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Décisions | Tribunal pénal

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P/14180/2012

OTDP/2928/2024 du 18.12.2024 ( PENAL )

Normes : CP.158; CP.158; CP.305bis
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

ORDONNANCE

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 6


18 décembre 2024

 

MINISTÈRE PUBLIC

Monsieur A______, partie plaignante


Madame B______, partie plaignante


Monsieur C______, partie plaignante

D______ LTD, partie plaignante, assistée de Me V______ et Me W______

 

contre

 

Monsieur E______, né le ______ 1974, domicilié ______, INDE, prévenu, assisté de Me F______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à ce que E______ soit reconnu coupable de blanchiment d'argent aggravé au sens de l'art. 305bis ch. 2 let. c CP, à ce qu'il soit condamné à une peine privative de liberté de 15 mois assortie du sursis complet et d'un délai d'épreuve de 3 ans, il conclut à la condamnation de E______ aux frais de la procédure et au rejet de l'intégralité des conclusions en indemnisation, même dans l'hypothèse ou un classement complet serait prononcé. Il conclut à ce que soit fait bon accueil aux conclusions de la partie plaignante et à ce que les montants séquestrés suivent le sort décrit dans l'acte d'accusation.

D______ LTD, par la voix de son Conseil, conclut à un verdict de culpabilité à l'encontre de E______ de blanchiment d'argent aggravé, sous la variante du métier ou sous la variante générique, il persiste dans ses conclusions civiles et en indemnisation et conclut au rejet de l'intégralité des conclusions en indemnisation présentées par E______.

E______, par la voix de son Conseil, prend acte des classements annoncés sur questions préjudicielles, il conclut son acquittement du chef d'accusation de blanchiment d'argent aggravé, à ce qu'il soit fait bon accueil à ses conclusions en indemnisation, à la levée des séquestres s'agissant du compte de O______ LLC auprès de G______ SA et du compte de H______ [fondation] auprès de la banque I______ SA, au déboutement de A______, B______ et C______ de leurs conclusions civiles, au déboutement de D______ LTD de ses conclusions civiles, et à ce que tous les frais de justice soient laissés à la charge de l'Etat.

EN FAIT

A. Par acte d'accusation du 3 avril 2023, il est reproché à E______ :

-           (ch. 2.1.1. de l'acte d'accusation) d'avoir, en sa qualité d'administrateur unique du fonds d'investissement D______ LTD, géré par J______ dont il était le directeur général, ordonné et approuvé les débits suivants du compte n° 1 ouvert auprès de K______ SA (ci-après : K______) en faveur des comptes de L______ LIMITED et M______ LTD – dont il était le directeur et l'ayant droit économique des avoirs – ouverts dans les livres de la banque G______ SA (ci-après : banque G______), effectués sans contrepartie correspondante :

·      le 6 mai 2008, USD 243'677.97 en faveur de L______ LIMITED ;

·      le 27 juin 2008, USD 1'500'000.- en faveur de L______ LIMITED ;

·      le 16 septembre 2008, EUR 341'000.- en faveur de M______ LTD ;

·      le 16 septembre 2008, USD 290'000.- en faveur de M______ LTD ;

·      le 23 septembre 2008, USD 320'200.- en faveur de M______ LTD ;

en ordonnant et approuvant les débits susmentionnés, de s'être écarté du but de D______ LTD et d'avoir ainsi violé son devoir de sauvegarder fidèlement le patrimoine de D______ LTD, ces transferts ayant causé un dommage injustifié à cette dernière, d'un total de EUR 401'000.- et USD 2'503'878.- :

d'avoir agi dans le seul but de procurer un enrichissement illégitime à l'ayant droit économique de L______ LIMITED et M______ LTD, soit lui-même ou son frère N______, en fonction de la personne considérée comme ayant droit économique desdites sociétés ;

et de s'être ainsi rendu coupable de gestion déloyale aggravée au sens de l'art. 158 ch. 1 al. 3 CP.

