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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24616/2019

ACPR/842/2022 du 30.11.2022 sur OCL/1099/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : INFRACTIONS CONTRE L'INTÉGRITÉ SEXUELLE;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.319; CP.190

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24616/2019 ACPR/842/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 30 novembre 2022

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me B______, avocate,

recourante,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 23 août 2022 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 5 septembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 août 2022, notifiée le 26 suivant, par laquelle le Ministère public a classé sa plainte.

Le recourante conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 12 novembre 2019, A______, née en 1991, a déposé plainte pour viol contre C______, né en 1956.

Elle avait rencontré le prénommé en automne 2018 et l'avait recontacté "dernièrement" dans le cadre de sa recherche d'emploi. Ils s'étaient revus, le 27 septembre 2019, sur le lieu de travail de celui-ci, puis à quelques reprises ensuite. À ces occasions, trois fois elle l'avait aidé, à titre professionnel. Ils étaient également sortis au restaurant. Le 5 novembre 2019, il était venu la chercher à son domicile et lui avait dit qu'ils iraient manger chez lui. Elle n'était pas rassurée mais s'était raisonnée en se disant que sa peur était ridicule.

Arrivés chez lui, elle était restée vingt minutes, dans le salon, pendant qu'il rendait visite à sa tante. Lorsqu'il était revenu, il l'avait embrassée sur la bouche, sans qu'elle ne le repousse. Ensuite, il lui avait attrapé la main et l'avait amenée dans la chambre à coucher. Dans cette pièce, C______ s'était approché d'elle et avait recommencé à l'embrasser. Il avait forcé pour enlever sa robe par le bas, alors qu'elle s'ôtait normalement par le haut, et tenté de retirer ses collants. Alors qu'elle était vêtue de sa culotte et de ses collants, il lui avait dit d'aller sur le lit et elle s'y était assise au bord. La souhaitant au milieu du lit, il lui avait attrapé les hanches et l'avait poussée sur le lit tout en l'embrassant. Il avait, à nouveau, essayé de retirer ses collants, en les tirant sur les côtés, alors qu'elle les tenait au niveau du ventre. Allongée sur le dos, et les jambes croisées dans une position protectrice, il les lui avait écartées avec force et avait enlevé ses collants. Ensuite, après s'être déshabillé debout au pied du lit, il s'était mis sur elle et avait tenté de lui retirer sa culotte, sans y parvenir. Elle était paralysée et ne pouvait pas bouger.

Au bout de cinq minutes, il s'était rendu dans la salle de bain attenante. Elle pensait qu'il était allé chercher un préservatif, "un couteau et ses amis". Lorsqu'il était revenu avec le préservatif, elle avait été soulagée. Comme il était vieux, elle aurait pu lui donner un coup de pied dans ses "parties" et partir. Il avait, à nouveau, essayé de lui retirer sa culotte de force mais y avait renoncé. Au début, il avait frotté son pénis sur son vagin, sur son vêtement. À ce moment-là, son esprit était parti ailleurs.

Dès qu'il avait commencé à l'embrasser dans la chambre, elle avait protesté et lui avait ensuite, tout le long, répété d'arrêter et crié plusieurs fois "non". Quand il l'avait pénétrée et qu'elle lui avait dit avoir mal, il lui avait répondu qu'il irait plus doucement mais avait continué. Elle avait crié, mais ne disait plus d'arrêter. Il faisait ce qu'il voulait, elle ne s'était donc "plus débattue". Au bout d'un moment, il lui avait retiré sa culotte qui, jusqu'alors, était tirée sur le côté. Il avait tenté de la retourner pour la mettre sur le ventre, mais n'étant "plus là", elle ne parvenait pas à ouvrir ses jambes, ou il n'arrivait pas à les écarter, de sorte qu'il l'avait remise sur le dos. À la fin du rapport sexuel, il s'était rendu dans la salle de bain, puis dans une chambre attenante. Pendant ce temps, elle s'était rhabillée et enfermée dans la salle de bain pour se nettoyer. Puis, elle l'avait rejoint dans le salon et ils avaient discuté, assis sur le canapé. Il l'avait enfin reconduite chez elle.

