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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/21536/2023

AARP/274/2024 du 06.08.2024 sur JTDP/306/2024 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : SURVEILLANCE;VENTE
Normes : LTGVEAT.1; LTGVEAT.19; CPP.141
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21536/2023 AARP/274/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 6 août 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me Samir DJAZIRI, avocat, Djaziri & Nuzzo, rue Leschot 2, 1205 Genève,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/306/2024 rendu le 11 mars 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 11 mars 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable d’infractions aux art. 6 al. 4 et 19 de la loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac (LTGVEAT) et l’a condamnée à une amende de CHF 1'500.- (art. 106 du code pénal [CP]) assortie d’une peine privative de liberté de substitution de 15 jours.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et à l’indemnisation de ses frais de défense.

b. Selon l'ordonnance pénale du Service des contraventions (SDC) du 21 avril 2023, il est reproché ce qui suit à A______ : le 17 février 2023 à l'avenue 1______ no. ______ à Genève, elle a remis ou vendu des produits du tabac ou des produits assimilés à un mineur.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. À teneur d’un rapport du 1er mars 2023 rédigé par B______, inspectrice auprès du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (PCTN), dans le cadre d’une opération d'achats-tests, un contrôle avait été effectué le 17 février 2023 dans le commerce « C______ » sis à l'avenue 1______ no. ______. L’inspectrice, accompagnée de deux agents de police dont le numéro matricule est mentionné, ainsi que de « deux mineures » et de leur accompagnateur, avait constaté que A______ avait vendu une cigarette électronique à usage unique à une mineure. Selon le retour fait par celle-ci, la vendeuse avait pris la cigarette électronique derrière un rideau. Une photo de cet objet figure en annexe. Le rapport relève que le commerce ne dispose pas d’une autorisation pour vendre de tels articles et a déjà fait l’objet d’une sommation.

b. A______ a formé opposition à cette décision et sollicité l’apport du rapport de police et l’identité des mineures concernées. Par son directeur, le PCTN a précisé que les policiers n’avaient pas rédigé de rapport mais uniquement été présents afin de garantir la sécurité des participants, notamment des mineurs engagés. L’identité des mineurs bénéficiait de l’anonymat et ne pouvait donc être dévoilée. L’inspecteur de la PCTN et les deux policiers pouvaient au besoin être auditionnés comme témoins.

c. Devant le TP, A______ a nié les faits. Le PCTN avait dû confondre son commerce avec un autre, voisin. L’établissement (raison sociale au nom de son conjoint) n’avait pas l’autorisation de vendre des produits du tabac et elle ne l’avait donc pas fait.

d. Le TP a procédé à l’audition de B______, qui a confirmé la teneur de son rapport de contravention. Pour les achats-test, le PCTN collabore avec la D______ vaudoise [organisation d'aide aux personnes dépendantes] ; le processus pour déterminer si un adolescent convenait pour les achats-tests était ainsi réalisé en amont par la D______. Les adolescents entraient dans le commerce et demandaient un produit défini à l'avance ; ceux-ci avaient l'obligation de ne pas mentir, tant au commerçant qu'à la Police du commerce. Les deux mineurs entraient dans le commerce et étaient accompagnés d'un majeur restant à l'extérieur mais les gardant en visuel, à travers la vitrine. Elle était quant à elle accompagnée de deux gendarmes et se postait quelques dizaines de mètres plus loin, hors la vue du commerce.

Elle se souvenait du cas dans lequel les adolescents, soit un garçon et une fille, étaient sortis du tabac avec le produit acheté qui avait été pris en photo ; s'ils étaient deux mineurs pour des raisons de sécurité, seul l'un d'entre eux effectuait l'achat, à tour de rôle. Il n'était pas possible qu'il y ait eu une confusion avec un autre commerce de tabac, le magasin de tabac situé à côté n'ayant pas été contrôlé ce jour-là. L'inspectrice n'avait pas vu A______, mais bien vu les adolescents entrer et sortir du magasin ; les mineurs lui avaient fait un retour et indiqué que le buraliste ne leur avait pas demandé de carte d'identité et avait été chercher le produit derrière un rideau. Les mineurs avaient moins de 16 ans, mais la jeune fille pouvait faire plus âgée, étant de plus maquillée ; le garçon faisait pour sa part jeune, devant avoir environ 14 ans. Le but du contrôle était de voir si le commerçant requérait la carte d'identité du mineur ; le maquillage ne constituait pas une dissimulation de son âge, mais faisait partie du mode de vie.

