Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/401/2024 du 15.11.2024 sur AARP/116/2023 ( REV )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE P/12914/2013 AARP/401/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 15 novembre 2024 |
Entre
A______, domicilié ______, ISRAËL, comparant par Me B______, avocat,
demandeur en révision,
contre l’arrêt AARP/116/2023 rendu le 28 mars 2023 par la Chambre pénale d’appel et de révision,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
cité.
EN FAIT :
A. a. Par arrêt AARP/116/2023 du 28 mars 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a notamment reconnu A______ coupable de corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies du code pénal [CP]) et l’a condamné à une peine privative de liberté de trois ans, l’a mis au bénéfice du sursis partiel, la partie ferme étant arrêtée à 18 mois et le solde assorti d’un délai d'épreuve de trois ans. Elle a prononcé à son encontre, en faveur de l'État de Genève, une créance compensatrice de CHF 50 millions, a rejeté ses conclusions en indemnisation et mis les frais de la procédure à sa charge, solidairement avec les autres condamnés.
Des recours au Tribunal fédéral, formés par A______, le Ministère public (MP) et les autres prévenus (non concernés par la présente procédure de révision), sont actuellement pendants contre cet arrêt.
b. La CPAR a tenu des débats contradictoires à partir du 29 août 2022, et rendu son arrêt après avoir gardé la cause à juger le 6 septembre 2022. Elle a notamment fondé sa décision sur les déclarations de C______, auditionné par le MP et la CPAR en qualité de personne appelée à donner des renseignements (PADR) au sens de l’art. 178 let. d du code de procédure pénale (CPP), le précité ayant à chaque fois été mis au bénéfice d’un sauf-conduit.
Aux débats d’appel, les conseils de A______ se sont opposés à l’audition de C______ en qualité de PADR, soutenant qu’il devait être entendu comme témoin. Ils ont notamment soulevé un incident sur ce point, en plaidant ce qui suit (PV d’audience, 1er septembre 2022, p. 57) : « Me B______ informe la Cour que suite à l'audience qui s'est tenue par-devant la Cour Suprême en Israël dimanche dernier, la requête visant à obtenir accès au contenu du dossier [relatif à l'accord de témoin de la Couronne de C______] a été rejetée par décision qui a été notifiée mardi 30 août 2022 en invoquant un intérêt national supérieur, dont la teneur ne nous est pas connue puisqu'elle a été plaidée en dehors de la présence de la défense. Nous tentons de faire traduire cette décision que nous verserons à la procédure. Me B______ précise encore que C______ a été entendu dans le cadre de cette demande et qu'il s'est opposé à ce qu'il soit fait droit à la demande d'accès. ».
Lors de son audition, au cours de laquelle il était assisté par son avocat, C______ a refusé de répondre aux nombreuses et insistantes questions de la défense sur son statut procédural en Israël. Une pièce provenant de ce pays lui ayant été soumise par les avocats de A______, il a répondu ceci : « A______ essaie de manière consciente d'embrouiller le tribunal et cela me montre qu'il n'a aucune limite car il est écrit dans le document même, que l'existence même de ce document est confidentielle. ». Il a par ailleurs nié tout contact entre le MP genevois et ses avocats israéliens avant la constitution de son conseil à Genève en juillet 2018.
c.a. Dans son arrêt du 28 mars 2023, la CPAR a retenu ce qui suit au sujet du statut procédural de C______ (consid. 4.1 de l’arrêt AARP/116/2023) :
4.1.1. A teneur de l'art. 178 CPP, est entendu en qualité de PADR quiconque, sans être soi-même prévenu, pourrait s'avérer être soit l'auteur des faits à élucider ou d'une infraction connexe, soit un participant à ces actes (let. d), de même que quiconque a le statut de prévenu dans une autre procédure en raison d'une infraction qui a un rapport avec les infractions à élucider (let. f).
4.1.2. Les règles régissant l'audition en qualité de PADR étant destinées à protéger la personne interrogée, c'est avant tout celle-ci qui pourra se plaindre qu'elle n'a pas été entendue en la bonne qualité. Cette faculté est toutefois également offerte au prévenu notamment dans l'hypothèse où il se verrait privé à tort de la possibilité de poser des questions à l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1028/2020 du 1er avril 2021 consid. 1).
4.1.3. Sur un plan général, la PADR a une position intermédiaire entre le prévenu et le témoin. Contrairement au prévenu, la PADR ne fait l'objet d'aucun reproche concret (art. 111 al. 1 CPP), mais n'est pas, à la différence du témoin, entièrement mise hors de cause (art. 162 CPP ; ATF 144 IV 28 consid. 1.3.1).
4.1.4. Une personne qui a fait l'objet, à l'issue d'une procédure distincte, d'un jugement entré en force à raison des faits à élucider ou de faits en relation avec ceux-ci doit en principe être entendue en qualité de témoin (ATF 144 IV 97 consid. 2 et 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1028/2020 précité consid. 1.3).
4.1.5. En l'espèce, C______ est, selon l'accusation, intervenu à tout le moins à deux occasions dans le complexe de faits objet de la présente procédure, soit dans le volet roumain, en lien avec l'achat et la revente des terrains par le biais de D______ (cf. supra p. 214 ss), ainsi qu'en opérant un transfert de USD 1.5 million en faveur de E______, ce montant étant in fine parvenu à F______ (cf. supra p. 172 ss).
Dans ce contexte, si sa participation avec conscience et volonté au schéma corruptif n'a pu clairement être démontrée du point de vue du MP, il en a manifestement été objectivement l'un des maillons, ce qui justifie d'ores et déjà, au regard de l'art. 178 let. d CPP, que le statut de PADR lui soit conféré dans le cadre de la présente procédure.
C'est d'ailleurs en cette qualité [que] l'intéressé a été convoqué et entendu au MP, durant deux jours d'audience consécutifs, sans que cela ne suscite de réaction des prévenus.
En tout état, l'attribution de ce statut se justifie également en application de l'art. 178 let. f CPP.
En effet, il est établi et non contesté par les parties qu'une procédure pénale est ouverte en Israël, laquelle implique notamment A______ et C______ et porte sur un complexe de faits similaire à celui à l'origine de l'ouverture de la présente procédure.
Il est par ailleurs constant que C______ bénéficie, dans le cadre de cette procédure connexe, du statut de "cooperating witness", et ce depuis l'année 2017.
Durant les débats d'appel, deux pièces ont été produites, la première décrivant C______ comme un suspect et la seconde le qualifiant de témoin. La nature de ces documents est toutefois différente, le premier étant une pièce procédurale informant l'intéressé de la suite de la procédure, tandis que le second consiste en une ordonnance adressée aux médias, auxquels il est enjoint de maintenir confidentiels l'identité du précité et de sa famille.
Considérant que le principe même des accords de témoin consiste, pour les autorités pénales, à obtenir des informations permettant d'enrichir leur enquête en l'échange d'avantages – souvent procéduraux – conférés à celui qui accepterait de collaborer, c'est notoirement à des suspects que le statut de "cooperating witness" est conféré.
Fondée sur ce qui précède, la CPAR retient que les deux pièces considérées, dont il est rappelé qu'elles ont toutes deux été établies bien après la conclusion de l'accord de coopération, ne sont pas contradictoires, mais décrivent, dans deux contextes différents, la dualité du statut dont bénéficie l'intéressé dans la procédure israélienne.
Pour le surplus, A______ ne saurait se prévaloir de ce que l'attribution du statut de PADR à C______ l'entraverait dans ses droits de défense en l'empêchant d'obtenir des réponses aux questions posées. En effet, à l'exception des contours de la procédure pénale israélienne en cours, sur lesquels ce dernier a refusé de s'exprimer en faisant valoir des restrictions à l'évidence liées à son statut de "cooperating witness", points dont la pertinence a fait l'objet d'un examen plus haut (cf. supra p. 261 ss), l'intéressé a répondu exhaustivement à toutes les questions qui lui ont été posées, que ce soit par la Cour de céans ou les prévenus.