Elle avait attendu une semaine avant de déposer plainte car les deux jours qui suivirent, elle avait pensé qu'il l'appréciait. Elle avait continué à échanger par messages avec lui, lui envoyant même des vidéos rigolotes, ainsi que des photographies de soutien-gorge et de culotte. Ce n'était qu'au bout du troisième jour qu'elle avait réalisé ce qui lui était arrivé. Elle lui avait alors écrit qu'elle lui avait dit "non", mais qu'il avait quand même "pris ce qu'il voulait". En l'absence de réponse de la part de C______ et souhaitant le faire réagir, elle lui avait réclamé CHF 20'000.-.

b. Entendu le 26 novembre 2019 par la police, C______ a contesté les faits reprochés. Début octobre 2019, A______ l'avait aidé, à trois reprises, dans sa boutique. En parallèle, elle lui écrivait régulièrement pour lui demander de l'argent et proposer des sorties telles que boire un café, manger au restaurant ou aller voir un film. Durant cette période, elle lui avait également envoyé des messages et des photographies afin de l'exciter. Le 5 novembre 2019, alors qu'elle lui avait, à nouveau, demandé de lui prêter de l'argent, il lui avait proposé de se rencontrer après le travail. Le soir venu, elle était montée dans sa voiture et l'avait embrassé sur la bouche. Arrivés dans son salon, elle lui avait sauté dessus pour l'embrasser. Il s'était absenté une dizaine de minutes pour aller voir sa tante. Quand il était revenu, ils avaient recommencé à s'embrasser, sur initiative de A______. Ils étaient ensuite montés dans la chambre à coucher. Elle avait tout de suite enlevé sa robe et lui ses vêtements et ils avaient continué à s'embrasser sur le lit. C'était passionné. Il s'était ensuite rendu dans la salle de bain pour y chercher un préservatif. Lorsqu'il était revenu, elle avait retiré sa culotte. Ils avaient fait l'amour durant dix à quinze minutes au maximum. Tout s'était bien passé. Il l'avait pénétrée vaginalement alors qu'elle se trouvait sur le dos et lui sur elle. Elle montrait des signes de plaisir en faisant des bruits et disant par exemple "vas-y". Après avoir joui, il s'était lavé dans la salle de bain et rhabillé. Elle en avait fait de même. Ensuite, il l'avait ramenée chez elle. Arrivés à destination, il lui avait donné l'argent demandé. Durant leur rapport sexuel, à aucun moment elle n'avait dit "non" ni ne l'avait repoussé. Les jours suivants, elle l'avait contacté, à plusieurs reprises et lui avait notamment demandé de le revoir. Cependant, dès le 7 novembre 2019, la manière dont elle s'adressait à lui avait changée, ce qui l'avait choqué. Elle lui avait notamment dit qu'il l'avait forcée à avoir une relation sexuelle avec lui et demandé CHF 20'000.- puis, en l'absence de réponse, un montant supplémentaire de CHF 3'000.-.

c. En raison de ces faits, le 2 décembre 2019, C______ a déposé plainte contre A______ pour extorsion et chantage (art. 156 CP), dénonciation calomnieuse (art. 303 CP) et calomnie (art. 174 CP).

d. Au cours de la procédure, les parties ont été entendues à plusieurs reprises :

d.a. A______ a, en substance, confirmé sa plainte et les messages envoyés. Avant le soir des faits, elle flirtait avec C______ pour obtenir un travail. Le 5 novembre 2019, seule dans le salon de ce dernier, elle était effrayée mais, dans la mesure où il pouvait devenir son futur patron, elle ne s'imaginait pas qu'il pouvait la violer. Après la "bataille" pour lui ôter ses vêtements, elle n'avait plus eu de reflexe et n'était plus dans son corps. Elle était comme morte. C'était à ce moment-là, qu'il était allé chercher un préservatif. Elle n'arrivait plus à penser et était restée allongée. En les retirant, C______ n'avait pas déchiré ses collants – constaté comme fins, par le Ministère public, lors de l'audience du 9 septembre 2020 –. Durant l'acte, elle n'avait pas bougé. C'était comme "faire l'amour à un cadavre". La porte de la chambre était ouverte. À la suite des évènements dénoncés, elle avait entrepris une thérapie, qu'elle avait interrompue à plusieurs reprises, n'étant pas une personne aimant parler. Instable mentalement, elle ignorait pour quelle raison elle avait accepté de monter en voiture avec C______ après le viol.