-       (ch. 2.1.2. de l'acte d'accusation) d'avoir, consécutivement aux actes visés sous ch. 1.1.1. [recte : ch. 2.1.1], avec conscience et volonté, ordonné et approuvé les opérations financières suivantes, dans le but de soustraire le produit de ces actes illicites à la mainmise des autorités pénales :

·      les débits, intervenus les 17 juillet, 28 septembre, 31 octobre et 5 décembre 2007 (USD 2'900'296.84 au total) ainsi que les 31 janvier, 5 et 28 mars, 7 mai et 30 juin 2008 (USD 2'943’677.97) du compte de D______ LTD en faveur du compte de L______ LIMITED à la banque G______ SA. Ces sommes ont été investies, dès leur réception, dans le produit "Fiduciary Call ( ) ______" jusqu'en juillet 2008, époque où il a été mis un terme à ce placement et où les valeurs y relatives ont été reversées sur le compte L______ LTD. L'argent provenant de ces neuf débits s'est alors mélangé avec la somme de USD 2'144'147.20 versée le 26 juillet 2007 par J______ sur le compte de L______ LIMITED, de sorte qu'il n'a plus été possible de le tracer ;

·      le 28 juillet 2008, un débit de EUR 749'461.61 du compte de L______ LIMITED à la banque G______ en faveur du compte de M______ LTD au sein de la même banque ;

·      le 28 juillet 2008, un débit de USD 7'003'675.39 du compte de L______ LIMITED à la banque G______ en faveur du compte de M______ LTD au sein de la même banque ;

·      les débits intervenus du compte de M______ LTD à la banque G______ en faveur du compte de O______ LLC au sein de la même banque, soit USD 6'520'000.- le 31 juillet 2008, USD 486'301.- le 20 août 2008, USD 290'000.- le 18 septembre 2008, USD 320'000.- et USD 200.- le 24 septembre 2008 (soit en tout USD 7'616'501.60), et EUR 751'353.- le 20 août 2008 et EUR 341'000.- le 18 septembre 2008 (soit en tout EUR 1'092'353.60) ;

·      le 16 juin 2011, un débit de USD 2'120'000.- du compte de O______ LLC à la banque G______ en faveur du compte de H______ à I______ AG (ci-après : banque I______) à Zurich, puis un nouveau débit de USD 47'000.- opéré le 7 décembre 2011 du compte de O______ LLC en faveur du compte de H______ ;

en sachant que les valeurs patrimoniales ainsi mélangées et transférées provenaient d'une infraction commise au préjudice de D______ LTD, soit de son utilisation contraire à ses devoirs de gérant des avoirs investis dans D______ LTD, d'avoir de la sorte entravé l'identification, la découverte et la confiscation par la justice pénale de ces montants ;

d'avoir agi à réitérées reprises et de s'être procuré un gain de USD 20'464'151.80 et de EUR 1'841'815.21 ;

et de s'être ainsi rendu coupable de blanchiment d'argent aggravé au sens de l'art. 305bis ch. 2 let. c CP.

B. Les principaux actes de procédure sont les suivants :

Ba. Le 9 octobre 2012, la banque G______ a communiqué des soupçons de blanchiment d'argent au Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (ci-après : MROS). La banque a expliqué que E______ avait ouvert une relation bancaire au nom de O______ LLC, dont il était le bénéficiaire économique. La relation bancaire n° 2 était en cours de clôture depuis 2010, l'établissement bancaire n'acceptant plus les clients américains. La clôture n'était pas encore intervenue dès lors que des positions de hedge fund étaient en cours de liquidation. La banque précisait que E______ était accusé de fraude aux Etats-Unis en lien avec deux hedge funds administrés de 2002 à 2010, à savoir D______ LTD et P______. La banque avait constaté que plusieurs commissions dérivées de D______ avaient été générées entre 2007 et 2008 avant d'être transférées sur des relations bancaires clôturées et encore présentes de sociétés de domicile, dont E______ était le bénéficiaire économique. En date du 12 octobre 2012, le MROS a adressé cette communication au Ministère public.

