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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/26875/2022

AARP/271/2024 du 29.07.2024 sur JTDP/56/2024 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : CONTRAVENTION;PROSTITUTION;IN DUBIO PRO REO;NÉGLIGENCE;AUTORISATION DE SÉJOUR
Normes : CPP.398.al4; OLCP.32a; OLCP.9.al1 bis; LProst.9.al1 et 4; LProst.12; CP.12.al3
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26875/2022 AARP/271/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 29 juillet 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me B______, avocat,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/56/2024 rendu le 18 janvier 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/56/2024 du 18 janvier 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable d'infraction à l'art. 32a de l'Ordonnance sur la libre circulation des personnes (OLCP) cum art. 9 OLCP en lien avec les faits visés dans les ordonnances pénales n°1______ du 24 février 2022 et n°2______ du 8 mai 2023, l'a condamnée à une amende de CHF 1'200.-, avec peine privative de liberté de substitution de 12 jours, ainsi qu'aux 2/3 des frais de la procédure en CHF 858.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-, et a rejeté ses conclusions en indemnisation. Le premier juge l'a acquittée d'infraction à l'art. 32a OLCP cum art. 9 OLCP en lien avec les faits visés dans l'ordonnance pénale n°3______ du 27 juin 2022.

A______ entreprend ce jugement, concluant à son acquittement des faits qualifiés d'infraction à l'art. 32a OLCP cum art. 9 OLCP, à la condamnation de l'État de Genève à lui verser la somme de CHF 7'030.16 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en première instance ainsi qu'à une indemnité à chiffrer pour la procédure d'appel, à ce que les frais de la procédure de première instance et d'appel soient laissés à la charge de l'État et à la confirmation de l'acquittement prononcé en première instance.

b. Selon les ordonnances pénales des 24 février 2022 (n°1______) et 8 mai 2023 (n°2______), il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, respectivement le 9 février 2022 à 22h47 et le 12 décembre 2022 à 21h50, contrevenu, en tant qu'employeur, à l'obligation d'annonce d'un employé étranger.

Par l'ordonnance pénale n°3______ du 27 juin 2022, il lui était également reproché d'avoir, à Genève le 17 mai 2022 à 18h40, contrevenu, en tant qu'employeur, à l'obligation d'annonce d'un employé étranger, faits pour lesquels elle a été acquittée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

faits du 9 février 2022

a.a. Selon le rapport de contravention du 10 février 2022, la police a procédé à un contrôle le 9 février 2022 à 22h47, au salon de massages érotiques C______, sis rue 4______ no. ______, [code postal] Genève. Sur place, la police a été mise en présence de D______, travailleuse du sexe, ressortissante française née le ______ 1998, laquelle n'a pas été en mesure de présenter une autorisation de travail valable. Le lendemain, la police a pris contact avec A______, responsable des lieux, pour l'informer de la situation, laquelle a répondu que D______ n'avait pas d'autorisation de travail et n'était pas censée se trouver au C______. La police l'a dès lors déclarée en contravention.

a.b. Par ordonnance pénale n°1______ du 24 février 2022, le Service des contraventions a condamné A______ à une amende de CHF 1'000.- assortie d’émoluments de CHF 150.- au motif qu'en sa qualité d'employeur, elle avait contrevenu à l'obligation d'annonce d'un employé étranger dans son salon de massages.

a.c. A______ a formé opposition par courrier de son conseil du 28 février 2022 et expliqué, par courrier du 29 décembre suivant, que D______ avait exercé le métier de prostituée au sein du salon C______ le 4 février 2022, activité autorisée suite à l'annonce faite le 3 février 2022 (attestation de l'OCPM à l'appui). Elle s'était présentée le 9 février 2022, jour du contrôle de police, afin de savoir quand elle pourrait travailler à nouveau, étant précisé qu'elle ne travaillait pas lors du contrôle.

a.d. Sollicités par le Service des contraventions, les policiers ayant effectué le contrôle ont confirmé le contenu de leur rapport et expliqué qu'effectivement D______ avait indiqué n'être que de passage et ne pas devoir se trouver dans le salon. Elle était toutefois en "habits de travail" lors du contrôle.

a.e. En date du 17 juillet 2023, le Service des contraventions a rendu une ordonnance de maintien de l'ordonnance pénale n°1______.