Cela étant, il va de soi que l'implication de C______ dans la procédure pénale connexe et les intérêts concurrents qu'il pourrait de ce fait avoir avec les prévenus dans la présente procédure, le statut privilégié dont celui-ci bénéficie en Israël, de même que son évidente animosité à l'égard de A______, sont autant d'éléments qui amèneront la Cour de céans à apprécier les déclarations de l'intéressé avec une retenue toute particulière.
c.b. La Cour a par ailleurs refusé de tenir compte d’une pièce relative au statut de C______, produite après la clôture de la procédure probatoire, pour les motifs suivants (consid. 4.2 de l’arrêt AARP/116/2023) :
4.2.1. Conformément à l'art. 345 CPP, applicable par renvoi de l'art. 405 al. 1 CPP, le tribunal donne aux parties l'occasion de proposer de nouvelles preuves avant de clore la procédure probatoire.
Passée cette étape, les parties à une procédure d'appel orale n'ont plus la possibilité de formuler des offres de preuves (arrêt du Tribunal fédéral 6B_542/2016 du 5 mai 2017 consid. 3.4.3 ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], op. cit., n. 3 ad art. 345).
4.2.2. L'art. 349 CPP, applicable aux débats d'appel par renvoi de l'art. 379 CPP, prévoit que lorsque l'affaire n'est pas en état d'être jugée, le tribunal décide de compléter les preuves, puis de reprendre les débats. Une certaine marge de manœuvre doit être laissée au juge pour déterminer les preuves nécessaires à l'établissement des faits (arrêt du Tribunal fédéral 6B_584/2018 du 30 août 2018, consid 1.2).
4.2.3. En l'espèce, considérant les principes juridiques rappelés ci-dessus, c'est à bon droit que la CPAR a refusé le dépôt, par le conseil de A______, d'une pièce nouvelle au stade des plaidoiries au fond, au motif que ce dernier était forclos à agir.
Fondée sur les explications complémentaires fournies ensuite dans la plaidoirie du défenseur quant au contenu de la pièce litigieuse (décision de la Cour Suprême d'Israël consacrant le refus de donner accès à l'accord de témoin de la Couronne de C______), la CPAR est par ailleurs légitimée à considérer que celle-ci n'est pas nécessaire au traitement de l'appel.
A titre superfétatoire, la CPAR relève que le rejet de cette pièce s'impose encore au regard du principe de la bonne foi en procédure (cf. art. 5 al. 3 Cst. ; art. 3 al. 2 let. b CPP, disposition également applicable aux parties nonobstant sa teneur), dès lors que selon les informations fournies par la défense, la décision de la Cour Suprême d'Israël a été rendue plusieurs jours avant la clôture de la procédure probatoire, étant rappelé que A______, en sa qualité de requérant, a eu un accès direct au document et qu'il était manifestement en mesure d'en offrir une traduction libre à ses conseils genevois, considérant son aisance en langue française.
d. La défense de A______ a également cherché à démontrer l'existence d'un accord qui aurait été conclu par le MP avec C______, voire au-delà avec les autorités israéliennes, garantissant au premier cité l'impunité dans la procédure genevoise en l'échange de déclarations incriminantes visant A______. La CPAR a refusé d’auditionner G______, ancien Procureur, qui avait instruit la procédure (arrêt AARP/116/2023 consid. 3.3.3.1.3). Elle a retenu à ce sujet ce qui suit :
3.2.3.2. En l'espèce, dans un premier moyen, les appelants relèvent que les déclarations de C______ seraient inexploitables, dès lors que ce dernier bénéficierait du statut de "cooperating witness" dans la procédure israélienne et que le contenu de l'accord conclu ne serait pas connu.
Cette problématique ayant d'ores et déjà été examinée au regard de l'accord conclu par F______ avec les autorités américaines, il est fait référence aux développements figurant ci-dessus, étant précisé que l'avis de droit de H______ produit par A______, n'est pas de nature à modifier la position de la Cour.
En effet, outre que l'exploitabilité des preuves par les autorités suisses s'examine à l'aune des règles de procédure de ce pays, force est de constater que les principes applicables en droit israélien sont sensiblement identiques à ceux régissant, en Suisse, l'appréciation des déclarations d'un "cooperating witness" (nécessité de connaître l'existence de l'accord, valeur probante réduite des déclarations en l'absence de preuves corroborantes), avec la précision qu'en tant qu'elle évoque l'exigence de connaître le contenu de l'accord et les contours de sa négociation, la contribution de Me H______ n'est, comme celle du Prof. I______, aucunement documentée.
Il sera encore relevé, à titre superfétatoire, que les appelants ont requis à de multiples reprises l'audition de C______, alors qu'ils étaient pleinement informés du statut de "cooperating witness" dont il bénéficiait en Israël. Dans ce contexte, on ne peut que s'étonner qu'ils déploient, à ce stade, de tels efforts pour écarter les déclarations recueillies par le Procureur genevois au motif qu'ils ne connaissent pas le contenu de l'accord considéré.
Dans un second moyen, les appelants se fondent sur l'existence de promesses illicites faites par le Procureur genevois à C______, auquel il aurait été garanti l'impunité dans la procédure suisse en l'échange de ses déclarations incriminantes. Ils soutiennent en particulier que l'intervention spontanée de C______ dans la procédure genevoise, en juillet 2018, ferait suite à un voyage effectué dans ce pays par le Procureur anciennement en charge au mois de février 2018, au cours duquel des conditions auraient été négociées.
Il convient tout d'abord de noter qu'il s'est écoulé un délai de cinq mois entre le voyage et l'intervention litigieux, ce qui laisse d'ores et déjà douter de la corrélation de ces deux événements.
La Cour relève ensuite que les appelants ne sauraient tirer aucun grief du caractère spontané de l'intervention de C______. Il est à cet égard rappelé que J______ a procédé de manière similaire (301'839), sans que cela ne suscite de réaction des prévenus. En outre, la chronologie des événements tend à démontrer que cette intervention n'a aucunement été orchestrée par le Procureur anciennement en charge. En effet, au mois de juin 2018 (soit quatre mois après le voyage litigieux et moins de deux mois avant l'intervention de l'intéressé), le Procureur a invité les parties à lui faire parvenir une liste de questions écrites en vue de l'audition de C______ par commission rogatoire (303'725). Il en résulte que le Procureur ne pouvait, à ce stade, anticiper que l'audition se tiendrait à Genève. La Cour ajoutera encore que C______ n'est pas intervenu seul dans la procédure suisse, mais s'est manifesté par l'intermédiaire de son mandataire, et qu'il a été mis au bénéfice d'un sauf-conduit en vue de son audition, sauf conduit qu'il a à nouveau demandé pour venir témoigner en audience d'appel.
L'absence de mise en prévention de C______ à l'issue de son audition devant le MP, dont la défense fait grand cas, relève manifestement de la stratégie globale inhérente à la procédure, dont on rappelle qu'elle a des ramifications internationales. Le complexe de faits en cause a impliqué, à différents stades et niveaux, de multiples intervenants, dont certains sont visés par des procédures menées à l'étranger et d'autres ont échappé à toute procédure. A______ ne saurait ainsi en déduire l'existence d'une impunité de poursuite accordée à C______ à Genève, étant à cet égard rappelé qu'en audience d'appel, le Procureur a justifié l'absence de mise en prévention de l'intéressé par l'absence de réalisation des éléments constitutifs subjectifs des infractions en cause, considérant qu'il n'avait pas connaissance des manœuvres corruptives que son intervention était destinée à dissimuler.
A______ se fonde encore, pour nourrir la thèse d'une connivence, sur les confidences que lui aurait faites l'avocat israélien de C______, selon lequel son client et son homologue genevois avaient été mis en contact par le Procureur anciennement en charge. La CPAR relève que ces éléments ne sont étayés par aucune preuve tangible.
