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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/24146/2023

AARP/364/2024 du 07.10.2024 sur JTDP/50/2024 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : CONTRAVENTION;MENDICITÉ;CEDH;LÉGALITÉ;LIBERTÉ PERSONNELLE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPG11A.1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24146/2023 AARP/364/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 7 octobre 2024

 

Entre

A______, domiciliée c/o Jud. B______, ______, ROUMANIE, comparant par
Me Dina BAZARBACHI, avocate, LEUENBERGER LAHLOU & BAZARBACHI, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/50/2024 rendu le 16 janvier 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/50/2024 du 16 janvier 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable de mendicité (art. 11A al. 1 let. c de la loi pénale genevoise [LPG]) et l'a condamnée à une amende de CHF 900.-, peine privative de liberté de substitution de neuf jours. Les frais de la procédure, réduits à CHF 800.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-, ont été mis à la charge de la contrevenante.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et, subsidiairement, à une exemption de peine.

b. Selon les ordonnances pénales du Service des contraventions (SDC) des 7 juillet 2023, 9 août 2023, 11 août 2023, 14 août 2023, 15 août 2023 et 24 août 2023, il est reproché à A______ de s'être adonnée, à 13 reprises, à la mendicité aux abords de lieux proscrits situés sur la rue 1______, soit l'établissement bancaire C______ (n° ______), [le magasin] D______ (n° ______) et un magasin (n° ______) :

- le 23 janvier 2023 à 15h40, aux abords immédiats de la banque C______ (ordonnance pénale n° 2______) ;

- le 1er juin 2023 à 11h54, aux abords immédiats de D______ (ordonnance pénale n° 3______) ;

- le 2 juin 2023 à 14h46, aux abords immédiats d'un magasin (ordonnance pénale n° 4______) ;

- le 27 juin 2023 à 15h55, aux abords immédiats de la banque C______ (ordonnance pénale n° 5______) ;

- le 11 juillet 2023 à 14h10, aux abords immédiats de la banque C______ (ordonnance pénale n° 6______) ;

- le 11 juillet 2023 à 16h37, aux abords immédiats de la banque C______ (ordonnance pénale n° 7______) ;

- le 12 juillet 2023 à 17h15, aux abords immédiats de la banque C______ (ordonnance pénale n° 8______) ;

- le 15 juillet 2023 à 14h25, aux abords immédiats de la banque C______ (ordonnance pénale n° 9______) ;

- le 17 juillet 2023 à 16h50, aux abords immédiats de la banque C______ (ordonnance pénale n° 10______) ;

- le 21 juillet 2023 à 11h30, aux abords immédiats de la banque C______ (ordonnance pénale n° 11______) ;

- le 26 juillet 2023 à 11h08, aux abords immédiats de la banque C______ (ordonnance pénale n° 12______) ;

- le 26 juillet 2023 à 12h02, aux abords immédiats de D______ (ordonnance pénale n° 13______) ;

- le 28 juillet 2023 à 11h13, aux abords immédiats de la banque C______ (ordonnance pénale n° 14______).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon le rapport de contravention du 7 juillet 2023, A______ a été interpellée par des agents, le 23 janvier 2023 à 15h40, alors qu'elle mendiait en tendant un gobelet à proximité immédiate de la banque C______ sis no. ______, rue 1______. Elle a été déclarée en contravention sur le champ.

b. Selon le rapport de contravention du 2 juin 2023, A______ a été interpellée par des agents, le 1er juin 2023 à 11h54, alors qu'elle mendiait à proximité immédiate d'un commerce sis no. ______, rue 1______. Elle a été déclarée en contravention sur le champ.

c. Selon le rapport de contravention du 14 juillet 2023, A______ a été interpellée par des agents, le 2 juin 2023 à 14h46, alors qu'elle mendiait en tendant un gobelet à moins de dix mètres d'un commerce sis no. ______, rue 1______. Elle a été priée de ne plus s'adonner à cette pratique interdite et déclarée en contravention sur le champ.

d. Selon le rapport de contravention du 18 juillet 2023, A______ a été interpellée par des agents, le 27 juin 2023 à 15h55, alors qu'elle mendiait en tendant sa main, à environ deux mètres de l'entrée de la banque C______ sise no. ______, rue 1______. Elle a été priée de ne plus s'adonner à cette pratique interdite et déclarée en contravention sur le champ.

e. Selon le rapport de contravention du 14 juillet 2023, A______ a été interpellée par des agents, le 11 juillet 2023 à 14h10, alors qu'elle mendiait devant l'entrée de la banque C______ sise no. ______, rue 1______. Elle a été déclarée en contravention sur le champ.

f. Selon le rapport de contravention du 14 juillet 2023, A______ a été interpellée par des agents, le 11 juillet 2023 à 16h37, alors qu'elle mendiait en tendant la main devant l'entrée de la banque C______ sise no. ______, rue 1______. Elle a été déclarée en contravention sur le champ.

g. Selon le rapport de contravention du 18 juillet 2023, A______ a été interpellée par des agents, le 12 juillet 2023 à 17h15, alors qu'elle mendiait en tendant la main à proximité immédiate de l'entrée des commerces attenants, soit la banque C______ sise no. ______, rue 1______. Elle a été priée de ne plus s'adonner à cette pratique interdite et déclarée en contravention sur le champ.

h. Selon le rapport de contravention du 16 juillet 2023, A______ a été interpellée par des agents, le 15 juillet 2023 à 14h25, alors qu'elle mendiait en tendant un gobelet aux passant à moins de dix mètres d'un commerce, soit la banque C______ sise no. ______, rue 1______. Elle a été priée de ne plus s'adonner à cette pratique interdite et déclarée en contravention sur le champ.