d.b. C______ a confirmé sa plainte et ses précédentes déclarations. Lorsqu'ils avaient fait l'amour, ils n'avaient pas changé de position. Elle était restée sur le dos et lui au-dessus d'elle. La porte de la chambre à coucher n'était pas fermée à clé et A______ était libre d'en sortir, ainsi que de la maison. Les jours qui avaient suivis, d'après les messages, elle était heureuse. Il pensait qu'ils étaient dans une sorte de relation mais il avait ensuite réalisé qu'elle ne le voyait que comme un "distributeur d'argent". Il n'existait pas de rapport de dépendance; il lui avait donné de l'argent mais lui disait qu'il fallait qu'elle trouve les moyens de vivre sa vie et de la reprendre en mains.

e. Divers actes d'enquête ont été menés, soit notamment, le 12 novembre 2019, un examen sur la personne de A______. Les examens clinique et gynécologique effectués ont révélé une dermabrasion croûteuse au niveau du dos de la main droite due à un traumatisme contondant avec une composante tangentielle (frottement) et un érythème du vestibule du vagin. Cependant, les lésions étaient trop peu spécifiques pour se prononcer sur leur origine. Ainsi, les constatations effectuées ne permettaient pas aux experts d'affirmer ni d'infirmer la survenue d'une pénétration pénienne au niveau vaginal telle que relatée par l'expertisée, à savoir un rapport sexuel imposé au cours duquel elle aurait tenté de repousser l'homme et se serait débattue.

f. Au cours de la procédure, A______ a produit plusieurs attestations médicales dont il ressort qu'elle présentait, depuis les évènements du 5 novembre 2019, des symptômes intenses de stress aigu post traumatique liés à l'agression qui avaient nécessité un accompagnement médical et une médication, s'amendant avec le temps (attestations du 17 décembre 2019 établie par la Dre D______ et du 10 février 2021 rédigée par E______).

Entendue lors de l'audience du 6 mai 2022, par-devant le Ministère public, E______ a expliqué avoir en outre constaté chez sa patiente des symptômes de type dissociatif évoquant une dépersonnalisation.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public relève que les versions des parties sont contradictoires quant à l'usage d'un moyen de contrainte par C______ lors du rapport sexuel entretenu avec A______ et qu'il s'agissait d'un délit commis typiquement "entre quatre yeux", aucun témoin n'était présent au moment des faits. Toutefois, une condamnation de C______ pour viol était exclue compte tenu de l'ensemble des éléments de preuve objectifs qui entouraient les faits et les déclarations des parties. En effet, C______ avait été constant dans ses déclarations, lesquelles étaient corroborées par les messages échangés entre les parties. En revanche, au regard de ceux-ci, les explications de A______ ne paraissaient pas crédibles. Ainsi, aucun soupçon ne justifiant une mise en accusation n'était établi à l'encontre de C______.

D. a. Dans son recours, A______ reproche, en substance, au Ministère public d'avoir interprété de manière incomplète et erronée le contexte de sa relation avec C______, ainsi que l'acte incriminé et ses suites.

En effet, C______ avait créé, vis-à-vis d'elle, une évidente relation de dépendance, tant affective que professionnelle, notamment compte tenu de leur différence d'âge et de leur situation professionnelle, faisant glisser leur relation vers un mode plus intime, lui faisant miroiter un emploi et lui ayant confié des tâches subalternes alors qu'il savait qu'elle avait besoin d'un travail stable.

En outre, ses déclarations n'avaient pas varié quant à son opposition à l'acte sexuel. Elle avait, à plusieurs reprises, dit "non". Les attestations médicales produites tendaient d'ailleurs à démontrer que les choses ne pouvaient absolument pas s'être passées de manière passionnée et consentie, comme il le prétendait. La légèreté avec laquelle elle s'était adressée à C______ les jours suivants était typique des symptômes de type dissociatif constatés chez elle, de sorte que les messages envoyés dès le 6 novembre 2019 ne sauraient être interprétés à décharge de C______ tant ils ne reflétaient pas son état psychique réel, puisqu'elle souffrait, à ce moment-là, de dépersonnalisation.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

4.             4.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 let. b CPP, le ministère public ordonne le classement de la procédure lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis.

Cette disposition doit être interprétée à la lumière du principe "in dubio pro duriore", selon lequel un classement ne peut être prononcé que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Ainsi, la procédure doit se poursuivre quand une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou que les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infractions graves. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, à ce sujet, d'un pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.1).

