de la société.

A______ SA a produit les contrats de travail, les lettres de démission des précités ainsi que les notes d'honoraires et la correspondance de ses clients, dont leur lettre de résiliation de mandat.

f. Le 2 décembre 2019, le Ministère public a ouvert une instruction pénale contre G______, F______, C______, D______ et E______, pour infraction à la loi sur la concurrence déloyale.

g. La police a procédé à diverses auditions :

g.a. F______ a déclaré avoir envisagé de quitter A______ SA dès 2017 en raison d'une diminution massive de ses revenus causée par la suppression de ses primes. Fin décembre 2018, il avait été approché par D______, qui avait évoqué la possibilité de rejoindre H______ SA, ce que le précité avait fait au printemps 2019. Il contestait avoir dénigré son ancien employeur auprès des clients et n'avait entendu aucun propos dénigrant ni de "règlements de compte" lors de l'apéritif de départ du 28 mars 2019.

g.b. G______ a déclaré avoir démissionné de A______ SA faute de perspectives pour la société, qui perdait des clients. Elle avait quitté l'apéritif du 28 mars 2019 relativement tôt et n'avait pas entendu de propos dénigrants contre les plaignants. Elle n'avait pas connaissance de tentatives d'intimidation ni de propos dénigrants de la part de D______ et de C______ à des employés de A______ SA, et contestait avoir traité I______ d'"escroc" ou de "psychopathe", ainsi que d'avoir porté atteinte à A______ SA en menant une campagne de dénigrement.

g.c. C______ a déclaré avoir démissionné de A______ SA en raison de la perte continue de clients par la société et de la diminution progressive de sa rémunération. Elle avait participé à la création de H______ SA, dont elle était l'une des directrices. Elle a contesté avoir tenu des propos dénigrants à l'endroit des plaignants. Elle n'était pas présente lors de l'apéritif de départ du 28 mars 2019 et ne connaissait pas les discussions qui s'y étaient tenues. Les entretiens avec la clientèle ne faisaient pas partie de son cahier des charges. Elle contestait avoir tenté de capter la clientèle de A______ SA, ainsi que d'avoir incité à la démission des employés de cette société.

g.d. D______ a déclaré avoir été recruté chez H______ SA par le biais d'un chasseur de tête, sans coordination avec d'anciens employés de A______ SA. Il avait cherché à démissionner de A______ SA faute de perspectives pour cette société, qui voyait plusieurs de ses clients la quitter et la menacer de poursuites. Il contestait avoir tenu des propos dénigrants à l'endroit des plaignants tant lors de ses contacts avec les clients de A______ SA que lors de la fête de départ du 28 mars 2019. Il n'avait nullement incité d'autres employés à démissionner ni intimidé certains d'entre eux en évoquant le risque de voir leurs responsabilités engagées. Il n'avait jamais entendu C______ dire à J______, employée de A______ SA, que I______ était un "égoïste se donnant les apparences de la générosité". Les déclarations qui leur étaient prêtées à teneur de la plainte étaient rapportées par des membres du cercle familial de la direction ou par les amis de ceux-ci. Un ancien client de A______ SA avait spontanément rejoint H______ SA car la première avait liquidé deux fonds sans avertissement. Après son départ de A______ SA, il avait rencontré K______ – de la fiduciaire L______ SA, représentant un client de A______ SA – et lui avait montré, à la demande de ce dernier, un graphique accessible sur internet.

g.e. E______ a contesté avoir tenu des propos diffamatoires ou injurieux à l'égard de A______ SA et de ses dirigeants. Le climat de travail, les conditions salariales et les prestations de la caisse de pensions s'étaient détériorés et la société perdait de plus en plus de clients. Sa démission s'expliquait par le manque de perspectives pour la société et était intervenue après des recherches d'emploi qui avaient duré près de deux ans. Il avait appris que D______ partageait le souhait de quitter A______ SA et était en contact avec H______ SA à cette fin. Il avait donc rejoint les pourparlers impliquant D______, mais n'avait pas coordonné son départ avec ceux de ses collègues. Il contestait avoir participé à la création de H______ SA, qui existait déjà à son arrivée. Il contestait les propos et les agissements que les plaignants lui prêtaient : il n'était pas parti en mauvais termes, n'avait pas intimidé M______ en l'enjoignant de ne rien signer pour A______ SA – celui-ci ne disposant d'ailleurs d'aucun droit de signature –, et n'avait pas pris contact avec les anciens clients de A______ SA en vue de dénigrer cette dernière. Il avait montré à K______, à la demande de ce dernier, un graphique sur les performances des actions étrangères que A______ SA ne gérait pas.