Ce commerce avait fait l'objet d'une sommation en amont, ce qui signifiait qu'il n'avait pas l'autorisation de vendre le produit concerné.

Le respect des conditions prévues à l'art. 11 al. 2 LTGVEAT était contrôlé à chaque test ; le contrôle du protocole prévu à l'art. 9 du règlement d'exécution de cette loi (RTGVEAT) faisait également partie de la préparation, même si l'inspectrice ne le connaissait pas par cœur. Après l'achat-test, la police du commerce intervenait tant en cas d'infraction constatée que dans le cas inverse, félicitant alors le commerçant.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite.

b. Selon son mémoire d'appel, à l’appui duquel elle produit un manuel pratique pour les achats-tests, établi par des personnes privées et publié sur internet sous l’égide de l’office fédéral de la santé public (OFSP), qu’elle qualifie de fait notoire, A______ persiste dans ses conclusions. L’achat-test effectué le 17 février ne respectait pas les conditions légales puisque l’un des jeunes avait 14 ans, alors que l’art. 9 al. 2 RTGVEAT prescrivait un âge de 15 à 17 ans. Le TP avait fait preuve d’arbitraire en tirant argument de la présence du jeune de 14 ans, puisque la vente n’avait pas été conclue avec lui. Aucune pièce ne permettait de vérifier l’apparence des mineurs, en violation de l’art. 11 al. 2 let. e LTGVEAT qui faisait interdiction de dissimuler son âge. En violation de l’art. 11 al 2 let. f LTGVEAT, le rapport du PCTN n’avait pas été immédiatement rédigé. Personne n’avait assisté à la vente et l’achat-test ne pouvait donc être exploité à sa charge.

Le TP et le MP se réfèrent au jugement entrepris.

D. A______ est née le ______ 1973, titulaire d'un permis C en Suisse. Elle est mariée et mère de deux enfants, nés en 2006 et en 2008, qui sont à sa charge. Elle déclare travailler en qualité de buraliste dans l’établissement de son conjoint et percevoir à ce titre un salaire annuel de CHF 49'200.-. Le loyer de son domicile s’élève à CHF 1'784.- par mois, les cotisations d’assurance de la famille à CHF 1'694.50.- et elle n’a pas de dettes. Son conjoint réalise un revenu annuel de CHF 66'000.- environ et s’acquitte d’un loyer professionnel de CHF 3'085.-.

EN DROIT :

1.  1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

Conformément à l'art. 129 al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ), lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, le magistrat exerçant la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétent pour statuer.

1.2. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est ainsi limité dans l'appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5.2). En outre, aucune allégation ou preuve nouvelle ne peut être produite devant l'instance d'appel (art. 398 al. 4, 2e phrase CPP). Il s'agit là d'une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l'autorité de deuxième instance qui conduit à qualifier d'appel "restreint" cette voie de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

Le libre pouvoir de cognition dont elle dispose en droit confère à l'autorité cantonale la possibilité, si cela s'avère nécessaire pour juger du bien-fondé ou non de l'application d'une disposition légale, d'apprécier des faits que le premier juge a omis d'examiner, lorsque ceux-ci se révèlent être pertinents (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1247/2013 du 13 mars 2014 consid. 1.3).

1.3. En l’espèce, l’appelante produit pour la première fois en appel un manuel pratique pour les achats-tests, établi par des personnes privées et publié sous l’égide de l’OFSP. Il s’agit d’une allégation nouvelle, qu’elle qualifie de fait notoire. Les faits notoires, qu'il n'est pas nécessaire d'alléguer ni de prouver, sont ceux dont l'existence est certaine au point d'emporter la conviction du juge. Pour être notoire, un renseignement doit pouvoir être contrôlé par des publications accessibles à chacun, à l'instar par exemple des indications figurant au registre du commerce, accessibles sur Internet (ATF 138 II 557 consid. 6.2 p. 564 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_645/2011 du 27 janvier 2012 consid. 3.4.2). Les innombrables renseignements figurant sur Internet ne peuvent pas tous être considérés comme notoires
(ATF 138 I 1 consid. 2.4 p. 5 = SJ 2012 I 351 ; ATF 134 III 534 consid. 3.2.3.3 p. 539). Ainsi, certaines informations accessibles sur Internet constituent des faits notoires, tandis que d'autres n'en remplissaient pas les critères (ATF 143 IV 380 consid. 1.1.1 = SJ 2018 I 289).