4.2. Se rend coupable de viol (art. 190 CP), quiconque, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel.

4.2.1. Le viol est un délit de violence, qui suppose en règle générale une agression physique. Il en résulte que toute pression, tout comportement conduisant à un acte sexuel non souhaité ne saurait être qualifié de contrainte. L'art. 190 CP, comme l'art. 189 CP (contrainte sexuelle), ne protège des atteintes à la libre détermination en matière sexuelle que pour autant que l'auteur surmonte ou déjoue la résistance que l'on pouvait raisonnablement attendre de la victime (ATF 133 IV 49 consid. 4 et 131 IV 167 consid. 3.1). L'infraction visée par l'art. 190 CP exige donc non seulement qu'une personne subisse l'acte sexuel alors qu'elle ne le veut pas, mais également qu'elle le subisse du fait d'une contrainte exercée par l'auteur. À défaut d'une telle contrainte, de l'intensité exigée par la loi et la jurisprudence, et même si la victime ne souhaitait pas entretenir une relation sexuelle, il n'y a pas viol (arrêts du Tribunal fédéral 6B_710/2012 du 3 avril 2013 consid. 3.1 et 6B_311/2011 du 19 juillet 2011 consid. 5.2).

4.2.2. La violence suppose un emploi volontaire de la force physique sur la victime dans le but de la faire céder. Il n'est pas nécessaire que la victime soit mise hors d'état de résister ou que l'auteur la maltraite physiquement. Une certaine intensité est néanmoins requise. La violence suppose non pas n'importe quel emploi de la force physique, mais une application de cette force plus intense que ne l'exige l'accomplissement de l'acte dans les circonstances ordinaires de la vie. Selon le degré de résistance de la victime ou encore en raison de la surprise ou de l'effroi qu'elle ressent, un effort simplement inhabituel de l'auteur peut la contraindre à se soumettre contre son gré. Selon les circonstances, un déploiement de force relativement faible peut suffire. Ainsi peut déjà suffire le fait de maintenir la victime avec la force de son corps, de la renverser à terre, de lui arracher ses habits ou de lui tordre un bras derrière le dos (arrêt du Tribunal fédéral 6B_894/2021 du 28 mars 2022, destiné à la publication, consid. 3.3)

4.2.3. En introduisant la notion de "pressions psychiques", le législateur a voulu viser les cas où l'auteur provoque chez la victime des effets tels que la surprise, la frayeur ou le sentiment d'une situation sans espoir, propres à la faire céder, sans pour autant recourir à la force physique ou à la violence (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 précité, consid. 3.1). Pour être qualifiées de contrainte, ces pressions doivent atteindre une intensité particulière (ATF 131 IV 167 consid. 3.1), comparable à celle d'un acte de violence ou d'une menace (ATF 133 IV 49 consid. 6.2) et rendre la soumission de la victime compréhensible (arrêt du Tribunal fédéral 6B_159/2020 du 20 avril 2020 consid. 2.4.3). Au vu des circonstances du cas et de la situation personnelle de la victime, on ne doit pas pouvoir attendre d'elle de résistance, ni compter sur une telle résistance, de sorte que l'auteur peut parvenir à son but sans avoir à utiliser de violence ou de menace (ATF 131 IV 167 consid. 3.1).

L'exploitation de rapports généraux de dépendance ou d'amitié ou même la subordination comme celle de l'enfant à l'adulte ne suffisent, en règle générale pas, pour admettre une pression psychologique au sens de l'art. 190 al. 1 CP (ATF 131 IV 107 consid. 2.2; 128 IV 97 consid. 2b/aa et cc; arrêt du Tribunal fédéral 6B_583/2017 du 20 décembre 2017 consid. 3.1).

4.3. En l'espèce, les deux protagonistes s'accordent à dire qu'ils ont entretenu un rapport sexuel complet le 5 novembre 2019 mais s'opposent sur l'existence d'un consentement de la recourante.

À cet égard, l'examen des éléments constitutifs du viol ne se résume pas à déterminer si la personne de sexe féminin était ou non consentante, mais également à établir l'existence de soupçons suffisants attestant d'une contrainte juridiquement pertinente exercée par le prévenu sur sa partenaire pour parvenir à ses fins.

Or, quand bien même on retiendrait que la recourante n'était pas consentante, il ne ressort pas du dossier que l'élément de contrainte est réalisé.