Dans un pénultième argument, A______ prend appui sur la procédure initiée en Israël auprès de la Cour Suprême (cf. supra p. 223 ss), arguant que le Procureur israélien aurait justifié son refus de produire les documents requis en invoquant la sécurité de l'Etat, dès lors qu'un pays étranger était concerné par l'accord conclu entre C______ et les autorités israéliennes. Il se contente ce faisant d'allégations par ouï-dire, lesquelles n'emportent pas conviction, à plus forte raison dès lors que la décision de rejet de la High Court – dont le conseil de l'appelant a fourni un résumé lors de sa plaidoirie au fond – ne semble pas corroborer cette version.
Enfin, la Cour ne voit pas, dans la décision du Procureur genevois de ne plus être en charge de la procédure, une volonté de fuir ou une mise à l'écart forcée suite à l'arrêt 1B_118/2020 rendu par le TF le 27 juillet 2020, ni davantage l'aveu d'un comportement contestable. Bien au contraire, les raisons invoquées par l'intéressé pour motiver sa décision, soit l'écoulement du temps depuis son départ du MP, ainsi qu'une importante charge de travail induite par son nouveau poste, sont davantage propres à emporter conviction.
Il est encore relevé que C______, qui a été entendu contradictoirement à deux occasions dans le cadre de la présente procédure, n'est pas un témoin décisif ni central de l'accusation, ses déclarations – qui sont pour l'essentiel corroborées par des pièces figurant au dossier – ne concernant qu'une seule des transactions visées par l'acte d'accusation. Quant aux déclarations faites par l'intéressé dans le cadre de la procédure israélienne, elles ont été obtenues conformément aux règles régissant l'entraide, ce qui n'est pas contesté par les parties.
Ainsi, la thèse développée par les appelants relève de la conjecture et semble viser in fine une nouvelle demande de récusation du Procureur G______ destinée à faire invalider l'ensemble des actes d'instruction entrepris. Les appelants ne présentent pas de démonstration sérieuse qu'il y aurait eu entente entre le MP et C______ ou au-delà avec les autorités israéliennes.
Partant, rien ne s'oppose à l'exploitabilité des déclarations de C______. Il appartiendra naturellement à la Cour de tenir compte de l'ensemble des circonstances pertinentes pour déterminer leur valeur probante, parmi lesquelles le statut de "cooperating witness" dont il bénéficie en Israël et son apparente animosité à l'égard de A______, étant établi que les intéressés sont parties adverses dans le cadre d'une procédure civile ouverte en Israël, le litige les opposant semblant porter sur plusieurs millions de dollars américains.
e. Dans le cadre de la procédure d’appel, A______ a également sollicité le versement au dossier par le MP de notes descriptives et de toutes traces documentaires des contacts intervenus durant l'instruction entre les représentants du MP et les autorités américaines et israéliennes. Cette réquisition a été rejetée par la CPAR, qui a notamment retenu ceci :
3.3.2.1.3. Les art. 76 ss CPP ne disent rien sur l'obligation d'enregistrer les réunions entre les autorités chargées de l'enquête. Et pour cause, les entretiens de collaboration ne doivent ni être documentés, ni figurer dans le dossier de la procédure. Ces réunions ne constituent en effet pas des actes de procédure, car elles ne sont pas des preuves et ne sont pas utiles pour établir des faits (arrêt du Tribunal pénal fédéral SK.2018.46 [du 16 décembre 2019] consid. 8.7.2).
D'ailleurs, en matière d'entraide pénale internationale, sous réserve de l'obligation faite aux autorités de consigner toute transmission spontanée dans un procès-verbal (art. 67a de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale [EIMP]), le législateur a non seulement renoncé à édicter toute prescription de forme, mais a même envisagé la possibilité de communication informelle, téléphonique ou verbale, entre les autorités, de tels contacts informels restant dans la nature des choses (…).
Ne sont pas soumis au droit de consulter le dossier les documents internes à l'administration, tels que les notes personnelles de l'autorité ou des parties, les documents de travail et les rapports strictement internes, qui sont exclusivement destinés à la formation interne de l'opinion et n'ont pas de caractère probatoire (ATF 129 I 85 consid. 4.1, JdT 2005 IV 79 ; 125 II 473 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1419/2022 précité consid. 3.3.1 ; 6B_28/2018 du 7 août 2018 consid. 7.4).
3.3.2.1.6. Il est admis que les procédures pénales de grande ampleur, à ramifications internationales, nécessitent incontestablement une certaine coordination entre les autorités concernées. Les réunions ne sont ainsi pas soumises à l'obligation d'établir un procès-verbal lorsqu'elles ont un objectif de coordination. Ce n'est que si les réunions ont une importance concrète pour la procédure pénale menée contre les prévenus que l'absence de procès-verbal peut contrevenir aux art. 76 ss et 100 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1419/2022 précité consid. 3.3.1 et 3.4).
3.3.2.1.7. En l'espèce, il est établi et non contestable que la présente procédure est complexe et possède des ramifications internationales, dès lors que plusieurs pays ont simultanément été saisis de procédures portant sur des faits sensiblement similaires. Cette situation a justifié le recours à des mesures d'entraide, lesquelles impliquent nécessairement une coopération et une coordination entre les Etats – se concrétisant par des échanges informels visant notamment à connaître l'ordre juridique des pays impliqués et à être renseigné sur l'avancement des procédures parallèlement menées – dont il est admis que le contenu échappe à la maîtrise des parties.
Les appelants sollicitent la production des notes personnelles du procureur anciennement en charge, considérant qu'il existerait des indices concrets quant à l'existence de conditions négociées avec les autorités étrangères. Au cœur de leur argumentation, les appelants évoquent trois voyages effectués par le Procureur anciennement en charge et dont ils ont été informés fortuitement, qu'ils mettent en relation avec divers actes de procédure, soupçonnés d'avoir été obtenus ou administrés illicitement, soit par le biais de promesses ou de conditions négociées.
A cet égard, la CPAR ne peut que regretter, comme la CPR (ACPR/107/2020 du 7 février 2020) et le TF (arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020) avant elle, que le Procureur visé n'ait pas fait preuve de davantage de transparence quant aux voyages effectués. L'existence de ces voyages ne saurait toutefois, à elle seule et sans autre indice, laisser présumer que des moyens de preuves aient été obtenus illicitement par ce biais, ni davantage suffire à déclarer inexploitable tout acte d'instruction ultérieur, étant rappelé que la demande de récusation formée contre le Procureur anciennement en charge a été déclaré irrecevable, en dernier lieu par le TF.
La Cour relève d'ailleurs que les voyages ont eu lieu tandis que des requêtes d'entraide passive ou active étaient en cours, ou à un stade précédant de nouvelles requêtes d'entraide.
En outre, le Procureur anciennement en charge a affirmé, de manière constante (cf. 701'477 ; cl. 1 TCO, p. 258 ; cl. 8 TCO, p. 401), qu'aucun acte d'instruction n'avait été accompli en dehors du cadre légal, que ce soit en Israël ou ailleurs, et a justifié les voyages considérés par la nécessité de coordonner et d'assurer l'avancement des procédures d'entraide. Rien ne permet à la Cour de douter de ces constats, ce d'autant que toutes les pièces figurant à la procédure ont été obtenues conformément aux règles sur l'entraide, ce qui n'est d'ailleurs pas remis en cause par les parties. Pour le surplus et comme relevé précédemment, de tels contacts informels ne constituent pas des actes de procédure devant figurer au dossier.