i. Selon le rapport de contravention du 18 juillet 2023, A______ a été interpellée par des agents, le 17 juillet 2023 à 16h50, alors qu'elle mendiait assise en tendant la main et en demandant de l'argent à proximité immédiate de l'entrée de la banque C______ sise no. ______, rue 1______. Elle a été déclarée en contravention sur le champ.

j. Selon le rapport de contravention du 21 juillet 2023, A______ a été interpellée à deux reprises par des agents, le 21 juillet 2023 à 11h30 et à 11h45, alors qu'elle mendiait devant l'entrée de la banque C______ sise no. ______, rue 1______. Bien que la première fois elle a été priée de quitter les lieux et de ne plus s'adonner à cette pratique interdite, elle est revenue 15 minutes après au même endroit s'adonner à nouveau à la mendicité. Elle a alors été déclarée en contravention sur le champ.

k. Selon le rapport de contravention du 27 juillet 2023, A______ a été interpellée par des agents, le 26 juillet 2023 à 11h08, alors qu'elle mendiait en tendant la main aux personnes entrant et sortant de la banque C______ sise no. ______, rue 1______. Elle a été priée de quitter les lieux et déclarée en contravention sur le champ.

l. Selon le rapport de contravention du 27 juillet 2023, A______ a été interpellée par des agents, le 26 juillet 2023 à 12h02, alors qu'elle mendiait sans gobelet assise devant l'entrée de D______ sise no. ______, rue 1______. Elle a été déclarée en contravention sur le champ.

m. Selon le rapport de contravention du 4 août 2023, A______ a été interpellée par des agents, le 28 juillet 2023 à 11h13, alors qu'elle mendiait assise en tendant la main et en demandant de l'argent aux passants, à proximité immédiate de l'entrée la banque C______ sise no. ______, rue 1______. Elle a été déclarée en contravention sur le champ.

n. Par ordonnances pénales n° 2______, n° 3______, n° 4______, n° 5______, n° 6______, n° 7______, n° 8______, n° 9______, n° 10______, n° 11______, n° 12______, n° 13______ et n° 14______ des 7 juillet 2023, 9 août 2023, 11 août 2023, 14 août 2023, 15 août 2023 et 24 août 2023, le SDC a infligé à A______ des amendes de CHF 100.- chacune, majorées de CHF 60.- d'émoluments, pour avoir mendié aux abords immédiats de lieux proscrits par l'art. 11A al. 1 let. c LPG.

o. Sur opposition de A______, le SDC a maintenu ses ordonnances, relevant que l'intéressée ne contestait pas être l'auteur des infractions reprochées.

p. Bien que dûment convoquée, A______ ne s'est pas présentée à l'audience fixée par le TP, à laquelle elle a été représentée par son avocate qui a expliqué que sa mandante se trouvait en Roumanie. Les faits de mendicité ont été admis et la défense a expressément renoncé à toute prétention en indemnisation.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite.

b.a. Dans son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions, étant relevé que, bien qu'invitée à déposer toutes prétentions en indemnisations au sens des art. 429 et 436 CPP, elle n'a pris aucune conclusion en ce sens.  

L'art. 11A LPG violait premièrement l'exigence de précision découlant du principe de la légalité, dans la mesure où sa formulation était si vague qu'elle ne permettait pas de déterminer où et comment pratiquer la mendicité licitement. Cela valait d'autant plus que la population visée par l'interdiction était souvent étrangère et peu éduquée et que l'atteinte touchait l'essence même d'un droit fondamental, protégé par l'art. 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), référence étant faite à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH) Lacatus c. Suisse du 19 janvier 2021. Le TP ne pouvait ignorer cette réalité et se dispenser d'examiner in concreto et de manière objective les différentes notions abstraites – telle celle "d'abords immédiats" – contenues dans la loi, ce qui l'aurait conduit à conclure que l'application de cette disposition allait provoquer des inégalités de traitement et ouvrait la porte à l'arbitraire.

Deuxièmement, le TP avait retenu, à tort, que la restriction apportée à sa liberté personnelle était justifiée par un intérêt public et proportionnée, alors que la mendicité lui était indispensable pour satisfaire ses besoins élémentaires, et donc protéger son intégrité physique.

Il ne pouvait, à cet égard, se contenter de se référer à l'arrêt de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice (CSTCJ) – qui, lors d'un examen abstrait, avait conclu que la disposition incriminée était conforme au droit supérieur (ACST/12/2022 du 28 juillet 2022) – ou à la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt 1C_537/2021 du 13 mars 2023), sans procéder à un examen in concreto, notamment en cherchant à vérifier si les réseaux évoqués dans ces décisions existaient bel et bien et si elle-même en faisait ou non partie, ce qui n'était évidemment pas le cas, cette activité étant peu rémunératrice, aucun cas de traite d'êtres humains en relation avec la mendicité n'ayant au demeurant été constaté à Genève en 12 ans. En tout état, même à considérer qu'ils existassent, le choix du législateur de réprimer pénalement une victime de traite laissait perplexe.

La mendicité ne créait en outre pas davantage de troubles à l'ordre public qu'une collecte organisée en faveur d'une œuvre caritative ou d'intérêt public, aussi longtemps que les personnes s'y adonnant respectaient les règles cantonales et communales protégeant la tranquillité et la salubrité publiques.

Sous l'angle de la proportionnalité, la sanction pénale choisie par le législateur genevois violait le droit supérieur. La CourEDH avait en effet proscrit, en matière de mendicité, la conversion d'amende en peine privative de liberté. Tant la CSTCJ que le Tribunal fédéral avaient ainsi évoqué la possibilité, pour les contrevenants, d'invoquer l'état de nécessité, une exemption de peine en raison du peu de gravité de l'acte reproché – option d'ailleurs suivie par le TP dans une affaire similaire (P/1381/2023) – ou le caractère non fautif du paiement de l'amende.