faits du 12 décembre 2022

b.a. Selon le rapport de contravention du 3 janvier 2023, la police a procédé à un contrôle au salon de massages érotiques C______, sis rue 5______ no. ______,
[code postal] Genève, en date du 12 décembre 2022 à 21h50. Sur place, elle a été mise en présence de E______, travailleuse du sexe, ressortissante française née le ______ 1987. Bien qu'elle soit correctement enregistrée auprès de leur service afin d'exercer son activité professionnelle, elle était démunie d'autorisation de travail valable. L'OCPM ayant confirmé cette information, la police a pris contact téléphoniquement le 14 décembre 2022 avec A______ afin de la déclarer en contravention.

b.b. Par ordonnance pénale n°2______ du 8 mai 2023, le Service des contraventions a condamné A______ à une amende de CHF 1'000.- assortie d’émoluments de CHF 150.- au motif qu'en sa qualité d'employeur, elle avait contrevenu à l'obligation d'annonce d'un employé étranger dans son salon de massages.

b.c. A______ a formé opposition par courrier de son conseil du 10 mai 2023 et expliqué, par courrier du 15 juin suivant, que dans la soirée du 12 décembre 2022, E______ s'était présentée au C______ dans le but que la responsable du salon effectue les démarches utiles (annonce de prise d'emploi) afin de débuter son activité le lendemain, soit du 13 au 31 décembre 2022. Quelques minutes après son arrivée, un contrôle de police a été effectué au sein du salon alors même que E______ n'exerçait pas son activité de prostituée, étant en "habits de ville". L'annonce d'une activité lucrative avec prise d'emploi avait été effectuée le lendemain, soit le 13 décembre 2022, attestation de l'OCPM à l'appui.

b.d. Sollicité par le Service des contraventions, le policier ayant rédigé le rapport de contravention du 3 janvier 2023 a confirmé, suite à un échange avec l'OCPM, que l'annonce d'activité lucrative avait été saisie le 12 décembre 2022 à 22h21 mais que E______ n'était autorisée à travailler qu'à partir du 13 décembre 2022. Par ailleurs, le policier ne comprenait pas pourquoi E______ devait se rendre sur place au C______ afin d'effectuer sa procédure d'annonce puisqu'il s'agissait déjà de la sixième annonce que A______ effectuait pour elle.

b.e. En date du 17 juillet 2023, le Service des contraventions a rendu une ordonnance de maintien de l'ordonnance pénale n°2______.

c. Par courriel du 14 août 2023 adressé à l'OCPM, le Tribunal a sollicité la copie du dossier concernant E______ et D______.

Il ressort notamment des pièces reçues que E______ avait une autorisation de travail pour la période du 5 au 10 juillet 2022 ainsi que du 13 novembre au 4 décembre 2022 et que l'OCPM avait reçu une demande pour frontalier concernant D______ sans toutefois préciser les dates.

d.a. Lors de l'audience de jugement du 18 janvier 2024, A______ a admis être la gérante responsable du salon de massages C______.

D______ n'était pas censée travailler le jour du contrôle de police, une annonce de travail avait été faite quelques jours avant et une autre le lendemain du contrôle, soit le 10 février 2022. Il arrivait que des employées passent à l'improviste mais, le salon demeurant ouvert 24/24h et 7/7 jours, elle n'était pas toujours présente pour les accueillir. En l'occurrence, D______ était venue avant son horaire de travail. Elle aurait pu téléphoner mais peu de ses employées le faisaient. Il était possible qu'elle fût habillée en "petite tenue" car une partie des employées logeaient dans un appartement qui se situait dans l'immeuble et avaient leurs affaires personnelles dans des casiers à l'intérieur du salon.

E______ avait déjà travaillé au salon à plusieurs reprises. Le jour du contrôle par la police à 21h50, elle était venue à l'improviste pour s'enquérir d'une place pour le lendemain puisque c'était une personne qui travaillait la journée entre 9h00 et 21h00. Elle ne travaillait pas le soir du contrôle et il n'était donc pas possible qu'elle ait été habillée pour ce faire. Elle avait fait l'annonce en ligne immédiatement après avoir reçu un appel de E______, soit à 22h21. Elle ne se souvenait pas si à cette occasion la précitée lui avait dit qu'il y avait eu contrôle mais de manière générale, elle était informée lorsqu'il y avait des contrôles de police au C______.

d.b. Elle a produit un chargé de pièces contenant notamment des annonces de séjour de courte durée pour D______ pour les dates des 11 au 13 février 2022, 16 au 19 février 2022, 22 au 25 février 2022 et le 26 février 2022.

d.c. D______, dûment convoquée en tant que témoin, ne s'est pas présentée.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite (art. 406 al. 1 let. c du code de procédure pénale [CPP]).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions, précisant que la somme due par l'État de Genève à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en appel était chiffrée à CHF 4'322.11 et qu'il fallait déduire la somme de CHF 1'800.-, octroyée par le premier juge, à l'indemnité requise pour les dépenses occasionnées lors de la procédure de première instance, en CHF 7'030.16.

