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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14787/2021

ACPR/134/2023 du 20.02.2023 sur OTDP/2360/2022 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;OPPOSITION TARDIVE;FICTION DE LA NOTIFICATION;ESPACE DE TEMPS
Normes : CPP.354; CPP.85.al4

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14787/2021 ACPR/134/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 20 février 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Christian JOUBY, avocat, PBM Avocats SA, avenue de Champel 29, case postale, 1211 Genève 12,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 23 novembre 2022 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715,
1211 Genève 3,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 8 décembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 novembre 2022, notifiée le 28 suivant, par laquelle le Tribunal de police a constaté l’irrecevabilité, pour cause de tardiveté, de l’opposition qu’il avait formée à l’ordonnance pénale du 27 mai 2022.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et, principalement, au renvoi de la cause au Tribunal de police pour reprise de l'instruction; subsidiairement, au renvoi à cette instance pour nouvelle décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 29 novembre 2022, A______ a été auditionné par la police en qualité de prévenu d'infraction à l'art. 118 LEI. Il a contesté les faits reprochés. À cette occasion, il a signé le formulaire de droits et obligations du prévenu, précisant qu'en cas de lieu de séjour inconnu, le prévenu devait désigner une personne en Suisse pour recevoir à sa place les décisions. A______ a indiqué dormir "chez des connaissances, à droite, à gauche" et être sans domicile fixe. À la question de savoir à quel domicile de notification il souhaitait recevoir les actes de procédure, il a désigné la rue 1______ no. ______, [code postal] C______ [GE], son ami B______ lui transmettant toujours son courrier.

b. Le 27 mai 2022, le Ministère public a condamné A______, par ordonnance pénale, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 30.- l'unité pour comportement frauduleux à l'égard des autorités. Le pli contenant l'ordonnance pénale, adressé par recommandé à l'adresse susmentionnée, n'a pas été retiré à la poste par son destinataire, qui a été avisé pour retrait le 1er juin 2022. Le courrier a été retourné à l'expéditeur à l'issue du délai de garde, qui venait à échéance le 8 juin 2022, avec la mention "non réclamé".

c. Par lettre du 13 octobre 2022, reçue par le Ministère public le 15 suivant, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale du 27 mai 2022. Il expliquait avoir appris l'existence d'une condamnation le concernant en demandant un extrait de son casier judiciaire fin septembre 2022. Il n'avait pu prendre connaissance de l'ordonnance pénale du 27 mai 2022 qu'en date du 3 octobre 2022. Dès lors, on ne pouvait considérer qu'elle avait été valablement notifiée auparavant, ni lui reprocher une opposition tardive. La rue 1______ no. ______, [code postal] C______, adresse à laquelle l'ordonnance pénale lui avait été envoyée, ne pouvait être considérée comme un domicile de notification valable, dans la mesure où il avait informé les autorités pénales - comme cela ressortait de l'ordonnance pénale - qu'il n'y habitait plus. Son droit d'être entendu avait également été violé, car l'ordonnance pénale lui avait été envoyée plus de six mois après son dernier contact effectif avec l'autorité, lequel datait du 29 novembre 2021.

d.
Par ordonnance du 17 octobre 2022, le Ministère public, constatant la tardiveté de l'opposition, a transmis la procédure au Tribunal de police afin qu'il statue sur la validité de ladite opposition et de l'ordonnance pénale.

C. Dans sa décision querellée, le Tribunal de police a retenu que A______, sans domicile fixe, avait valablement élu domicile chez B______ à la rue 1______ no. ______, [code postal] C______, de sorte que le Ministère public, conformément au principe de la bonne foi et sans contre-indication survenue dans l'intervalle, pouvait lui faire notifier l'ordonnance pénale à cette adresse. L’ordonnance pénale rendue le 27 mai 2022 avait ainsi été valablement notifiée à A______ à l'issue du délai de garde, le 8 juin 2022. Le temps écoulé entre son audition du 29 novembre 2021 et la notification de l'ordonnance pénale étant inférieur à un an, la fiction de notification était maintenue. Le délai pour former opposition était venu à échéance le 20 juin 2022. Expédiée le 13 octobre 2022, l'opposition formée par A______ était tardive, partant irrecevable.