La restriction à sa liberté personnelle prévue par l'art. 11A LPG ne respectait par ailleurs pas le principe de la proportionnalité au sens étroit puisqu'il revenait à n'autoriser la mendicité que dans les zones agricoles ou industrielles, où il y avait pas de passants, ce qui s'apparentait à une interdiction générale de la mendicité.

En troisième lieu, l'art. 11A LPG, pris dans sa globalité, contrevenait à la liberté de communication consacrée aux art. 16 de la Constitution fédérale (Cst.) et 10 CEDH. En mendiant, elle démontrait et communiquait en effet que sa communauté, dont les membres vivaient encore sous le seuil de pauvreté, était notoirement discriminée et obligée de solliciter l'aide pour survivre, ce qui comportait une dimension symbolique. Le TP ne pouvait à cet égard reprendre sans autres l'argumentation du Tribunal fédéral développée en lien avec l'ancien art. 11A LPG, alors même que cette disposition avait entraîné la condamnation de la Suisse par la CourEDH. Il aurait dû au contraire se référer à l'arrêt de la Cour constitutionnelle autrichienne, cité par la CourEDH dans l'arrêt Lacatus c. Suisse du 19 janvier 2021, qui avait abrogé une disposition interdisant la mendicité au motif qu'elle violait la liberté d'expression au sens de l'art. 10 CEDH. L'acte de mendier était ainsi protégé par la liberté de communication découlant de la liberté d'expression.

L'interdiction de mendier consacrait enfin un traitement discriminatoire, puisque la norme visait à sanctionner des personnes uniquement en raison de leur pauvreté. À nouveau, le TP s'était référé à tort à l'ACST/12/2022 du 28 juillet 2022, sans examiner concrètement la situation. Or, l'appelante ne faisait partie d'aucun réseau organisé. Elle faisait au contraire face à une situation de grand dénuement et sollicitait la générosité des passants uniquement pour subvenir à ses besoins ainsi qu'à ceux de sa famille.

b.b. À l'appui de son mémoire d'appel, A______ a produit un courrier du Service de l'application des peines et mesures (SAPEM) du 7 aout 2024.

c. Dans leurs réponses respectives, le Ministère public (MP), le TP et le SDC concluent au rejet de l'appel en se référant intégralement au jugement entrepris. A______ n'avait pas contesté s'adonner depuis longtemps à la mendicité et avait fait l'objet de nombreux avertissements préalables relatifs à cette pratique, postérieurement à l'entrée en vigueur de la nouvelle législation en la matière.

D. A______, née le ______ 1996 en Roumanie, issue de la communauté rom, est domiciliée dans ce pays. Elle se dit analphabète, sans formation, sans emploi et sans revenu. Elle n'a aucune inscription à son casier judiciaire suisse, hormis la mention d'une procédure actuellement en cours d'instruction auprès du MP pour escroquerie (art. 146 CP).

EN DROIT :

1. 1.1. Selon l'art. 8 de la Loi d'application du Code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale (LaCP), les infractions prévues par la législation genevoise sont poursuivies et jugées conformément au Code de procédure pénale (CPP), appliqué à titre de droit cantonal supplétif, ainsi qu'à ses dispositions cantonales d'application.

1.2. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est ainsi limité dans l'appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5.2). Il s'agit là d'une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l'autorité de deuxième instance qui conduit à qualifier d'appel "restreint" cette voie de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable ; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1 ;
143 IV 241 consid. 2.3.1 ; sur la notion d'arbitraire en matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il est renvoyé à l'ATF 143 IV 500 consid. 1.1).

1.3. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP). La nouvelle pièce produite en appel est toutefois irrecevable vu les considérations qui précèdent (cf. consid. 1.2).

1.4. Conformément à l'art. 129 al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ), lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, le magistrat exerçant la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétent pour statuer.

2. 2.1.1. À la suite de la condamnation de la Suisse par la CourEDH en lien avec l'interdiction générale de la mendicité prévue par l'art. 11A aLPG (arrêt n° 14065/15 du 19 avril 2021 Lacatus c. Suisse), cette disposition a été modifiée en date du 12 février 2022 et dresse désormais une liste de situations dans lesquelles la mendicité est punissable.

L'art. 11A al. 1 let. c ch. 2 LPG prévoit ainsi qu'est puni de l'amende quiconque aura mendié aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation commerciale, notamment les magasins, hôtels, cafés, restaurants, bars et discothèques.

Le chiffre 5 de la même disposition vise quant à lui l'interdiction de mendier aux abords immédiats, notamment des banques et distributeurs automatiques d'argent.

Cette disposition vise la mendicité passive, soit l'acte par lequel le mendiant s'installe sur le domaine public et tend la main ou le gobelet sans interpeller les passants (par opposition à la mendicité active où le mendiant s'approche des passants et les sollicite avec insistance, dont la répression est prévue à l'art. 11A al. 1 let. b LPG ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2017 consid. 4.3 ; ACST/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 8b).

2.1.2. L'art. 11A LPG a fait l'objet d'un contrôle abstrait de constitutionnalité par la Cour constitutionnelle de la Cour de justice (CSTCJ), qui a conclu que la disposition incriminée était conforme au droit supérieur (ACST/12/2022 du 28 juillet 2022). Il n'appartient dès lors pas à la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) de procéder à un second contrôle abstrait de celle-ci.

2.2. L'appelante, qui ne conteste pas la matérialité des faits reprochés, tels que retenus par le premier juge, allègue toutefois que leur punissabilité viole ses droits fondamentaux, soit le principe de la légalité (exigence de précision), sa liberté personnelle, sa liberté d'expression et procéderait d'un traitement discriminatoire en raison de sa situation sociale.