En l’espèce, cet élément nouveau est a priori irrecevable (art. 398 al. 4 CPP). En tout état de cause, comme il sera relevé ci-après, il n’est pas pertinent. Il n’est dès lors pas nécessaire de trancher cette question.

2. 2.1. La LTGVEAT, adoptée le 17 janvier 2020, régit notamment la vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac (art. 2 LTGVEAT). Font partie des produits assimilés au tabac, les cigarettes électroniques, présentant un dispositif utilisé sans tabac et permettant d’inhaler de la vapeur obtenue par chauffage d’un liquide avec ou sans nicotine, ainsi que les flacons de recharge et les cartouches pour ce dispositif (art. 4 al. 3 let. b LTGVEAT).

L’art. 6 al. 4 LTGVEAT prescrit que la remise à titre gratuit et la vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac aux mineurs est interdite.

Le PCTN, au titre de service chargé de la police du commerce, applique la LTGVEAT (art. 5 al. 1 LTGVEAT). Il peut effectuer ou organiser des achats-tests afin de vérifier si les prescriptions de la loi sont respectées (art. 11 al. 1 LTGVEAT).

Les achats-tests portant sur la limite d’âge ne peuvent être effectués par des adolescents et leurs résultats ne peuvent être utilisés dans des procédures pénales et administratives notamment que si conformément à l'art. 11 al. 2 LTGVEAT, il a été examiné que les adolescents enrôlés et les personnes qui détiennent l’autorité parentale sur ceux-ci ont donné leur accord écrit quant à leur participation aux achats-tests (let. a) ; les achats-tests ont été organisés par le PCTN (let. b) ; il a été examiné que les adolescents enrôlés conviennent pour l’engagement prévu et qu’ils y ont été suffisamment préparés (let. c) ; les adolescents ont rempli leur tâche de manière anonyme et été accompagnés par un adulte (let. d) ; aucune mesure n’a été prise pour dissimuler leur âge (let. e) et les achats-tests ont été immédiatement protocolés et documentés (let. f).

A teneur de son art. 19 al. 1, les contrevenants aux dispositions de la LGTVEAT sont passibles, indépendamment du prononcé d’une mesure administrative, d’une amende pénale de CHF 1'000.- à CHF 40'000.-. Conformément à l’art. 1 al. 1 de la loi d’application du CP et d’autres lois fédérales en matière pénale (LaCP), sauf prescription contraire de la loi, les articles 1 à 110 CP s’appliquent.

Le PCTN, le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse ainsi que le département de la santé établissent une directive interdépartementale, laquelle fixe le protocole, la documentation relative aux achats-tests, les modalités concernant l’engagement, l’instruction, l’accompagnement et la protection de la personnalité des adolescents y participant, ainsi que la protection accordée à ces derniers en cas de procédure judiciaire ultérieure (art. 9 al. 3 1ère phrase RTGVEAT). Cette directive ne figure en l’espèce pas au dossier de la procédure, mais il ressort de la jurisprudence publiée récente de la Chambre administrative de la Cour de justice (cf. notamment ATA/760/2024, du 25 juin 2024, consid. 2.2.), qu’elle prescrit que l’identité des acheteurs et de leur accompagnant est protégée, n’est jamais révélée aux exploitants et aux tiers et qu’aucune pièce d’identité n’a à être présentée. Les établissements ont selon une procédure d’échantillonnage la même probabilité d’être testés. Une centaine d’achats-tests sont réalisés annuellement, sans ciblage d’une catégorie d’établissement ou de commerce. Les mineurs engagés pour l’achat-test sont accompagnés par une personne adulte formée pour cette tâche avant, pendant et après l’achat-test, ainsi qu’un inspecteur du PCTN et un agent de police. L’accompagnant reste si possible à l’extérieur de sorte à ce que le mineur ne puisse pas être considéré comme accompagné. Le mineur n’a pas à présenter une carte d’identité si elle est demandée et, sur question, doit indiquer son âge réel.