D. a. Dans son recours, A______ soutient qu'il n'a été entendu sur les faits reprochés qu'une seule fois, le 29 novembre 2021. Il n'avait ensuite plus eu aucun contact avec l'autorité pendant plus de six mois, avant de se voir notifier de façon fictive l'ordonnance pénale du 27 mai 2022. Il était "abusif" de considérer qu'il devait alors encore s'attendre de bonne foi à recevoir une ordonnance pénale pour une procédure "aussi simpliste et peu complexe", qui plus est pour des faits qu'il contestait entièrement. Rien n'expliquait "un tel retard" dans la procédure, lequel ne pouvait s'interpréter que comme un abandon des charges à son encontre. La notification fictive ne trouvait pas application, car un délai de six mois ne pouvait être considéré comme raisonnable et aurait pour conséquence de le priver de manière choquante de faire valoir ses droits à la défense.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.              Le recourant conteste la validité de la notification fictive de l'ordonnance pénale.

3.1.
À teneur de l'art. 352 al. 1 CPP, le Ministère public rend une ordonnance pénale si, durant la procédure préliminaire, le prévenu a admis les faits ou s'ils sont établis. Il n'est donc pas nécessaire que le prévenu ait avoué, si le dossier contient des éléments suffisants à établir la culpabilité de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_314/2012 du 18 février 2013 consid. 2.2.1).

À teneur de l'art. 354 CPP, le prévenu peut former opposition contre l'ordonnance pénale devant le Ministère public, par écrit et dans les 10 jours (al. 1 let. a). Si aucune opposition n'est valablement formée, l'ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (al. 3).

Aux termes de l'art. 356 CPP, lorsqu'il décide de maintenir l'ordonnance pénale, le ministère public transmet sans retard le dossier au tribunal de première instance en vue des débats. L'ordonnance pénale tient lieu d'acte d'accusation (al. 1). Le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition (al. 2). Seul ce tribunal est compétent pour statuer sur la validité de l'opposition à l'ordonnance pénale (ATF 140 IV 192 consid. 1.3 p. 195). L'examen de la validité de l'opposition a lieu d'office (arrêts du Tribunal fédéral 6B_910/2017 du 29 décembre 2017 consid. 2.4; 6B_848/2013 du 3 avril 2014 consid. 1.3.2). Lorsque l'opposition n'est pas valable, notamment car elle est tardive (cf. ATF 142 IV 201 consid. 2.2 p. 204), le tribunal de première instance n'entre pas en matière (cf. Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification de la procédure pénale, FF 2006 1275 ad art. 360).

3.2. Selon l'art. 85 CPP, les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception (al. 2); le prononcé est réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n'a pas été retiré dans les 7 jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s'attendre à une telle remise (al. 4 let. a).

Une personne ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé, au sens de l'art. 85 al. 4 let. a CPP, que lorsqu'il y a une procédure en cours, la concernant, qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, à savoir de faire en sorte, entre autres, que les décisions relatives à la procédure puissent leur être notifiées. Le devoir procédural d'avoir à s'attendre avec une certaine vraisemblance à recevoir la notification d'un acte officiel naît avec l'ouverture d'un procès et vaut pendant toute la durée de la procédure (ATF 134 V 49 consid. 4, 130 III 396 consid. 1.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_314/2012 du 18 février 2013 consid. 1.3.1). L'obligation pour la personne de prendre des dispositions pour être atteinte naît lorsqu'elle est clairement informée par la police qu'elle fait l'objet d'une poursuite pénale (ibidem), donc en particulier lorsqu'elle a été entendue par la police en qualité de prévenu (ACPR/436/2013 consid. 3.1). La communication, par le Ministère public, de l'ouverture d'une procédure n'est pas nécessaire pour admettre que le prévenu entendu par la police doit s'attendre à ce qu'une ordonnance pénale lui soit notifiée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_448/2014 du 30 octobre 2014 consid. 1.2 et références citées).