Dans cette mesure, les griefs de l'appelante seront examinés uniquement au regard de l'état de fait qui lui est concrètement reproché.

2.2.1. Le fait de mendier doit être considéré comme une liberté élémentaire, faisant partie de la liberté personnelle garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. ou du droit au respect de la vie privée au sens de l'art. 8 § 1 CEDH (ATF 149 I 248 consid. 4.3 ; CourEDH Lacatus c. Suisse du 19 janvier 2021 §59).

À l'instar de tout autre droit fondamental, la liberté personnelle n'est pas absolue et sa restriction est admissible si elle repose sur une base légale, si elle est justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et si elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst.).

Ces conditions sont similaires à celles figurant à l'art. 8 § 2 CEDH, qui admet l'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant qu'elle soit prévue par la loi et constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

2.2.2. L'appelante ne nie pas que l'interdiction de mendier qu'elle conteste figure dans une loi au sens formel. Elle estime toutefois que le libellé de l'interdiction contrevient au principe de la légalité.

Ce principe est consacré par l'art. 1 du Code pénal (CP), qui prévoit qu'une peine ou une mesure ne peuvent être prononcées qu'en raison d'un acte expressément réprimé par la loi. La norme pénale doit être formulée de manière suffisamment précise pour que les citoyens puissent s'y conformer et identifier les conséquences d'un comportement donné avec un degré de certitude correspondant aux circonstances (ATF 144 I 242 consid. 3.1.2 ; 141 IV 179 consid. 1.3.3 ; 138 IV 13 consid. 4.1).

L'exigence de précision de la base légale ne doit cependant pas être comprise d'une manière absolue et dépend entre autres de la complexité de la matière réglementée et de la peine encourue. Le législateur ne peut pas renoncer à utiliser des définitions générales ou plus ou moins vagues, dont l'interprétation et l'application sont laissées à la pratique. Le degré de précision requis ne peut pas être déterminé de manière abstraite. Il dépend, entre autres, de la multiplicité des situations à régler, de la complexité ou de la prévisibilité de la décision à prendre dans le cas particulier, du destinataire de la norme, ou de la gravité de l'atteinte aux droits constitutionnels. Il dépend aussi de l'appréciation que l'on peut faire, objectivement, lorsque se présente un cas concret d'application (ATF 149 I 248 consid. 4.6.1 ; 147 IV 274 consid. 2.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_315/2022 du 29 septembre 2022 consid. 1.1).

Ce principe est violé lorsqu'une personne est poursuivie pénalement en raison d'un comportement qui n'est pas incriminé par une loi valable, ou lorsque l'application du droit pénal à un acte déterminé procède d'une interprétation de la norme pénale excédant ce qui est admissible au regard des principes généraux du droit pénal (ATF 144 I 242 consid. 3.1.2).

2.2.3. Alors qu'à Bâle-Ville, la loi réglementant la mendicité, adoptée en juin 2021, fixe à cinq mètres des lieux listés le périmètre dans lequel il est interdit de mendier, le législateur genevois a renoncé à une distance métrique au profit des termes "aux abords immédiats de", notion susceptible d'évoluer selon le type d'installations visé (cf. rapport du 16 novembre 2021 de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi PL 12862-A, pp. 24 et 25).

Amenée à trancher la question de la constitutionnalité de la norme, la CSTCJ a écarté le grief du manque de clarté en considérant que l'expression "abords immédiats", certes générale et abstraite, était néanmoins compréhensible par elle-même et que sa concrétisation relèverait de la pratique, qui préciserait, au gré des circonstances particulières, la volonté du législateur (ACTS/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 8b).

La CPAR a, elle aussi, jugé que cette expression se comprenait par elle-même, l'utilisation de l'adjectif "immédiat" – défini par les dictionnaires Robert et Larousse comme "qui précède ou suit sans intermédiaire, notamment dans une relation spatiale" – suffisant à réaliser l'exigence de précision. Les termes "abords immédiats" délimitaient ainsi de façon intelligible les secteurs où la mendicité était interdite et permettaient une marge d'appréciation en fonction de la configuration de l'endroit (par exemple une application plus stricte dans des lieux manquant de dégagement ou de visibilité ; cf. AARP/88/2024 du 6 mars 2024 consid. 2.4.2.5).

2.2.4. En l'espèce, l'appelante soutient que la formulation de l'art. 11A al. 1 let. c LPG est si vague qu'elle ne lui permettrait pas de déterminer où et comment pratiquer la mendicité licitement et que la marge d'interprétation laissée à l'autorité conduirait à des inégalités de traitement.

Ce faisant, l'appelante ne prétend pas, quand bien même elle est d'origine étrangère et illettrée, ne pas avoir effectivement compris qu'interdiction lui était faite de mendier devant ou à proximité de l'entrée d'un magasin, de D______ ou de l'établissement bancaire C______, tous situés sur la même rue, voire même à côté. Elle ne soutient pas non plus avoir mésestimé la distance prohibée. Elle peut d'autant moins soutenir ce fait que les agents qui l'ont verbalisée – à 13 reprises dont trois en un peu moins d'un mois et neuf autres en l'espace de 18 jours – la lui ont indiquée à plusieurs reprises, sans que cela ne l'incite pour autant à modifier son comportement. L'ignorance de la règlementation ou un doute sur son interprétation n'ont ainsi manifestement pas joué de rôle dans sa détermination de commettre les infractions qui lui sont reprochées.

