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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17210/2021

ACPR/257/2023 du 06.04.2023 sur SEQMP/3426/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROCÈS-VERBAL;SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);NOTIFICATION DE LA DÉCISION;PROPORTIONNALITÉ;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;SOUPÇON;MOTIVATION
Normes : CPP.199; CPP.85; Cst.29; CPP.29; CPP.263; CPP.197

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17210/2021 ACPR/257/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 6 avril 2023

 

Entre

 

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat, ______,

recourant,

 

contre l'ordonnance de séquestre et de perquisition rendue le 12 décembre 2022 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 3 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 12 décembre 2022, notifiée le 21 février 2023, par laquelle le Ministère public a ordonné la perquisition de son logement et la mise sous séquestre de "tous les objets, appareils électroniques, y compris les données qu'ils contiennent ou qui sont accessibles à distance, documents ou valeurs" pouvant être "utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités, confisqués en vue d'exécution d'une créance compensatrice, utilisés comme moyens de preuve".

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement à se voir notifier le "procès-verbal de séquestre" et à bénéficier de l'assistance juridique pour la procédure de recours; principalement à l'annulation de l'ordonnance querellée et à la restitution des biens saisis lui appartenant.

b. La demande de restitution de l'effet suspensif du recours a été rejetée par la Direction de la procédure (OCPR/12/2023).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par lettre du 26 avril 2021, C______ a déposé plainte contre inconnu, en lien avec la réception, depuis le 7 décembre 2020, de nombreuses lettres anonymes au contenu menaçant.

b. Entendue par la police le 6 mai 2021, elle a expliqué qu'un conflit l'opposait, elle et son mari, à A______ depuis 2012, pour une affaire ayant trait à la direction d'une entreprise.

c. Par ordonnance de non-entrée en matière du 10 septembre 2021, le Ministère public a retenu qu'il ne disposait pas d'élément susceptible d'orienter des soupçons sur un potentiel auteur de lettres anonymes.

d. Le 16 novembre 2021, C______ et son époux ont transmis au Ministère public des lettres du 21 septembre 2021, envoyées par A______ à leurs voisins, dans lesquelles il les accusait de déployer des "activités criminelles en col blanc" pour des montants dépassant "plusieurs millions de francs suisses".

e. Le 15 décembre 2021, le Ministère public a ordonné la reprise de la procédure préliminaire, considérant qu'à teneur des nouveaux éléments apportés par les époux C______/D______, A______ pourrait être l'auteur des lettres anonymes menaçantes ayant fait l'objet de l'ordonnance de non-entrée en matière du 10 septembre 2021.

f. Le 12 décembre 2022, le Ministère public a rendu l'ordonnance querellée.

g. Le 21 février 2023, la police a procédé à la perquisition du domicile de A______.

Elle a ensuite auditionné le précité, qui a admis avoir envoyé trois courriers aux voisins des époux C______/D______ dans le but de "provoquer la famille" contre qui il était en conflit. Il n'était toutefois pas l'auteur des lettres anonymes adressées aux époux C______/D______. Ces dernières avaient été imprimées avec une imprimante laser tandis que celle qu'il détenait à l'époque et celle saisie par la police étaient munies d'un jet d'encre.

Au terme de son audition, A______ a fourni les codes d'accès des appareils électroniques saisis lors de la perquisition, reçu copie de l'ordonnance querellée et signé l'inventaire des pièces séquestrées, comprenant deux téléphones portables, deux ordinateurs, une imprimante, un lot de lettres à son nom et un classeur.

h. Le 2 mars 2023, A______ a sollicité la mise sous scellés des données contenues dans les appareils électroniques et de tout autre document séquestrés, d'être mis au bénéfice de la défense d'office et de pouvoir consulter le dossier de la procédure.

