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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12018/2019

ACPR/180/2023 du 13.03.2023 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION
Normes : CPP.5; Cst.29

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12018/2019 ACPR/180/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 13 mars 2023

 

Entre

 

A______, domiciliée ______, comparant par Me H______, avocat,

recourante,

 

pour déni de justice et retard injustifié,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Dans son recours expédié le 23 novembre 2022, A______ conclut, sous suite de frais et dépens, à la constatation de la violation du principe de célérité et l'existence d'un déni de justice qu'elle reproche au Ministère public et à ce qu'il soit enjoint à ce dernier d'instruire la procédure "P/1______/2020" [sic] sans désemparer.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'500.- demandées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.       
Le 7 juin 2019, A______ a déposé plainte contre B______ pour abus de confiance, gestion déloyale et faux dans les titres.

Elle avait créé une société simple avec B______ dans le but d'exploiter un restaurant par l'intermédiaire de la société C______ SA, et y avait investi CHF 300'000.-. Si CHF 80'000.- avaient été utilisés dans le cadre de la société, le solde avait servi au financement d'autres établissements de B______.

Elle était actionnaire à raison de 40% du capital-actions de la société et son administratrice unique. B______, également actionnaire à raison de 40%, en avait été administrateur jusqu'en février 2019.

En substance, elle reprochait à B______ d'avoir, notamment, encaissé un dessous-de-table de CHF 300'000.- (recte : CHF 280'000.-) à la suite de la vente du fonds de commerce (soit D______) de la société et falsifié les comptes de celle-ci, respectivement les déclarations fiscales, à hauteur de cette même somme.

Elle demandait notamment le séquestre de toutes les valeurs patrimoniales et la saisie de la documentation bancaire de tous les comptes bancaires de B______, ou dont il est bénéficiaire économique ou fondé de procuration, notamment celui de la société ouvert auprès de la banque E______. Elle sollicitait également le séquestre de toutes les participations du prénommé dans les sociétés ou restaurants qu'il exploitait.

b.        Le 15 juillet 2019, A______ a adressé au Ministère public une plainte complémentaire portant sur de nouveaux paiements suspects et a demandé, à nouveau, la saisie de toute valeur susceptible de garantir l'indemnisation de la société.

c.         Le 18 septembre 2019, elle a insisté, auprès du Procureur, pour que les séquestres requis soient ordonnés rapidement, craignant que B______ ne soit en train de s'organiser pour se dérober à ses responsabilités financières.

d.        Le 17 décembre 2019, le Procureur a transmis la plainte à la police pour complément d'enquête (art. 309 al. 2 CPP).

e.         Le lendemain, il a adressé des ordres de dépôt aux six succursales de E______, lesquelles se sont exécutées entre le 30 décembre 2019 et le 23 janvier 2020.

f.         Le 17 avril 2020, le Ministère public a reçu le rapport de la Brigade financière daté du 11 mars précédent, laquelle avait entendu B______ le même jour.

g.        Le 28 septembre 2020, A______ a relancé le Procureur, faute d'avoir reçu de réponse depuis son complément de plainte, s'agissant de sa demande de séquestres, alors même que des auditions par la police auraient eu lieu en février ou mars.

h.        Par courrier du 20 novembre 2020, elle a demandé au Ministère public de pouvoir consulter le dossier. Aucune réponse n'apparaît au dossier.

i.          Le 7 décembre 2020, le Procureur a chargé la police d'examiner les pièces transmises par E______ et cas échéant entendre B______ en qualité de prévenu.

j.          Le 15 décembre 2020, la plaignante a transmis au Ministère public la première page du procès-verbal d'une audience civile tenue le 11 décembre 2020 au cours de laquelle B______ avait déclaré avoir perçu un "dessous-de-table" de CHF 280'000.- ensuite de la vente du restaurant D______, dont CHF 112'000.- (correspondant à 40%) avaient été remis à A______.