Elle le peut d'autant moins que, bien qu'informée de l'interdiction de mendier à l'endroit où elle se trouvait, elle a fréquemment récidivé au même emplacement, en particulier devant la banque C______ sise no. ______ rue 1______, quelques heures, voire quelques jours plus tard, ce qui témoigne du fait que l'ignorance de la règlementation ou un doute sur son interprétation n'ont pas joué de rôle dans sa détermination de commettre les infractions qui lui sont reprochées.

Dans ces conditions, l'argument tiré d'un prétendu manque de précision de la loi doit être rejeté.

2.3.1. L'interdiction de la mendicité doit ensuite être justifiée par un intérêt public suffisant ou par la protection des droits fondamentaux de tiers (art. 36 al. 2 Cst.).

La CourEDH n'a pas exclu que l'interdiction totale de la mendicité poursuit a priori des buts légitimes, soit, d'une part, la protection de l'ordre public et l'assurance de la sécurité et de la tranquillité publiques, afin de ne pas porter atteinte aux passants, aux résidents et aux commerçants, et, d'autre part, la lutte contre l'exploitation des mineurs. Elle a laissé ouverte la question de savoir si d'autres buts légitimes sont également poursuivis par l'interdiction de la mendicité. La motivation de rendre la pauvreté moins visible dans une ville et d'attirer les investissements n'est toutefois pas légitime au regard des droits de l'homme (CourEDH Lacatus c. Suisse du 19 janvier 2021 §§ 96, 97 et 113).

Le Tribunal fédéral a confirmé l'existence d'un intérêt public à la protection de l'ordre, de la tranquillité et de la sécurité publics en cas de réglementation de la mendicité à proximité immédiate des points de paiement et des distributeurs automatiques de billets, à l'entrée des magasins, dans les gares ou dans d'autres bâtiments publics (ATF 149 I 248 consid. 4.6.2 et 5.3.2).

2.3.2. Force est d'emblée de constater que les considérations de l'appelante, qui reproche au TP de ne pas avoir cherché à vérifier si les réseaux criminels évoqués par les arrêts de la CJCST et du Tribunal fédéral existaient bel et bien, tombent à faux. Cet aspect de la mendicité est en effet visé par la let. a de l'art. 11A al. 1 LPG et non par la disposition présentement querellée, de sorte que c'est à bon droit que le premier juge n'a pas abordé cette problématique.

En ce qui concerne l'art. 11A al. 1 let. c LPG, les représentants des commerçants, incluant tant ceux de la grande distribution, tels COOP, que ceux du commerce de détail, ont été interrogés par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de la LPG et ont décrit de manière unanime un impact négatif sur la clientèle résultant de la présence de mendiants statiques devant les magasins, perçue par certains comme une atteinte à leur sécurité et leur confort (cf. rapport p. 23).

En se plaçant devant l'entrée d'un commerce pour mendier ou d'un établissement bancaire, de telle sorte que la clientèle n'ait d'autre alternative que de passer devant elle, l'appelante a pris le risque de gêner les personnes souhaitant fréquenter les magasins et/ou banques ou de susciter chez elles un sentiment d'insécurité, cela sans l'accord des intéressées, dont les droits méritent eux aussi protection.

Contrairement à ce qu'elle soutient, la gêne occasionnée par la mendicité passive ne saurait être comparée à celle générée par les collectes caritatives dans la rue. Celles-ci doivent en effet faire l'objet d'une autorisation étatique pour l'utilisation accrue du domaine public qu'elles comportent, autorisation octroyée pour un temps et un lieu déterminés, voire contre le paiement d'un émolument. Lorsqu'une telle collecte est organisée "aux abords immédiats" d'un commerce, elle recueille en outre en principe l'accord de l'exploitant, ce qui n'est à l'évidence pas le cas de l'appelante.

Au vu de ce qui précède, l'interdiction partielle de mendier aux abords immédiats d'un magasin ou de l'entrée d'une banque poursuit un intérêt public reconnu.

2.4.1. L'interdiction de la mendicité doit enfin être proportionnée (art. 36 al. 3 Cst.) ou s'avérer nécessaire dans une société démocratique (art. 8 § 2 CEDH). Il faut qu'elle soit apte à atteindre le but visé, que ce dernier ne puisse être atteint par une mesure moins incisive et qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public. Il faut tenir compte du fait que les personnes mendiantes sont généralement particulièrement nécessiteuses et vulnérables et qu'elles dépendent de la mendicité comme moyen de subsistance (ATF 149 I 248 consid. 4.6.3).

Dans son examen de la constitutionnalité de la loi bâloise, laquelle, à l'instar de la loi genevoise, punit quiconque mendie dans divers lieux du territoire cantonal abstraitement énumérés, le Tribunal fédéral a rejeté l'argument des recourants selon lequel cette règlementation était trop restrictive et ne ménageait pas assez d'espaces où la mendicité soit permise. Il a rappelé à cette occasion que la réglementation adoptée protégeait l'accessibilité des bâtiments et installations publics et privés, de même que la sphère privée de celles et ceux qui les fréquentaient à des fins pécuniaires ou personnelles. Elle laissait néanmoins subsister des possibilités suffisantes de pratiquer la mendicité sur le territoire cantonal, y compris dans le centre-ville (cf. ATF 149 I 248 consid. 5.3.1 et 5.3.2).

2.4.2. La règlementation genevoise ne diffère guère, en la manière, des dispositions bâloises, en ce qu'elle dresse une liste des lieux où il existe un intérêt public à la prohibition de la mendicité.