Le Ministère public a donné une suite positive aux deux dernières requêtes et déposé, le 4 mars 2023, une demande de levée de scellés.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que A______ était prévenu de menaces et qu'il y avait lieu de présumer que son logement abritait des "traces, objets ou valeurs patrimoniales [ ] et/ou qu'il [contenait] des informations susceptibles d'être séquestrées". En effet, l'enquête de police avait permis de faire un lien entre A______ et les lettres menaçantes reçues par les époux C______/D______.

D. a. Dans son recours, A______ se plaint d'abord de n'avoir pas reçu copie du "procès-verbal de séquestre", en violation de l'art. 199 CPP. En outre, la motivation de l'ordonnance querellée était lacunaire. Elle lui permettait pas de comprendre le lien entre les faits reprochés et les "nombreux objets saisis" et de distinguer les motifs du séquestre. Enfin, la mesure ne respectait pas le principe de proportionnalité car le séquestre de "tous les objets", y compris ses mots de passe et documents personnels, était "extrêmement intrusif" et les informations recherchées pouvaient être trouvées par d'autres moyens, comme son audition, une ordonnance de dépôt ou un séquestre mieux ciblé.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de séquestre et de perquisition sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant invoque une violation de l'art. 199 CPP.

2.1. Cette disposition prévoit que, lorsqu’une mesure de contrainte est ordonnée par écrit, une copie du mandat et une copie d’un éventuel procès-verbal d’exécution sont remis contre accusé de réception à la personne directement touchée, pour autant que la mesure de contrainte ne soit pas secrète.

Selon l'art. 85 al. 2 CPP, les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l’entremise de la police. Le prononcé est réputé notifié lorsqu’il a été remis au destinataire, à l’un de ses employés ou à toute personne de plus de seize ans vivant dans le même ménage (art. 85 al. 3 CPP).

2.2. Une notification irrégulière a généralement pour seule conséquence qu'elle ne doit entraîner aucun préjudice pour son destinataire. En vertu du principe de la bonne foi, l'intéressé est toutefois tenu de se renseigner sur l'existence et le contenu de la décision dès qu'il peut en soupçonner l'existence, sous peine de se voir opposer l'irrecevabilité d'un éventuel moyen pour cause de tardiveté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_552/2015 du 3 août 2016, consid. 2.5 et les références citées).

2.3. En l'espèce, le recourant allègue n'avoir pas reçu copie du "procès-verbal de séquestre", sans que le dossier ne permette de supposer qu'un tel acte ait été établi, l'art. 199 CPP ne faisant pas obligation au Ministère public d'en dresser un.

Force est toutefois de constater que lors de son audition à la police, le recourant s'est vu notifier l'ordonnance querellée et a signé l'inventaire des pièces séquestrées. Il a également fourni les codes d'accès aux appareils électroniques saisis.

Il a donc été pleinement informé de la mesure de contrainte exécutée et de son ampleur.

En outre, il n'apparaît pas, à teneur du dossier transmis à la Chambre de céans, que le recourant aurait – avant son recours – interpellé le Ministère public relativement à l'absence de notification d'un procès-verbal, ayant plutôt demandé à pouvoir consulter le dossier.

Rien ne permet donc d'établir que les réquisits de l'art. 199 CPP n'auraient pas été respectés.

En tout état, le recourant a pu accéder à l'entier de la procédure, qui tient dans une fourre, et demander tirage des pièces de son choix. Ainsi, même dans l'hypothèse où la police ne lui aurait pas remis un double des documents notifiés au moment de son audition, il ne pourrait faire valoir aucun préjudice de ce fait et encore moins conclure à l'annulation de l'ordonnance querellée pour ce motif.

Par conséquent, sa requête en obtention d'une copie du "procès-verbal de séquestre" peut être rejetée.

3.             Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, afférent à une motivation lacunaire de l'ordonnance querellée.

3.1. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 3 al. 2 let. c CPP et 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour le justiciable de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 p. 222 s.; 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299).