Elle demandait la confirmation que le séquestre demandé le 5 juin 2019 avait été ordonné.

k.        Le 10 juin 2021, A______, toujours sans aucune nouvelle depuis le dépôt de sa plainte et ses multiples courriers, a prié le Procureur de la renseigner sur l'état de la procédure, afin de lui éviter le dépôt d'un recours pour déni de justice.

l.          Le 14 juin 2021, le Ministère public lui a répondu que "après l'enquête de police et l'envoi d'ordres de dépôt, il a adressé un mandat d'actes d'enquête à la Brigade financière visant à l'analyse des nombreux documents bancaires obtenus en exécution desdits ordres de dépôt" et demeurait "dans l'attente du rapport de renseignements y relatifs, avant de décider de la suite à donner".

m.      Le 12 octobre 2021, la partie plaignante a formé recours pour déni de justice et violation du principe de célérité.

n.        Le 12 novembre 2021, le Ministère a reçu le second rapport de la Brigade financière daté du 10 précédent, laquelle avait procédé à l'analyse de la documentation bancaire.

o.        Par arrêt du 24 février 2022 (ACPR/126/2022), la Chambre de céans a admis le recours, constaté un déni de justice et un retard injustifié à statuer et enjoint au Ministère public de statuer sous quinzaine sur la demande de séquestres formulée par la partie plaignante.

p.        Le 11 mars 2022, le Ministère public a adressé une ordonnance de séquestre à la banque E______, précisant qu'une procédure pénale était ouverte contre B______ des chefs d'abus de confiance, gestion déloyale et de faux dans les titres, pour s'être enrichi illégitimement ou avoir procuré un enrichissement illégitime à des tiers et/ou sociétés liées à lui, d'un montant total de CHF 895'295.80, se décomposant comme suit: CHF 188'000.-, correspondant à la part d'un dessous de table liée à la vente du restaurant "D______" par C______ SA qu'il s'est appropriée sans droit; CHF 108'351.35, correspondant à des paiements effectués sans droit au nom de C______ SA en faveur de lui-même ou de tiers liés à lui; CHF 267'704.05, correspondant à des écritures passées dans la comptabilité de C______ SA mais non justifiées; CHF 37'746.-, correspondant à des retraits non justifiés; CHF 293'494.40, correspondant à des achats de vin et autres produits alimentaires non justifiés. La banque y a donné suite le 16 suivant.

Il a adressé un ordre de dépôt à G______ SA, demandant tous les documents relatifs à la vente par C______ SA du fonds de commerce du restaurant "D______", qui y a répondu le 14 suivant. Il s'est également adressé à l'Administration fiscale pour obtenir les dernières déclarations du prévenu, qu'il a reçues 10 jours plus tard.

q.        Le 25 mars 2022, A______ a rappelé l'arrêt de la Chambre de céans impartissant au Ministère public de statuer sur la demande de séquestre sous quinzaine. Faute d'avoir reçu de décision notifiée en ce sens, elle priait le Procureur d'y remédier.

Par "n'empêche" du 28 mars 2022, le Ministère public lui a répondu que "des séquestres et ordres de dépôt ont été ordonnés. Ils n'avaient pas à vous être notifiés".

r.         Le 31 mars 2022, A______ a demandé la notification des décisions et, à défaut, une décision sujette à recours.

s.         Le 3 mai 2022, elle a relancé le Procureur. Elle l'a, en outre, informé que B______ avait quitté Genève (renseignements de l'Office cantonal de la population du 25 avril 2022) pour s'installer en Italie (messagerie Whatsapp d'avril 2022). Elle demandait d'être renseignée sur l'étendue du séquestre afin de se déterminer sur l'opportunité d'un séquestre civil. Si le prévenu avait clôturé ses comptes, elle sollicitait l'envoi d'une commission rogatoire en Italie afin de connaître, voire saisir, les avoirs du précité.

t.          Le 23 mai 2022, faute de réponse du Ministère public, A______ a requis la notification des décisions de séquestre et d'être renseignée sur leur résultat à défaut de quoi, elle déposerait un nouveau recours pour déni de justice.