L'appelante ne suggère pas de mesure précise moins incisive apte à atteindre le but recherché, étant relevé qu'elle semble déjà immunisée par toute sanction pénale, vu ses nombreuses récidives.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'elle soutient, cette liste n'aboutit pas à une interdiction de facto de toute mendicité. Quand bien même il n'appartient pas à la Cour de céans d'énumérer les lieux où elle pourrait pratiquer cette activité, il n'en demeure pas moins que le territoire cantonal est vaste et que, même en ville de Genève ou dans les communes périurbaines, nombreux sont les lieux qui ne sont pas concernés par les interdictions prévues à l'art. 11A al. 1 LPG,

Il suffisait en l'occurrence à l'appelante de s'éloigner davantage de l'accès des commerces ou de la banque pour pratiquer, à un autre endroit dans le quartier, son activité de manière licite.

L'existence d'un état de nécessité de nature à rendre licite son comportement (art. 17 CP) doit dès lors être niée, le respect du principe de la proportionnalité de la limitation du droit de mendier figurant à l'art. 11A al. 1 LPG devant être confirmé.

2.5.1.1. Tant l'art. 16 al. 2 Cst. que l'art. 10 § 1 de la CEDH protègent le droit de toute personne de former, d'exprimer et de répandre librement son opinion ou des idées, sans qu'il puisse y avoir d'ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière.

L'art. 10 § 1, 1ère phrase CEDH dispose que toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière.

L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire (art. 10 § 2 CEDH).

2.5.1.2. Le Tribunal fédéral refuse de juger une interdiction de la mendicité comme étant également constitutive d'une atteinte à la liberté d'expression (ATF 149 I 248 consid. 4.4. ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_443/2017 du 29 août 2018 consid. 6 et 6B_530/2014 du 10 septembre 2014 consid. 2).

Le but de la mendicité n'est pas d'exprimer un besoin, mais plutôt d'en obtenir la satisfaction par le biais d'un don très généralement sous la forme d'une prestation en argent. Le simple fait de se poster sur la voie publique pour se faire remettre de l'argent peut être interprété de diverses manières, mais on peut avant tout y voir un geste dépourvu de tout message et simplement destiné à améliorer la situation matérielle de son auteur (arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2017 du 29 août 2018 consid. 6.2). Le comportement consistant à demander de l'argent aux passants en leur tendant la main ne comporte aucune dimension symbolique, ni aucun message, par exemple sur la situation des personnes démunies, mais se limite à la seule expression de son dénuement personnel et de son besoin d'aide. Il s'agit ainsi d'une problématique exclusivement privée, la communication du dénuement apparaissant d'emblée comme un élément secondaire, bien que nécessaire, de l'activité de mendicité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_530/2014 du 10 septembre 2014 consid. 2.7).

Dans son arrêt Lacatus c. Suisse (cf. §120), la CourEDH a estimé que le grief fondé sur la liberté d'expression ne soulevait pas de "question distincte essentielle" et elle n'est pas entrée en matière sur ce point. Seule une opinion minoritaire a regretté que la CourEDH ne reconnût pas, en référence à un arrêt de la Cour constitutionnelle autrichienne du 30 juin 2012 (G155/10-9) ainsi qu'à un arrêt de la High Court d'Irlande du 4 décembre 2007 (Dillon v. Director of Public Prosecutions [2008], 11R 383), une ingérence dans l'exercice de ce droit (cf. pp. 39 et ss).

À l'instar du Tribunal fédéral, la CSTCJ a retenu que, même si l'acte de mendier impliquait l'expression préalable de sa précarité et de son besoin d'aide, cette information n'était qu'un élément secondaire par rapport à la satisfaction dudit besoin (ACST/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 12).

Dans un arrêt plus récent, après avoir rappelé les opinions divergentes exprimées par certains juges de la CourEDH et auteurs de doctrine, le Tribunal fédéral a estimé qu'il n'y avait pas lieu, en l'état, de revenir sur cette jurisprudence, les recourants n'expliquant pas suffisamment en quoi la reconnaissance d'une atteinte à la sphère de protection de la liberté d'expression leur conférerait un meilleur statut juridique, dont l'effet protecteur irait au-delà de celui de la liberté personnelle (ATF 149 I 248 consid. 4.4).

2.5.2. Dans le cas présent, au vu de ce qui précède, il n'y pas lieu d'adopter une position différente. Il est en effet retenu que la mendicité n'entre pas dans le champ d'application de la protection accordée par la liberté d'expression. La manifestation de la précarité ou sa communication même tacite dans ce contexte est inhérente au but d'obtention d'une aide pécuniaire ou en nature, mais reste secondaire à celui-ci. Au travers des actes qui lui sont reprochés, l'appelante a uniquement exprimé un besoin personnel, privé, sans portée générale ou politique, en dépit de ses dénégations en appel qui n'emportent pas conviction. Elle n'explique pas non plus en quoi la liberté d'expression lui conférerait une protection plus étendue que la liberté personnelle, étant rappelé qu'il lui est reproché, non pas d'avoir mendié, mais de l'avoir fait dans un périmètre que l'art. 11A al. 1 let. c LPG interdit.

Ce grief doit dès lors être rejeté.

2.6.1. D'après l'art. 8 al. 2 Cst., nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique.

On est en présence d'une discrimination selon l'art. 8 al. 2 Cst. lorsqu'une personne est traitée différemment en raison de son appartenance à un groupe particulier qui, historiquement ou dans la réalité sociale actuelle, souffre d'exclusion ou de dépréciation. Il y a discrimination indirecte lorsqu'une réglementation qui ne désavantage pas directement un groupe déterminé défavorise tout particulièrement, par ses effets et sans justification objective, les personnes appartenant à ce groupe. L'effet discriminatoire doit atteindre une importance significative car la protection contre la discrimination indirecte ne peut servir qu’à corriger les effets négatifs les plus évidents d’une réglementation étatique (ATF 149 I 248 consid. 7.2 ; 142 V 316 consid. 6.1.2 ; 138 I 265 consid. 4.2.2 et 5.5 ; 138 I 205 consid. 5.5).

