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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7440/2023

AARP/88/2024 du 06.03.2024 sur JTDP/1310/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : MENDICITÉ;CEDH;LIBERTÉ PERSONNELLE;LÉGALITÉ;LIBERTÉ D'EXPRESSION
Normes : LPG.11A; CP.1; Cst; Cst; Cst; CEDH.8; CEDH.10
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7440/2023 AARP/88/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 6 mars 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, Roumanie, comparant par Me Dina BAZARBACHI, avocate, LEUENBERGER LAHLOU & BAZARBACHI, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/1310/2023 rendu le 12 octobre 2023 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 12 octobre 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable d'infraction à l'art. 11A al. 1 let. c et al. 2 de la Loi pénale genevoise (LPG) et condamnée à une amende de CHF 2'160.-. Le premier juge a prononcé une peine privative de liberté de substitution de 12 jours. Les frais de la procédure, arrêtés à CHF 878.-, ont été mis à la charge de la contrevenante.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et, subsidiairement, à une exemption de peine.

b. Selon les ordonnances pénales du service des contraventions (SDC) du 20 janvier 2023, il est reproché à A______ de s'être adonnée, à cinq reprises, à la mendicité, en des lieux proscrits :

-        le 15 juin 2022, à 16h00, à la rue de Lausanne no. ______, aux abords immédiats de [l'Hôtel] B______ (ordonnance pénale 1______) ;

-        le 2 juillet 2022, à 19h25, sur la place de Cornavin, aux abords immédiats de la Basilique Notre-Dame, accompagnée de deux mineurs (ordonnance pénale 2______) ;

-        le 11 juillet 2022, à 16h10, à la hauteur de la place de Cornavin 14, aux abords immédiats d'un magasin (ordonnance pénale 3______) ;

-        le 22 juillet 2022, à 12h30, à la hauteur de la place de Cornavin 14, aux abords immédiats d'un magasin (ordonnance pénale 4______) ;

-        le 26 novembre 2022, à 11h30, à la rue Rousseau 21, aux abords immédiats d'un magasin (ordonnance pénale 2______).

B. a. Les faits des 15 juin, 11 et 22 juillet, et 26 novembre 2022, tels que décrits dans les ordonnances pénales, ne sont pas contestés et peuvent être résumés comme suit, étant pour le surplus renvoyé au jugement de première instance (art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale [CPP]).

A______ nie avoir mendié accompagnée d'enfants le 2 juillet 2022.

b. Selon les rapports de renseignements/contravention au dossier :

-        le 15 juin 2022, A______ était assise devant l'entrée de [l'Hôtel] B______ et mendiait en tendant la main. Les agents de police l'avaient déclarée en contravention et priée de ne plus s'adonner à cette pratique interdite (rapport du 29 juin 2022) ;

-        le 2 juillet 2022, elle mendiait auprès des fidèles regroupés devant le parvis de la Basilique Notre-Dame, "avec deux enfants en bas âge". Les policiers l'avaient interpellée avec les deux enfants. Ceux-ci avaient été identifiés au moyen de leur passeport roumain comme C______ (né en ______ 2018) et D______ (née en ______ 2015). A______ n'avait aucun lien de parenté avec eux. La jeune femme avait été avisée de la contravention et priée de ne plus s'adonner à la mendicité (rapport du 6 juillet 2022) ;

-        le 11 juillet 2022, A______ s'adonnait à la mendicité à proximité immédiate d'un commerce (soit à environ trois mètres), en tendant la main avec un gobelet et en sollicitant les passants avec insistance. Sur la photographie annexée au rapport, elle est assise, adossée au muret de la sortie du parking souterrain, face au commerce (rapport du 18 juillet 2022) ;

-        le 22 juillet 2022, A______ mendiait à cinq mètres de l'entrée d'un commerce, en tendant la main et en sollicitant les passants avec insistance (rapport du 22 juillet 2022) ;

-        le 26 novembre 2022, elle s'adonnait à la mendicité à moins de 10 mètres de l'entrée d'un magasin, en tendant la main (rapport du 26 novembre 2022).

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions. Invitée à déposer ses éventuelles prétentions en indemnisation au sens des art. 429 et 436 CPP, elle n'a pris aucune conclusion en ce sens.

c. Le MP n'a pas déposé de mémoire de réponse dans le délai imparti.

d. Le SDC conclut au rejet de l'appel.

e. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

D. A______ est de nationalité roumaine, issue de la communauté rom. Elle est née en 1992 dans son pays d'origine où elle est domiciliée. Elle est sans emploi.

En appel, elle affirme, sous la plume de son conseil, être analphabète, sans formation, ni revenu et faire face à une situation de grand dénuement.