u.        Le 30 mai 2022, le Procureur, faisant suite aux courriers précités, a maintenu ne pas avoir à lui notifier les ordonnances de séquestre. Pour connaître l'étendue des ordonnances et leurs résultats, il a invité A______ à consulter le dossier, ce qu'elle a fait le 7 juin 2022 et a reçu copie de la procédure.

v.        Le 23 juin 2022, A______ a requis l'audition des personnes mises en cause par B______ lors de son audition à la police, soit notamment une responsable de G______ SA ainsi que le séquestre de leurs comptes bancaires, voire celui de la société. Elle demandait également l'audition d'employés de la fiduciaire du prévenu dont le comptable aurait conseillé le transfert de fonds vers une autre société de B______ et les séquestres éventuels de leur compte. Enfin, elle sollicitait l'envoi d'une requête au Registre foncier afin de déterminer si B______ était propriétaire de biens immobiliers à Genève.

w.      Le 29 juin 2022, le Ministère public a adressé la requête demandée au Registre foncier. Il a obtenu réponse le 1er juillet suivant.

x.        Le 29 août 2022, A______ est revenue sur son courrier du 23 juin précédent, resté sans réponse, et a demandé à pouvoir consulter le dossier le 1er septembre 2022.

Le 5 septembre 2022, elle a réitéré sa demande de consultation pour le 9 septembre 2022.

Le 23 septembre 2022, le Procureur a donné son n'empêche; elle a consulté le dossier le 23 suivant.

y.        Le 5 octobre 2022, A______ est revenue sur ses courriers des 3 et 23 mai ainsi que 23 juin 2022. Constatant que seule sa requête au Registre foncier avait été diligentée, elle s'interrogeait sur la suite que le Ministère public entendait donner à ses autres demandes d'enquête, notamment l'audition des personnes citées par B______. Elle a prié le Procureur de procéder aux actes d'instruction nécessaires y compris sous l'angle d'éventuels séquestres sur les avoirs des personnes mentionnées précédemment.

Elle a rappelé que ses demandes étaient motivées par, et faisaient suite à, l'audition du principal prévenu, B______, intervenue plus de deux ans et demi auparavant. Ce dernier avait, dans l'intervalle, quitté la Suisse, et semblait avoir vidé ses comptes bancaires. Elle a réitéré sa demande du 3 mai 2022 d'entraide avec l'Italie.

Au vu des circonstances et de l'éventuel risque de prescription, elle requérait une ultime fois que le Ministère public diligente les actes sollicités; à défaut, elle déposerait un nouveau recours pour déni de justice.

C. a. À l’appui de son recours, A______ soutient que les seules démarches entreprises par le Ministère public avaient été le prononcé des séquestres requis, sur injonction de la Chambre de céans dont l'arrêt n'avait toutefois pas permis d'accélérer la procédure. Elle avait dû adresser pas moins de trois courriers au Ministère public, et évoquer un nouveau recours pour déni de justice, pour connaître le sort de la mesure, le Procureur ayant de surcroît refusé de lui notifier sa décision, la renvoyant à consulter le dossier, consultation qui lui avait été refusée jusqu'alors. La tardiveté à statuer sur les demandes de séquestres avait permis au prévenu de se dérober à la procédure pénale, en soldant ses comptes (plus de CHF 350'000.- de retraits en espèces), et de quitter la Suisse. Ses simples demandes de consultation du dossier avaient également dû faire l'objet de plusieurs relances.

b. Invité à se déterminer, le Procureur, nouvellement chargé de la procédure, relève que le Ministère public n'était pas resté inactif pendant une durée de treize ou quatorze mois. Il avait obtenu le dépôt de pièces bancaires et sollicité le concours de la police judiciaire à deux reprises, ordonné plusieurs mesures de contrainte et requis l'entraide du Registre foncier. Cinq mois s'étaient écoulés entre la première demande d'actes d'enquête complémentaires du 23 juin 2022 et le dépôt du recours par la partie plaignante.

c. La recourante réplique.

