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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12914/2013

ACPR/584/2019 du 02.08.2019 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.09.2019, rendu le 10.03.2020, REJETE, 1b_444/2019, 1B_444/2019
Descripteurs : COMPÉTENCE ; ACTE DE PROCÉDURE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : CPP.76; CPP.100; CPP.107

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12914/2013ACPR/584/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 2 août 2019

 

Entre

A______, domicilié ______, Israël, comparant par Me Marc BONNANT, avocat,
Bonnant & Associés, chemin Kermély 5, case postale 473, 1211 Genève 12,

recourant,

contre la décision rendue le 1er mars 2019 par le Ministère public, subsidiairement pour déni de justice,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé au greffe de la Chambre de céans le 18 mars 2019, A______ recourt contre le refus du Ministère public, renouvelé pour la dernière fois par courrier du
1er mars 2019, communiqué selon lui le 6 suivant, de l'autoriser à accéder aux documents et notes relatifs à ses contacts avec les autorités de poursuite pénale israéliennes. Subsidiairement, il se plaint d'un déni de justice.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision querellée et à ce que le Ministère public soit condamné à répondre à ses requêtes écrites des 15 février et 1er mars 2019, partant : à verser à la procédure une copie de tous les échanges (courriers, mails etc.) intervenus entre lui et les autorités de poursuite pénale israéliennes depuis le 1er janvier 2017; à informer les parties de ses dates de déplacements en Israël ainsi que l'objet de ces déplacements et le nom des personnes rencontrées; et, conformément à l'art. 76 CPP, à verser à la procédure une copie de toutes les notes résumant les entretiens intervenus (au téléphone, en vidéoconférence ou encore en personne) entre lui et les autorités de poursuite pénale israéliennes ainsi que tous les éventuels actes accomplis en coopération avec ces dernières depuis le 1er janvier 2017.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. La procédure P/12914/2013 a été ouverte en 2013. B______, C______ et A______ ont été mis en prévention pour infraction à l'art. 322septies CP. En substance, le Ministère public les soupçonne d'avoir commis des actes de corruption en vue de permettre l'obtention par A______ GROUP - dont A______ est le cofondateur et qui est actif dans les domaines ______ -, de concessions de ______ dans la région du D______ en Guinée.

a.b. Cette procédure a donné lieu à de nombreuses commissions rogatoires adressées à l'étranger, dont Israël, les 31 mars et 26 septembre 2014 tout d'abord.

b. Le 20 octobre 2015, les autorités israéliennes ont adressé à leur tour à l'Office fédéral de la justice une requête d'entraide visant A______, lequel faisait l'objet d'une investigation pour suspicion de corruption sur la base apparemment des mêmes faits, enregistrée sous la CP/1______/2015.

Le 23 septembre 2016, le Ministère public a ordonné la clôture partielle et la transmission des documents sélectionnés par les représentants de l'autorité israélienne lors d'une visite en Suisse durant la semaine du 6 juin 2016. Par arrêt du 9 mars 2017, le Tribunal pénal fédéral (ci-après : TPF), sur recours, a admis l'entraide vers Israël et la transmission des documents requis (RR.2016.______).

c. A______ a ensuite sollicité du Ministère public, dans la P/12914/2013, la transmission par la voie de l'entraide d'une copie des procès-verbaux d'audition des personnes entendues en Israël, y compris lui-même.

Le Ministère public y a fait suite, par deux commissions rogatoires adressées aux autorités israéliennes les 24 juillet 2017 et 16 novembre 2018.

d. Le 20 novembre 2018, les autorités de poursuite pénale israéliennes ont adressé une nouvelle commission rogatoire aux autorités suisses - toujours référencée sous la CP/1______/2015 -, laquelle a été transmise le même jour, par le Ministère public, aux conseils de A______ et des autres prévenus pour qu'ils se déterminent sur l'envoi, à l'autorité requérante, de tous les procès-verbaux d'audition de la procédure P/12914/2013 non encore remis depuis l'envoi d'avril 2017. Cette nouvelle demande faisait suite à une précédente requête du 20 octobre 2015 et à son complément du 19 septembre 2017. Cette dernière, dont la copie a été communiquée à A______, à sa demande, mentionnait non seulement les contacts très proches établis avec le Procureur E______ mais encore sa prochaine venue en Israël [en] ______ 2017, en espérant qu'il apporte avec lui à cette occasion les documents requis. L'étroitesse des contacts entre les autorités israéliennes et le magistrat précité était à nouveau mentionnée dans la requête du 20 novembre 2018, en ces termes : "Specifically the Israeli authorities have been in close contact with Prosecutor E______ of the Canton of Geneva who is familiar with the Israeli investigation (...)".