Bb. Le 15 octobre 2012, le Ministère public a ordonné le séquestre de toute relation dont était ou aurait été titulaire, ayant droit économique ou fondé de procuration E______ et/ou H______ auprès des banques G______ et I______, soit le séquestre conservatoire des avoirs en compte, des placements et safes ainsi que le séquestre probatoire de la documentation bancaire.

Bc. Le 19 octobre 2012, la banque I______ a informé le Ministère public qu'un compte n° 3 au nom de H______ était ouvert dans ses livres. La banque a précisé que, le 16 octobre 2012, E______ avait demandé la modification de l'ayant droit économique du compte au bénéfice de son frère, N______, que le Ministère public a autorisée le 19 octobre 2012.

Bd. Le 26 octobre 2012, la banque G______ a informé le Ministère public que trois comptes étaient ouverts en ses livres, à savoir :

-        no 2 ouvert le 10 juillet 2008 au nom d'O______ LLC, dont E______ était l'ayant droit économique et le signataire autorisé;

-        no 4 ouvert le 5 juillet 2007 au nom de L______ LIMITED, dont E______ était l'ayant droit économique et le signataire autorisé. Ce compte avait été clôturé le 19 novembre 2008;

-        no 5 ouvert le 10 juillet 2008 au nom de M______ LTD, dont E______ était l'ayant droit économique et le signataire autorisé. Ce compte avait été clôturé le 3 juin 2010.

La banque a précisé que, le 28 septembre 2012, E______ avait sollicité la modification de l'ayant droit économique sur ces trois comptes au bénéfice de son frère, N______. Ce dernier avait contacté la banque le 25 octobre 2012 dans le but d'obtenir les documents nécessaires pour le changement d'ayant droit économique.

Suite à des demandes du Ministère public, la banque G______ a transmis, en date des 3 et 6 décembre 2012, les avis de débit et de crédit, ainsi que les instructions des clients.

Be. Le 10 décembre 2012, le Ministère public a ordonné le séquestre auprès de K______ de toute relation dont était ou aurait été titulaire, ayant droit économique ou fondé de procuration E______, dont notamment le compte de D______ LTD, soit le séquestre conservatoire des avoirs en compte, placements et safes et le séquestre probatoire de la documentation bancaire avec remise de copie au Ministère public.

Bf. En date du 17 décembre 2012, K______ a transmis les documents requis et a informé le Ministère public que D______ LTD était titulaire d'un compte no 6 ouvert le 3 octobre 2005 et d'une rubrique no 7 ouverte le 29 mai 2008. E______ était au bénéfice d'un pouvoir de signature individuel sur la rubrique no 7 jusqu'au 11 mai 2011, date à laquelle la High Court of Justice des Îles Vierges Britanniques avait nommé Q______ comme liquidateur unique du fonds au motif de son insolvabilité.

Bg. Le 14 février 2014, K______ a informé le Ministère public du prononcé de la faillite de D______ LTD par jugement du Tribunal de première instance de Genève du 16 décembre 2013.

Bh. Sur demande du Ministère public, K______ a transmis, le 4 décembre 2015, les avis et justificatifs identifiant les donneurs d'ordre et les bénéficiaires de toutes opérations dont la valeur était supérieure ou égale à CHF 100'000.-.

Bi. Par des demandes du 15 janvier 2016, le Ministère public a sollicité des banques I______, K______ et G______ la remise de l'intégralité du dossier compliance et de la correspondance, ce à quoi les banques ont respectivement donné suite les 1er, 3 et 4février 2016.

Bj. Par demande du 22 avril 2016, l'entraide internationale en matière pénale a été requise auprès des autorités américaines, afin d'obtenir notamment les copies des jugements civils et pénaux pertinents concernant E______ en lien avec D______ LTD et/ou P______, la copie de l'accord conclu avec le procureur général du district sud de New-York le 9 juillet 2013 ainsi que tout document pertinent en lien avec les investissements dans D______ et/ou P______, ainsi qu'en lien avec la société J______.