EN DROIT :

1. Le recours pour déni de justice ou retard injustifié n'est soumis à aucun délai (art. 396 al. 2 CPP). Par ailleurs, le présent recours a été déposé selon la forme prescrite (art. 393 et 396 al. 1 CPP) et émane de la partie plaignante, qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à obtenir une décision de l'autorité sollicitée (art. 104 al.1 let. b et 382 CPP).

Partant, il est recevable.

2.             2.1. À teneur de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Cette disposition concrétise le principe de célérité, et prohibe le retard injustifié à statuer, posé par l'art. 29 al. 1 Cst., qui garantit notamment à toute personne, dans une procédure judiciaire ou administrative, le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable.

Un déni de justice ou un retard injustifié est établi lorsqu'une autorité s'abstient tacitement ou refuse expressément de rendre une décision dans un délai convenable (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4132). Si l'autorité refuse de statuer sur une requête qui lui a été adressée, soit en l'ignorant purement et simplement, soit en refusant d'entrer en matière, elle commet un déni de justice formel (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 135 I 6 consid. 2.1; 134 I 229 consid. 2.3; ACPR/187/2012 du 8 mai 2012; G. PIQUEREZ/ A. MACALUSO, Procédure pénale suisse : Manuel, 3e éd., Zurich 2011, n. 187).

L'art. 29 al. 1 Cst. consacre, en outre, le principe de la célérité. Viole la garantie ainsi accordée l'autorité qui ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 143 IV 373 consid. 1.3.1; 130 I 312 consid. 5.1; 119 Ib 311 consid. 5). Pour déterminer la durée raisonnable, il y a lieu de se fonder sur des éléments objectifs. Doivent notamment être pris en compte le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et des autorités compétentes (ATF 130 I 312 consid. 5.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_203/2019 du 10 avril 2019 consid. 3.1; 1B_590/2012 du 13 mars 2013 consid. 3.1).

Comme on ne peut pas exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comporte quelques temps morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut; des périodes d'activités intenses peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. Le caractère raisonnable du délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes (ATF 144 II 486 consid. 3.2). Dans l'appréciation du caractère raisonnable du délai dans lequel la cause doit être traitée, il faut tenir compte, entre autres éléments, du comportement du justiciable; il incombe à celui-ci d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié (ATF 130 I 312 consid. 5.2; arrêts du Tribunal fédéral 2C_341/2020 du 19 janvier 2021 consid. 5.2; 2C_227/2020 du 21 août 2020 consid. 9.2 in Pra 2021 n° 2; 1B_122/2020 du 20 mars 2020 consid. 3.1; 5D_205/2018 du 24 avril 2019 consid. 4.3.1). Il s'agit de conditions alternatives; autrement dit, le justiciable n'est pas tenu de s'adresser d'abord au juge qui diffère indument sa décision, le recours pour déni de justice étant précisément l'un des moyens d'accélérer la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 5A_917/2020 du 12 février 2021 consid. 2.2.2.). Un retard ou un refus inexprimé de statuer ne saurait être légitime sous le prétexte que la voie du recours ne serait pas ouverte en cas de refus formel des actes demandés par le justiciable. C'est bien le silence prolongé et injustifié qui est prohibé. Du reste, la simple courtoisie, déjà, voudrait qu'une réponse fût apportée, épargnant ainsi d'inutiles relances (ACPR/476/2013 du 17 octobre 2013 consid. 4.3.2.), voire le dépôt d'un recours pour déni de justice.

Comme on ne peut pas exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comporte quelques temps morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut; des périodes d'activités intenses peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. Le principe de la célérité peut être violé, même si les autorités pénales n'ont commis aucune faute; elles ne sauraient exciper des insuffisances de l'organisation judiciaire (ATF 143 IV 373 consid. 1.3.1; 130 IV 54 consid. 3.3.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_203/2019 du 10 avril 2019 consid. 3.1). Seul un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable, pourrait conduire à l'admission de la violation du principe de célérité. En cas de retard de moindre gravité, des injonctions particulières peuvent être données, comme par exemple la fixation d'un délai maximum pour clore l'instruction (cf. ATF 128 I 149 consid. 2.2, rendu en matière de détention préventive).