À teneur de son casier judiciaire suisse, elle est sans antécédent.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

1.2. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est ainsi limité dans l'appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5.2). Il s'agit là d'une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l'autorité de deuxième instance qui conduit à qualifier d'appel "restreint" cette voie de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

1.3. Conformément à l'art. 129 al. 4 de la Loi sur l'organisation judiciaire (LOJ), lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la magistrate exerçant la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétente pour statuer.

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst. et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; ATF 138 V 74 consid. 7).

2.2.1. Aux termes de l'art. 11A al. 1 let. c LPG, sera puni de l'amende quiconque aura mendié aux abords immédiats :

-        des entrées et sorties de tout établissement à vocation commerciale, notamment les magasins, hôtels, cafés, restaurants, bars et discothèques (ch. 2) ;

-        des lieux cultuels (ch. 11).

L'amende sera de CHF 2'000.- au moins si l'auteur aura mendié en étant accompagné d’une ou plusieurs personnes mineures ou dépendantes (al. 2).

L'art. 11A al. 1 let. c LPG vise la mendicité passive, soit l'acte par lequel le mendiant s'installe sur le domaine public et tend la main ou le gobelet sans interpeller les passants (par opposition à la mendicité active où le mendiant s'approche des passants et les sollicite avec insistance, dont la répression est prévue à l'art. 11A al. 1 let. b LPG ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2017 consid. 4.3 ; ACST/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 8b).

2.2.2. L'actuel art. 11A LPG a été adopté suite à la condamnation de la Suisse par la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH) en lien avec l'interdiction générale de la mendicité prévue par l'ancien art. 11A aLPG (arrêt de la CourEDH no 14065/15 du 19 avril 2021 Lacatus c. Suisse). La novelle, laquelle prévoit une interdiction partielle de la mendicité, a fait l'objet d'un contrôle abstrait de constitutionnalité par la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ACST/12/2022 du 28 juillet 2022).

En mars 2023, le Tribunal fédéral a procédé au contrôle abstrait de l'art. 9 de la loi bâloise sur les contraventions (LContr/BS) interdisant partiellement la mendicité (ATF 149 I 248). Cette disposition prévoit notamment qu'est sanctionné d'une amende quiconque mendie à moins de cinq mètres des entrées ou sorties des commerces ou des hôtels, et trouble par-là la sécurité, la tranquillité ou l'ordre publics, en mendiant (art. 9 al. 2 let. d et e LContr/BS).

La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a récemment jugé des faits constitutifs de mendicité passive au sens de l'art. 11A al. 1 let. c LPG. Le verdict de culpabilité et l'amende infligée ont été considérés comme conformes à la Constitution et à la CEDH (AARP/46/2024 du 30 janvier 2024).

2.2.3. L'appelante plaide qu'elle n'était pas accompagnée d'enfants le 2 juillet 2022, mais que ceux-ci se trouvaient avec leurs parents, lesquels avaient fui à la vue des policiers, la laissant seule avec leur progéniture.

Ce faisant, elle se contente d'opposer sa propre version et ne démontre pas que l'appréciation des faits du premier juge était arbitraire en ce qu'il a retenu qu'elle s'était adonnée à la mendicité accompagnée de deux enfants mineurs le 2 juillet 2022 (cf. consid. 1.2 du jugement entrepris). Partant, le grief n'est pas recevable.

Au surplus, le rapport de police est clair et précis sur ce point et aucun élément du dossier ne permet d'en douter.

Ainsi, les faits sont établis et remplissent les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'art. 11A al. 1 let. c et al. 2 LPG.

2.3.1. L'appelante plaide que sa condamnation, ainsi que sa sanction (cf. infra consid. 3), constitueraient des atteintes injustifiées à plusieurs de ses droits fondamentaux (violations du principe de la légalité et de sa liberté personnelle [cf. infra consid. 2.4], de sa liberté d'expression [cf. infra consid. 2.5] et d'un traitement discriminatoire en raison de sa situation sociale [cf. infra consid. 2.6]).

2.3.2. À cet égard, il convient d'emblée de rappeler qu'il n'appartient pas à la CPAR d'effectuer un second contrôle abstrait de la disposition en cause, après celui opéré par la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ACST/12/2022 du 28 juillet 2022). Les arguments de l'appelante seront dès lors examinés uniquement au regard de l'état de fait reproché à celle-ci, soit de s'être livrée à cinq reprises à la mendicité aux abords immédiats des entrées et sorties d'un hôtel, de commerces et d'une église, accompagnée de personnes mineures pour un cas.

2.4.1. L'appelante invoque tout d'abord la violation de sa liberté personnelle ainsi que du principe de la légalité, sous l'angle de l'exigence de précision. Les deux griefs intrinsèquement liés peuvent être examinés concurremment.

