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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24661/2020

ACPR/348/2022 du 13.05.2022 sur OTMC/1280/2022 ( TMC ) , REJETE

Descripteurs : AVEU;RISQUE DE COLLUSION
Normes : CPP.160; CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24661/2020 ACPR/348/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 13 mai 2022

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me C______, avocate, ______, Genève,

recourant

contre l'ordonnance rendue le 20 avril 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte

et

 

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés

 


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 2 mai 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 20 avril 2022, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a refusé de le mettre en liberté et autorisé la prolongation de sa détention provisoire jusqu'au 21 juin 2022.

Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance et à sa mise en liberté immédiate, le cas échéant assortie de mesures de substitution.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.        A______, ressortissant suisse domicilié à Genève, a été appréhendé et placé en détention provisoire pour exercer illégalement la profession de physiothérapeute ; employer sous cette dénomination au moins une personne qui ne bénéficie d’aucune formation ni d’aucun diplôme en la matière, ainsi que du personnel administratif ou de nettoyage non déclaré ; et escroqué des caisses maladie en obtenant le paiement de séances de physiothérapie en réalité non dispensées.

Il conteste les faits, qui se seraient produits entre 2015 et 2020.

b.        Lors de la perquisition, la police a découvert, dans la pièce servant de bureau et dont lui seul détenait la clé, un tiroir contenant au moins deux cents fiches de patients intitulées ou annotées "SFV" – pour "séances à faire valoir" –. Des dossiers similaires se trouvaient aussi à l’accueil. Cette classification correspondrait aux reliquats de séances dont le nombre, tel que prescrit sur les bons délivrés par les médecins, n’était pas ou pas totalement épuisé et qui aurait été fallacieusement facturé aux assureurs.

A______ a immédiatement demandé que ces dossiers "SFV" soient (avec d’autres) placés sous scellés.

c.         Le Ministère public a chargé la police d’entendre une douzaine de personnes, comprenant le personnel, ancien ou actuel, du cabinet. Ces auditions sont en cours, mais non encore achevées.

d.        Le 28 mars 2022, A______, par son défenseur, a renoncé aux scellés apposés sur sept lots de documents. Les dossiers de patients "SFV", tels que répertoriés aux positions nos 7, 11 et 23 de l’inventaire des pièces à conviction, n’en font pas partie.

e.         Le 12 avril 2022, le Ministère public a reçu les procès-verbaux d'audition de quatre personnes entendues à titre de renseignements (art. 178 let. d CPP). L'une avait travaillé, sans titre de séjour, pour le prévenu entre janvier 2017 et septembre 2020, pratiquant essentiellement des massages, qui constituaient la demande d'une grande partie de la clientèle. Une autre, physiothérapeute, avait effectué un stage en vue d'équivalence, mais l'avait interrompu par "lassitude". Une troisième avait travaillé comme assistante de physiothérapie et de massothérapie entre décembre 2019 et septembre 2020 et s'était consacrée à des drainages lymphatiques, qu'elle pratiquait seule. Le quatrième auditionné est un physiothérapeute, qui a déclaré, d'une part, que son collègue en réalité dépourvu de ce titre lui avait affirmé être porteur d'un tel diplôme et, d'autre part, que des patients le considéraient comme tel.

f.         Le 13 avril 2022, A______ et celui qu'il faisait passer pour un physiothérapeute (et utilisait selon leurs propres termes communs comme un homme à tout faire) ont été confrontés. A______ a justifié ses agissements par des problèmes de santé. Il employait encore deux "aides physios", dont les actes, de relaxation ou de massage, ne mettaient pas en danger les patients et étaient facturés comme des prestations de physiothérapie "simples". Lorsque les clients interrompaient leur traitement, il facturait aux assurances les séances non dispensées et les "gardait" à part, comme encore dues, son secrétariat se chargeant de les leur rappeler périodiquement. Il croyait que les bons délivrés par les médecins avaient une durée de validité de six mois, mais avait été mal informé.

Il a concédé avoir été mû par un dessein d'enrichissement illégitime, soit assurer sa retraite, voire cesser plus tôt son activité professionnelle, mais a soutenu que le système des séances à faire valoir visait uniquement à faire plaisir aux patients, non à empocher la contre-valeur des séances non dispensées dans la conviction que la clientèle les oublierait.

Il a demandé sa mise en liberté.

g.        Le 14 avril 2022, la Chambre de céans a rejeté un recours de A______ contre son placement en détention jusqu'au 22 avril 2022 (ACPR/253/2022).

h.        Le même jour, le Ministère public a refusé la demande de libération et saisi le TMC d'une demande de prolongation de détention.

C.            Dans l'ordonnance querellée, le TMC retient que les charges restent suffisantes, ne se sont pas amoindries depuis son dernier examen et ne sont pas contestées par A______. Les actes d'instruction en cours nécessitaient la détention, car toutes les personnes à entendre n'avaient pas encore été auditionnées par la police. Il en résultait un risque de collusion, dont l'autorité de recours avait jugé qu'il ne pouvait être pallié par des mesures de substitution.