Selon la jurisprudence relative à l'art. 14 CEDH – qui stipule que la jouissance des droits et libertés reconnus par la CEDH doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, et n'a, d'après le Tribunal fédéral, pas de portée indépendante (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_1079/2019 du 23 décembre 2021 consid. 8.1) – toute différence de traitement n'emporte pas automatiquement violation de cet article. Il faut démontrer que des personnes placées dans des situations analogues ou comparables jouissent d'un traitement préférentiel, et que cette distinction est discriminatoire. Tel est le cas si la différence de traitement manque de justification objective et raisonnable, soit si elle ne poursuit pas un but légitime, ou s'il est clairement établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_121/2022 du 24 novembre 2022 consid. 5.2).

2.6.2. Le Tribunal fédéral a nié l'existence d'une discrimination dans l'interdiction de la mendicité, considérant notamment que la seule importance du nombre de condamnations concernant des personnes appartenant à la communauté rom ne signifiait pas pour autant l'existence d'une impunité d'autres mendiants (ATF
149 I 248 consid. 7.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_88/2012 du 17 août 2012 consid. 3.4).

2.6.3. La CSTCJ a, pour sa part, rejeté le grief d'un traitement discriminatoire sur la base de la pauvreté au motif que le fait d'être pauvre ne donnait pas d'emblée droit à la protection de l'art. 8 al. 2 Cst. Même dans une telle hypothèse, la loi pouvait au demeurant sanctionner la mendicité afin de protéger l'ordre public et lutter contre l'exploitation humaine et non pour dévaloriser ou exclure. Par ailleurs, le système juridique suisse répondait à la détresse des personnes par l'octroi de l'aide sociale au sens de l'art. 12 Cst., de manière à leur éviter de devoir mendier pour satisfaire leurs besoins élémentaires (ACST/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 11c).

2.6.4. En l'espèce, l'appelante ne présente pas d'arguments nouveaux par rapport à ceux examinés par le Tribunal fédéral et la CSTCJ, de sorte que la conclusion adoptée par ces instances ne peut qu'être reprise par la Cour de céans. Il est en effet douteux que le dénuement de l'appelante soit apte à constituer un critère de discrimination. Cet élément n'est pas de nature à circonscrire un groupe ou une minorité qui soit identifié par des caractéristiques particulières que l'on ne choisisse pas librement ou auxquelles on ne puisse pas renoncer librement, de sorte que ce groupe aurait besoin d'une protection particulière en droit constitutionnel. Le dénuement doit plutôt être considéré comme une circonstance temporaire dont les inconvénients disparaissent avec l'accès à une activité lucrative autonome.

Le grief lié à l'interdiction d'un traitement discriminatoire sera dès lors rejeté.

2.7. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'appelante a été reconnue coupable de mendicité au sens de l'art. 11A al. 1 let. c LPG.

Sa condamnation de ce chef doit donc être confirmée, en tant qu'elle ne constitue pas, in casu, une ingérence injustifiée dans ses droits fondamentaux.

3. 3.1. La législation genevoise prévoit exclusivement l'amende comme sanction de l'interdiction de la mendicité passive en certains lieux (cf. art. 11A al. 1 LPG), à l'exclusion de tout mécanisme graduel de sanction préalable.

3.2. Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas admissible au regard de la Cst. et de la CEDH de sanctionner la mendicité passive pratiquée dans certains lieux par une amende qui, dans un cas de dénuement, est presqu'automatiquement convertie en jours de détention, à moins d'avoir pris des mesures administratives en amont (ATF 149 I 248 consid. 5.4.2 et 5.4.6).

La CourEDH a considéré que la conversion de l'amende en une peine privative de liberté de substitution était quasiment inévitable, eu égard à la situation précaire et vulnérable des mendiants, et constituait dès lors une sanction grave, laquelle devait être justifiée par de solides motifs d'intérêt public et être proportionnée aux buts poursuivis. En particulier, en l'absence de mendicité intrusive ou agressive (soit une mendicité active) ou de plainte pénale déposée contre le mendiant, l'on pouvait douter d'un intérêt public concret de protection des droits des passants, résidents ou propriétaires des commerces justifiant la sanction de l'amende. Les tribunaux devaient procéder à un examen approfondi de la situation concrète et vérifier si des mesures moins sévères que la sanction pénale auraient pu aboutir au même résultat. Si ces conditions n'étaient pas remplies, la sanction de l'amende violait l'art. 8 CEDH (arrêt de la CourEDH no 14065/15 du 19 avril 2021 Lacatus c. Suisse §§ 108 ss).

Dans un arrêt récent, la Cour de céans a relevé qu'il serait bienvenu d'intégrer à la loi genevoise, en faveur des primo-délinquants, un mécanisme graduel de sanction avant le prononcé de l'amende quasiment systématiquement convertie. On pouvait, par exemple, penser à la remise d'un avertissement formel dans la langue maternelle du contrevenant indiquant le caractère pénal de son comportement et la sanction encourue en cas de récidive, voire un guide des bonnes pratiques à adopter dans le canton (AARP/46/2024 du 30 janvier 2024 consid. 2.4.4.6).

3.3.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.3.2. Selon l'art. 106 al. 2 CP, le juge prononce, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus. Le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise. Ainsi, au moment de fixer la peine privative de liberté de substitution à une amende, le juge ne doit tenir compte que de la culpabilité de l'auteur, à l'exclusion des circonstances financières propres au condamné (ATF 134 IV 97 consid. 6.3.7.1 ; 134 IV 60 consid. 7.3.3).