Selon la jurisprudence, apparaissent comme des carences choquantes une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction, un délai de quatre ans pour qu'il soit statué sur un recours contre l'acte d'accusation ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (ATF 124 I 139 consid. 2c; 119 IV 107 consid. 1c).

Pour pouvoir invoquer avec succès un retard injustifié à statuer, la partie doit être vainement intervenue auprès de l'autorité pénale pour que celle-ci statue à bref délai (arrêt du Tribunal fédéral 1B_24/2013 du 12 février 2013 consid. 4 et les références citées). Il appartient, en effet, au justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié (ATF 130 I 312 consid. 5.2). Cette règle découle du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.), qui doit présider aux relations entre organes de l'État et particuliers (arrêts du Tribunal fédéral 2A.588/2006 du 19 avril 2007 consid. 2 et la référence à l'ATF 125 V 373 consid. 2b/aa; 6B_1066/2013 du 27 février 2014 consid. 1.1.2).

2.2. En l'espèce, dans son précédent arrêt, la Chambre de céans avait retenu que les six mois de délai entre le dépôt de la plainte en juin 2019 et les ordres de dépôt en décembre suivant, ainsi que les onze mois suivants avant de demander à la police d'analyser la documentation bancaire reçue à la suite desdits ordres ne pouvaient être considérés, au sens de la jurisprudence, comme relevant d'une inactivité choquante. À réception de la décision de la Chambre de céans, le Procureur avait, le 11 mars 2022 – après avoir reçu le rapport de police le 12 novembre 2021 –, ordonné le séquestre du compte bancaire du prévenu, ainsi qu'envoyé des ordres de dépôt. Depuis lors, le Procureur, alors chargé de la procédure, n'a mené aucun acte d'instruction, mis à part une requête au Registre foncier le 29 juin 2022. Si aucun de ces délais n'est d'une durée vraiment choquante, il convient de constater que le dossier n'a pas été traité avec la célérité requise et au vu des enjeux pour la recourante, qui avait attiré l'attention du Procureur sur les possibles dispositions que prendrait le prévenu pour échapper à la poursuite; déposée en juin 2019, la plainte n'avait, en novembre 2022, pas encore fait l'objet d'une instruction soutenue. Cela, malgré les nombreuses relances de la recourante, demande de notification de décision sujette à recours, laissées sans réponses.

Par conséquent, le déni de justice et le retard injustifié sont à nouveau réalisés.

3.             Le Procureur, désormais chargé de la procédure, se verra enjoindre de se prononcer sur les demandes restées ignorées et d'instruire en priorité cette cause (art. 397 al. 4 CPP).

4.             La recourante, qui a gain de cause, n'assumera pas de frais judiciaires (art. 428 al. 1 CPP).

5.             Représentée par un avocat, la plaignante a chiffré son indemnité à CHF 2'261.70.- TVA incluse, correspondant à 6 heures d'activité d'avocat au tarif horaire de CHF 350.- .

Le temps consacré semble excessif. En effet, le recours qui se compose de 13 pages (page de garde et conclusions incluses) reprend pour une partie importante le contenu de son premier recours, de sorte qu'il sera ramené à 4 heures. Ainsi, une indemnité de CHF 1'400.- (tarif horaire de CHF 350.-) lui sera octroyée, plus 7.7% de TVA.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Constate un déni de justice et un retard injustifié à statuer, au préjudice de A______ dans la conduite de la procédure P/12018/2019.

Enjoint au Ministère public de statuer sur la demande de séquestres formulée par A______ sous 30 jours dès le présent arrêt.

Laisse les frais de l'instance à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'498.-, TVA incluse, pour l'instance de recours.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ les sûretés versées (CHF 1'500.-).

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante (soit, pour elle, son défenseur) et au Ministère public.

Siégeant :

 

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).