D.            a. À l'appui de son recours, A______ estime que seule une personne resterait à entendre par la police. Dès lors, une prolongation de deux mois ne se justifiait pas. Au demeurant, le Ministère public avait motivé la précédente prolongation, d'une durée d'un mois seulement, par la nécessité d'une confrontation avec trois (autres) témoins, laquelle ne s'était pas tenue durant ce laps de temps, sans que le Ministère public ne s'en explique. Il était par ailleurs passé aux aveux, ce qui ruinait tout risque de collusion. Dans sa pratique, la Chambre de céans avait retenu à plusieurs reprises qu’une interdiction de contact pouvait être un palliatif suffisant à celui-ci; il en pourrait aller de même en imposant pareille interdiction envers dix-sept personnes, énumérées dans l'acte de recours. Une assignation à domicile et une interdiction d'approcher le cabinet de physiothérapie contribueraient aussi à réduire le risque de collusion. Le TMC n'avait pas motivé pourquoi il s'y refusait.

b. Le TMC maintient sa décision, sans autres observations.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours, se référant essentiellement à des informations qui lui auraient été communiquées oralement par la police, ainsi qu'à des mandats qu'il aurait décernés à celle-ci les 21-22 mars 2021 (recte : 2022). Les trois personnes qu'il annonçait vouloir confronter au prévenu le seraient le 17 mai 2022.

d. En réplique, le recourant a persisté dans ses moyens.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 384 let. b, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne remet pas en cause les charges recueillies contre lui. Il n’y a pas à s’y attarder mais à renvoyer, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art. 82 al. 4 CPP ; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références), qui expose les indices graves et concordants pesant toujours sur lui.

3.             Le recourant conteste tout risque de collusion.

3.1. Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt public lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire disparaître ou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou d'autres prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations (art. 221 al. 1 let. b CPP). On ne saurait toutefois se contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est inhérent à toute procédure pénale en cours et doit, pour permettre à lui seul le maintien en détention préventive, présenter une certaine vraisemblance. L'autorité doit ainsi démontrer que les circonstances particulières de l'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de telles manœuvres, propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 p. 127 s. ; 132 I 21 consid. 3.2 p. 23; 128 I 149 consid. 2.1 p. 151; 123 I 31 consid. 3c p. 35 et les références).

3.2. En l'occurrence, le premier juge retient à juste titre la nécessité de préserver les confrontations entre le recourant et les membres, actuels ou passés, du personnel de son cabinet. Le Ministère public annonce dans ses observations une audience réservée à ces fins, le 17 mai 2022. La présomption que certaines de ces personnes seraient a priori vulnérables à des formes de pression du recourant n'a pas changé depuis la dernière décision de la Chambre de céans.

Le recourant s'en défend, au motif qu'il aurait passé aux aveux. À se fier aux développements circonstanciés du premier juge sur les charges suffisantes, la coopération du recourant n'est peut-être pas aussi pleine et entière que celui-ci l'affirme. Au terme de cet examen, le TMC qualifie du reste ces aveux de "partiels". En outre, le Ministère public reste tenu de s'assurer de leur crédibilité (art. 160 CPP).

Or, le recourant ne revient pas sur l’impossibilité actuelle d’accéder aux documents dont il a demandé la mise sous scellés, soit ceux portant sur les séances encore à faire valoir (« SFV »), dont le contenu aiderait assurément à asseoir la fiabilité de ses aveux. La Chambre de céans a retenu que cette situation participait du risque de collusion, pour des motifs auxquels il peut être renvoyé (ACPR/253/2022 consid. 4.2.).

L'enjeu n'est pas négligeable, puisque le recourant prétend que sa clientèle était relancée par son secrétariat pour épuiser les bons "SFV" encaissés et qu'une ancienne employée a affirmé que des patients se souciaient souvent davantage d'obtenir des massages que des prestations physiothérapeutiques à proprement parler, par quoi il peut être inféré qu'ils seraient indifférents à être pris en charge ou non par des professionnels dûment diplômés. La véracité de ces assertions doit pouvoir être vérifiée, au moins par échantillonnage.

Le recourant propose, à titre subsidiaire, de proscrire toute "communication" directe ou indirecte avec dix-sept autres personnes, qu’il énumère. On ne voit pas comment une interdiction aussi étendue pourrait être efficacement contrôlée, et le recourant ne le dit pas. L'identité complète et exacte de toutes ces personnes, qui sont à vrai dire celles que le Ministère public a chargé la police d'entendre, n'apparaît même pas formellement établie.

Sur ces questions, le premier juge a renvoyé, en p. 4, 6e considérant, de sa décision, aux développements de l'ACPR/253/2022. Il n'a donc pas manqué à son obligation de motiver le refus de mesures de substitution.

Enfin, le parallèle tiré par le recourant avec des décisions rendues en d'autres causes par la Chambre de céans n'est pas pertinent, comme réfuté dans l'ACPR/253/2022 (consid. 4.2. in fine).

4.             Le principe de la proportionnalité n'est pas plus violé aujourd'hui qu'il ne l'était lors du précédent recours, nonobstant le temps écoulé. La durée de la détention provisoire actuelle du recourant reste en adéquation avec la gravité des délits poursuivis et la sanction prévisible (ATF 142 IV 389 consid. 4.1 p. 395).

5.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

6.             Le recourant, bien qu'au bénéfice de l'assistance juridique, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4 et 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6). Ces frais seront arrêtés en totalité à CHF 900.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

7.             Il n'y a pas lieu d'indemniser à ce stade le défenseur d'office (art. 135 al. 2 CPP).

En tant que le recours procède d'une rediscussion d'arguments déjà écartés – récemment – par la Chambre de céans, le recourant est toutefois averti que la défense d'office accordée en première instance n’est pas un blanc-seing pour interjeter des recours rapprochés en matière de détention, sans faits nouveaux, mais aux frais de l'État, car l'exigence des chances de succès de telles démarches peut lui être opposée, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1). Son défenseur encourrait, par conséquent, un refus de prise en charge de ses honoraires pour l'instance de recours, s'il méconnaissait ces considérations à l'avenir.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés en totalité à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/24661/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

900.00