(…)
Force est en tout état de constater que les appelants se contentent de mettre en lien les voyages litigieux avec des actes de procédure, sans toutefois fournir d'éléments venant corroborer leur propos. Ainsi, ils affirment que le voyage à K______ [États-Unis] du mois d'octobre 2016 serait à l'origine de la constitution de partie plaignante [du pays africain] L______ en février 2017 et de l'audition de F______ en M______ [États-Unis] en juillet 2017, que le voyage en Israël au mois de mars 2017 aurait permis l'audition de C______ dans ce pays en août 2017, et enfin que le voyage en Israël du mois de février 2018 aurait induit l'intervention spontanée de C______ dans la procédure genevoise en juillet 2018.
Outre par un rapprochement chronologique, les appelants échouent ainsi à démontrer en quoi les actes de procédure visés auraient été influencés, voire dictés par des manœuvres illicites du Procureur genevois.
(…) L'audition de C______ en Israël a été effectuée par les autorités israéliennes dans le cadre d'une procédure tierce et le procès-verbal y relatif a été joint à la présente procédure dans le respect des règles régissant l'entraide. Enfin, les contours de l'intervention spontanée de C______ dans la procédure genevoise ont été examinés par la Cour et il est renvoyé pour le détail aux développements ci-dessus (…).
Au vu de ce qui précède, la Cour relève qu'aucun élément concret ne permet de considérer que les voyages litigieux et les discussions qui ont été menées dans ce cadre auraient eu une autre vocation que celle de coordonner les procédures en cours et d'assurer l'avancement de la procédure, partant de mener efficacement l'instruction de la présente cause. Or, de tels contacts informels ne constituent pas des actes de procédure. Ils revêtent un caractère personnel et n'ont pas à être intégrés au dossier, ce que la CPR a déjà eu l'occasion de rappeler dans le cadre de la présente procédure (ACPR/584/2019 du 2 août 2019), de même que le TPF dans la procédure d'entraide passive avec Israël (RR.2019.4 du 30 septembre 2019).
Enfin, dans cet arrêt, la CPAR a refusé d’ordonner l’apport de l’intégralité de la procédure d'entraide passive avec Israël CP/401/2015.
f. Par arrêt AARP/136/2024 du 3 mai 2024, la CPAR a déclaré irrecevable la demande de révision formée par A______ le 12 avril 2024 à l’encontre de l’arrêt AARP/116/2023. Cette demande était notamment fondée sur une décision de la Cour suprême israélienne du 30 août 2022 et sur les déclarations de N______, journaliste au quotidien israélien O______, qui faisaient, en substance, état d’un accord intervenu entre C______ et les autorités israéliennes et suisses, lui conférant l’impunité.
Aux termes de sa décision, la CPAR a notamment retenu que la décision de la Cour suprême israélienne était connue de l’autorité de jugement et n’apportait aucun élément nouveau justifiant une procédure de révision. En lien avec les propos de N______, la CPAR a considéré qu’ils n’apportaient aucun élément nouveau.
B. a. Par écrit du 12 septembre 2024, A______ sollicite une nouvelle fois la révision de l’arrêt du 28 mars 2023. Il produit à l’appui de sa demande deux classeurs de documents, soit pour l’essentiel des échanges entre son conseil et N______ ainsi que de très nombreuses pièces dont il allègue qu’elles ont été fournies par le précité.
b. Les pièces produites, qui sont désignées, de la pièce 7 jusqu’à la pièce 53, « pièce jointe à l’email de N______ du… », peuvent être classées en plusieurs catégories.
Un certain nombre de pièces sont clairement extraites de procédures menées en Israël, voire de demandes d’entraide formées par cet État. Il en va ainsi, en particulier, des pièces suivantes, dont aucune ne comporte d’élément permettant d’en vérifier l’authenticité (notamment s’agissant des pièces désignées ci-après comme étant des courriels) :
7 : renonciation par C______ à se prévaloir du secret bancaire, du 14 septembre 2017 ;
8 : demande d’entraide, ni datée ni signée, portant la mention « août 2017 » ;
9 : demande en novembre 2017 de participation d’un procureur israélien à une réunion en Roumanie ;
11 : mémorandum du 8 janvier 2018 relatif à un entretien téléphonique avec G______ sur le déroulement de l’enquête ; mention est faite du retard dans l’audition de C______, qui craindrait le dépôt d’une plainte à son encontre de la part de A______, et d’une demande d’entraide complémentaire aux USA formée par la Suisse en lien avec F______. Selon ce document, les autorités israéliennes doivent procéder par la voie de l’entraide judiciaire si elles veulent en obtenir copie, tout comme si elles souhaitent obtenir d’autres informations de la procédure suisse. Il est fait mention d’un dépôt de l’acte d’accusation en Suisse (lequel est en réalité intervenu en août 2019) ;
19 : procès-verbal d’une réunion entre G______ et des représentants israéliens du 4 février 2018 ; ce document comporte un paragraphe 11, relatif à C______, qui sera reproduit ci-après en droit. La teneur de cette pièce est quasiment identique à celle de la pièce 18 ;
20 : courriels échangés entre septembre 2017 et mars 2018 entre autorités israéliennes, discutant de la demande d’entraide adressée à la Suisse, relative aux transactions bancaires de C______, et à la nécessité d’obtenir l’accord de celui-ci pour que le MP suisse puisse transmettre la réponse ;
21 : note du 1er mai 2018 relative à un entretien téléphonique avec G______ portant sur le déroulement de l’enquête et la nécessité, de part et d’autre, de former des demandes d’entraide complémentaires pour obtenir certaines pièces ;
22 : courriel envoyé par P______ [directeur adjoint du département international du Ministère public à Q______ [Israël]] le 17 mai 2018 à G______, le questionnant sur l’état d’avancement de la procédure d’entraide, respectivement sur la nécessité de former une demande d’entraide supplémentaire pour obtenir certains documents ;
24 et 25 : il s’agit a priori du même texte, daté du 19 juin 2018, adressé par le bureau du procureur de Q______ au directeur du département international, faisant un résumé de l’avancement de la procédure ;
26 : document confidentiel (rapport de police ?) intitulé « à l’attention du Tribunal » portant la mention « juillet 2018 » ; à noter qu’alors que le document imprimé en hébreu est manifestement en mode « suivi des modifications », tel n’est pas le cas de sa traduction ;
27 : il semble s’agir du même document que sous pièce 26, sans le « suivi des modifications », et adressé à « la Cour » ; A______ qualifie lui-même ce document de projet de rapport de police ;
40 : document ne comportant ni date, ni auteur, ni aucun sigle, intitulé « le déroulement des faits concernant le compte en banque de C______ » et contenant a priori des extraits d’échanges entre autorités, entre août 2017 et novembre 2018. Il est fait mention d’une convention accordant le statut de repenti signée en août 2017, mais son contenu n’y figure pas ;
45 : garantie de spécialité de l’administration fiscale israélienne à C______ en lien avec certaines pièces, non datée mais faisant référence à un affidavit de mars 2019 ;
46 : volumineuse pièce en hébreu, traduite en anglais, qualifiée d’« opinion », qui semble dater de mars 2019 et résumer la procédure ;
54 : article de journal du 5 avril 2024 rapportant un incident de violation de la sécurité informatique du Ministère israélien de la justice.
Parmi les pièces produites figurent d’autres échanges de courriels (dont les titulaires ont une adresse en Israël [gov.il]), relatant l’avancement de la procédure d’entraide (pièce 10 : novembre 2017 ; pièce 28 : avril à septembre 2018 ; pièce 29 : avril à septembre 2018 [spécificités de la procédure d’entraide suisse telles qu’expliquées à l’un des interlocuteurs par le procureur suisse] ; pièce 30 : avril à mai 2018 ; pièce 34 : novembre 2018 ; pièce 37 : novembre 2018 [avec des avocats, au sujet de la documentation de transferts de fonds] ; pièce 42 : décembre 2018 ; pièces 43 et 44 : janvier et février 2019 [résumé de discussions avec l’avocat de C______] ; pièce 51 : avril 2019).
Certaines pièces semblent extraites d’un dossier de procédure, et relatent des éléments mixtes de procédure d’entraide et de procédure pénale nationale (pièces 13, 14, 18 [réunion préparatoire et « questions à G______ »]).