g.f. Le témoin K______ a déclaré ne connaitre que E______, qui lui avait ensuite présenté D______, lors d'une rencontre fin mai 2019. Durant celle-ci, que le témoin a qualifiée de "très étrange" et qui visait à faire migrer son client de A______ SA à H______ SA, les intéressés avaient indiqué que A______ SA avait "des problèmes", y compris de facturation, ce qui aurait causé le départ de beaucoup d'employés. Ils avaient fait une allusion subtile à la FINMA. Après une demande de clarification, ils avaient précisé que A______ SA ne rencontrait pas de problème avec cette autorité. Les deux hommes avaient également présenté des graphiques illustrant les problèmes des fonds de placement gérés par A______ SA, vantant leur nouvelle structure comme étant moins chère et plus performante. Cette façon de faire l'avait placé dans une situation inconfortable vis-à-vis de son propre client, car cela contredisait les rapports précédents démontrant la gestion très positive de A______ SA. Les précités n'avaient finalement pas remis en question la véracité desdits rapports et la collaboration avec A______ SA s'était poursuivie. Selon le témoin, E______ et D______ n'avaient pas proféré d'injure à l'encontre de A______ SA. En revanche, ils avaient "dénigré" sa direction, ce qui, dans un univers basé sur la confiance, était à ses yeux "très grave" et "incompréhensible". Le 26 juin 2019, il avait, lors d'une séance organisée à cet effet, fait part des faits ci-dessus à l'avocat de A______ SA, qui en avait pris note pour son dossier.

Lors de son audition, K______ a déposé au dossier les notes manuscrites prises lors de la rencontre de mai 2019 pour son usage personnel. Elles comportent des mots et des bribes de phrases, parfois raturées.

g.g. Le témoin N______ a indiqué travailler pour A______ SA depuis le 3 décembre 2007. Il y régnait globalement une très bonne ambiance. Elle n'avait jamais entendu C______, F______ ou G______ tenir de propos virulents à l'égard de la direction d'A______ SA. Lors d'un apéritif de départ, D______ lui avait dit que I______ était devenu "fou et sénile", en présence de O______, et précisé que l'intéressé ne prenait plus les bonnes décisions et n'avait aucune estime pour elle, qu'il avait qualifiée de "pas irremplaçable" lors de son congé maternité. Par la suite, elle avait découvert que D______ avait "manipulé" plusieurs personnes. Lorsque les cinq mis en cause avaient quitté A______ SA, chacun avait donné une raison différente, mais, deux à trois semaines après leur départ officiel, ils s'étaient retrouvés au sein de H______ SA. Selon ce que G______ avait expliqué à O______, D______, C______ et E______ avaient monté et dirigeaient un département de H______ SA consacré aux clients institutionnels, soit la même activité que celle de A______ SA. Dès ce moment, les clients de A______ SA interpellaient cette dernière sur l'absence de gestionnaires ou sur le fait que H______ SA était devenue la "nouvel[le] A______ SA". Au moins cinq clients avaient quitté A______ SA.

g.h. Le témoin P______ a déclaré travailler pour A______ SA depuis onze ans en qualité d'ingénieur en informatique. Il n'avait jamais entendu les cinq prévenus traiter I______ de "fou" et de "sénile". Les démissionnaires avaient menti sur les raisons de leur départ de A______ SA, puis avaient ensemble créé un département institutionnel chez un concurrent. Selon les bruits, ils avaient démarché agressivement la clientèle de A______ SA dans le but de la "siphonner".

g.i. Le témoin M______ a déclaré travailler pour A______ SA depuis septembre 2007 et avoir repris les fonctions de E______ après le départ de ce dernier. Début 2019, le départ de plusieurs collaborateurs lui avait laissé un sentiment de trahison car ils avaient "menti" et "caché la vérité", soit qu'ils s'associaient pour créer une activité dans le même secteur que A______ SA. Il n'avait jamais entendu D______, E______ et C______ injurier ou dénigrer la direction de A______ SA, sous réserve d'un épisode où le premier avait, à la cafétéria, dit que "M. I______ était un peu con de ne pas baisser les prix", étant relevé que ce sentiment était partagé par beaucoup d'employés. Lors de l'apéritif de départ du 28 mars 2019, l'ambiance était bonne et détendue et il n'avait pas entendu de propos particuliers de D______, E______ et C______. Après le départ de ces derniers, il avait dû expliquer à plusieurs caisses de pension que A______ SA, et en particulier I______, continuaient de gérer leurs fonds. E______ avait en effet communiqué à des clients que A______ SA était une "coquille vide" et que l'activité était reprise par H______ SA, semant ainsi le doute. D______ avait également fait peur à presque tous les employés en laissant entendre que A______ SA cesserait ses activités et ferait face à des procédures judiciaires pour des questions de rétrocessions.

h. Lors de l'audience de confrontation du 18 décembre 2020, devant le Ministère public, I______ a exposé n'avoir jamais affirmé que A______ SA disparaitrait après son départ. Il n'avait pas cherché de repreneur et la société n'avait pas reçu de commandement de payer en 2018 et 2019. Il n'avait jamais dit à C______ ne plus avoir de place pour elle dans la société.