c. Le Service des contraventions conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

d. Le MP conclut aussi au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

e. Le TP se réfère intégralement au jugement rendu.

f. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

D. a. A______ est née le ______ 1969 en France et titulaire d'un permis C en Suisse. Elle est mariée et mère de trois enfants, dont un est encore à sa charge. Elle a indiqué lors de l'audience de jugement exercer en qualité d'indépendante dans la gestion de salons de massages, être gérante de l'établissement C______ et percevoir à ce titre un salaire d'environ CHF 2'000.- mensuel. Pour des raisons de santé, elle avait diminué son activité de manière importante. Son mari, qui paie l'entier de ses charges, est également propriétaire de leur logement. Elle a des dettes, d'un montant inconnu, relatives à des arriérés de TVA.

b. L'extrait de son casier judiciaire est vierge.

 

EN DROIT :

1.  1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

Conformément à l'art. 129 al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ), lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, le magistrat exerçant la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétent pour statuer.

1.2. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est ainsi limité dans l'appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5.2). En outre, aucune allégation ou preuve nouvelle ne peut être produite devant l'instance d'appel (art. 398 al. 4, 2e phrase CPP). Il s'agit là d'une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l'autorité de deuxième instance qui conduit à qualifier d'appel "restreint" cette voie de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

Le libre pouvoir de cognition dont elle dispose en droit confère à l'autorité cantonale la possibilité, si cela s'avère nécessaire pour juger du bien-fondé ou non de l'application d'une disposition légale, d'apprécier des faits que le premier juge a omis d'examiner, lorsque ceux-ci se révèlent être pertinents (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1247/2013 du 13 mars 2014 consid. 1.3).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, elle signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 ; 145 IV 154 consid. 1.1).

2.2.1. L'art. 2 par. 1 de l'Annexe I de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne et ses États membres sur la libre circulation des personnes (ALCP) prévoit le droit de séjourner et d'exercer une activité économique pour les ressortissants de l'une des parties contractantes sur le territoire d'une autre partie contractante. L'art. 2 par. 4 de l'Annexe laisse la possibilité aux États d'imposer aux ressortissants des autres parties contractantes de signaler leur présence sur le territoire.

2.2.2. L’art. 9 al. 1bis OLCP prévoit qu'en cas de prise d’emploi sur le territoire suisse ne dépassant pas trois mois par année ou de services fournis par un prestataire indépendant pendant 90 jours ouvrables au plus par année, la procédure de déclaration d’arrivée (obligation d’annonce, procédure, éléments, délais) au sens de l’art. 6 de la loi du 8 octobre 1999 sur les travailleurs détachés (Ldét) et de l’art. 6 de l’ordonnance du 21 mai 2003 sur les travailleurs détachés en Suisse (Odét) s’applique par analogie. En cas de prise d’emploi sur le territoire suisse ne dépassant pas trois mois par année, l’annonce doit toutefois s’effectuer au plus tard la veille du jour marquant le début de l’activité.

L'art. 6 al. 1 Ldét prescrit qu'avant le début de la mission, l’employeur annonce à l’autorité, par écrit, les indications nécessaires à l’exécution du contrôle, notamment : l’identité des personnes détachées en Suisse (let. a); l’activité déployée en Suisse (let. b) et le lieu où les travaux seront exécutés (let. c).

La procédure d'annonce est obligatoire pour les travaux relevant de l'industrie du sexe, quelle qu'en soit la durée (art. 6 al. 2 let. f Odét).

Selon l’art 9 al. 1 OLCP, les procédures de déclaration d’arrivée et d’autorisation sont régies par les art. 10 à 15 de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) et 9, 10, 12, 13, 15 et 16 Ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA). L'art. 11 al. 3 LEI prévoit qu'en cas d’activité salariée, la demande d’autorisation est déposée par l’employeur.

2.3. L'art. 32a OLCP punit quiconque contrevient, intentionnellement ou par négligence, aux obligations d’annonce prévues à l’art. 9, al. 1bis OLCP.

2.4.1. En droit genevois, l'art. 9 al. 1 et 4 de la Loi sur la prostitution (LProst) stipule que toute personne physique qui, en tant que locataire, sous-locataire, usufruitière, propriétaire ou copropriétaire, exploite un salon et met à disposition de tiers des locaux affectés à l'exercice de la prostitution doit s'annoncer, préalablement et par écrit, aux autorités compétentes en indiquant le nombre et l'identité des personnes qui y exercent la prostitution. La personne qui effectue l'annonce est considérée comme personne responsable au sens de la présente loi.

