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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22343/2020

ACPR/139/2023 du 23.02.2023 sur ONMMP/4576/2022 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 27.03.2023, rendu le 27.09.2023, REJETE, 6B_439/2023, 7B_84/2023
Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22343/2020 ACPR/139/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 23 février 2023

 

Entre

 

A______, sans domicile fixe, comparant par Me B______, avocate, ______,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance judiciaire rendue le 9 janvier 2023 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 20 janvier 2023, A______ recourt contre l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance judiciaire du 9 janvier 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé de lui accorder l'assistance judiciaire gratuite en tant que partie plaignante.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, à pouvoir bénéficier de l'assistance judiciaire gratuite pour l'instance précédente en tant que partie plaignante avec effet au 27 avril 2022 et à la désignation de Me B______ à cet effet.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 18 novembre 2020, l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) a dénoncé au Ministère public A______, ressortissant albanais, lui reprochant d'avoir, dans le cadre de sa demande de régularisation effectuée au cours de l'opération Papyrus, fourni des informations et des pièces fausses.

b. Entendu en qualité de prévenu par la police le 6 avril 2022, hors présence d'un avocat mais avec celle d'un traducteur, A______ a admis être en situation illégale en Suisse, avoir travaillé sans autorisation et avoir transmis de faux documents à l'OCPM. Pour ses démarches de régularisation, ses anciens patrons refusaient de lui fournir des attestations. C______, une connaissance, lui avait alors proposé de le déclarer à l'AVS par le biais de sa société, contre CHF 3'000.-. Il avait accepté et également reçu du précité des fiches de salaire et deux certificats de travail, remis ensuite à l'OCPM. Avec le recul, il regrettait ses actes mais sur le moment, il n'avait pas réfléchi car il n'arrivait pas à obtenir d'attestations. Il avait fait tout cela parce qu'il devait nourrir sa femme et ses deux enfants.

Au cours de son audition, il a fait part de sa volonté de porter plainte contre C______ et deux de ses anciens employeurs qui auraient "exploité" sa force de travail, soit D______ et E______, "le patron du restaurant albanais à F______ [Fribourg]".

c. Le 10 mai 2022, A______ a sollicité du Ministère public d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite en lien avec sa plainte pénale et, trois jours plus tard, requis une nomination d'avocat d'office pour la défense de ses intérêts en tant qu'il intervenait comme prévenu à la procédure.

d. Le 10 octobre 2022, le Ministère public a ordonné la défense d'office en faveur de A______, prévenu de faux dans les titres (art. 251 CP) et comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 LEI), en la personne de Me B______, avec effet au 13 mai 2022.

e.a. Le 16 décembre 2022, dans deux ordonnances séparées, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur les faits dénoncés à l'égard de D______ et E______.

Le recours formé par A______ contre cette seconde ordonnance a été rejeté ce jour par la Chambre de céans.

e.b. Dans une ordonnance pénale rendue 16 décembre 2022, le Ministère public a reconnu A______ coupable d'infractions à la LEI et de faux dans les titres.

Le précité a formé opposition.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public admet l'indigence de A______ mais considère son action civile comme vouée à l'échec dès lors que celui-ci avait bénéficié d'un salaire de E______ et qu'il avait requis les faux documents auprès de C______. En outre, l'intervention d'un conseil n'était pas nécessaire, la cause ne présentant pas de complexité en fait ou en droit.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que le salaire et les indemnités lui étant dus en vertu du droit du travail, ainsi que la réparation du tort moral, représentaient des prétentions civiles qu'il pouvait faire valoir. Il avait également porté plainte contre C______ pour des faits susceptibles d'être constitutifs d'escroquerie et, dans ce cadre, il pouvait prétendre à être indemnisé pour les CHF 3'000.- remis au précité. L'affaire instruite portait sur une infraction d'usure par plusieurs employeurs et sur une escroquerie ayant entrainé des conséquences particulièrement graves, soit une perte financière mais aussi la perte d'un statut administratif pour lui, sa femme et ses deux enfants mineurs. Dès lors qu'il était prévenu de faux dans les titres et de comportement frauduleux à l'égard des autorités, statut pour lequel il bénéficiait d'une défense d'office, et que ces faits étaient directement liés à sa plainte contre C______, le volet où il intervenait à titre de plaignant ne s'avérait pas de moindre complexité. En outre, sa faible maîtrise du français et du droit suisse rendaient nécessaires l'intervention d'un conseil.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de l'ordonnance querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant fait grief au Ministère public de ne pas lui avoir octroyé l'assistance judiciaire.

2.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). Selon l'al. 2 de cet article, l'assistance judiciaire comprend l'exonération d'avances de frais et de sûretés (let. a), l'exonération des frais de procédure (let. b) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (let. c).

La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. La demande d'assistance judiciaire gratuite doit être rejetée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou si la procédure pénale est vouée à l'échec, notamment lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement doit être rendue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).

Selon les critères déduits de l'art. 29 al. 3 Cst. par la jurisprudence pour juger de la nécessité de la désignation d'un conseil juridique au lésé, il est considéré en principe que la procédure pénale ne nécessite que des connaissances juridiques modestes pour la sauvegarde des droits du lésé; il s'agit essentiellement d'annoncer ses éventuelles prétentions en réparation de son dommage et de son tort moral ainsi que de participer aux auditions des prévenus, des témoins et de poser, cas échéant, des questions complémentaires; un citoyen ordinaire devrait ainsi être en mesure de défendre lui-même ses intérêts de lésé dans une enquête pénale (ATF 123 I 145 consid. 2b/bb p. 147, repris dans le Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification de la procédure pénale, FF 2006 1160 ch. 2.3.4.2; cf. également arrêts 1B_450/2015 du 22 avril 2016 consid. 2.3; 6B_122/2013 du 11 juillet 2013 consid. 4.1.2; 1B_26/2013 du 28 mai 2013 consid. 2.3 et les références citées).

Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que la partie plaignante ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. Il faut tenir compte notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances personnelles du demandeur, de ses connaissances linguistiques, de son âge, de sa situation sociale et de son état de santé (ATF 123 I 145 consid. 2b/cc p. 147 et 3a/bb p. 149 s.; arrêts 1B_450/2015 du 22 avril 2016 consid. 2.3; 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.2). 

2.2. En l'espèce, l'indigence du recourant n'est pas contestée.

Cela étant, sur les trois personnes visées par la plainte du recourant, deux ont bénéficié d'une ordonnance de non-entrée en matière, l'une étant entrée en force à défaut d'avoir été contestée, l'autre ayant été confirmée par la Chambre de céans. Les prétentions civiles à l'égard de ces mis en cause apparaissent ainsi vouées à l'échec.

Concernant C______, rien ne permet, en l'état, de considérer qu'il serait suspect d'une quelconque prévention pénale.

Fût-ce le cas, les faits le concernant sont simples. D'ailleurs, le recourant les a initialement dénoncés à la police, hors la présence de son avocat et sans que la barrière de la langue ne constitue un obstacle. Ses explications à ce sujet, de même que ses aveux sur la production, à l'OCPM, des faux documents reçus de C______, laissent supposer qu'il comprend la portée des infractions en cause. Enfin, les éventuelles conséquences – positives comme négatives – que pourrait avoir l'issue d'une procédure contre C______ sur celle menée contre lui sont couvertes par la défense d'office ordonnée en sa faveur.

Dans ces circonstances, l'intervention d'un conseil d'office n'apparaît pas nécessaire pour la défense du recourant et sa demande doit dès lors être rejetée.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère infondé, pouvait être rejeté sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             La procédure de recours contre un refus d'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).