D______ a déclaré ne pas être actionnaire de H______ SA ni n'avoir été à l'origine de sa création. Il avait reçu une offre de travail en décembre 2018 et en était devenu administrateur en avril 2019 en raison de ses connaissances en audit. Après la fin des rapports de travail avec A______ SA, il avait pris contact avec des caisses de pension suisses. Il a contesté avoir dénigré A______ SA – notamment en affirmant qu'il s'agissait d'une "coquille vide" ou en faisant des allusions à la FINMA – lors de ces prises de contact, uniquement destinées à informer les clients de son changement d'employeur. Le fait d'inviter K______ à faire migrer sa cliente, basée en Italie, chez H______ SA n'aurait pas eu de sens car cette dernière ne s'occupait que des clients institutionnels suisses. Il n'avait pas dénigré I______, avec lequel il était en bons termes, devant les autres employés de A______ SA ni cherché à débaucher ou à effrayer ces derniers.

E______ a contesté avoir créé H______ SA – dont il était l'un des directeurs mais pas actionnaire – en vue de concurrencer A______ SA, ainsi qu'avoir dénigré I______ auprès des employés de A______ SA. Il avait pris contact avec les clients pour les informer de son changement d'employeur, dès lors qu'il figurait encore sur le site internet de A______ SA. Il avait proposé des produits de H______ SA, notamment à K______ et au directeur de la Caisse de prévoyance des employés [du canton de] Z______, sans dénigrer I______ ou A______ SA, ni prétendre que cette dernière était sur le point de cesser ses activités ou était devenue une "coquille vide".

F______ a contesté avoir dénigré I______ ou A______ SA auprès de clients de cette dernière. Il ne connaissait pas la plupart des clients mentionnés dans la plainte et n'avait jamais pris contact avec les clients qu'il connaissait, s'étant limité à participer à des réunions avec certains d'entre eux. La plainte déposée contre lui visait à l'empêcher de travailler.

C______ a contesté avoir fait créer H______ SA par des connaissances dans le but de la reprendre par la suite. Elle n'avait aucun contact avec la clientèle de A______ SA, ce que I______ savait. Elle a par ailleurs contesté avoir tenu des propos négatifs sur I______ à J______.

G______ a indiqué n'avoir aucun contact avec les consultants ou la clientèle de A______ SA et de H______ SA, ce que I______ savait. Elle n'avait pas dit à O______ que ses collègues de H______ SA se rendaient auprès de clients de A______ SA pour "détruire" celle-ci.

i. Lors de l'audience du 26 février 2021 devant le Ministère public, I______ a qualifié l'ambiance au sein de A______ SA de "correcte". Le client de K______ était la fondation d'une famille italienne. Le processus d'investissement n'avait pas été mis en péril par le départ des prévenus, dès lors qu'ils n'étaient que "des contributeurs, mais pas des décideurs, dans le cadre du comité d'investissement". A______ SA n'avait jamais été sanctionnée pour des irrégularités et aucune procédure de la FINMA n'était en cours au moment du départ des intéressés. Lorsqu'il avait rencontré les représentants de la Caisse de pension [du canton de] Z______, le 25 juin 2019, l'un d'entre eux lui avait indiqué que D______ et E______ étaient venus lui expliquer qu'ils géraient entièrement le mandat auprès de A______ SA et qu'ils étaient prêts à le reprendre en diminuant les honoraires de moitié. Or, ni D______ ni E______ n'avaient l'autorité de décider des investissements.

E______ a déclaré que A______ SA perdait de nombreux clients dès 2016 et 2017, période à laquelle des exigences légales accrues de transparence des frais de gestion avaient rendu plus aisée la comparaison avec la concurrence, qui était moins chère que A______ SA. Or, I______ refusait de diminuer les tarifs. Par ailleurs, son salaire avait diminué de 13%. Enfin, l'ambiance devenait de plus en plus tendue. Il souhaitait partir depuis un certain temps et avait postulé en vain, le 14 septembre 2018, dans une banque.

F______ a déclaré que seules deux personnes s'occupaient de la gestion du marché suisse au sein du comité d'investissement, à savoir D______ et lui-même. Ils avaient été remplacés par deux employés n'ayant pas l'expérience du marché suisse. Par ailleurs, l'ambiance au sein de A______ SA était devenue délétère.

C______ a, s'agissant des perspectives de A______ SA, déclaré qu'elle avait réceptionné un premier commandement de payer en février 2016, de la part d'un client qui considérait les commissions de gestion sur les fonds A______ SA comme des rétrocessions. Ce litige avait fait l'objet d'une transaction. En avril 2018, un autre commandement de payer était parvenu à la société et I______ n'avait pas souhaité transiger, indiquant que cela coûterait trop cher à A______ SA si tous ses clients venaient contester le système de commissions. Dans ce cadre, il avait même évoqué la fermeture de A______ SA ainsi que la nécessité de se battre en justice. Un tel risque faisait peser sur elle une pression qu'elle ne parvenait pas à supporter. Elle avait alors sollicité un entretien avec I______, qui considérait que lesdits risques n'avaient rien d'exceptionnel. Elle avait alors décidé de chercher un nouvel emploi pour éviter tout risque personnel.