Parmi les pièces fournies figurent enfin plusieurs courriels échangés entre G______, l’Office fédéral de la justice (OFJ) et les autorités israéliennes (pièces 12, 15, 16, 33, 35, 36, 38, 41, 47, 48, 49, 50, 52, 53). Ces courriels portent sur le déroulement de procédures d’entraide (envoi anticipé, information sur la transmission à venir de pièces, sur la nécessité de demandes complémentaires, sur l’accord ou non des intéressés à la transmission des documents, questions sur la lecture de documents, pièces manquantes, horaires d’auditions, etc.). De nombreux courriels du MP genevois comportent un paragraphe rappelant leur confidentialité.
Si certains des documents évoqués ci-dessus portent le sigle d’une entité israélienne, aucun ne comporte de signature ni autre élément permettant d’en déterminer la nature (certains étant apparemment des brouillons) ou l’origine, encore moins l’authenticité.
Le demandeur a produit sous pièce 59 une clé USB contenant, selon lui, l’intégralité de ces documents sous forme digitale. Cette pièce n’a toutefois pas pu être consultée, étant protégée par un mot de passe qui n’a pas été fourni. Dans la mesure où il a fourni une impression desdits documents, dont l’authenticité n’a pas à être vérifiée (infra consid. 1.4), la CPAR a renoncé à examiner le contenu de cette pièce.
c. A______ produit un mémorandum (pièce 56), établi sur la base de ces pièces, faisant état de ce qu’il qualifie d’éléments nouveaux, à savoir :
i. Le MP aurait prévu d’entendre C______ en octobre 2017, audition reportée à la demande de ses avocats par crainte d’une plainte à son encontre ;
ii. Le MP se serait entretenu avec des représentants israéliens en janvier 2018 et aurait expliqué avoir rassuré les avocats de C______ sur le fait que A______ n’avait pas qualité pour déposer une plainte pour blanchiment d’argent à son encontre et aurait « affirmé leur avoir promis qu’il ne poursuivrait pas C______ (pièce 11) » ;
iii. Le MP aurait proposé, début 2018, à ses homologues israéliens une rencontre en Israël, puis il aurait rencontré des représentants dudit pays le 4 février 2018 [étant précisé qu’il ressortait déjà de la procédure que le Procureur s’était rendu en Israël du 3 au 5 février 2018] et « discuté de l’accord de témoin avec C______ (pièces 16, 18 et 19) » ;
iv. Le MP aurait eu un entretien le 1er mai 2018 avec des représentants israéliens au cours duquel il aurait évoqué la prochaine audition en Suisse de C______, laquelle avait toutefois été reportée ;
v. Le procureur israélien se serait inquiété en juin 2018 de l’absence d’audition de C______ en Suisse et aurait demandé une intervention du directeur du département international israélien (pièces 24 et 25) ;
vi. Le MP aurait informé en juillet 2018 ses homologues israéliens de l’audition de C______ prévue en septembre ;
vii. La police israélienne indique que l’accord de témoin de C______ concerne non seulement les autorités israéliennes mais aussi américaines, guinéennes et suisses (pièce 27) ;
viii. Des représentants israéliens se seraient inquiétés, entre avril et septembre 2018 (pièce 28), de « vérifier auprès de G______ que son enquête s’est bien déroulée comme prévu et qu’il n’a pas l’intention de mener une procédure contre lui [C______] en Suisse » ; NdR : il ressort de la lecture complète de ces échanges que ceux-ci portent principalement sur la procédure fiscale (cf. intitulé des courriels] ;
ix. En automne 2018, G______ aurait encouragé C______ à accepter la transmission de pièces bancaires et aurait eu des contacts avec ses avocats (pièces 36 et 34).
d. Le demandeur conclut sa demande en révision par une demande de récusation du Procureur G______, assortie d’une demande de répétition de tous les actes auxquels celui-ci a participé dès le 26 juin 2017, date de l’arrêt du Tribunal fédéral dans la cause 1B_255/2017 (relative à la procédure d’entraide avec les USA en lien avec l’audition de F______).
e. Les parties n’ont pas été invitées à se déterminer sur la requête en révision.
EN DROIT :
1. 1.1. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.
Les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux. Les faits ou moyens de preuve sont inconnus lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 ; 137 IV 59 consid. 5.1.2 et 5.1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_688/2020 du 15 octobre 2020 consid. 1.1).
Le fait invoqué doit déjà exister avant l'entrée en force du premier jugement ; un fait postérieur ne saurait entrer en considération. Ainsi, la disparition d'une condition à l'ouverture de l'action pénale, tel qu'un retrait de plainte, survenue seulement après l'entrée en force du jugement ne constitue pas un motif de révision (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1083/2021 du 16 décembre 2022 destiné à la publication consid. 2.3).
Comme cela résulte du texte même de l'art. 410 al. 1 let. a CPP, la voie de la révision a uniquement pour but de réparer les erreurs de fait commises dans un jugement et qui sont à l'origine du verdict de culpabilité et/ou du prononcé d'une peine ou d'une mesure, à l'exclusion d'une erreur de droit, même grossière, qu'elle soit de fond ou de forme, qui n'est susceptible d'être éliminée que par les voies ordinaires de recours. La voie de recours extraordinaire qu'est la révision n'est ainsi pas ouverte en cas d'erreur de qualification juridique ou d'appréciation des faits imputés au condamné ou encore d'inobservation de la loi. Il en va de même en cas de revirement de jurisprudence (G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e éd., Zürich 2011, n. 2067 et note 837, n. 2079 et 2089 s.).
1.2. L'art. 412 CPP prévoit que la juridiction d'appel examine préalablement la demande de révision en procédure écrite (al. 1). Elle n'entre pas en matière si la demande est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (al. 2). Si la juridiction d'appel entre en matière sur la demande, elle invite les autres parties et l'autorité inférieure à se prononcer par écrit (al. 3). Elle détermine les compléments de preuves à administrer et les compléments à apporter au dossier et arrêt des mesures provisoires, pour autant que cette décision n'incombe pas à la direction de la procédure en vertu de l'art. 388 CPP (al. 4).
Selon le Message du Conseil fédéral, la procédure d'examen préalable de l'al. 1 sert avant tout à examiner si les moyens de révision invoqués sont vraisemblables (FF 2006 1305 ad art. 419 (actuel art. 412) ; A. DONATSCH / T. HANSJAKOB / V. LIEBER (éds), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), Zurich 2010, n. 1 ad art. 412). La procédure de non-entrée en matière peut néanmoins être envisagée lorsqu'une des conditions de l'examen préalable de l'al. 1 n'est pas remplie (N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, Zurich 2009, n. 2 ad art. 412). Il n'est ainsi pas exclu de prononcer une décision de non-entrée en matière lorsque les moyens de révision invoqués apparaissent d'emblée comme non vraisemblables. L'économie de la procédure le commande alors, car si la situation est évidente, il n'y a pas de raison que l'autorité requière des déterminations (art. 412 al. 3 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_310/2012 du 20 juin 2011 consid. 1.6 = SJ 2012 I 392).
L'autorité saisie peut ainsi refuser d'entrer en matière lorsque les motifs de révision invoqués sont manifestement non vraisemblables ou infondés ou lorsque la demande de révision apparaît abusive (art. 412 al. 2 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1126/2019 du 4 novembre 2019 consid. 1.1).
1.3. Celui qui invoque, à l'appui d'une demande de révision, un moyen de preuve qui existait déjà au moment de la procédure de condamnation et dont il avait connaissance doit justifier de manière détaillée de son abstention de produire le moyen de preuve lors du jugement de condamnation. À défaut, il doit se laisser opposer qu'il a renoncé sans raison valable à le faire, fondant ainsi le soupçon d'un comportement contraire au principe de la bonne foi, voire constitutif d'un abus de droit, excluant qu'il puisse se prévaloir du moyen de preuve invoqué dans la nouvelle procédure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_866/2014 du 26 février 2015 consid. 1.2).