3.3.3. L'art. 52 CP prévoit que, si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine. Les deux conditions sont cumulatives. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification ; en effet, il ne s'agit pas d'annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi pénale. Toutes les conséquences de l'acte doivent être minimes, et non seulement celles constitutives de l'infraction (ATF 146 IV 297 consid. 2.3 ; ATF 135 IV 130 consid. 5.3.2 et 5.3.3).

3.4.1. La faute de l'appelante doit être qualifiée de moyenne. Elle a mendié à 13 reprises en quelques mois et dans un périmètre restreint (entre le n° ______ et ______ de la rue 1______), faisant preuve d'un manque de respect certain pour l'ordre juridique du pays dans lequel elle se trouvait et pour les injonctions pourtant claires des agents concernant l'illicéité de son comportement. Elle ne pouvait en effet ignorer, notamment eu égard au rappel de la police lors de la première contravention infligée le 23 janvier 2023, qu'elle agissait de manière contraire au droit pénal cantonal. Elle a ainsi fait fi des autorités qu'elle a mobilisées de manière répétée, parfois même deux fois par jour et/ou à quelques minutes d'intervalle.

Sa situation personnelle, indéniablement précaire, explique ses agissements, mais ne les justifie pas totalement, dans la mesure où il existait d'autres lieux où elle pouvait s'adonner à la mendicité de manière licite. On retiendra toutefois au bénéfice du doute qu'elle a agi pour améliorer sa condition difficile, et non par appât du gain.

Sa collaboration n'appelle pas de remarque puisqu'elle ne s'est pas exprimée au cours de la procédure.

L'appelante n'a pas d'antécédent en Suisse, facteur neutre sur sa peine.

Il y a concours d'infractions d'où le bénéfice du principe d'aggravation (art. 49 CP cum art. 104 CP).

3.4.2. Les différentes occurrences sont de gravité sensiblement équivalente. Une distinction doit néanmoins être opérée entre la première occurrence et les 12 suivantes. Le dossier ne contient aucun élément indiquant que l'appelante aurait été préalablement au 23 janvier 2023 et depuis la modification de la loi, avertie ou sensibilisée de ce que la mendicité passive conduisait immédiatement à la peine de l'amende, laquelle pouvait ensuite, en cas de non-paiement fautif, être convertie en peine privative de liberté. Aussi, en application de la jurisprudence susvisée, sanctionner de l'amende les faits du 23 janvier 2023 n'est pas compatible avec la Constitution et la CEDH. Dès lors, il sera retenu que son interpellation ce jour-là aura constitué un avertissement quant aux risques encourus, en termes de sanction, en cas de mendicité passive dans des lieux proscrits. Ainsi, aucune peine ne sera prononcée en lien avec les premiers actes de mendicité reprochés dans la présente procédure.

En revanche, pour les occurrences suivantes, l'appelante était informée des risques encourus, de sorte qu'il sera considéré que des mesures moins incisives avaient été prises et avaient échoué puisqu'elle a néanmoins récidivé (cf. AARP/88/2024 du 6 mars 2024, AARP/133/2024 du 29 avril 2024, AARP/183/2024 du 24 mai 2024 et AARP/194/2024 du 10 juin 2024, AARP/268/2024 du 5 août 2024 et AARP/269/20245 août 2024).

Au vu de ces éléments, il convient de sanctionner les agissements de l'appelante par une sanction globale de CHF 540.- [CHF 100.- + (11 x CHF 40.-)] pour les 12 occurrences retenues, étant précisé qu'un montant de CHF 100.- dans le cadre d'une peine hypothétique, augmentée de CHF 40.- à CHF 50.- pour chaque nouvelle occurrence, a été considéré comme approprié (cf. AARP/46/2024 du 30 janvier 2024, AARP/88/2024 du 6 mars 2024 consid. 3.6 et AARP/183/2024 du 24 mai 2024 consid. 5.2.1). L'amende de CHF 900.- fixée par le premier juge sera ainsi réduite à CHF 540.- pour tenir compte du concours.

La peine privative de liberté de substitution sera partant également réduit à cinq jours, conformément à la loi (art. 106 al. 2 CP).

3.4.3. Au vu des éléments précités, en particulier des 12 récidives de mendicité passive dans un périmètre restreint en quelques mois, l'appelante ne saurait bénéficier d'une exemption de peine. Invoquant sa pauvreté, elle ne démontre par ailleurs pas que cette circonstance, commune à la plupart des cas de mendicité, ferait apparaître sa culpabilité comme particulièrement légère pour une telle infraction, ce d'autant qu'elle a agi en sachant que son comportement était illicite. Le résultat de l'acte n'est pas non plus anodin compte tenu du bien juridique protégé, à savoir la paix publique, étant rappelé que le but de l'art. 52 CP n'est pas d'annuler toutes les infractions mineures prévues par le droit pénal, sauf à risquer de les vider de leur substance.

3.4.4. L'appel sera partiellement admis s'agissant de la quotité de la sanction et le jugement querellé réformé en ce sens.

4. L'appelante, qui succombe dans une large mesure, supportera 80% des frais de la procédure envers l'État (art. 428 al. 1 CPP), y compris un émolument d'arrêt réduit de CHF 300.-, tenant compte de sa situation personnelle (art. 425 et 428 CPP).

Vu la confirmation des verdicts de culpabilité, la répartition des frais de procédure préliminaire et de première instance n'a pas à être revue.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/50/2024 rendu le 16 janvier 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/24146/2023.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'infractions à l'art. 11A al. 1 let. c LPG.

Condamne A______ à une amende de CHF 540.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de cinq jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, arrêtés à CHF 800.- (art. 426 al. 1 CPP).

Arrêt les frais de la procédure d'appel à CHF 455.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-, met 80% de ceux-ci à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Pierre BUNGENER

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'203.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

300.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

455.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

1'658.00