j. A______ SA et B______ ont produit un courrier électronique du 2 mai 2019 adressé par A______ SA à sa cliente Y______ [société], par lequel la première a informé la seconde que la gestion de son portefeuille était reprise par M______, qui succédait à E______, ainsi que la réponse de Y______ du 6 mai 2019 indiquant sa volonté de liquider avec effet immédiat la totalité de ses investissements en fonds A______ SA.

k. Par courrier du 11 mars 2021, les plaignants ont notamment requis les auditions de Q______ (personne de contact au sein des R______), de S______ (employé de la Caisse de pension [du canton de] AA______), et de T______ (responsable de la Caisse de pension Z______). Ils ont également requis que soit ordonné à H______ SA le dépôt de toutes les informations et correspondances entretenues officiellement par les prévenus avec les clients de A______ SA et à l'interne du groupe H______ SA, ainsi qu'à U______ le dépôt de toutes les correspondances entre V______ et les prévenus. Enfin, ils ont réitéré leur requête visant à auditionner O______, J______, W______, M______ et X______.

l. Le 5 juillet 2021, le Ministère public encore procédé aux auditions des témoins suivants :

l.a. Q______, membre de la direction de R______, a déclaré que sa société avait résilié le mandat la liant à A______ SA après avoir modifié sa politique d'investissement fin 2018. Elle n'avait pas conclu de contrat avec H______ SA. D'anciens employés de A______ SA, dont C______, étaient venus le rencontrer pour connaître les motifs ayant conduit R______ à résilier le mandat de gestion avec A______ SA. Il ne se souvenait pas si cette dernière avait, lors de cette rencontre, été qualifiée de "coquille vide", ni s'il lui aurait été dit que I______ n'était plus compétent ou était sur le point de mettre un terme aux activités de A______ SA et que personne ne gérait les comptes de R______. Toutefois, un tel discours aurait été "brutal" et lui aurait donc laissé un souvenir. Le 19 septembre 2019, A______ SA avait adressé à R______ un courrier visant à dissiper le trouble créé par "plusieurs affirmations" de quatre anciens collaborateurs ayant créé une nouvelle entité.

l.b. S______, responsable des placements auprès de la Caisse de prévoyance du personnel [du canton de] AA______, a déclaré avoir rencontré D______, F______ et E______ le 17 avril 2019. Ces derniers souhaitaient l'informer de leur départ de A______ SA et d'une proposition de reprise du mandat par leur nouvel employeur. Ils lui avaient expliqué qu'une grande partie de l'équipe de gestion et d'analyse avait quitté A______ SA, ce qui avait constitué pour lui une grande surprise. Il en avait tiré la conclusion que personne ne gérait les fonds de la caisse au sein de A______ SA. Après cette rencontre, il avait vérifié si des transactions avaient été passées dernièrement par A______ SA et n'avait pas constaté de particularité par rapport à ce qui se faisait avant. Il avait lui-même qualifié A______ SA de "coquille vide", de manière volontairement provocatrice, auprès de M______, dans le but d'en connaître davantage sur la situation réelle de la société. Il s'était également entretenu par téléphone avec I______, qui lui avait laissé l'impression que les gestionnaires du portefeuille de la caisse avaient quitté la société. Vu le risque que comportait la reprise, par d'autres employés, de la gestion, il avait recommandé à la commission de placement de résilier le mandat de A______ SA. Par la suite, l'offre de H______ SA de reprendre la gestion des fonds avait été déclinée au profit d'une gestion passive.

m. Le 10 novembre 2021, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait classer la procédure et leur a imparti un délai pour présenter leurs éventuelles réquisitions de preuves, ainsi que leurs éventuelles conclusions chiffrées au titre de l'indemnisation au sens de l'art. 429 al. 2 CPP.