2.4.2.1. Aux termes de l'art. 10 al. 2 Cst., tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l'intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement.

L'art. 8 par. 1 CEDH dispose que toute personne a en particulier droit au respect de sa vie privée et familiale.

2.4.2.2. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ainsi que celle de la CourEDH, mendier doit être considéré comme une liberté élémentaire, faisant partie de la liberté personnelle garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. ou du droit au respect de la vie privée au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH (ATF 134 I 214 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_537/2021 consid. 4.1 non publié in ATF 149 I 248 ; arrêt de la CourEDH no 14065/15 du 19 avril 2021 Lacatus c. Suisse § 59). Aussi, l'interdiction de la mendicité entraîne une atteinte à ce droit fondamental, et ce indépendamment qu'il s'agisse d'une interdiction globale ou seulement partielle (arrêt du Tribunal fédéral 1C_537/2021 consid. 4.1 non publié in ATF 149 I 248).

2.4.2.3. Les droits fondamentaux ne sont pas absolus. Conformément à l'art. 36 Cst., une restriction de ces garanties est admissible si elle repose sur une base légale, qui, en cas d'atteinte grave, doit être prévue dans une loi au sens formel (al. 1), si elle est justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et si elle respecte le principe de la proportionnalité (al. 3).

Ces conditions se retrouvent, s'agissant de la liberté personnelle, à l'art. 8 par. 2 CEDH qui exige que l'ingérence dans l'exercice du droit soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

2.4.2.4. Il faut également tenir compte du principe de la légalité (art. 1 du Code pénal [CP] et art. 7 CEDH) qui s'applique aux contraventions du droit pénal cantonal, dont l'exigence de précision constitue l'une des facettes (nulla poena sine lege). Une norme pénale doit être suffisamment précise. Les exigences à cet égard dépendent entre autres de la complexité de la matière réglementée et de la peine encourue. La loi doit être formulée de manière suffisamment précise pour que les citoyens puissent s'y conformer et identifier les conséquences d'un comportement donné avec un degré de certitude correspondant aux circonstances. Le principe de précision ne doit toutefois pas être compris de manière absolue. Le législateur ne peut pas renoncer à utiliser des notions générales dont l'interprétation et l'application doivent être laissées à la pratique. Le degré de précision requis ne peut ainsi pas être fixé de manière abstraite. Il dépend notamment de la diversité des situations à ordonner, de la complexité et de la prévisibilité de la décision nécessaire dans le cas d'espèce, des destinataires de la norme et de la gravité de l'atteinte aux droits constitutionnels (ATF 144 I 126 consid. 6.1 ; ATF 143 I 253 consid. 6.1 ; ATF 143 I 310 consid. 3.3.1).

2.4.2.5. L'expression générale et abstraite "aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation commerciale" se comprend par elle-même.

Certes, le législateur genevois a renoncé, à dessein, à chiffrer une limite métrique de cinq mètres (contrairement à ce qui prévaut dans la loi bâloise) (cf. rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de la LPG pp. 24 et 25). Cela étant, l'utilisation de l'adjectif "immédiat" – défini par les dictionnaires Robert et Larousse comme qui précède ou suit sans intermédiaire, notamment dans une relation spatiale – suffit à réaliser l'exigence de précision.

Aussi, le terme "abords immédiats" délimite de façon intelligible les secteurs où la mendicité est interdite et permet une marge d'appréciation en fonction de la configuration de l'endroit (notamment application plus stricte dans des lieux manquant de dégagement ou de visibilité). La lecture de la disposition permet de comprendre que la mendicité est exclue des lieux névralgiques et particulièrement sensibles comme les entrées et sorties des commerces, des hôtels ou des lieux de culte.

L'expression "établissement à vocation commerciale" est accessible à tout un chacun et illustrée par des exemples, notamment le terme "magasin".

2.4.2.6. Partant, la loi telle que formulée ne pose aucune difficulté en l'espèce puisqu'à teneur des rapports de police, l'appelante se trouvait "devant" l'entrée d'un hôtel, "devant" le parvis de la Basilique Notre-Dame et à trois, cinq et 10 mètres de l'entrée d'un commerce. Dès lors qu'elle se trouvait devant ces établissements ou à seulement quelques mètres, elle se trouvait bien dans les "abords immédiats", ce qu'elle ne pouvait que réaliser.

Il est vrai, comme le rappelle la défense, que l'interdiction est destinée à des individus qui sont le plus souvent étrangers et peu éduqués. Cela étant, l'appelante ne saurait en tirer argument. Déjà lors de la première occurrence (15 juin 2022), les policiers lui ont expressément rappelé que la pratique de la mendicité était interdite notamment aux abords immédiats d'un hôtel, ce qui ne l'a pas empêchée de récidiver à quatre reprises. Il lui appartenait de se renseigner en cas de doute sur la formulation de la loi, celle-ci étant suffisamment claire pour remplir les exigences découlant du principe de la légalité.