3.2. Pour être licite, le séquestre doit respecter certaines règles de forme prescrites à l'art. 263 al. 2 et 3 CPP. Ainsi, notamment, le prononcé du séquestre doit être ordonné par écrit et sommairement motivé. La motivation doit être suffisante pour respecter le droit d'être entendu des personnes touchées par la mesure, leur permettre de comprendre le lien entre les faits reprochés et les objets saisis et permettre à l'autorité de recours d'exercer son contrôle (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 34 ad art. 263).

3.3. En l'espèce, il est reproché au recourant d'avoir écrit les lettres menaçantes reçues par les plaignants. Les faits sont, en somme, simples et les investigations aspirent à en identifier l'auteur.

Dans ces circonstances, le recourant peut aisément comprendre de l'ordonnance querellée que le séquestre des objets portés à l'inventaire, en particulier son matériel informatique, vise à déterminer s'ils ont servi à produire les messages incriminés.

Ainsi, même si la motivation de l'ordonnance querellée est succincte et que le Ministère public y a listé – sans distinction – l'ensemble des motifs pour justifier le séquestre, le recourant était en mesure de la contester. Il a même parfaitement saisi l'enjeu de la mesure, comme le démontre ses explications à la police au sujet du type d'imprimante utilisé pour fabriquer les lettres anonymes.

Partant, le grief doit être rejeté.

4.             Le recourant estime que le séquestre est disproportionné.

4.1. Selon l'art. 197 al. 1 CPP, toute mesure de contrainte doit être prévue par la loi (let. a), répondre à l'existence de soupçons suffisants laissant présumer une infraction (let. b), respecter le principe de la proportionnalité (let. c) et apparaître justifiée au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

4.2. Le séquestre d'objets et de valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers figure au nombre des mesures prévues par la loi. Il peut être ordonné, notamment, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuve (art. 263 al. 1 let. a CPP), seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (let. b) devront être restitués au lésé (let. c), devront être confisqués (let. d) ou pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice (art. 71 al. 3 CP).

Une telle mesure est fondée sur la vraisemblance (ATF 126 I 97 consid. 3d/aa p. 107 et les références citées). Comme cela ressort de l'art. 263 al. 1 CPP, une simple probabilité suffit car la saisie se rapporte à des faits non encore établis, respectivement à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire (art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364; ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 p. 63 et les références citées).

Ainsi, au début de l'enquête, un soupçon crédible ou un début de preuve de l'existence de l'infraction reprochée suffit à permettre le séquestre, ce qui laisse une grande place à l'appréciation du juge. On exige toutefois que ce soupçon se renforce au cours de l'instruction pour justifier le maintien de la mesure (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 17/22 ad art. 263).

4.3. En l'espèce, le recourant conteste avoir envoyé les lettres anonymes de menaces ayant fait l'objet de l'ordonnance de non-entrée en matière du 10 septembre 2021. En même temps, il admet être en conflit ouvert avec les plaignants et avoir adressé à leurs voisins des missives les accusant de déployer des "activités criminelles en col blanc".

La volonté déclarée du recourant de "provoquer" les intéressés et la similarité des procédés utilisés pour faire passer un message permettent de nourrir des soupçons contre lui. Dès lors, il apparaît vraisemblable, à ce stade de la procédure, que des éléments de preuve puissent être retrouvés par le truchement des objets séquestrés, en particulier le matériel informatique. La démarche s'avère, en outre, nécessaire puisque le recourant, bien que ne cachant pas ses intentions à l'égard des plaignants, nie être l'auteur des lettres anonymes.

Enfin, le respect de la sphère privée du recourant est assuré par la possibilité de demander des scellés, droit dont il a fait usage, et mis en balance avec l'importance d'identifier l'auteur de l'infraction de menaces, qui est un délit (art. 10 al. 3 CP).

En résumé, le séquestre apparaît nécessaire et utile à la manifestation de la vérité, tout en étant proportionné.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait être rejeté sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 700.-, émolument de décision compris (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

7.             L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 700.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17210/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

615.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

700.00