n. Les plaignants ont réitéré leur demande d'audition des représentants de la Caisse de pension [du canton de] Z______, en particulier de T______, de O______ et de J______, ainsi que leur requête visant à ce qu'ordre soit ordonné au groupe H______ SA de produire toute sa correspondance entre les prévenus et les clients de A______ SA.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient qu'aucun des prévenus n'avait participé à la création de H______ SA, déjà constituée à la date de leur engagement. Ils avaient débuté leur emploi après la fin des rapports de travail avec A______ SA, sans violer de clause de non-concurrence. L'instruction, en particulier les auditions des témoins, n'avait pas fait ressortir d'élément permettant d'établir un dénigrement illicite au sens de l'art. 3 al. 1 let. a LCD, de sorte qu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'était établi (art. 319 al. 1 let. a CPP). Il n'avait pas été démontré que des affirmations inexactes, fallacieuses ou inutilement blessantes à l'endroit de A______ SA, propres à influencer la concurrence, avaient été formulées par les prévenus lors des entretiens de D______, de E______ et de F______ avec les représentants des caisses de prévoyance clientes de A______ SA. Même à les retenir pour établis, les propos rapportés par le témoin K______ ne constituaient pas un dénigrement illicite au sens de l'art. 3 al. 1 let. a LCD, dans la mesure où ils concernaient des problématiques avérées, notamment la perte importante de la masse sous gestion et le départ de plusieurs employés. Tout propos négatif ne suffisait pas à constituer une violation de cette disposition. Par ailleurs, un débauchage illicite des clients au sens de l'art. 4 let. a LCD ne pouvait pas non plus être retenu, dès lors que plusieurs institutions de prévoyance avaient résilié leur contrat avec A______ SA après le départ des prévenus, et seule l'une d'entre elles avait rejoint H______ SA. Au surplus, le contrat de mandat était résiliable en tout temps. Il n'apparaissait donc pas que les interventions de D______ et de E______ aient incité des clients à rompre leur contrat avec A______ SA, de sorte que le classement se justifiait également, sous l'angle du débauchage illicite de clients, sur la base de l'art. 319 al. 1 let. b CPP. En outre, le débauchage de salariés ne tombait pas sous le coup de la LCD.

Enfin, le Ministère public a retenu que les conditions cumulatives de l'art. 427 al. 2 CPP étaient remplies. Les infractions étaient poursuivies sur plainte et A______ SA et B______ avaient activement participé à la procédure, revêtant ainsi la qualité de parties plaignantes au sens de l'art. 118 al. 1 CPP. Dans la mesure où il n'y avait pas lieu de mettre les frais à la charge des prévenus, il se justifiait de les faire supporter solidairement aux parties plaignantes. Le même raisonnement devait s'appliquer s'agissant des indemnités de procédure octroyées aux prévenus. S'agissant en particulier de G______, A______ SA et B______ ne pouvaient ignorer que celle-ci n'avait aucun contact avec les clients et ne pouvait dès lors s'être rendue coupable des infractions dénoncées.

D. a. Dans leur recours, A______ SA et B______ reprochent au Ministère public d'avoir établi les faits de manière erronée, dès lors qu'il ressortait de l'instruction, en particulier du témoignage de K______, que les prévenus D______ et E______ avaient dénigré les plaignants lors de leurs échanges. De simples allusions – telles que celles rapportées par le témoin K______ – visant à instiller l'idée qu'un concurrent n'avait plus les capacités de fournir l'activité promise, que les avoirs gérés seraient en danger ou que l'autorité de surveillance allait intervenir étaient de nature, dans le monde de la gestion de fortune, dominé par la confiance, à impressionner et alarmer sérieusement leur destinataire et suffisaient donc à constituer un comportement déloyal.

Les propos tenus au témoin susmentionné l'avaient été certainement à d'autres, de sorte que l'audition du représentant de la Caisse de pension [du canton de] Z______ et les ordres de dépôt de toutes la correspondance de H______ SA à des clients de A______ SA, ainsi que de toute la correspondance entre les prévenus au sein de H______ SA en 2019, se justifiaient.

Par ailleurs, il ne se justifiait pas de condamner les parties plaignantes à indemniser les prévenus, même en cas de classement confirmé après renvoi de la cause par la Chambre de céans. C'était le trouble grave provoqué par les prévenus auprès d'un client important qui était à l'origine de la plainte pénale. Il s'agissait de faire cesser et d'éclaircir les agissements des mis en cause, dans un contexte où A______ SA faisait face au souhait abrupt, de plusieurs de ses clients de longue date, de résilier leur mandat de gestion.

b. À réception sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane de parties à la procédure, soit des plaignants (art. 104 al. 1 let. b CPP).

2.2. Seule une partie à la procédure qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée peut se voir reconnaître la qualité pour agir (art. 382 al. 1 CPP). Tel est, en particulier, le cas du lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP).

2.2.1. La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 143 IV 77 consid. 2.2 p. 78; 141 IV 454 consid. 2.3.1 p. 457).

Il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir lorsque celle-ci n'est pas d'emblée évidente (arrêts du Tribunal fédéral 1B_339/2016 du 17 novembre 2016 consid. 2.1; 1B_242/2015 du 22 octobre 2015 consid. 4.2 et les références citées).

2.2.2. Lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut donc prétendre à la qualité de lésée, à l'exclusion des actionnaires d'une société anonyme, des associés d'une société à responsabilité limitée, des ayants droit économiques et des créanciers desdites sociétés (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.3 p. 386 ; 140 IV 155 consid. 3.3.1 p. 158).

2.2.3. En cas de violation de la LCD, la qualité pour déposer plainte correspond à la qualité pour intenter une action civile selon les articles 9 et 10 (art. 23 al. 2 LCD), à savoir par celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte, notamment, dans sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général. Dans ce cadre, seules les personnes physiques ou morales agissant de manière indépendante, dans le cadre d'un rapport de concurrence, ont qualité pour intenter une action, à l’exclusion des acteurs indirects tels que les actionnaires, les organes ou les collaborateurs (W. FISCHER / T. LUTERBACHER (éd.), Haftpflichtkommentar, n. 7 ad art. 9 LCD, 2016).