Le grief fondé sur le manque de précision de la loi doit être rejeté.

2.4.3.1. La CourEDH n'a pas exclu que l'interdiction totale de la mendicité poursuit a priori des buts légitimes, soit, d'une part, la protection de l'ordre public et l'assurance de la sécurité et de la tranquillité publiques, afin de ne pas porter atteinte aux passants, aux résidents et aux commerçants, et, d'autre part, la lutte contre l'exploitation des mineurs. Elle a laissé ouverte la question de savoir si d'autres buts légitimes sont également poursuivis par l'interdiction de la mendicité. La motivation de rendre la pauvreté moins visible dans une ville et d'attirer les investissements n'est toutefois pas légitime au regard des droits de l'homme (arrêt de la CourEDH no 14065/15 du 19 avril 2021 Lacatus c. Suisse §§ 96, 97 et 113).

Le Tribunal fédéral a admis l'existence d'un intérêt public à la protection de l'ordre, de la tranquillité et de la sécurité publics en cas de réglementation de la mendicité à proximité immédiate des points de paiement et des distributeurs automatiques de billets, à l'entrée des magasins, dans les gares ou dans d'autres bâtiments publics (arrêt du Tribunal fédéral 1C_537/2021 consid. 4.6.2 non publié in ATF 149 I 248).

La Chambre constitutionnelle de la Cour de justice a considéré que l'interdiction absolue de mendier accompagné de personnes mineures poursuivait un intérêt public évident de lutte contre l’exploitation humaine (ACTS/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 9).

2.4.3.2. Au vu de la jurisprudence précitée, l'interdiction de mendier aux abords immédiats de magasins/hôtel/lieu cultuel et, en tous les cas, en compagnie de mineurs poursuit des intérêts publics reconnus.

En l'espèce, l'appelante s'est placée à l'entrée de trois magasins, d'un hôtel et d'une église devant lesquels le passage est quasiment obligatoire pour tout un chacun. Par sa présence, elle a risqué de gêner physiquement les allers et venues des clients et fidèles ou de faire naître chez ceux-ci un sentiment d'insécurité en se tenant à proximité des accès. Son comportement a également été de nature à perturber l'exploitation des commerces et hôtel, et cela sans l'accord des ayants-droits, dont les droits méritent protection.

Par ailleurs, en raison de la circonscription de l'exclusion de la mendicité, les intérêts publics poursuivis sont clairement délimités à certaines zones sensibles et permettent un exercice libre de la mendicité à l'extérieur de celles-ci.

Contrairement à l'avis de la défense, l'éventuelle gêne causée par les collectes caritatives dans la rue ne saurait être comparée à celle générée par la mendicité passive dans la mesure où, dans le premier cas, une autorisation étatique est nécessaire pour utiliser de manière accrue le domaine public, laquelle est octroyée pour un temps et un lieu déterminés. On relèvera que, lorsqu'une collecte est organisée aux "abords immédiats" d'un magasin, elle a lieu avec l'accord de l'exploitant. Or, tel n'est pas le cas de la mendicité.

L'ingérence repose in casu sur des motifs d'intérêts publics solides et reconnus.

2.4.4.1. L'interdiction de la mendicité doit être proportionnée (art. 26 al. 3 Cst.) ou s'avérer nécessaire dans une société démocratique (art. 8 par. 2 CEDH). Il faut qu'elle soit apte à atteindre le but visé, que ce dernier ne puisse être atteint par une mesure moins incisive et qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public. Il faut tenir compte du fait que les personnes mendiantes sont généralement particulièrement nécessiteuses et vulnérables et qu'elles dépendent de la mendicité comme moyen de subsistance (arrêt du Tribunal fédéral 1C_537/2021 consid. 4.6.3 non publié in ATF 149 I 248).

Le Tribunal fédéral a considéré que les dispositions de la loi bâloise laissaient subsister des possibilités suffisantes de pratiquer la mendicité sur le territoire cantonal, y compris dans le centre de la ville. L'intérêt des passants et des commerçants exigeait que la mendicité soit exclue des lieux névralgiques et particulièrement sensibles, en particulier des lieux manquant de dégagement ou de visibilité. Compte tenu des emplacements où la mendicité demeurait autorisée, les mendiants conservaient des solutions de repli suffisantes pour éviter les concentrations qui leur sont défavorables. En adoptant une interdiction partielle précisément délimitée, les mendiants n'étaient pas entièrement exclus de l'espace public (ATF 149 I 248 consid. 5.3.1 et 5.3.2).