Ces éléments correspondent à ce qui a été exposé au TP par la représentante du PCTN et ne s’écartent pas de la teneur des textes légaux.

2.2. Selon l’art. 141 CPP, les preuves administrées en violation de l’art. 140 (qui interdit le recours à la contrainte, à la force, les menaces, les promesses, la tromperie et les moyens susceptibles de restreindre les facultés intellectuelles ou le libre arbitre) ne sont en aucun cas exploitables. Il en va de même lorsque le présent code dispose qu’une preuve n’est pas exploitable. Les preuves qui ont été administrées d’une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves. Les preuves qui ont été administrées en violation de prescriptions d’ordre sont exploitables (al. 3).

Lorsque la loi ne qualifie pas elle-même une disposition de règle de validité, la distinction entre une telle règle et une prescription d'ordre s'opère en prenant principalement pour critère l'objectif de protection auquel est censée ou non répondre la norme. Si la disposition de procédure en cause revêt une importance telle pour la sauvegarde des intérêts légitimes de la personne concernée qu'elle ne peut atteindre son but que moyennant l'invalidation de l'acte de procédure accompli en violation de cette disposition, on a affaire à une règle de validité (ATF 144 IV 302 consid. 3.4.3 p. 310 ; 139 IV 128 consid. 1.6 p. 134 ; arrêt du tribunal fédéral 6B_998/2017 du 20 avril 2018 consid. 2.2.1.).

2.3. Dans un premier argument, l’appelante conteste la validité de l’achat-test, motif tiré de l’âge de l’un des participants. Il y a effectivement une contradiction d’une part entre les explications fournies par la représentante du PCTN aux débats de première instance et la teneur de son rapport, qui mentionne deux mineures, laissant entendre qu’il s’agissait de deux jeunes filles, alors qu’elle a mentionné un garçon et une fille à l’audience. D’autre part, l’âge allégué du jeune homme, 14 ans, est inférieur à celui fixé par le règlement. Cela étant, dans la mesure d’une part où la transaction litigieuse ne s’est pas déroulée avec cette personne, où, d’autre part, le recours à une personne mineure d’âge inférieur à la limite fixée par le règlement n’est pas incompatible avec le texte de la loi, qui ne fixe pas de limite, et enfin, que la vente de tabac n’est pas non plus autorisée à une personne de 14 ans, la Cour peine à comprendre en quoi le fait que l’un des participants au test ait été plus jeune porte une quelconque atteinte à la fiabilité du résultat. Au contraire, le fait que l’un des participants ait été particulièrement jeune – même s’il n’a pas effectué la transaction litigieuse – pourrait plutôt être un élément en faveur du commerçant testé, dans la mesure où la présence d’une personne très jeune devrait logiquement éveiller son attention. Il s’agit ainsi, tout au plus, d’une informalité au sens de l’art. 141 al. 3 CPP. Ainsi, cette contradiction n’a pas à être résolue, dans la mesure où la question de l’âge et du sexe du second mineur n’est en tout état pas pertinente pour l’examen des faits reprochés à l’appelante et n’invalide pas l’achat-test.

2.4. L’appelante reproche au TP d’avoir versé dans l’arbitraire en retenant que le fait que l’apparence de la mineure ne la dispensait pas de procéder à la vérification de son âge, « ce d'autant plus si elle était accompagnée d'un garçon de 14 ans ». Comme déjà relevé ci-dessus, la présence d’un jeune homme manifestement mineur aurait pu contribuer à éveiller l’attention de l’appelante ; en tout état de cause, le TP n’a pas fondé le verdict de culpabilité sur la présence de ce mineur, mais bien sur l’absence de vérification de l’âge de la mineure ayant acquis le produit litigieux. Il n’y a là aucun arbitraire mais une simple appréciation des preuves conforme à l’expérience de la vie.

2.5. L’appelante conteste également l’absence d’éléments, notamment photographique, permettant de valider la formation et l’apparence des jeunes acheteurs, et conteste le recours, par l’acheteuse, au maquillage, en raison de l’interdiction de dissimuler l’âge des adolescents prévue par l’art. 11 al. 2 let. e LTGVEAT. Or, le TP a retenu à cet égard que la représentante du PCTN ne s’était pas occupée personnellement du contrôle des conditions légales, cet aspect étant géré par la D______, mais que le processus d’achat-test incluait bien un contrôle de ces conditions. Le TP a ainsi établi la culpabilité de l’appelante en se fondant sur le témoignage jugé crédible de la représentante du PCTN, que les déclarations de l'appelante, jugées non crédibles, n'ont pas su renverser. Il n’y a là aucun arbitraire ni violation des dispositions légales.