2.3. En l'espèce, B______ allègue qu'en sa qualité de "principal animateur de A______ SA" et gestionnaire de fortune soumis à la garantie d'activité irréprochable au sens de l'art. 14 al. 1 let. a et abis de la loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (LPCC), il dispose de la qualité de lésé des infractions alléguées à la LCD. Toutefois, dans la mesure où il n'invoque pas être lui-même, en tant que personne physique, un concurrent de la structure qui emploie les prévenus, et qu'il a toujours agi par le truchement de la société A______ SA dans le cadre de ses activités de gestion de fortune, il ne peut se prévaloir de la qualité de lésé.

Partant, son recours sera déclaré irrecevable en tant qu'il a trait aux infractions à la LCD.

3.             La recourante reproche au Ministère public une constatation erronée et incomplète des faits (art. 393 al. 2 let. b CPP). Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

4.             La recourante ne remet pas en cause l'ordonnance de classement querellée en tant qu'elle concerne les infractions contre l'honneur, de sorte que l'ordonnance précitée est définitive sur ces aspects.

5.             La recourante reproche au Ministère public d'avoir classé des faits qu'elle qualifie de dénigrement déloyal au sens de l'art. 3 al. 1 let. a LCD (cum art. 23 LCD).

5.1.                 Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe "in dubio pro duriore". Celui-ci signifie qu'en règle générale, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public dispose, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91).

5.2.                 Est punissable, sur plainte, quiconque, intentionnellement, se rend coupable de concurrence déloyale au sens des art. 3, 4, 5 ou 6 LCD (art. 23 al. 1 LCD).

La LCD vise à garantir, dans l'intérêt de toutes les parties concernées, une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée (art. 1 LCD). À teneur de l'art. 23 al. 1 LCD – qui est une infraction de mise en danger abstraite (V. MARTENET / P. PICHONNAZ (éds), Commentaire romand, Loi contre la concurrence déloyale, Bâle 2017, n. 5 ad art. 23) –, quiconque, intentionnellement, se rend coupable de concurrence déloyale au sens des art. 3, 4, 5 ou 6 est, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. L'acte doit être dirigé contre le jeu normal de la concurrence et propre à exercer une influence sur le marché ; il doit être objectivement apte à influer sur la concurrence (ATF 126 III 198 consid. 2c/aa p. 202). Les dispositions pénales de la LCD doivent être interprétées de manière restrictive (ATF 139 IV 17 consid. 1).

5.2.1. Agit de façon déloyale notamment celui qui dénigre autrui, ses marchandises, ses œuvres, ses prestations, ses prix ou ses affaires par des allégations inexactes, fallacieuses ou inutilement blessantes (art. 3 let. a LCD). Est un dénigrement, au sens de cette disposition, le fait de noircir ou faire mépriser quelqu'un ou quelque chose, en en niant les qualités (ATF 122 IV 33 consid. 2c p. 36).

Le dénigrement se définit comme un acte visant à atteindre un client actuel ou potentiel de celui qu'il prend pour objet, pour influencer le marché. Le terme "client" doit être compris de manière large: il s'agit non seulement de celui qui recourt aux prestations proposées par la victime, mais également de toute personne amenée à entrer en relation d'affaires avec elle (par exemple le fournisseur à l'égard du distributeur dénigré). Le nombre de destinataires des affirmations importe peu : il s'agira souvent d'un nombre de personnes important ou indéterminé, il peut également s'agir d'un cercle plus restreint, voire d'une seule personne (V. MARTENET / P. PICHONNAZ (éds), op. cit., Bâle 2017, n. 1, 12 et 29 ad art. 3 al. 1 let. a LCD et les références citées). Les actes réprimés pénalement par cette disposition sont les diverses allégations et non le fait de créer une impression négative (ATF 124 IV 162 consid. 3/b/aa). La juxtaposition ou le concours de propos qui, pris isolément, ne réalisent pas les conditions de l'art. 3 al. 1 let. a, mais aboutissent à une impression d'ensemble dénigrante, n'est donc pas suffisante (V. MARTENET / P. PICHONNAZ (éds), op. cit., n. 22 ad art. 3 al. 1 let. a LCD).

5.2.2. Le dénigrement n'est pas illicite en soi. Au contraire, il n'est d'abord que l'expression d'une opinion, dont la liberté fait l'objet de la garantie constitutionnelle (art. 16 Cst). C'est dans ce contexte constitutionnel qu'il y a lieu de faire la part entre le dénigrement licite et le dénigrement illicite. En cas de doute, la licéité l'emporte (V. MARTENET / P. PICHONNAZ (éds), op. cit., n. 20 et 26 ad art. 3 al. 1 let. a LCD).