e. Par courrier du 21 novembre 2018, le conseil de A______ a sollicité du Ministère public la production des échanges et/ou notes résumant les éventuels échanges verbaux dont il était ainsi question, le soupçonnant par ailleurs d'avoir transmis des pièces aux autorités israéliennes de manière "sauvage". Il s'inquiétait également de la non-exécution à ce jour par les autorités israéliennes des demandes d'entraide suisse portant sur la production de procès-verbaux d'audition.

f. Dans sa réponse du même jour, le Ministère public a précisé qu'il continuait de demander aux autorités israéliennes, dans la procédure P/12914/2013, les copies des auditions menées par elle, en dernier lieu le 15 novembre 2018, de MM. A______, F______, G______, H______ et I______.

g. Par courrier du 26 novembre 2018, le conseil de A______ a à nouveau sollicité la production de toutes traces et notes des entretiens que le Ministère public avait eus avec les autorités israéliennes. Il s'opposait également à toute transmission de pièces à l'autorité israélienne, faute de réciprocité en l'état.

h. Dans sa réponse du lendemain, le Ministère public assurait qu'aucun moyen de preuve n'avait été ou ne serait transmis aux autorités israéliennes hors les voies de l'entraide.

i. Par ordonnance de clôture partielle du 10 décembre 2018, le Ministère public a ordonné la transmission aux autorités israéliennes de 19 nouveaux procès-verbaux d'audition de A______.

j. Ce dernier a recouru contre cette ordonnance auprès du TPF le 10 janvier 2019. Il avait notamment constaté, à l'occasion de la commission rogatoire israélienne du 20 novembre 2018, que les autorités de cet État non seulement soulignaient les contacts très proches établis avec le Procureur en charge de la procédure suisse (lequel avait notamment "suggested" que le texte de la commission rogatoire soit envoyé en anglais uniquement) ainsi que l'existence d'actes d'enquête qu'il ignorait "carried out in cooperation with the Swiss authorities", mais encore indiquaient que la venue du Procureur suisse en personne était attendue en Israël au début du mois de ______ 2017 "in connection with the case" en espérant notamment qu'il apporte avec lui un certain nombre des pièces requises (recours, ad 130 p. 18). Il disait ignorer si ce déplacement avait effectivement eu lieu et quel en avait été le but, tout en relevant le traitement privilégié que connaissaient les commissions rogatoires israéliennes adressées vers la Suisse - au contraire des commissions rogatoires suisses en Israël. Préalablement, il concluait à ce qu'il soit ordonné au Ministère public genevois de produire une copie de l'ensemble de ses échanges informels (e-mails ou autres) avec l'autorité requérante ainsi que des notes résumant ses entretiens (par téléphone ou en personne) avec elle, notamment mais non exclusivement, lors d'un déplacement en Israël en ______ 2017.

k. Dans ses observations sur ce recours, le Ministère public a notamment précisé "qu'il n'y a[vait] pas lieu qu'il s'exprime sur les contacts informels entretenus usuellement entre autorités pour assurer la coordination et l'avancement des procédures d'entraide - étant réaffirmé qu'aucun moyen de preuve n'a[vait] jamais été transmis en dehors du cadre légal (...)" (observations, ad 19 p. 6).