Concernant la troisième composante, le Tribunal fédéral a considéré que la mise en place d'un filet social découlant de la réglementation en matière d'aide sociale permettait de déduire que, pour la très grande majorité des personnes qui se livraient à la mendicité, son interdiction ne les priverait pas du minimum nécessaire, mais d'un revenu d'appoint. Cela conduisait à admettre un rapport raisonnable entre les effets de l'interdiction de la mendicité sur la situation des personnes concernées et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 134 I 214 consid. 5.7.3). Le but de l'art. 12 Cst. était justement d'éviter qu'une personne ne doive mendier pour survivre (arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2017 du 29 août 2018 consid. 4.4.3).

2.4.4.2. Contrairement à l'avis de l'appelante, la formulation de la disposition légale cantonale ne revient pas à interdire de facto la mendicité sur le territoire genevois.

Le législateur cantonal a listé les lieux où il y avait un intérêt public à ce que la mendicité soit prohibée, renonçant à l'incriminer pour le surplus. À titre d'exemple, l'arrêté du Conseil d'État du 12 février 2022 a limité l'interdiction de la mendicité à la région de la rade allant de la Perle du Lac jusqu'à Baby-Plage. Il subsiste ainsi des emplacements au centre-ville où l'activité n'est pas interdite. L'espace public n'est pas totalement exclu pour les personnes s'adonnant à la mendicité. Elles bénéficient du reste de suffisamment d'endroits pour ne pas toutes être réunies dans le même espace.

En l'occurrence, il suffisait à l'appelante de s'éloigner de l'accès des commerces pour pratiquer, dans les quartiers qu'elle fréquentait, son activité de manière licite.

En outre, l'appelante n'a jamais allégué avoir déposé une demande d'aide financière exceptionnelle (concrétisation de l'art. 12 Cst. régie aux art. 13 et ss. du Règlement genevois d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle [RIASI]), alors que celle-ci est destinée à éviter aux requérants de devoir mendier pour satisfaire leurs besoins élémentaires et mener une existence conforme à la dignité humaine (filet social). Ainsi, elle ne saurait affirmer qu'elle n'avait d'autre choix que de mendier, de surcroît dans un lieu illicite, pour assurer sa subsistance.

2.4.4.5. Au vu des considérants qui précèdent, les griefs fondés sur la liberté personnelle et le principe de la légalité doivent être rejetés.

2.5.1. L'art. 16 al. 2 Cst. prévoit que toute personne a le droit de former, d’exprimer et de répandre librement son opinion.

L'art. 10 par. 1, 1ère phrase CEDH dispose que toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière.

L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire (art. 10 par. 2 CEDH).

2.5.2. Le Tribunal fédéral refuse de juger une interdiction de la mendicité comme étant également constitutive d'une atteinte à la liberté d'expression (arrêt du Tribunal fédéral 1C_537/2021 consid. 4.4 non publié in ATF 149 I 248 qui confirme la jurisprudence établie, cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_443/2017 du 29 août 2018 consid. 6 et 6B_530/2014 du 10 septembre 2014 consid. 2).

Le but de la mendicité n'est pas d'exprimer un besoin, mais plutôt d'en obtenir la satisfaction par le biais d'un don très généralement sous la forme d'une prestation en argent. Le simple fait de se poster sur la voie publique pour se faire remettre de l'argent peut être interprété de diverses manières, mais on peut avant tout y voir un geste dépourvu de tout message et simplement destiné à améliorer la situation matérielle de son auteur (arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2017 du 29 août 2018 consid. 6.2). Le comportement consistant à demander de l'argent aux passants en leur tendant la main ne comporte aucune dimension symbolique, ni aucun message, par exemple sur la situation des personnes démunies, mais se limite à la seule expression de son dénuement personnel et de son besoin d'aide. Il s'agit ainsi d'une problématique exclusivement privée, la communication du dénuement apparaissant d'emblée comme un élément secondaire, bien que nécessaire, de l'activité de mendicité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_530/2014 du 10 septembre 2014 consid. 2.7).

Dans son arrêt Lacatus c. Suisse (cf. §120), la CourEDH a estimé que le grief fondé sur la liberté d'expression ne soulevait pas de "question distincte essentielle" et n'est pas entrée en matière sur ce point. Une opinion minoritaire a regretté que la CourEDH ne reconnût pas, en référence à un arrêt de la Cour constitutionnelle autrichienne du 30 juin 2012 (G155/10-9) ainsi qu'à un arrêt de la High Court d'Irlande du 4 décembre 2007 (Dillon v. Director of Public Prosecutions [2008],
11R 383), une ingérence dans l'exercice de ce droit (cf. pp. 39 et ss.).