2.4.2. L’art. 12 LProst oblige la personne responsable à tenir constamment à jour et en tout temps à disposition de la police, à l'intérieur du salon, un registre mentionnant l'identité, le domicile, le type d'autorisation de séjour et/ou de travail et sa validité, les dates d'arrivée et de départ des personnes exerçant la prostitution dans le salon ainsi que les prestations qui leur sont fournies et les montants demandés en contrepartie (let. a). Elle doit s’assurer qu’elles ne contreviennent pas à la législation, notamment celle relative au séjour et au travail des étrangers (let. b). Elle doit encore exploiter de manière personnelle et effective son salon, désigner en cas d'absence un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs dont elle répond, et être facilement atteignable par les autorités compétentes ; le prête-nom est strictement interdit (let. g).

Il ressort des travaux préparatoires du projet de loi de la LProst que le mot "personnelle" a été ajouté afin d'éviter que le responsable ne contourne ses obligations en déléguant ses tâches (MGC 2009-2010/III A 2118). En effet, la modification apportée à la lettre g vise à renforcer l'obligation, pour la personne responsable d'un salon, d'exploiter l'établissement de façon personnelle et effective. Il est rajouté à cette disposition l'obligation pour la personne responsable de désigner, en cas d'absence, un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs dont elle répond, tout en ajoutant que le prête-nom est strictement interdit. Cette modification résulte indirectement de la recommandation 4 (constats 8 et 10) de la Cour des comptes, qui demande à la police de lutter contre les prête-noms sans proposer des modifications légales et/ou réglementaires, et d'un arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ATA/114/2015, du 27 janvier 2015), qui précise qu'en cas d'infraction à la LProst, l'absence du tenancier n'est pas une excuse et que les personnes responsables doivent le cas échéant se faire remplacer (PL 12031 (16/19)).

Ainsi, lorsque le tenancier du salon ou de l’agence d’escorte n’est pas présent dans son établissement, il doit désigner un remplaçant et il appartient à ce responsable de veiller à ce que les nouvelles personnes qui arrivent dans l’établissement pour s’y prostituer soient contrôlées et qu’on ne laisse pas entrer des personnes sans autorisation de séjour (PL 12031-A (4/45)).

2.5. Selon l'art. 12 al. 3 CP, agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle.

2.6.1. L'appelante ne saurait être suivie lorsqu'elle allègue que le premier juge a établi les faits de manière arbitraire, faisant notamment fi du principe in dubio pro reo. Il apparait au contraire que le TP a établi la culpabilité de celle-ci en se fondant sur un faisceau d'indices convergents (absence d'annonce de séjour, présence des employées au salon, en petite tenue pour l'une, déclarations de la police, premières déclarations de l'appelante) que les déclarations de l'appelante, jugées non crédibles, n'ont pas su renverser.

Concernant D______, le fait que l'appelante ait bien procédé à l'annonce de séjour de courte durée à d'autres occasions ne permet pas d'écarter le fait qu'une telle annonce n'ait pas été faite le 9 février 2022. L'appelante justifie la "tenue de travail" que la précitée portait lors du contrôle de police en indiquant que plusieurs prostituées étaient logées au-dessus du salon. Toutefois, elle n'indique pas clairement que c'était bel et bien le cas de D______. À cet égard, elle argue à tort ne pas avoir pu s'exprimer sur ce sujet avant l'audience de jugement ; son conseil a été invité à se prononcer sur les faits suite à l'opposition à l'ordonnance pénale, ce qu'il a fait. Elle-même a eu l'occasion de s'exprimer le lendemain des faits lorsque la police a pris contact avec elle. L'argument de l'appelante selon lequel D______ se serait rendue sur place afin de ne pas laisser de trace d'un éventuel appel au salon dans son téléphone, afin de le cacher par exemple à un conjoint, n'emporte pas conviction, une telle trace pouvant être aisément supprimée. Il apparait au contraire plus délicat de justifier un déplacement à quasiment 23h, en "petite tenue".