l. Par courrier du 15 février 2019, le conseil de A______, se référant aux échanges dans le cadre de la procédure d'entraide, a sollicité du Ministère public une copie de tous les procès-verbaux de la procédure israélienne qu'il aurait reçus, une copie de la note faisant le compte rendu de son déplacement en Israël - qui serait intervenu exclusivement dans le cadre de la P/12914/2013 -, la date à laquelle ladite note avait été intégrée au dossier, une copie de tous ses échanges écrits avec les autorités israéliennes ainsi qu'une copie des notes rédigées ensuite d'éventuels entretiens téléphoniques avec les autorités israéliennes antérieurement ou postérieurement à son déplacement.

m. Dans sa réponse du 25 février 2019, le Ministère public a réitéré n'avoir pas à s'exprimer "sur les contacts informels entretenus usuellement entre autorités pour assurer la coordination et l'avancement des procédures d'entraide". Pour le surplus, les pièces reçues d'Israël via l'Office fédéral de la justice le 30 août 2017 avaient été versées à la procédure P/12914/2013. Israël avait par ailleurs répondu à la demande portant sur l'audition de H______, même si le contraire avait pu être indiqué par erreur en raison de la complexité à ordonner la documentation - volumineuse - et d'un changement de greffière à l'été 2018. Les pièces avaient été depuis lors versées à la procédure. Sous réserve de la traduction en français de pièces reçues de la Roumanie ou de la réception de pièces complémentaires en provenance de Guinée voire des États-Unis, le dossier de la procédure devrait être bientôt complet et une copie numérique serait remise aux parties une fois le travail achevé, étant précisé que le dossier physique était resté et restait consultable.

n. Par courrier du 1er mars 2019 adressé au Ministère public, le conseil de A______ s'est plaint que sa réponse ne satisfaisait toujours pas ses demandes des 21 et
26 novembre 2018 ainsi que celle du 15 février 2019. Il sollicitait du Ministère public qu'il lui précise la base légale qui autorisait des contacts "informels", autrement dit "secrets". Partant, il sollicitait qu'il réponde aux questions suivantes : 1. Quand avez-vous eu de tels contacts en Suisse ou en Israël, ou ailleurs dans le monde ? 2. Qui participait à ces entretiens ? 3. Quels sont les thèmes qui ont été abordés ? 4. Quelles traces écrites existe-t-il de ces entretiens (étant rappelé la teneur de l'art. 76 al. 1 et 3 CPP) ? 5. Ces traces écrites figurent-elles à la procédure, qu'il s'agisse des procédures d'entraide ou de la procédure nationale ? 6. Si elles ne sont pas à la procédure, pourquoi ? 7. Comment peut-il faire référence à de tels contacts qui, parce qu'ils ne laissent pas de trace, sont réputés procéduralement ne pas avoir eu lieu ?

C. Dans son courrier du 1er mars 2019, le Ministère public s'est référé à sa missive du 25 février précédent, à laquelle il n'avait rien à ajouter. Il attirait également l'attention sur un arrêt récent du TPF RR.2018.342-347 du 22 février 2019 et notamment sur son considérant 3 qui traitait de l'accès au dossier.

D. a. À l'appui de son recours, A______ se plaint de son impossibilité d'accéder à certaines informations. Il ressortait des dernières commissions rogatoires reçues d'Israël, les 19 septembre 2017 et 20 novembre 2018, l'existence de contacts étroits entre les autorités de cet État et le Ministère public, laissant même entendre que des "actes d'enquête" auraient été accomplis par ces autorités ensemble, que le Procureur genevois se serait rendu en Israël à au moins une occasion en ______ 2017 et qu'un certain nombre d'informations sur le contenu de la procédure suisse aurait été donné par le Procureur suisse aux autorités israéliennes. Si la réalité de ces contacts n'était pas niée par le Ministère public, celui-ci avait toujours refusé de répondre à ses requêtes visant à obtenir une copie des traces de ces contacts et de leur contenu. Partant, il avait violé son droit être entendu, découlant notamment des art. 100, 101, 107 et 76 CPP, voire avait commis un déni de justice. Il soupçonnait en outre que lesdits contacts dont il était fait référence dans le courrier du 19 septembre 2017 ne s'inscrivaient pas dans le cadre de l'exécution d'une commission rogatoire israélienne - puisque la précédente demande d'entraide avait été exécutée au plus tard en avril 2017 - mais bien dans le cadre de la procédure nationale. Ses soupçons étaient renforcés par le fait que le Ministère public n'avait intégré au dossier qu'en janvier 2019 des pièces reçues d'Israël en août 2017, ce qui démontrait selon lui la volonté de cette autorité de lui cacher des informations.