Bk. Une demande d'entraide en matière pénale auprès du Royaume-Uni a été sollicitée le 28 avril 2016 afin d'obtenir la documentation bancaire du compte au nom de R______ auprès de S______ et les documents pertinents pour établir l'origine des fonds en lien avec les transferts sur le compte no 1 ouvert au nom de D______ LTD auprès de K______.

Bl. Par courrier du 4 mai 2016, B______, A______ et C______ ont déposé plainte pénale à l'encontre de E______ auprès des autorités pénales genevoises, pour abus de confiance et escroquerie, dès lors que E______ les aurait incités, sur la base d'informations fallacieuses, à confier à sa société la gestion de leurs avoirs, lesquels avaient été entièrement perdus dans le cadre d'investissements hasardeux. A ce sujet, ils ont en substance expliqué qu'entre 2004 et 2008, ils avaient investi environ USD 3 millions dans T______ aux Etats-Unis, fonds géré par J______ dont E______ était le Managing Director ainsi que le Chief Investment Officer. E______ les avait convaincus de lui confier leur argent en les rassurant, en disant qu'il procédait à une due dilligence rigoureuse. T______ avait investi une grande part des avoirs confiés dans trois sous-fonds, dont un s'était révélé être insolvable, vu la mise en place d'un système Ponzi par le gérant. E______ avait refusé leurs requêtes de février 2019 visant principalement la restitution de leurs avoirs. Statuant sur leur demande en paiement du 24 novembre 2009, la District Court de New-York avait, par jugement du 1er juin 2012, retenu la commission par E______ d'une escroquerie, une induction en erreur par négligence et une violation de son devoir de diligence. E______ avait été condamné à payer USD 3'068'483.- de dommages-intérêts (montant majoré le 21 septembre 2012 afin de tenir compte des intérêts moratoires). Le 1er juillet 2015, la District Court de New-York avait relevé l'absence de paiement, constitutive d'un outrage, et avait renvoyé E______ en prison dès le 7 juillet 2015.

Bm. Par courrier du 25 mai 2016, suite à une demande du Ministère public, la banque G______ a transmis des explications en lien avec les entretiens qu'elle avait menés avec E______ et son Conseil, notamment s'agissant des demandes de changement d'ayant droit économique.

Bn. Suite à l'ordonnance de séquestre complémentaire du 28 avril 2016, la banque I______ a répondu le 17 juin 2016 et expliqué avoir constaté qu'avant l'ouverture de la relation d'affaires, une communication intense avait eu lieu concernant le formulaire A, plus particulièrement s'agissant de l'identité/la personne de l'ayant droit économique. Suite à l'ouverture du compte, le formulaire A n'avait plus été modifié jusqu'au 8 novembre 2012, où le changement en faveur de N______ était intervenu.

Bo. Le 23 juin 2016, le Conseil de la famille A, B et C a transmis des informations complémentaires en lien avec la gestion de leurs fonds. Ils avaient constaté qu'après ses condamnations pénales et civiles, E______ avait tenté, dès le 25 septembre 2012, de substituer son frère en qualité d'ayant droit économique de H______. En outre, selon eux, la création de L______ LIMITED et O______ LLC, ainsi que l'ouverture des comptes bancaires y relatifs, avaient pour but de protéger les avoirs de E______ de la mainmise des créanciers. Enfin, E______ avait généré et encaissé des frais de gestion des avoirs de la famille A, B et C placés dans U______ au travers de J______ avant de dissimuler ces frais de gestion indus sur les comptes en Suisse de sociétés écrans.

Bp. En date des 16 mai 2017, 28 novembre 2017 et 13 février 2020, le US Department of Justice a répondu à la demande d'entraide en matière pénale.

Bq. Par courriers des 24 janvier 2018 et 18 avril 2018, le Serious Fraud Office des Etats-Unis a donné suite à la demande d'entraide en matière pénale.

Br. Le 6 décembre 2019, une première audience s'est tenue au Ministère public genevois, lors de laquelle E______ ne s'est pas présenté. Les charges ont ainsi été communiquées à son Conseil, lequel était présent.