Il en va de même concernant E______. Les seuls faits qu'elle était en habit de ville ou qu'elle travaille habituellement en journée, ne sauraient à eux-seuls écarter le fait qu'elle travaillait le soir du 12 décembre 2022. Au contraire, les éléments au dossier plaident en faveur d'une version opposée. Si E______ souhaitait travailler le lendemain dès 9h, il apparait effectivement peu crédible qu'elle vienne la veille à 21h50, se déplaçant depuis F______ [France] où elle résidait, ce d'autant plus que le salon était en possession de tous les éléments nécessaires pour procéder à l'annonce, E______ y ayant travaillé à plusieurs reprises. Un simple appel téléphonique aurait suffi. En outre, le fait que l'appelante ait procédé à l'annonce de séjour à 22h21, soit environ 30 minutes après le contrôle de police et suite à un appel de E______ plaide en faveur de la version retenue par le premier juge, l'appelante ayant visiblement effectué rapidement les démarches pour se mettre en règle suite au contrôle.

Pour le surplus, l'appelante se livre à une interprétation libre et appellatoire des faits, sans démontrer que le raisonnement du premier juge serait entaché d'arbitraire, et formule même une nouvelle allégation, irrecevable (art. 398 al. 4 CPP).

C'est ainsi sans arbitraire que le TP a retenu que D______ et E______ étaient en exercice au salon le soir des contrôles et qu'elles n'ont pas été annoncées à l'autorité administrative compétente antérieurement, alors que la procédure d'annonce était obligatoire.

2.6.2. Il a été correctement établi que l'appelante était la gérante du salon de massages érotiques C______ dans lequel exerçaient les deux travailleuses du sexe contrôlées dans le cadre de la présente procédure, ce qu'elle ne conteste pas. Il lui incombait ainsi des obligations en tant qu'employeur, notamment celle d'annonce de prise d'emploi, ce qu'elle admet, étant familière de ces procédures. Il lui incombait également de procéder à des vérifications et de s'assurer concrètement que les annonces avaient été effectuées.

Aucun élément au dossier ne permet de douter du fait que les deux employées du salon se sont présentées à l'improviste, alors que l'appelante ne s'y trouvait pas, tel qu'elle l'indique. Il appartenait toutefois à cette dernière de s'assurer concrètement que les annonces avaient été effectuées correctement et en temps utile. L'appelante a ainsi bien agi, tel que retenu par le TP, en n'usant pas des précautions commandées par sa position d'employeur.

La Cour retient donc, sur la base des faits correctement établis par le premier juge, que l'appelante, en ne procédant pas à l'annonce de séjour de ses employées, s'est rendue coupable d'infraction à l'art. 32a cum art. 9 al. 1bis OLCP par négligence, commise à deux reprises.

3.  3.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 136 IV 55 consid. 5.6).

3.1.2.  En application des art. 32a al. 1 OLCP et 106 CP, l'amende sera de CHF 5'000.- au plus.

Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (art. 106 al. 2 CP).

Le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (art. 106 al. 3 CP).

3.1.3. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

3.2. En l'espèce, l'appelante ne critique pas la quotité de sa peine, au-delà de l'acquittement plaidé.

L'amende prononcée en première instance tient adéquatement compte de la situation financière de l'appelante, de sa faute légère, ayant agi par négligence, et du fait que les infractions ont été commises à deux reprises : les infractions étant de même gravité, une amende de CHF 800.- est fixée pour celle du 9 février 2022, laquelle sera augmentée de CHF 400.- (peine théorique de CHF 800.-) pour tenir compte de l'infraction du 12 décembre 2022. L'amende de CHF 1'200.- sera partant confirmée, de même que les 12 jours de peine privative de liberté de substitution.

En définitive, l'appel est rejeté et le jugement intégralement confirmé.

4.  L'appelante, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), lesquels comprendront un émolument d'arrêt de CHF 1'000.-. Il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance.

5.  Vu l'issue de l'appel, l'appelante sera déboutée de ses conclusions en indemnisation (art. 429 CPP a contrario).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/56/2024 rendu le 18 janvier 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/26875/2022.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'175.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

" Acquitte A______ d'infraction à l'art. 32a OLCP cum art. 9 OLCP en lien avec les faits visés dans l'ordonnance pénale n°3______ du 27 juin 2022.

Déclare A______ coupable d'infraction à l'art. 32a OLCP cum art. 9 OLCP en lien avec les faits visés dans les ordonnances pénales n°1______ du 24 février 2022 et n°2______ du 8 mai 2023.

Condamne A______ à une amende de CHF 1'200.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 12 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux 2/3 des frais de la procédure, qui s'élèvent au total à CHF 858.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse le surplus les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

Condamne l'Etat de Genève à verser à A______ CHF 1'800.- à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Rejette pour le surplus les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

(…)

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Condamne A______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 600.-. "

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Sonia LARDI DEBIEUX

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'458.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'175.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'633.00