b. Dans ses observations du 3 mai 2019, le Ministère public admet que les autorités israéliennes ont mis du temps à répondre à ses demandes d'entraide mais il gardait bon espoir que toutes ses requêtes seraient exécutées. Il reconnaît n'avoir versé au dossier la copie d'une audition d'un témoin reçue d'Israël en août 2017 qu'à la fin de l'année 2018 à l'occasion d'une mise à jour du dossier. À aucun moment, il n'avait voulu cacher quoi que ce soit. L'audition litigieuse était dorénavant à la procédure et les parties y avaient accès. Il ajoute que les termes choisis par l'autorité israélienne dans ses requêtes évoquaient uniquement "la coopération dont elle se flatte" et la coexistence de deux procédures pénales. L'expression était "peut-être maladroite" mais ne saurait faire naître le soupçon d'irrégularités. Il était vrai qu'il avait eu des contacts informels avec ses homologues israéliens. L'existence de tels contacts n'a jamais été cachée; elle était par ailleurs usuelle et connue en entraide. Rien que les déplacements du recourant en Suisse pour participer à l'instruction avaient nécessité une coordination entre autorités sur le principe et dans l'exécution dès lors qu'il était assigné à résidence en Israël. Ces contacts informels avaient eu lieu pour faciliter l'entraide et dans l'intérêt exclusif de la conduite de l'instruction, à charge et à décharge. Ces contacts étaient presque toujours oraux et ne sauraient avoir pour effet de léser les parties, vu leur but. Partant, il n'avait pas à informer le recourant des circonstances et du contenu des contacts informels qu'il avait eus avec les autorités israéliennes. Il réitère qu'aucune preuve n'a jamais été transmise à Israël autrement qu'en conformité avec les règles sur l'entraide. Quant aux preuves recueillies dans la procédure nationale, elles étaient sous le contrôle des parties, qui n'ont jamais remis en question la régularité de leur acquisition. Enfin, il assure qu'aucun "acte d'enquête" d'aucune sorte n'a été accompli avec l'autorité israélienne.

Il conclut à l'irrecevabilité du recours en tant que les contacts informels en entraide passive ont eu lieu dans le cadre de la CP/1______/2015, seul le TPF étant compétent pour en juger.

S'agissant des contacts informels visant à faciliter ou coordonner l'entraide active dans la procédure nationale P/12914/2013, seuls les actes de procédure devaient être documentés (art. 77 CP). Tel n'était pas le cas des concertations et relances pour agender les dates, lieux, l'ordre des auditions, faciliter les voyages et obtenir des visas etc. Les contacts informels avec une autorité étrangère ne constituaient pas des preuves. Il se réfère en cela au consid. 3 de l'arrêt du TPF du 22 janvier 2019 RR.2018.342-344. Partant, lesdits contacts n'avaient pas à être formalisés et portés à la connaissance des parties. Le recours devait ainsi être rejeté, sous suite de frais.

c. Dans sa réplique du 29 mai 2019, A______ émet tout d'abord des griefs à l'encontre de l'exécution de la demande d'entraide israélienne de juin 2016 (CP/1______/2015) à l'occasion de laquelle des représentants de cet État étaient venus en Suisse. Il considère ensuite que les contacts entre les deux États survenus dans le cadre de la P/12914/2013 étaient des actes de procédure qui devaient être formalisés par écrits. Le Ministère public ne saurait ici invoquer la jurisprudence rendue en matière d'entraide. Il s'interrogeait également sur l'absence de formalisation au dossier du déplacement du Procureur en Israël, mentionné dans la commission rogatoire israélienne du 19 septembre 2017. Pour pouvoir remettre en question la régularité de l'acquisition d'une preuve, il lui était nécessaire d'avoir accès aux informations relatives à la manière dont s'étaient déroulés les échanges avec l'autorité étrangère. Il appartenait dès lors au Ministère public, s'il ne l'avait pas déjà fait, de procéder à cette formalisation puis de lui donner l'accès à ces pièces.