Bs. En date du 25 janvier 2022, une nouvelle audience s'est tenue au Ministère public, au cours de laquelle E______ a été entendu en qualité de prévenu, et A______ en qualité de personne appelée à donner des renseignements.

Bt. En date du 4 juillet 2022, le liquidateur de D______ LTD a déposé plainte pénale contre E______ pour gestion déloyale aggravée et blanchiment d'argent. Il a expliqué qu'entre 2007 et 2008, E______ avait transféré des sommes importantes du compte du fonds d'investissement n° 1 ouvert auprès de K______ à destination des comptes de L______ LIMITED, M______ LTD et H______, dont E______ était l'ayant droit économique, pour environ USD 7 millions.

Bu. Le 8 juillet 2022, le Ministère public a, par voie d'ordonnance, prononcé le classement de la présente procédure concernée (ch. 1), ordonné la confiscation des actifs déposés sur les comptes de O______ LLC auprès de banque G______ ainsi que de ceux sur le compte de H______ auprès de la banque I______ (ch. 2) et ordonné la levée des séquestres portant sur les relations n° 1 et 7 détenues par D______ LTD dans les livres de K______ (ch. 3).

A l'encontre de cette ordonnance, la famille A, B et C, D______ LTD, O______ LLC et H______ ont déposé un recours.

Par arrêt de la Chambre de recours de la Cour de justice du 17 janvier 2023, la Cour a annulé le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance attaquée en tant qu'il portait sur les infractions aux articles 158 ch. 1 al. 3 CP et 305bis ch. 2 CP dénoncées par D______ LTD, respectivement le chiffre 2 de ce même dispositif, et a renvoyé la cause au Ministère public pour qu'il mette en prévention puis en accusation E______ pour les faits non prescrits au jour de l'arrêt.

Bv. Suite à l'arrêt de la Cour et après divers courriers de K______, le Ministère public a, le 7 mars 2023, informé la banque de la levée du séquestre sur les comptes, ce avec effet immédiat.

Bw. Une nouvelle audience au Ministère public s'est tenue le 6 mars 2023, à laquelle seul le Conseil de l'époque de E______ s'est présenté.

Bx. Après réception de l'acte d'accusation du Ministère public, le Tribunal a tenté de notifier à E______, à son domicile en Inde, par la voie de l'entraide internationale, un mandat de comparution pour une audience devant se tenir le 14 septembre 2023. En date du 17 août 2023, l'Office fédéral de la justice a transmis au Tribunal le refus des autorités indiennes, lesquelles soutenaient qu'aucune explication des faits reprochés à E______ ne leur avait été remise. Le Tribunal a alors annulé l'audience appointée.

By. Les 22 avril et 20 juin 2024, E______ a adressé des courriers au Tribunal.

Bz. Une nouvelle audience de jugement a été fixée au 10 octobre 2024. Une tentative de communication par le biais de l'entraide internationale a derechef été effectuée, sans plus de succès que la première. En parallèle, le mandat de comparution du prévenu a été publié dans la feuille d'avis officielle.

L'audience de jugement s'est tenue le 10 octobre 2024, à laquelle E______ ne s'est pas présenté. Le Tribunal a invité les parties à se déterminer sur le défaut du prévenu et ses conséquences. Le Ministère public et les parties plaignantes représentées aux débats ont conclu à la mise en œuvre immédiate de la procédure par défaut. La défense a conclu au renvoi des débats en application de l'art. 366 al. 1 CPP et s'en est rapportée à l'appréciation du Tribunal quant à l'application des al. 3 et 4 de l'art. 366 CPP. Le Tribunal a engagé immédiatement la procédure par défaut.

Le Tribunal a ensuite soumis aux débats la question de la prescription des faits visés sous ch. 2.1.1. de l'acte d'accusation et des faits visés sous ch. 2.1.2. de l'acte d'accusation antérieurs au 9 octobre 2009. Ouï les parties, le Tribunal a constaté la prescription de ces faits et annoncé qu'ils seront classés, il a réservé la question de la prescription des actes de blanchiment d'argent reprochés des 16 juin et 7 décembre 2011 d'une part, et celle de l'examen des actes reprochés sous ch. 2.1.1. sous l'angle de la réalisation de la condition du crime préalable posée par l'art. 305bis CP, d'autre part.