L'abus de droit ne doit être retenu qu'avec réserve. Il s'agit d'examiner dans chaque cas, au regard des circonstances de l'espèce, si la demande de révision tend à contourner les voies de droit ordinaires (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 p. 199).
1.4. En l'espèce, la CPAR a déjà, dans son arrêt du 3 mai 2024, souligné que le journaliste, source de l’essentiel des pièces produites à l’appui de la demande de révision, n'affirmait aucunement que les autorités suisses seraient parties à un quelconque accord d'immunité pour le témoin en cause, le précité se fondant essentiellement sur la délivrance de sauf-conduits en faveur du témoin, lesquels sont non seulement légaux, mais ne se confondent au demeurant pas avec l'octroi d'une quelconque immunité (AARP/136/2024 consid. 2.3).
En l’espèce, l’accord supposément conclu par le témoin avec l’État d’Israël ne figure pas parmi les pièces produites à l’appui de la seconde demande de révision. Les pièces fournies sont par ailleurs de provenance douteuse, dans la mesure où elles auraient été fournies par un journaliste qui les a obtenues auprès d’une source confidentielle, vraisemblablement en violation à tout le moins du secret de fonction de leurs détenteurs, voire par la commission d’autres infractions (cf. art. 141 CPP). Leur authenticité est, partant, sujette à la plus grande caution.
Il n’est toutefois pas nécessaire d’examiner plus en détail si ces pièces sont exploitables, dans la mesure où, même s’il devait être retenu qu’elles sont authentiques et légitimes, elles ne constitueraient pas des faits nouveaux au sens de l’art. 410 al. 1 let. a CPP.
Le versement à la procédure de la plupart des pièces produites à l’appui de la demande de révision (notes personnelles, courriels du MP, pièces de la procédure d’entraide) avait déjà été expressément refusé par la CPAR lors des débats tenus en 2022. Cet élément devrait ainsi conduire d’emblée à un refus d’entrer en matière sur la demande de révision. Certaines pièces, tirées de la procédure israélienne, n’ayant pas été expressément refusées par les premiers juges, il convient néanmoins de les examiner ci-après.
2. 2.1. L’État d’Israël et la Suisse sont tous deux parties à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ). À son article 12 al. 1, celle-ci prévoit notamment qu’aucun témoin ou expert, de quelque nationalité qu’il soit, qui, à la suite d’une citation, comparaîtra devant les autorités judiciaires de la Partie requérante, ne pourra être ni poursuivi, ni détenu, ni soumis à aucune autre restriction de sa liberté individuelle sur le territoire de cette Partie pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de la Partie requise.
L’art. 204 al. 1 CPP prévoit pour sa part que si les personnes citées à comparaître se trouvent à l'étranger, le ministère public peut leur accorder un sauf-conduit. Le bénéficiaire ne peut dès lors être arrêté en Suisse, en raison d'infractions commises avant son séjour, ni y être soumis à d'autres mesures entraînant une privation de liberté (al. 2).
2.2. À teneur des dispositions de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP), la transmission à l’autorité requérante étrangère de renseignements concernant le domaine secret peut faire l’objet d’un recours auprès du Tribunal pénal fédéral, lequel recours entraîne un effet suspensif (cf. art. 21 ss EIMP). Compte tenu de la durée d’une telle procédure de recours, les autorités suisses d’exécution recherchent régulièrement l’accord des personnes concernées pour faciliter et expédier la transmission d’informations bancaires en exécution de demandes d’entraide étrangères, ce qui permet de procéder à une exécution simplifiée (art. 80c EIMP).
La qualité de partie en procédure d'entraide se détermine sur la base du droit de recours défini par l'art. 80h let. b EIMP. Ainsi que le précise l'art. 21 al. 3 EIMP, dite qualité ne subsiste que si la personne concernée est personnellement et directement touchée par la mesure d'entraide (ATF 114 Ib 156 ; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2020.86 du 26 mai 2020 consid. 2.3).
À teneur de l’art. 67a al. 3 EIMP, l’autorité de poursuite pénale peut transmettre spontanément à une autorité étrangère des moyens de preuve qu’elle a recueillis au cours de sa propre enquête, lorsqu’elle estime que cette transmission : est de nature à permettre d’ouvrir une poursuite pénale (a), ou peut faciliter le déroulement d’une enquête en cours (b).
2.3. En l’espèce, l’essentiel des pièces produites par le demandeur concerne des discussions internes ayant eu lieu entre autorités israéliennes, sous forme de notes et de courriels, voire de rapports de police (ou de brouillons de tels documents). Certaines font état de discussions avec le Procureur genevois en charge de la procédure contre le demandeur, qui a également traité les demandes d’entraide adressées par l’État d’Israël à la Suisse. Ces échanges, retranscrits et de surcroît traduits, ne sont par définition que le reflet de la perception, par les autorités israéliennes, des propos prêtés au MP genevois, qui ne l’engagent dès lors pas. Cela est d’autant plus vrai qu’il en ressort parfois une mécompréhension des complexités des règles de procédures suisses (au sujet de la nécessité d’un accord de C______ à l’envoi de pièces bancaires, laquelle est manifestement liée au souhait du MP de procéder par la voie de l’art. 80c EIMP plutôt que de devoir rendre des décisions sujettes à recours qui retarderaient la transmission de pièces sollicitées par les autorités requérantes, ou encore la mention du dépôt d’un acte d’accusation plus d’une année avant que cela ne soit le cas).
Ces pièces n’apportent en réalité aucun élément nouveau. Comme l’a déjà relevé la Cour de céans dans son arrêt du 3 mai 2024, le fait que C______ était un témoin de la couronne était parfaitement connu des juges et a été pris en compte dans l’appréciation de ses déclarations. Par ailleurs, la CPAR avait expressément refusé d’ordonner le versement de l’intégralité de la procédure d’entraide passive au dossier de la cause pénale, dossier auquel le demandeur n’avait aucun droit d’accès au-delà des pièces en lien avec des mesures de contrainte exercées en Suisse à son encontre. Les quelques pièces relatives aux preuves recueillies en Suisse, pour les autorités israéliennes, en lien avec ce témoin, n’ont aucune pertinence pour la présente cause et n’apportent d’ailleurs aucun élément utile à l’appréciation de celle-ci.
De même, le déplacement du Procureur genevois en Israël était connu des premiers juges ; le fait qu’il ait à cette occasion rencontré les autorités israéliennes en charge de la procédure va de soi, ce déplacement, pris en charge par les autorités judiciaires genevoises, étant en lien direct avec les dossiers traités par ledit magistrat. Comme déjà relevé dans l’arrêt de 2023, une telle réunion s’inscrit dans le cadre de la coopération et de la coordination entre les États dont il est admis que le contenu échappe à la maîtrise des parties. C’est le lieu de relever que les pièces produites à l’appui de la demande de révision démontrent surtout que le MP genevois a pris toutes les mesures commandées par les circonstances pour respecter les dispositions applicables en matière d’entraide passive ou active, invitant au besoin ses homologues israéliens à compléter leurs demandes d’entraide ou leur rappelant les règles applicables en la matière, voire les interpellant sur la possibilité d’utiliser certaines pièces et s’inquiétant de la nécessité de compléter telle ou telle demande.
2.4. Le demandeur fait grand cas de sa pièce 19, soit le procès-verbal dressé par les autorités israéliennes au sujet de la réunion tenue le 4 février 2018 avec le MP genevois. Ces discussions ont vraisemblablement eu lieu en anglais, langue certes commune des interlocuteurs, mais étrangère pour tous. Le document est rédigé en hébreu et traduit en français. Il est dès lors fort douteux qu’il restitue fidèlement les discussions qui ont eu lieu, étant au demeurant relevé que son contenu n’a manifestement pas été approuvé par le MP genevois. Il s’agit là encore d’un document à usage interne des autorités israéliennes. Pour ce motif déjà, il n’a guère de portée probante et n’engage en rien les autorités suisses.