La référence faite par l’appelante au manuel de l’OFSP, si tant est qu’elle soit recevable, ne lui est d’aucun secours. En effet, ce manuel, publié antérieurement à l’adoption de la LTGVEAT, ne peut pas permettre une dérogation aux règles de cette loi et notamment à la garantie de l’anonymat prévue à l’art. 11 al. 1 let. d de la loi. Or, la fourniture d’une photographie des participants à l’achat-test est manifestement incompatible avec cette garantie. En se fondant sur les explications de la représentante du PCTN ainsi que l’expérience générale de la vie, qui confirme que les adolescentes se maquillent tôt, et certainement avant d’avoir 18 ans, sans que cela ne doive être perçu comme une dissimulation de l’âge interdite, le TP n’a pas versé dans l’arbitraire.

2.6. L’appelante conteste la validité du test, motif tiré de l’absence d’un témoin direct adulte. Cet argument confine à l’absurde. La représentante du PCTN a clairement exposé avoir vu les jeunes entrer dans le commerce de l’appelante et en ressortir avec le produit assimilé au tabac incriminé. Elle a par ailleurs confirmé qu’un adulte était resté à proximité immédiate de l’échoppe. Son témoignage suffit ainsi largement pour retenir que la transaction a eu lieu pendant que les jeunes acheteurs se trouvaient dans le commerce et que la vente a bien eu lieu, nonobstant la distance la séparant des lieux.

2.7. L’appelante conteste enfin la validité du rapport de contravention, daté du (mercredi) 1er mars 2023, alors que les faits se sont produits le (vendredi) 17 février précédent. Le TP a à raison retenu à cet égard que l'obligation de protocole et documentation immédiate ne signifie manifestement pas que le rapport devrait être rendu le jour-même de l'infraction, mais plutôt que les preuves de l'infraction devaient être sauvegardées. En tout état, la représentante du PCTN a clairement confirmé le déroulement des faits ; les preuves de l’infraction, en l’occurrence la photographie du produit litigieux, ont bien été établies immédiatement. Le fait que le rapport formel de contravention n’ait été adressé que dix jours plus tard au SDC (c’est le lieu de relever que la semaine du 20 février 2023 était une semaine de congés scolaires à Genève) n’entache manifestement pas sa validité.

La Cour retient donc, sur la base des faits correctement établis par le premier juge, que l'appelante, en ne procédant pas à la vérification de l’âge de sa cocontractante lors de l’achat-test du 17 février 2023, a contrevenu à l’art. 19 cum 6 LTGVEAT.

3.  3.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 136 IV 55 consid. 5.6).

3.2. L’amende doit être fixée selon l’art. 19 al. 1 LTGVEAT, qui déroge à l’art. 106 al. 1 CP. Conformément à l’art. 106 al. 2 CP, applicable par renvoi de l’art. 1 LCAP, le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus.

Le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (art. 106 al. 3 CP).

3.3. En l'espèce, l'appelante ne critique pas la quotité de sa peine, au-delà de l'acquittement plaidé.

L'amende prononcée en première instance, fixée de façon conservatrice au vu du montant maximal prévu par l’art. 19 LTGVEAT, tient adéquatement compte de la situation financière relativement modeste de l'appelante et de sa faute. L'amende de CHF 1'500.- sera partant confirmée, de même que les 15 jours de peine privative de liberté de substitution.

En définitive, l'appel est rejeté et le jugement intégralement confirmé.

4.  L'appelante, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), lesquels comprendront un émolument d'arrêt de CHF 1'000.-. Il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance.

5.  Vu l'issue de l'appel, l'appelante sera déboutée de ses conclusions en indemnisation (art. 429 CPP a contrario).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/306/2024 rendu le 11 mars 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/21536/2023.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'155.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable d'infractions aux art. 6 al. 4 et 19 LTGVEAT.

Condamne A______ à une amende de CHF 1'500.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 15 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 595.- (art. 426 al. 1 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP) "

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l’Office cantonal de la population et des migrations.

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1195.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'155.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'350.00