Il faut cependant réserver le cas où la direction de la procédure est demeurée passive pendant une longue période, laissant à penser que l'affaire aurait été classée. À ce propos, le Tribunal fédéral a considéré que la notification d'une ordonnance de non-entrée en matière trois mois et demi après le dépôt de la plainte ne représentait pas une longue période (arrêt du Tribunal fédéral 1B_675/2011 du 14 décembre 2011).

La doctrine met en parallèle la jurisprudence rendue en matière de droit administratif, laquelle considère qu'un délai de l'ordre d'une année est admissible, avec la situation en matière d'ordonnance pénale, se demandant si celui qui a été entendu une fois par la police - par exemple pour une infraction à la LCR - doit véritablement s'attendre durant un an à recevoir une communication et organiser ses affaires en conséquence. L'auteur finit par demander si, dans le cas particulier de l'ordonnance pénale, un laps de temps jusqu'à six mois ne serait pas plus raisonnable (Ch. DENYS, Ordonnance pénale : questions choisies et jurisprudence récente, in SJ 2016 II p. 125ss, p. 130 et références citées).

La Chambre de céans a eu la même appréciation, en estimant que l'écoulement d'un délai de quatre mois entre l'audition à la police du prévenu et la notification de l'ordonnance pénale permettait d'appliquer l'art. 85 al. 4 let. a CPP (ACPR/470/2013 du 10 octobre 2013 ; ACPR/202/2016 du 12 avril 2016). En revanche, elle a jugé que l'écoulement de huit mois et demi entre ces deux mêmes actes devait être considéré comme une longue période de passivité du Ministère public, au sens de la jurisprudence, de sorte que le prévenu pouvait penser que cette affaire avait été classée (ACPR/825/2017 du 30 novembre 2017 ; ACPR/78/2014 du 3 février 2014). La Chambre de céans a toutefois admis qu'un prévenu, précédemment entendu en cette qualité, condamné par ordonnance pénale devait s'attendre à recevoir des communications de la part des autorités pénales, y compris un prononcé, à tout le moins pendant les six mois suivants (ACPR/269/2016 du 9 mai 2016 consid. 2.2.).

3.3. En l'espèce, le recourant soutient en vain qu'il ne pouvait de bonne foi s'attendre à la notification d'une ordonnance pénale. Or, il a été auditionné par la police en qualité de prévenu, ce qui lui a été rappelé lors de son audition du 29 novembre 2021 ainsi qu'à l'occasion de la signature du formulaire "droits et obligations du prévenu". Le recourant savait donc qu'il était partie à une procédure pénale et devait ainsi s'attendre à recevoir dans ce cadre des communications de la part des autorités, y compris une ordonnance pénale.

L'écoulement du délai de six mois et deux jours remplit encore les conditions de l'art. 85 al. 4 CPP, au vu des principes jurisprudentiels sus-rappelés. En particulier, ce laps de temps n'est pas excessif et ne prive pas le recourant, comme il le soutient, de ses droits de défense.

De surcroît, il n'est pas pertinent de savoir si le recourant contestait les faits qui lui étaient reprochés, une ordonnance pénale pouvant être rendue si les faits, mêmes contestés, sont établis.

Enfin, durant cette même audition, questionné sur l'adresse où il souhaitait recevoir les communications émanant des autorités, le recourant a, de sa propre initiative, désigné le domicile de B______ à la rue 1______ no. ______, [code postal] C______, comme adresse de notification, précisant que ce dernier lui transmettait encore son courrier.

Dès lors, l'ordonnance pénale du 27 mai 2022, envoyée à cette adresse par recommandé, lui a été valablement notifiée à l'issue du délai de garde postale, le 8 juin 2022. Le délai pour y faire opposition est arrivé à échéance le 20 juin 2022, de sorte que son opposition du 13 octobre 2022 est tardive.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 700.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03) émolument de décision inclus.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui seront arrêtés à CHF 700.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14787/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

615.00

-

CHF

 

Total

CHF

700.00