C. Le prévenu se détermine comme suit face aux accusations :

Ca. Au cours de sa seule audition, E______ a confirmé qu'il était le Managing Director et le Chief Investment Officer de la société J______. Cette dernière agissait en qualité de conseil du fonds D______, dont lui-même était l'administrateur. Les fonds débités du compte de D______ LTD auprès de K______ en faveur du compte de L______ LIMITED auprès de la banque G______ correspondaient à des honoraires de consultant. Ceux-ci avaient été prévus dans le offering memorandum et le investment management agreement, dont les termes avaient été acceptés par les investisseurs. Il y avait également un accord oral entre L______ LIMITED – représentée par son frère N______, administrateur et unique actionnaire – et J______ – représentée par lui-même. En sa qualité d'administrateur de D______ LTD, lui-même pouvait allouer des honoraires de gestion à des consultants ou à J______. L______ LIMITED facturait ses honoraires tous les six mois, étant précisé que ces honoraires étaient soumis à approbation.

Cb. En lien plus particulièrement avec L______ LIMITED, il a expliqué que N______ et lui-même étaient directeurs de cette société. Son frère lui avait demandé d'établir un managed account pour cette société, raison pour laquelle lui-même avait accepté d'ouvrir le compte auprès de banque G______. Lors d'une rencontre avec la banque G______ dans ses bureaux à New-York, lui-même avait répondu aux questions posées puis avait reçu les formulaires complétés, qu'il avait signés sans les lire. Il avait expliqué à la banque être l'actionnaire gérant un managed account. A l'époque, il avait une procuration générale lui permettant de gérer et agir au nom de la société de son frère. Le virement de USD 7'003'675.- en faveur de M______ LTD avait été ordonné par N______ en sa qualité de propriétaire des fonds. Lui-même en avait informé la banque en sa qualité de gestionnaire du compte.

Cc. S'agissant de O______ LLC, E______ a expliqué que lui-même avait ouvert le compte de cette société et la banque lui avait fait parvenir les formulaires déjà remplis en demandant de signer. Il était le nominee beneficiary mais pas le bénéficiaire économique des fonds. En revanche, N______ était l'actionnaire de la société. Lui-même se rappelait avoir indiqué cet élément au responsable de la relation bancaire.

E______ a encore exposé que N______ avait ordonné le transfert des fonds en faveur du compte au nom de H______ auprès de la banque I______. En revanche, lui-même avait donné l'ordre en sa qualité de gestionnaire du compte. Ce transfert avait été effectué à des fins de planifications successorales. Le compte de H______ auprès de la banque I______ avait été ouvert par les directeurs de la fondation. Cette fondation avait été constituée par le biais d'avocats, à qui lui-même avait expliqué que son frère était le fondateur économique et que lui-même était uniquement en charge de sa création et du paiement des factures. Confronté au formulaire A, il a expliqué que N______ était pourtant le bénéficiaire de la fondation.

Cd. En lien avec M______ LTD, à la demande de son frère, lui-même avait procédé à l'ouverture du compte pour cette société. Son frère souhaitait des comptes séparés pour distinguer ses activités commerciales de ses investissements (L______ LIMITED).

Ce. Dans son courrier au Tribunal du 20 juin 2024, le prévenu a maintenu ses dénégations. Selon lui, les accusations étaient mensongères, ce qui pourrait notamment être prouvé par un examen minutieux des rapports d'audit indépendants, les faits étaient anciens et prescrits. Il sollicitait son acquittement et le versement de dommages. En annexe de ce courrier, se trouve un échange de courriels avec son précédent Conseil Me X______ entre le 2 mai 2024 et le 13 juin 2024, dont il ressort que le prévenu était au courant de l'audience et connaissait le nom de son nouveau Conseil.