d. Le Ministère public duplique. Il maintient que les contacts informels destinés à coordonner et à faciliter l'entraide n'ont pas à être révélés, ce qu'avait confirmé un arrêt du TPF du 23 février 2017 (SK.2016.30)

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits - le courrier litigieux ayant été communiqué par pli simple - (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émaner du prévenu, qui est partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

1.2. Il est dirigé contre le refus du Ministère public, réitéré la dernière fois le 1er mars 2019, de formaliser par écrit et de verser au dossier de la procédure le contenu de ses échanges avec les autorités de poursuite pénale israéliennes.

1.2.1. En tant que le refus vise les contacts "informels" ayant eu lieu dans le cadre de l'entraide accordée à Israël (entraide passive), soit dans la CP/1______/2015, la Chambre de céans n'est pas compétente pour trancher cette question. Seul le TPF l'est. Du reste, le recourant l'a bien compris puisqu'il s'est plaint de ce refus dans le cadre de son recours formé auprès de cette autorité contre l'ordonnance de clôture du 10 décembre 2018 (cf. consid. B. j. supra).

Sous cet angle, le présent recours est donc irrecevable.

1.2.3. Il est par contre recevable en tant que le refus du Ministère public vise les contacts "informels" qu'il a eus avec les autorités de poursuite pénale israéliennes en lien avec ses propres demandes d'entraide dans la procédure nationale P/12914/2013.

1.3. Le recourant a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.5. Ainsi circonscrit, le présent recours est recevable.

1.6. Partant, il n'y a pas lieu de l'examiner sous l'angle d'un éventuel déni de justice.

2.             Le recourant soupçonne l'existence de contacts étroits entre le Ministère public et les autorités de poursuite pénale israéliennes et en veut pour preuve les termes utilisés dans les commissions rogatoires israéliennes des 19 septembre 2017 et 20 novembre 2018 et le fait que des actes d'enquête auraient été menés en coopération avec les autorités suisses. Le Procureur se serait également, dans ce cadre, livré à une "entraide sauvage" en remettant directement des documents aux autorités israéliennes.

Ces griefs, qui s'inscrivent dans le cadre de l'entraide passive, échappent à la cognition de la Chambre de céans, faute de compétence.

3. Il en va de même des griefs énoncés par le recourant dans sa réplique, relatifs à l'exécution de la demande d'entraide israélienne de juin 2016.

4. Le recourant souhaite également connaître la nature et le contenu exacts des échanges "informels" qui ont eu lieu entre le Procureur en charge de la P/12914/2013 dans le cadre de l'entraide judiciaire qu'il a sollicitée auprès des autorités de
poursuite pénale israéliennes. Les expressions utilisées dans les demandes d'entraide israéliennes, tout comme le déplacement du Procureur genevois en Israël en
______ 2017 - qui n'était pas intervenu dans le cadre de l'exécution de la CP/1______/2015 -, trahissaient selon lui une étroite collaboration dans le cadre de la procédure d'entraide nationale.

Le Ministère public ne nie pas l'existence de contacts avec ses homologues israéliens mais estime qu'ils n'ont pas à être formalisés par écrit et versés au dossier, dès lors qu'il ne s'agit pas d'actes de procédure ou de preuves. Partant, il conteste cacher quoi que ce soit aux parties. Si certaines expressions formulées dans les requêtes d'entraide israéliennes pouvaient être "maladroites" et prêter à suspicion, il affirme qu'aucun acte d'enquête n'a été mené avec l'autorité israélienne et que toutes les preuves recueillies dans la procédure nationale figuraient au dossier. L'entier de celui-ci, complet ou en voie de l'être, leur était du reste accessible.

4.1. En tant que garantie générale de procédure, le droit d'être entendu, consacré à l'art. 29 al. 2 Cst., permet au justiciable de consulter le dossier avant le prononcé d'une décision. En effet, la possibilité de faire valoir ses arguments dans une procédure suppose la connaissance préalable des éléments dont l'autorité dispose.