Il figure notamment dans ce document un paragraphe 11, dont la teneur est la suivante :
« Concernant l'enquête sur C______ par G______ — ses avocats recommandent qu'il ne se soumette pas à une enquête. Théoriquement, G______ pourrait inculper C______. Il est possible de conclure une sorte d'arrangement conditionnel selon lequel G______ s'engagera à ne pas l'inculper. Le problème est que quelqu'un peut faire appel de la décision de G______ de ne pas inculper. G______ n'a aucun intérêt direct dans la décision de ne pas poursuivre C______ pour corruption, car il n'est pas victime des infractions pénales commises par C______. Peut-être que seule [le pays] L______ a un intérêt parce qu'elle est la victime, mais qu'elle ne le sera jamais. Il en va de même pour la décision de ne pas engager de poursuites pour blanchiment d'argent — et même dans ce cas, seule la victime peut faire appel. A______ n'est pas la victime et [le pays] L______ n'y a aucun intérêt. Concernant l'absence de dépôt d'une inculpation pour faux — C______ dira qu'il ne savait pas vers où les fonds avaient été transférés et à quoi servait l'argent. Mais C______ devra témoigner qu'il savait que l'accord était un faux. Même ici, il est difficile de retrouver la victime du délit de contrefaçon — ce n'est pas A______. G______ a donc déclaré aux avocats qu'ils n'avaient rien à craindre. A______ pourrait théoriquement tenter de faire appel de la décision de G______. Pour ces raisons, cela ne servira à rien à A______ de faire appel de la décision. »
Il convient tout d’abord de relever que plusieurs de ces phrases n’ont aucun sens en droit suisse, notamment lorsqu’il est fait mention du fait que le procureur genevois n’aurait « aucun intérêt direct dans la décision de ne pas poursuivre », ou que [le pays] L______ « a un intérêt parce qu’elle est victime, mais qu’elle ne le sera jamais », ce qui confirme la mécompréhension de la part des autorités israéliennes quant au déroulement de la procédure en Suisse. Le demandeur voit dans la phrase « Il est possible de conclure une sorte d'arrangement conditionnel selon lequel G______ s'engagera à ne pas l'inculper » une promesse d’immunité. Cette phrase, prise isolément et sans contexte, est ambigüe. Toutefois, en lisant le propos plus complet, on ne peut que constater que celui prêté au Procureur, qui débute par « théoriquement », n’est pas une garantie d’immunité, mais plutôt un exposé de la procédure pénale, puisque le Procureur semble expliquer qu’il pourrait renoncer à poursuivre, mais que sa décision serait alors sujette à recours : il ne s’agit donc pas du tout d’une garantie, mais d’une explication du processus de classement et des voies de recours contre une telle décision.
Au surplus, même si, au cours de cette discussion, le MP genevois devait avoir envisagé une possibilité d’accord avec la défense du témoin, cette hypothèse, avancée dans une discussion informelle maladroitement retranscrite, n’a aucune portée juridique, étant relevé que ni ledit témoin, ni ses avocats, n’étaient présents lors de celle-ci et qu’il n’en est manifestement rien ressorti. Au contraire, on constate que le MP genevois discute bien des possibilités et mérites d’une poursuite du témoin, notamment de la part du demandeur, ce qui va à l’encontre d’une garantie d’impunité.
Le reste des pièces produites démontre en réalité l’absence de garantie d’immunité conférée au témoin par le MP genevois. En effet, elles démontrent que le Procureur insiste sur l’obtention d’un accord pour une transmission simplifiée de la documentation bancaire. Si les échanges entre autorités israéliennes font état d’un « accord » sur l’absence de poursuite en Suisse, voire de la nécessité d’obtenir une garantie en ce sens, pour sa part le MP genevois insiste sur la nécessité d’une audition du témoin et expose, non pas son intention de garantir l’absence de poursuite à son égard, mais les motifs pour lesquels, à son avis, une poursuite n’aurait pas de chance d’aboutir, tout en évoquant la possibilité d’un recours contre ses décisions, possibilité qu’il évalue comme faible. Les autorités israéliennes constatent d’ailleurs que le MP genevois ne parle pas d’immunité (pièces 19 et 28 : « il n’a pas l’intention de mener une procédure contre lui en Suisse » ; pièce 24 : « je n’ai trouvé aucune information concernant la date et la méthode de notre recours auprès de G______ concernant l’immunité »). Il ressort en réalité de ces pièces que ce sont les autorités israéliennes qui ont pris des engagements envers le témoin, et ont pu ensuite chercher à en obtenir une concrétisation auprès des autorités suisses, concrétisation qui n’a jamais été accordée (cf. pièce 26 ch. 23, pièce 43 ch. 3). En janvier 2019 (pièces 43 et 44), l’avocat de C______ négociait encore, avec les autorités israéliennes, l’accord de son client au transfert de la documentation bancaire suisse en échange d’une immunité pour les conséquences fiscales qui en découleraient ; il y est fait mention du fait que son client n’aurait pas encore témoigné en Suisse, alors qu’il y avait été entendu en septembre 2018. La crainte de C______ de faire l’objet d’attaques de la part de A______ en ressort clairement. Le témoin cherchait ainsi des garanties auprès des autorités israéliennes, et non auprès des autorités suisses.
Les rares éléments relatifs à la détermination du Procureur suisse sur la position procédurale de C______ confirment en réalité les explications fournies par le MP aux débats d’appel sur l’absence de poursuite ouverte à l’encontre de celui-ci, laquelle s’expliquait par l’absence de réalisation des éléments constitutifs d’une quelconque infraction. Le MP pouvait partager cette analyse avec les autorités israéliennes sans aucunement violer le droit suisse. Le fait que celles-ci, dans leurs échanges internes, qualifient cette absence de poursuite d’immunité ne lie en rien le MP genevois ou les autorités de poursuite pénale suisses.
De surcroît, le fait que, jusqu’aux débats d’appel, C______ ait exigé d’être mis au bénéfice d’un sauf-conduit pour se présenter, démontre bien qu’il craignait, sans cette garantie, de faire l’objet de poursuites pénales, et notamment – comme cela ressort des pièces du demandeur – à la suite d’une dénonciation de A______. La seule immunité qui lui a été conférée en Suisse, tout au long de la procédure, est bien celle découlant des sauf-conduits délivrés pour ses comparutions à Genève (art. 204 CPP et 12 CEEJ ; cf. AARP/136/2024 c. 2.3).
Il découle de ce qui précède que les pièces tirées de la procédure israélienne, qui illustrent la perception par les autorités de ce pays du déroulement de la procédure en Suisse, ne constituent pas des faits nouveaux au sens de l’art. 410 al. 1 let. a CPP.
3. Le demandeur conclut encore à la récusation du Procureur G______. Il fonde cette demande sur les échanges que le précité aurait eu avec les avocats de C______, qu’il qualifie de « nourris et non documentés ». À l’appui de sa demande il se prévaut également du caractère illicite de ce qu’il considère comme une garantie d’immunité, de sa pièce 19, du refus du Procureur de produire les pièces qu’il s’est lui-même procurées, ainsi que du refus qui lui avait été opposé d’assister à l’audition de F______.
3.1. À teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs que ceux évoqués aux lettres a à e de cette disposition, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.
Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74), respectivement concrétise les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. lorsque d'autres autorités ou organes (cf. en particulier art. 12 CPP) que des tribunaux (cf. art. 13 CPP) sont concernés (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2 p. 179). Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.1 p. 179 ; 138 IV 142 consid. 2.1 p. 144).
L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (CourEDH Lindon, § 76 ; ATF 136 III 605 consid. 3.2.1 p. 609 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011 ; N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung, 2009, n. 14 ad art. 56).