D. Après appréciation des preuves, le Tribunal retient ce qui suit :

Da. De manière générale, il est établi que E______ était administrateur de plusieurs fonds de placement, dont D______ LTD et T______. Ces fonds étaient gérés par J______, dont le directeur général était E______.

Entre juillet 2007 et l'été 2008, E______ a ouvert trois relations bancaire à Genève auprès de la banque G______ au nom des sociétés suivantes :

-        L______ LIMITED, société incorporée aux Îles Vierges Britanniques (compte n° 4 clôturé le 19 novembre 2008) ;

-        M______ LTD, société incorporée au Panama (compte n° 5 clôturé le 3 juin 2010) ;

-        O______ LLC, société incorporée à Saint-Kitts-et-Nevis (compte n° 2 en cours de clôture).

Il ressort de la documentation versée à la procédure que E______ était l'unique actionnaire et administrateur des sociétés titulaire des conptes.

Le 12 octobre 2010, H______, fondation panaméenne, a ouvert une relation bancaire auprès de la banque I______. Selon la documentation fournie à la banque, E______ était le fondateur et bénéficiaire unique de ladite fondation.

Au demeurant, à teneur des documents figurant à la procédure, notamment les formulaires A des relations susvisées, E______ était l'ayant droit économique de tous les avoirs ainsi que le seul signataire autorisé.

Il ressort de la documentation bancaire, les mouvements de fonds suivants, qui ne sont au demeurant pas contestés par E______ : 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 


En automne 2012 – soit peu après la condamnation de E______ par la District Court de New-York le 1er juin 2012 et concomitamment aux séquestres d'avoirs bancaires ordonnés par le Ministère public genevois – E______, respectivement les représentants de H______, ont requis des banques G______ et I______ qu'elles modifient l'ayant droit économique des comptes inscrits dans leurs livres, en faveur de N______. Pour ce faire, des formulaires A signés par N______, des procès-verbaux de L______ LIMITED et de O______ LLC datés de 2007 et de 2008 indiquant que N______ reprenait les fonctions dirigeantes exercées par son frère, ainsi qu'une procuration datée de 2008 censément rédigée par N______ en faveur de E______, dans laquelle le premier nommé se présentait comme l'unique actionnaire et administrateur de M______ LTD, ont été produites. La banque G______ a procédé aux modification en 2015 et la banque I______ en 2012. Il est à relever que s'il y a eu des modifications de l'ayant droit économique des relations bancaires en faveur de N______, il convient pour autant de retenir que ces modifications ne sont intervenues que pour des motifs d'opportunité et afin d'éviter la mainmise par les autorités de poursuite pénale, notamment américaines.

En ce sens, le Tribunal a considéré, d'une part, la chronologie soulignée au début du paragraphe précédent. D'autre part, aucun crédit ne peut être porté aux explications de E______, selon lesquelles il se serait simplement agi, en automne 2012, de corriger une identification initiale erronée, laquelle aurait été causée par une mauvaise compréhension de la banque sur la personne de l'ayant-droit économique et par le fait que lui-même aurait signé les documents soumis par la banque sans y prêter d'attention. L'absence totale de crédibilité de ces explications tient tant au caractère essentiel de la question de l'ayant droit économique, qui exclut a priori que la banque erre à ce propos, qu'au profil d'homme rompu de longue date aux affaires de E______, qui exclut qu'il signe sans les lire des documents, qui plus est lorsque leurs compréhension et vérification sont aussi simples qu'un formulaire A, dont le caractère essentiel n'a naturellement pas pu lui échapper.

Db. S'agissant plus particulièrement des faits qualifiés de gestion déloyale dans l'acte d'accusation, examinés au titre de la commission avec d'un crime préalable au blanchiment d'argent reproché, il est établi que E______ était administrateur de D______ LTD et directeur général de J______.