5.3. En l'espèce, la recourante soutient, en se fondant sur les déclarations du témoin K______, qu'à partir d'avril 2019, les prévenus ont usé de procédés déloyaux aux fins de détourner la clientèle de A______ SA au profit de leur nouvelle structure.

Force est de constater que ce témoin s'est limité à déclarer que les prévenus lui avaient relaté que la recourante avait "des problèmes internes", ce qui avait causé le départ de beaucoup d'employés, et qu'ils avaient fait une "allusion subtile" à la FINMA avant de préciser, à sa demande, qu'elle ne rencontrait pas de problème avec l'autorité de surveillance. De tels propos ne constituent pas un dénigrement illicite. Le témoin déclare certes que la direction de la recourante a, lors de cet entretien, été "dénigrée", mais il n'explique pas quels termes auraient été employés à cette fin, hormis ceux cités ci-avant. Il se borne ainsi à livrer sa propre appréciation du comportement des prévenus, sans étayer celle-ci par des éléments concrets. En outre, les notes manuscrites du témoin, destinées à son usage personnel et versées au dossier à l'issue de son audition, ne comportent que des bribes de mots ou de phrases insuffisantes à établir les déclarations tenues lors de la séance.

Enfin, compte tenu des contacts directs qu'il a entretenus avec l'avocat des recourants – lesquels ne peuvent être qualifiés d'anodins puisqu'une séance y a été consacrée deux jours avant le dépôt de la plainte pénale –, les déclarations du témoin doivent être considérées avec prudence, rendant particulièrement importante l'existence d'autres éléments au dossier susceptibles de les corroborer. Or, aucun élément au dossier ne corrobore l'impression de ce témoin. Selon le représentant des R______, les prévenus s'étaient limités à expliquer leur nouvelle orientation professionnelle sans rapporter d'éléments négatifs au sujet de A______ SA. Le témoignage du représentant de la Caisse de prévoyance [du canton de] AA______ abonde dans ce sens. En particulier, celui-ci a précisé que les prévenus n'avaient pas utilisé les termes rapportés dans la plainte pénale – dont il se serait rappelé au vu de leur brutalité – mais avaient indiqué qu'une grande partie de l'équipe de gestion avait quitté A______ SA. Or, une telle affirmation, qui correspond à la réalité, a pour but l'information et ne visait pas à dénigrer la recourante. Enfin, le témoin avait lui-même choisi le terme de "coquille vide", de manière délibérément provocatrice, afin de tester la réaction de son interlocuteur. Un contact avec B______ avait du reste confirmé l'impression du témoin que les gestionnaires des fonds de sa caisse de prévoyance avaient bien quitté la société.

Au vu de ce qui précède, malgré l'instruction minutieuse du Ministère public, aucun élément concret ne permet de retenir que des indications inexactes ou fallacieuses auraient été données à des clients de A______ SA. Les communications des prévenus ont constitué de simples informations, aucun dessein de tromper les clients ou de fausser la concurrence ne pouvant être retenu. À cet égard, on rappellera que les actes réprimés pénalement par l'art. 3 al. 1 let. a LCD sont les allégations en tant que telles et non l'impression subjective du destinataire, cette dernière n'étant éventuellement pertinente que pour interpréter ces allégations. Or, aucune des assertions dénoncées par la recourante dans sa plainte n'a pu être établie.

Enfin, l'instruction n'a fait ressortir aucun rapport de causalité entre le comportement reproché aux prévenus et un quelconque dommage ou une perturbation de la concurrence subis par la recourante. La perte de clients en 2019 s'explique par le changement de la stratégie d'investissements de plusieurs anciens clients de A______ SA, qui ont opté pour une autre forme de gestion de leur patrimoine, l'intervention des prévenus n'ayant, selon les témoins entendus, joué aucun rôle dans leurs choix.

Dans ces circonstances, le Ministère public était fondé à classer, sur la base de l'art. 319 al. 1 let. a CPP, les accusations de dénigrement illicite, ainsi que, sur le base de l'art. 319 al. 1 let. b CPP, celles – qui y sont liées – concernant le débauchage illicite de clients. À considérer les propos tenus par les prévenus aux clients de la recourante tels qu'ils ont été établis, ceux-ci n'ont en effet aucun caractère pénal et les probabilités d'acquittement des mis en cause apparaît nettement plus élevées que celles de condamnation.

6.             La recourante reproche au Ministère public de n'avoir pas entendu comme témoin le représentant de la Caisse de pension [du canton de] Z______ et de ne pas avoir ordonné les dépôts requis auprès de H______ SA.

6.1. À teneur de l'art. 318 al. 2 CPP, le ministère public ne peut écarter une réquisition de preuve que si celle-ci exige l'administration de preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés en droit. Il rend sa décision par écrit et la motive brièvement. Selon l'art. 318 al. 3 CPP, les décisions rendues en vertu de l'al. 2 ne sont pas sujettes à recours. Si la procédure est classée, c'est l'exercice du recours contre cette décision qui permet à la partie plaignante de soulever à cette occasion la violation de son droit à la preuve, au sens de l’art. 393 al. 2 let. b CPP (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_370/2013 du 2 avril 2014 consid. 1.1.2) et de proposer des preuves complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 1B_526/2012 du 24 juin 2013 consid. 2.3).