À l'instar du Tribunal fédéral, la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice a retenu que, même si l'acte de mendier implique l'expression préalable de sa précarité et de son besoin d'aide, cette information n'est qu'un élément secondaire par rapport à la satisfaction dudit besoin (ACTS/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 12).

2.5.3. Au vu de la jurisprudence précitée, la mendicité n'entre pas dans le champ d'application de la protection accordée par la liberté d'expression. La manifestation de la précarité ou sa communication même tacite dans ce contexte est inhérente au but d'obtention d'une aide pécuniaire ou en nature, mais reste secondaire à celui-ci. Il ne ressort du reste pas du dossier que l'appelante aurait exprimé autre chose que son besoin personnel d'aide, de sorte qu'elle ne saurait, dans ce contexte, se prévaloir de sa liberté d'expression pour faire obstacle à la sanction de son comportement. Elle ne soutient en effet pas que ses agissements auraient pour but de sensibiliser sur la situation sociale des pauvres ou des membres de sa communauté. Au travers des actes qui lui sont reprochés, elle a exprimé un besoin personnel, privé, sans portée générale ou politique.

Même à considérer l'inverse, la liberté d'expression n'offre pas une protection plus étendue que la liberté personnelle, et une ingérence dans ce droit serait justifiée et proportionnée, les motifs évoqués ci-avant valant mutatis mutandis (cf. supra consid. 2.4)

2.6.1. D'après l'art. 8 al. 2 Cst., nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique.

On est en présence d'une discrimination selon l'art. 8 al. 2 Cst. lorsqu'une personne est traitée différemment en raison de son appartenance à un groupe particulier qui, historiquement ou dans la réalité sociale actuelle, souffre d'exclusion ou de dépréciation. Il y a discrimination indirecte lorsqu'une réglementation qui ne désavantage pas directement un groupe déterminé défavorise tout particulièrement, par ses effets et sans justification objective, les personnes appartenant à ce groupe. L’effet discriminatoire doit atteindre une importance significative car la protection contre la discrimination indirecte ne peut servir qu’à corriger les effets négatifs les plus évidents d’une réglementation étatique (ATF 149 I 248 consid. 7.2 ;
ATF 142 V 316 consid. 6.1.2 ; ATF 138 I 265 consid. 4.2.2 et 5.5 ; ATF 138 I 205 consid. 5.5).

En ce qui concerne la protection contre la discrimination, l'art. 14 CEDH ne fait que compléter les autres clauses matérielles de la CEDH et de ses Protocoles. Il ne saurait trouver à s'appliquer si les faits du litige ne tombent pas sous l'emprise de l'une au moins des dispositions de la Convention (ATF 149 I 41 consid. 5.4 ; ATF 148 I 160 consid. 8.1 ; ATF 139 I 155 consid. 4.3). Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner la cause sous cet angle dans la mesure où cette disposition n'a pas de portée indépendante de l'art. 8 CEDH (arrêt de la CourEDH no 14065/15 du 19 avril 2021 Lacatus c. Suisse § 123).

La Chambre constitutionnelle de la Cour de justice a rejeté le grief d'un traitement discriminatoire sur la base de la pauvreté. Le fait d'être pauvre ne donnait pas d'emblée droit à la protection de l'art. 8 al. 2 Cst. Même dans une telle hypothèse, la loi pouvait sanctionner la mendicité afin de protéger l'ordre public et lutter contre l'exploitation humaine et non pour dévaloriser ou exclure. Par ailleurs, le système juridique suisse répondait à la détresse des personnes par l'octroi de l'aide sociale au sens de l'art. 12 Cst., de manière à leur éviter de devoir mendier pour satisfaire leurs besoins élémentaires (ACST/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 11c).

2.6.2. La prévenue soutient que l'interdiction de mendier consacre un traitement discriminatoire puisque la norme pénale viserait à sanctionner des personnes uniquement en raison de leur pauvreté. La disposition aurait un effet stigmatisant et dépréciatif du justiciable pauvre en érigeant la pauvreté extrême et son mode de survie en infraction pénale.

2.6.3. En l'espèce, rien n'établit que l'objectif poursuivi par l'art. 11A LPG serait de discriminer les pauvres. La disposition ne contient aucune référence expresse à un caractère discriminatoire et aucun élément concret ne révèle une quelconque forme de discrimination indirecte à l'égard des personnes démunies.

2.6.4. En tout état, il est douteux que le dénuement de l'appelante soit apte à constituer un critère de discrimination. Cet élément n'est en effet pas de nature à circonscrire un groupe ou une minorité qui soit identifié par des caractéristiques particulières, que l'on ne choisisse pas librement ou auxquelles on ne puisse pas renoncer librement, de sorte que ce groupe aurait besoin d'une protection particulière en droit constitutionnel. Le dénuement doit plutôt être considéré comme une circonstance temporaire dont les inconvénients disparaissent avec l'accès à une activité lucrative autonome.