Même s'ils apparaissent systématiques, les refus d'instruire ne constituent pas des motifs de récusation. La conduite de l'instruction et les décisions prises à l'issue de celle-ci doivent être contestées par les voies de recours ordinaires (arrêt du Tribunal fédéral 1B_292/2012 du 13 août 2012 consid. 3.2 ; ACPR/21/2013 du 16 janvier 2013). Reprocher à une autorité de faire son travail ne constitue pas non plus un grief de nature à fonder sa récusation (ATF 138 IV p. 142 consid. 2.2.2. p. 145 ; ACPR/39/2013 du 29 janvier 2013).
3.2. Si un motif de récusation n'est découvert qu'après la clôture de la procédure, les dispositions sur la révision sont applicables (art. 60 al. 3 CPP). L'art. 60 al. 3 CPP consacre, dans le cadre des règles sur la récusation (art. 56 ss CPP), un motif de révision spécifique qui découle du droit, garanti par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, d'être jugé par un tribunal impartial. Les faits et moyens de preuve nouveaux, au sens de l'art. 410 al. 1 let. a CPP, ne sont pas censés se rapporter à d'éventuels vices de procédure (ATF 144 IV 35 consid. 2.2 p. 40 s.). Toutefois, le vice en question – soit en l'occurrence l'existence d'un motif de récusation –, de par son caractère formel, doit être assimilé à une cause absolue de révision devant conduire en tous les cas à l'annulation du jugement querellé (ATF 144 IV 35 consid. 2.2 p. 41 ; cf. N. SCHMID / D. JOSITSCH, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, 3e éd. 2017, p. 712, n. 1591). Enfin, conformément au principe de la bonne foi en procédure, il incombe aux parties de requérir une telle révision sans délai (ATF 144 IV 35 consid. 2.2 p. 41 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_733/2018 du 24 octobre 2018 consid. 2.1 et les références).
3.3. Il n'est pas nécessaire de recueillir les déterminations de la personne visée par la demande de récusation si celle-ci est tardive ou irrecevable. En effet, saisie d'une requête de récusation manifestement tardive ou abusive, l'autorité compétente pour la traiter est dispensée d'ouvrir une procédure de récusation et de demander une prise de position de la personne concernée (arrêts du Tribunal fédéral 1B_196/2023 du 27 avril 2023 consid. 4 et 6B_1370/2016 du 11 avril 2017 consid. 4.4).
3.4. En l’espèce, il est douteux que la demande de récusation ait été formée en temps utile. Dans la mesure où elle doit de toute façon être rejetée, cette question souffre de demeurer indécise. Les pièces produites à l’appui de la demande de révision démontrent en effet l’inanité des griefs de la défense.
3.4.1. Comme relevé ci-dessus (consid. 2.4), le grief tiré d’une garantie d’immunité est infondé. Ce premier motif invoqué à l’appui de la demande de récusation n’est donc pas réalisé.
3.4.2. Il est à quelques reprises fait mention, dans les pièces produites, des avocats de C______ avant la constitution d’un conseil genevois pour ce protagoniste. Ces mentions sont toutefois essentiellement en lien avec la procédure d’entraide relative à l’obtention de documentation bancaire et par le truchement des autorités israéliennes. Il ressort d’ailleurs des pièces produites par le demandeur (notamment la pièce 7) que celles-ci étaient en contact avec les avocats de C______ avant même l’envoi de la demande d’entraide. Il était donc logique qu’elles en informassent leurs homologues suisses. Après la constitution d’un conseil genevois, le MP a entretenu des contacts avec celui-ci et insisté auprès de lui pour obtenir un accord à la transmission simplifiée d’informations, ce qui apparaît somme toute logique et conforme aux obligations professionnelles d’un procureur chargé d’exécuter une demande d’entraide.
Il ressort également desdites pièces que l’audition de C______ était souhaitée par le MP genevois dès l’automne 2017, soit bien avant le déplacement du Procureur en Israël, vraisemblablement à la suite d’informations qu’il avait lui-même apprises d’une demande d’entraide formée par ce pays en septembre 2017 (cf. pièces 8 ch. 6 ss, 20 et 24 ch. 11).
Le demandeur soutient à ce sujet que le Procureur aurait discuté de la teneur du témoignage à venir avec le témoin ou ses conseils. Les quelques (rares) éléments relatifs à la teneur de ce témoignage figurent tous dans des documents israéliens, sous forme essentiellement de spéculations. Ces allégations ne sont fondées sur aucune pièce et sont abusives. La seule évocation du MP genevois en lien avec ce témoignage est la pièce 19 qui a déjà été examinée ci-dessus et qui n’a pas la portée que lui porte le demandeur.
3.4.3. Les échanges informels par courriels, entre les autorités israéliennes et le Procureur, ne contiennent par ailleurs aucune information que le MP n’était pas autorisé à transmettre ; lorsque des pièces sont envoyées par ce biais, il s’agit en effet de documents liés à l’entraide active (demandes genevoises) et l’OFJ en est informé. Certaines informations semblent avoir été transmises conformément à l’art. 67a EIMP, sans transmission de pièces et dans le but de permettre à l’autorité étrangère de compléter sa demande d’entraide. Le versement de ces courriels à l’appui de la demande en récusation apparaît dès lors inutile, voire abusif dans la mesure où il s’agit clairement d’échanges informels et personnels entre personnes travaillant de concert dans un dossier complexe et tentaculaire, dans le respect de leurs obligations légales respectives. Aucun de ces courriels n’a au demeurant été envoyé aux avocats de C______.
3.4.4. En ce qui concerne l’audition de F______, la CPAR a relevé, dans son arrêt du 28 mars 2023, l’absence de toute violation de ses obligations par le Procureur en charge de la procédure (consid. 3.2.2.2, not. 3.2.2.2.6). Les pièces produites par le demandeur sont toutes postérieures à l’audition de ce témoin, intervenue en juillet 2017. Elles n’ont donc aucune portée sur les considérations de la CPAR en mars 2023, qui demeurent valables dans leur intégralité.
3.4.5. Enfin, dans la mesure où la CPAR a elle-même refusé d’ordonner le versement au dossier des notes personnelles du Procureur et le dossier complet de la procédure d’entraide CP/401/2015, l’argument du demandeur à cet égard est mal fondé.
4. 4.1. La demande de révision, abusive en tant qu’elle se fonde sur de nombreuses pièces dont la production avait déjà été refusée par la CPAR dans le cadre de l’arrêt dont est demandée la révision, et, pour le surplus, manifestement infondée, doit donc être déclarée irrecevable.
4.2. Le demandeur en révision succombant, les frais de la procédure, comprenant un émolument de CHF 15'000.-, justifié par le volume important de pièces à étudier et le caractère abusif de la requête, seront mis à sa charge (art. 428 CPP et 14 al. 1 let. e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).
4.3. Par voie de conséquence, le demandeur sera débouté de ses conclusions en indemnisation.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare irrecevable la demande de révision du 12 septembre 2024 de A______ contre l'arrêt AARP/116/2023 de la Chambre pénale d'appel et de révision rendu le 28 mars 2023.
Condamne A______ aux frais de la procédure en CHF 15'095.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 15'000.-.
Rejette ses conclusions en indemnisation.
Notifie le présent arrêt à A______ et au Ministère public.
Le communique, pour information, au Tribunal fédéral.
La greffière : Linda TAGHARIST |
| La présidente : Gaëlle VAN HOVE |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.
| ETAT DE FRAIS |
|
| COUR DE JUSTICE |
|
Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).
Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision |
|
|
Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c) | CHF | 00.00 |
Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i) | CHF | 20.00 |
Procès-verbal (let. f) | CHF | 00.00 |
Etat de frais | CHF | 75.00 |
Emolument de décision | CHF | 15000.00 |
Total des frais de la procédure de révision : | CHF | 15095.00 |