6.2. En l'espèce, la recourante ne prête aucune allégation dénigrante aux prévenus D______ et F______ lors de leur rencontre avec le représentant de la Caisse de pension [du canton de] Z______, mais reproche à ceux-ci de s'être faussement présentés comme chargés des investissements en son sein, ainsi que d'avoir offert de reprendre le mandat par le biais de leur nouvel employeur à un tarif plus avantageux. Or, de telles affirmations ne constituent pas des indications inexactes ou fallacieuses, dans la mesure où les intéressés étaient effectivement chargés de la gestion des fonds au sein de A______ SA, la question de leur liberté d'action réelle dans les décisions d'investissement n'étant pas pertinente. Partant, l'audition du représentant de ladite caisse ne serait pas susceptible d'établir une violation de l'art. 23 LCD. À cela s'ajoute qu'aucun des autres clients de A______ SA n'a rapporté d'allégation dénigrante des précités au sujet de la recourante.

S'agissant des ordres de dépôt requis, qui visent à déterminer quels clients de A______ SA auraient été approchés par les prévenus et d'éventuelles correspondances échangées avec ceux-ci, ils s'assimilent à une recherche indéterminée de moyens de preuve ("fishing expedition"), en l'absence d'indice concret concernant tant le contenu des propos échangés que l'identité des tiers éventuellement troublés par lesdits propos. À cet égard, il ressort de l'instruction que les clients ayant résilié leur mandat avec A______ SA l'ont fait pour des motifs liés à la stratégie d'investissement et non à la réputation de cette société.

Par conséquent, c'est à bon droit que le Ministère public n'a pas donné suite aux réquisitions de preuve de la recourante.

7.             Bien qu'ils ne prennent pas de conclusions formelles à cet égard, les recourants reprochent au Ministère public d'avoir mis à leur charge les frais et indemnités de la procédure pénale.

7.1. À teneur de l'art. 427 al. 2 CPP, en cas d'infractions poursuivies sur plainte, les frais de procédure peuvent être mis à la charge de la partie plaignante ou du plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou rendu celle-ci plus difficile lorsque la procédure est classée ou le prévenu acquitté (let. a) et lorsque le prévenu n'est pas astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 (let. b).

La condition d'avoir agi de manière téméraire ou par négligence grave et de la sorte entravé le bon déroulement de la procédure ou rendu celle-ci plus difficile ne s'applique qu'au plaignant. En revanche, cette condition ne s'applique pas à la partie plaignante à qui les frais peuvent être mis à charge sans autre condition. La personne qui dépose plainte pénale et qui prend part à la procédure comme partie plaignante doit assumer entièrement le risque lié aux frais, tandis que la personne qui porte plainte mais renonce à ses droits de partie ne doit supporter les frais qu'en cas de comportement téméraire (ATF 138 IV 248 consid. 4.2.2 et 4.2.3).

La règle de l'art. 427 al. 2 CPP a un caractère dispositif ; le juge peut donc s'en écarter si la situation le justifie. La loi est muette sur les motifs pour lesquels les frais sont ou non mis à la charge de la partie plaignante. Le juge doit statuer selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). Il dispose d'un large pouvoir d'appréciation à cet égard (ATF 138 IV 248 consid. 4.2.4 p. 254; arrêt du Tribunal fédéral 6B_108/2018 du 12 juin 2018 consid. 3.1).

7.2. En l'espèce, les infractions à l'art. 23 LCD et les infractions contre l'honneur objet de la plainte pénale (art. 173, 174 et 177 CP) ne sont poursuivies que sur plainte et les recourants – qui n'ont pas expressément renoncé à leurs droits de procédure – revêtent la qualité de parties plaignantes au sens de l'art. 118 CPP pour les infractions précitées, sous réserve que les infractions à l'art. 23 LCD ne concernent que A______ SA et celles contre l'honneur ne concernent que B______. Dès lors, les recourants pouvaient être condamnés aux frais de la procédure, à moins que les règles du droit et de l'équité ne commandent une solution différente.

En l'occurrence, au vu du contexte commercial du litige et des nombreuses mesures d'instruction requises par les recourants en cours de procédure, il n'était pas inéquitable de faire supporter à ces derniers l'entier des frais de procédure et des indemnités alloués aux conseils des prévenus.

8.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

9.             Les recourants, qui succombent, supporteront les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 2'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours de B______ dans la mesure de sa recevabilité.

Rejette le recours de A______ SA.

Condamne A______ SA et B______, conjointement et solidairement, aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 2'000.-.

Dit que ce montant est prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ SA et à B______, soit pour eux à leurs conseils, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/13554/2019

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'915.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

2'000.00