L'accès au dossier est garanti aux parties de manière générale par l'art. 107 al. 1 let. a CPP.

4.2. Toutes les pièces d'une affaire, à savoir celles réunies par les autorités, celles versées par les parties ainsi que les procès-verbaux de procédure et des auditions, doivent être réunies au dossier (art. 100 al. 1 CPP).

4.3. À teneur des art. 76 ss CPP, sont consignés au procès-verbal tous les actes de procédure qui ne sont pas accomplis en la forme écrite ainsi que les dépositions des parties.

Par actes de procédure, on entend les décisions qui ont un effet sur le déroulement de la procédure pénale et, à ce titre, exercent une influence sur la situation du justiciable (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du Code de procédure pénale, Bâle 2016., n. 7 et 10 ad art. 393).

4.3.1. En droit administratif et notamment en matière d'entraide, la coopération judiciaire, qui relève des activités ordinaires d'une autorité pénale, n'est pas publique (décision du TPF SK 2016.30 du 23 février 2017).

Il a par ailleurs été jugé que l'administré ne peut exiger la consultation des documents internes à l'administration, à moins que la loi ne le prévoie. Cela concerne notamment les notes de l'autorité, les copies des courriers électroniques ou les notes relatant des conversations téléphoniques. L'accès au dossier est accordé dans la mesure nécessaire à la sauvegarde des intérêts de l'ayant droit, qui peut consulter uniquement les pièces qui le touchent directement et personnellement (arrêt du TPF RR.2018.342-347 du 22 février 2019, consid. 3.2 et 3.3).

4.4. En l'espèce, le recourant sollicite, dans le cadre de la procédure nationale P/12914/2013, la formalisation par écrit et la transmission les documents suivants : copie de tous les échanges (courriers, mails etc.) ainsi que de toutes les notes résumant les entretiens intervenus (au téléphone, en vidéoconférence ou encore en personne) entre le Ministère public et les autorités de poursuite pénale israéliennes depuis le 1er janvier 2017. La jurisprudence rendue par le TPF en cette matière, en tant qu'elle concerne l'entraide passive, n'est donc pas transposable au présent cas et il faut se référer ici exclusivement au CPP.

Or, force est de constater, à la teneur de l'art. 76 CPP, que seuls les actes de procédure ou les preuves doivent être consignés.

Les échanges entre autorités de poursuite destinés à coordonner et assurer l'avancement des procédures d'entraide (actives) ne revêtent pas cette qualité dès lors qu'ils ne touchent pas directement et personnellement le justiciable dans ses droits.

Ils ne constituent pas non plus des actes qui pourront être utilisés dans le cadre de la procédure pénale et, partant, ont un effet sur le déroulement de celle-ci.

Le refus du Ministère public de formaliser ces échanges et de les porter à la connaissance du recourant ou des autres parties est donc fondé.

De même, s'agissant des dates de déplacement du Procureur en Israël ainsi que l'objet de ces déplacements et le nom des personnes rencontrées, il n'apparaît tout d'abord pas qu'un tel déplacement ait effectivement eu lieu, le Procureur ne l'ayant ni confirmé ni infirmé, ce que l'on peut regretter, un tel silence pouvant faire naître suspicion et conjectures. Or, un tel déplacement, même s'il a eu lieu, ne constitue pas encore un acte de procédure au sens de ce qui précède, quand bien même on peine à voir sa finalité. Si un tel déplacement a eu pour effet de recueillir des éléments de preuve dans le cadre de la P/12914/2013, alors il s'agit d'un acte de procédure qui doit être protocolé et bien évidemment figurer au dossier. En l'occurrence, le recourant n'établit pas qu'en se rendant, le cas échéant, en Israël en ______ 2017, le Procureur aurait, à cette occasion, mené en coopération avec l'autorité israélienne des actes d'enquête ou collecté des preuves pour la présente procédure.

5. Le refus du Ministère public étant justifié, la décision querellée sera donc confirmée.

6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Sandrine JOURNET, greffière.

 

La greffière :

Sandrine JOURNET

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/12914/2013

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

0.00

- délivrance de copies (let. b)

CHF

0.00

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'500.00

CHF

0.00

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'595.00