Par ailleurs, l'interdiction partielle de la mendicité ne prive pas ceux qui s'y adonnent d'obtenir de l'aide étatique ou associative, le développement supra sur les art. 13 et ss RIASI valant mutatis mutandis (cf. supra consid. 2.4.4.2). Dans le cas d'espèce, la contrevenante n'allègue au demeurant pas avoir introduit, en vain, une demande d'aide sociale et qu'en la restreignant partiellement dans ses possibilités de demander l'aumône, elle serait ainsi privée de son unique pécule minimum pour vivre.

Le grief doit être rejeté.

2.7. Au vu de ce qui précède, les verdicts de culpabilité retenus à l'encontre de l'appelante pour mendicité, à une reprise accompagnée de personnes mineures, doivent être confirmés en tant qu'ils ne constituent pas, dans le cas d'espèce, une ingérence injustifiée dans ses droits fondamentaux.

3. 3.1. La législation cantonale prévoit exclusivement l'amende comme sanction de l'interdiction de la mendicité passive en certains lieux (art. 11A al. 1 let. c LPG), à l'exclusion d'un mécanisme graduel de sanction préalable. Celle-ci est de CHF 2'000.- au moins si l'auteur a mendié en étant accompagné d'une ou plusieurs personnes mineures (art. 11A al. 2 LPG ; circonstance aggravante).

3.2. Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas admissible au regard de la Cst. et de la CEDH de sanctionner la mendicité passive pratiquée dans certains lieux par une amende qui, dans un cas de dénuement, est presqu'automatiquement convertie en jours de détention, à moins d'avoir pris des mesures administratives en amont. En revanche, dans les cas aggravés de mendicité, notamment les cas d'exploitation d'autrui, la sanction de l'amende – et les peines privatives de liberté rattachées – sont conformes au droit supérieur (ATF 149 I 248 consid. 5.4.6 et ss).

La CourEDH a considéré que la conversion de l'amende en une peine privative de liberté de substitution était quasiment inévitable, eu égard à la situation précaire et vulnérable des mendiants, et constituait dès lors une sanction grave, laquelle devait être justifiée par de solides motifs d'intérêt public et être proportionnée aux buts poursuivis. En particulier, en l'absence de mendicité intrusive ou agressive (soit une mendicité active, cf. supra consid. 2.2.2) ou de plainte pénale déposée contre le mendiant, l'on pouvait douter d'un intérêt public concret de protection des droits des passants, résidents ou propriétaires des commerces justifiant la sanction de l'amende. Les tribunaux devaient procéder à un examen approfondi de la situation concrète et vérifier si des mesures moins sévères que la sanction pénale auraient pu aboutir au même résultat. Si ces conditions n'étaient pas remplies, la sanction de l'amende violait l'art. 8 CEDH (arrêt de la CourEDH no 14065/15 du 19 avril 2021 Lacatus c. Suisse §§ 108 ss).

Dans un arrêt récent, la Cour de céans a relevé qu'il serait bienvenu d'intégrer à la loi genevoise, en faveur des primo-délinquants, un mécanisme graduel de sanction avant le prononcé de l'amende quasiment systématiquement convertie. On pouvait, par exemple, penser à la remise d'un avertissement formel dans la langue maternelle du contrevenant indiquant le caractère pénal de son comportement et la sanction encourue en cas de récidive, voire un guide des bonnes pratiques à adopter dans le canton (AARP/46/2024 du 30 janvier 2024 consid. 2.4.4.6).

3.3. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.4. Selon l'art. 106 al. 2 CP, le juge prononce, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus. Le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise. Ainsi, au moment de fixer la peine privative de liberté de substitution à une amende, le juge ne doit tenir compte que de la culpabilité de l'auteur, à l'exclusion des circonstances financières propres au condamné (ATF 134 IV 97 consid. 6.3.7.1 ; ATF 134 IV 60 consid. 7.3.3).

3.5. L'art. 52 CP prévoit que, si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine. Les deux conditions sont cumulatives. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification ; en effet, il ne s'agit pas d'annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi pénale. Toutes les conséquences de l'acte doivent être minimes, et non seulement celles constitutives de l'infraction (ATF 146 IV 297 consid. 2.3 ; ATF 135 IV 130 consid. 5.3.2 et 5.3.3).