En effet, l'usage de la force physique par le prévenu – que celui-ci conteste – n'est pas établi. Il n'existe pas de traces cliniques de lésions traumatiques, celles constatées sur la recourante étant trop peu spécifiques pour en connaître leur origine et de surcroît attestées plusieurs jours après les faits. De plus, la recourante s'est peu étendue sur la description des actes de contrainte qu'aurait utilisés le prévenu et sur les gestes de défense qu'elle lui aurait opposés. Elle s'est limitée à indiquer qu'il lui avait décroisé les jambes et retiré ses vêtements avec "force" – ce qu'il conteste également –, sans préciser l'énergie qu'il y aurait investie. Aucun élément objectif ne permet de retenir qu'elle atteignait celui nécessaire au sens de la jurisprudence. Effectivement, selon la recourante, le prévenu lui avait, avec "force", retiré ses collants, mais ceux-ci – pourtant qualifiés de fins lors de l'audience du 9 septembre 2020 – n'ont pas été endommagés. Les autres vêtements, en particulier, sa culotte, que le prévenu aurait tenté de retirer à plusieurs reprises et tirée sur le côté, n'a pas non plus été altérée. S'agissant de sa robe, toujours selon la recourante, le prévenu avait "forcé" pour la retirer. Or, cela peut s'expliquer dans ce contexte par le fait qu'il aurait tenté de l'enlever par le bas, alors qu'elle s'ôtait par le haut.

En outre, la recourante n'a pas fait état d'une quelconque résistance – hormis verbale, qui est contestée –. Selon elle, d'abord, ils s'étaient embrassés, ce qu'elle avait accepté et ensuite elle était restée allongée, sans bouger, alors qu'il était allé chercher un préservatif. D'ailleurs, lors de la pénétration, lorsqu'elle lui avait dit avoir mal, il avait continué plus doucement, sans qu'elle ne lui demande plus d'arrêter. Il n'apparaît pas non plus qu'elle aurait tenté de s'enfuir malgré les occasions qui s'étaient présentées à elle. En effet, à leur arrivée, elle était restée seule dans le salon, au minimum vingt minutes; puis sur le lit, lorsque le prévenu était allé prendre un préservatif dans la salle de bain et après le rapport lorsqu'il était allé se laver et se changer. Elle n'était pas partie alors même qu'elle aurait été en mesure de le faire, la porte de la chambre à coucher étant ouverte et rien ne laissant supposer que la porte de la maison fût verrouillée. D'ailleurs, selon ses propres dires, le prévenu étant "vieux", elle reconnaissait qu'elle aurait même pu lui donner un coup dans ses "parties" et partir, ce qu'elle n'a manifestement pas fait.

Par ailleurs, la recourante ne fait état d'aucune menace particulière proférée par le prévenu à son encontre, qui aurait été susceptible d'annihiler sa résistance. Elle ne dépeint pas non plus de comportement de la part de ce dernier de nature à lui faire craindre un préjudice sérieux et propre à la faire céder. Elle l'avait suivie dans la chambre à coucher et s'était assise au bord du lit alors qu'ils s'embrassaient. D'ailleurs, elle s'était imaginée, lorsqu'il était allé chercher un préservatif, qu'il apporterait également un couteau et des amis "cachés", le simple comportement du prévenu ne constituant pas une menace. Ces éléments ne témoignent donc pas d'une attitude d'intimidation.

Enfin, la relation entretenue par les parties, leur différence d'âge ou même l'expectative d'un travail par la recourante ne permettent pas de retenir l'existence d'un état de dépendance de celle-ci vis-à-vis du prévenu. Ce d'autant moins qu'en raison de leur relation, elle a réussi à obtenir de l'argent de la part du prévenu.

Ainsi, quand bien même l'absence de consentement de la recourante ne serait pas mise en doute, la narration qu'elle a faite des évènements ne permet pas de retenir de contrainte au sens de l'art. 190 CP.

Les éléments constitutifs d'un viol ne sont par conséquent pas réalisés et l'ordonnance entreprise est fondée.

5.             Partant, le recours doit être rejeté.

6.             La recourante succombe (art. 428, 1ère et 2ème phrases, CPP), mais, dans la mesure où l'assistance judiciaire lui a été accordée, elle sera exonérée des frais de la procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).