3.6. La faute de l'appelante doit être qualifiée de faible à moyenne. Elle a mendié à cinq reprises en quelques mois et dans un périmètre restreint, à une reprise accompagnée d'enfants mineurs, lesquels n'étaient pas ses propres enfants et dont elle s'est servie dans l'objectif d'obtenir davantage. Elle ne pouvait ignorer, notamment eu égard au rappel de la police déjà lors de la première contravention le 15 juin 2022, qu'elle agissait de manière contraire au droit pénal cantonal. Elle a ainsi fait fi de l'ordre juridique genevois ainsi que de ses autorités qu'elle a mobilisées par cinq fois en quelques mois.

Par ailleurs, invoquant sa pauvreté, l'appelante ne démontre pas que cette circonstance, commune à la plupart des cas de mendicité, ferait apparaître sa culpabilité comme particulièrement légère pour une telle infraction, ce d'autant qu'elle a agi en sachant que son comportement était illicite. Le résultat de l'acte qui lui est reproché n’est pas non plus anodin compte tenu du bien juridique protégé, à savoir la paix publique.

Sa situation personnelle précaire explique ses agissements, mais ne les justifie pas totalement, dans la mesure où il existait d'autres lieux où elle pouvait s'adonner à la mendicité de manière licite. On retiendra toutefois au bénéfice du doute qu'elle a agi pour améliorer sa condition difficile, et non par appât du gain.

Sa collaboration n'appelle pas de remarque puisqu'elle ne s'est pas exprimée au cours de la procédure.

L'appelante n'a pas d'antécédent en Suisse, facteur neutre sur sa peine.

Il y a concours d'infractions d'où le bénéfice du principe d'aggravation (art. 49 CP cum art. 104 CP).

L'occurrence la plus grave est celle du 2 juillet 2022, lorsqu'elle était accompagnée d'enfants. Vu l'arrêt du Tribunal fédéral précité et la réalisation de l'aggravante de l'art. 11 al. 2 LPG, la sanction est adéquate et une amende de CHF 2'000.- lui sera infligée, soit le montant minimal prévu par la LPG.

Quant aux quatre occurrences de mendicité passive au sens de l'art. 11A al. 1 let. c par. 2 LPG, une distinction doit être opérée entre la première occurrence et les trois suivantes. Le dossier ne contient aucun élément indiquant que l'appelante aurait été préalablement au 15 juin 2022 avertie ou sensibilisée de ce que la mendicité passive conduisait immédiatement à la peine de l'amende, laquelle pouvait ensuite, en cas de non-paiement fautif, être convertie en peine privative de liberté. Aussi, en application de la jurisprudence précitée, sanctionner de l'amende les faits du 15 juin 2022 n'est pas compatible avec la Constitution et la CEDH. Dès lors, il sera retenu que son interpellation ce jour-là aura constitué un avertissement quant aux risques encourus, en termes de sanction, en cas de mendicité passive dans des lieux proscrits. Il ressort d'ailleurs expressément du rapport de police que les gendarmes l'ont sensibilisée à la question de l'interdiction de la mendicité. Ainsi, aucune peine ne sera prononcée en lien avec les premiers actes de mendicité reprochés dans la présente procédure.

En revanche, pour les occurrences suivantes, l'appelante était informée des risques encourus, de sorte qu'il sera considéré que des mesures moins incisives avaient été prises et avaient échoué puisqu'elle a néanmoins récidivé. Partant, à la peine de base de CHF 2'000.- seront ajoutés CHF 120.-, soit CHF 40.- pour chacun des trois complexes de faits (peine hypothétique : CHF 100.-).

La peine privative de liberté de substitution fixée à 12 jours par le premier juge, appropriée, est acquise à l'appelante (art. 391 al. 2 CPP).

3.7. Au vu des éléments précités, en particulier des quatre récidives de mendicité passive dans un périmètre restreint (Gare de Cornavin) en quelques mois et des conséquences, loin d'être de peu de gravité, de l'exploitation d'enfants pour mendier, l'appelante ne saurait bénéficier d'une exemption de peine, étant rappelé que le but de l'art. 52 CP n'est pas d'annuler toutes les infractions mineures prévues par le droit pénal, sauf à risquer de les vider de leur substance.

4. L'appelante, qui succombe pour l'essentiel, supportera 90% des frais de la procédure d'appel envers l'État, y compris un émolument d'arrêt réduit de CHF 500.-, tenant compte de sa situation personnelle (art. 425 et 428 CPP).

Vu la confirmation des verdicts de culpabilité, la répartition des frais de procédure préliminaire et de première instance n'a pas à être revue.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1310/2023 rendu le 12 octobre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/7440/2023.

L'admet très partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'infraction à l'art. 11A al. 1 let. c et al. 2 LPG.

Condamne A______ à une amende de CHF 2'120.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 12 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance qui s'élèvent à CHF 878.- (art. 426 al. 1 CPP).

Arrêt les frais de la procédure d'appel à CHF 675.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.-, met 90% de ceux-ci à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

878.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

675.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

1'553.00