A teneur de la documentation bancaire figurant à la procédure, le compte no 1 de D______ LTD ouvert auprès de K______ a été débité en faveur de L______ LIMITED le 7 mai 2008 à hauteur de USD 243'677.- et le 27 juin 2008 pour USD 1'500'000.-. Le compte auprès de K______ a été débité en faveur du compte de M______ LTD le 16 septembre 2008 à hauteur de EUR 341'000.- et USD 290'000.- ainsi que le 23 septembre 2008 à hauteur de USD 320'200.-.

Les explications du prévenu en lien avec des honoraires pour des conseils qu'auraient donnés L______ LIMITED et M______ LTD ne sont pas crédibles. Tout d'abord, D______ LTD nie avoir reçu de tels conseils et l'offering memorandum supposé autoriser J______ à mandater un tiers n'a été établi que le 1er juin 2008, soit après le début des prélèvements objets de l'acte d'accusation. En outre, la fréquence des prélèvements, décrite par le prévenu comme ayant été semestrielle, ne correspond pas à la fréquence des débits, qui a été quasiment mensuelle. Enfin, les factures y relatives, produites dans le cadre de la procédure de recours, ne détaillent aucunement le calcul des honoraires – de montants pourtant considérables – contrairement d'ailleurs à ce qu'avait prétendu le prévenu lui-même. Au vu de ces éléments, il convient de considérer que les débits intervenus ont été effectués sans contrepartie correspondante.

En agissant de la sorte, comme donneur d'ordre et en sa qualité d'ayant droit économique des sociétés bénéficiaires des virements, il ne fait aucun doute que E______ a agi en vue de s'enrichir.

Dc. S'agissant du blanchiment d'argent, il sera tout d'abord relevé qu'après les agissements visés sous ch. Db, seuls visés comme crime préalable par l'acte d'accusation, E______, comme il l'a lui-même admis, a ordonné le transfert du compte no 4 de L______ LIMITED auprès de banque G______ au compte no 5 de M______ LTD auprès de banque G______ à hauteur de USD 7'003'675.- et de EUR 749'461.- le 28 juillet 2008.

Il sera relevé que les versements des 17 juillet 2007 et 28 septembre 2007 de USD 2'120'563.- et USD 379'733.- sur le compte de L______ LIMITED se sont mélangés avec le versement de USD 2'144'147.20 de J______ du 26 juillet 2007. Les versements sur le compte de L______ LIMITED des 17 juillet, 28 septembre, 31 octobre et 5 décembre 2007 ainsi que des 31 janvier, 5 et 28 mars, 7 mai et 27 juin 2008 ont été investis dans le produit ______. En juillet 2008, et dans le but de procéder au virement sur le compte de M______ LTD, il a été mis un terme à ces investissements, étant relevé que l'argent versé par J______ avait également été investis dans ______, ce qui crée un mélange.

En revanche, les deux versements en euros depuis le compte de D______ LTD sur le sous-compte en euros de L______ LIMITED n'ont pas été mélangés, et ont été reversés le 28 juillet 2008 sur le compte de M______ LTD à hauteur de EUR 749'461.-.

Par la suite, après réception des fonds sur le compte de M______ LTD et presque instantanément, le compte n'ayant servi que de compte de "passage", E______ a ordonné le versement en faveur du compte de O______ LLC auprès de la banque G______ par sept virements :

-            le 31 juillet 2008 pour USD 6'520'000.- ;

-            le 20 août 2008 pour USD 486'301.- ;

-            le 20 août 2008 pour EUR 751'353.- ;

-            le 18 septembre 2008 pour USD 290'000.- ;

-            le 18 septembre 2008 pour EUR 341'000.- ;

-            le 24 septembre 2008 pour USD 320'000.- ;

-            le 24 septembre 2008 pour USD 200.-.

Jusqu'en 2011, la plus grande parte des valeurs sur le compte de O______ LLC a fait l'objet d'opérations d'investissements sur les marchés financiers, avant qu'il ne soit mis fin à ces investissements pour pouvoir clôturer le compte. En date du 16 juin 2011 et du 7 décembre 2011, le compte de O______ a été débité en faveur du compte de H______ auprès de la banque I______ à hauteur de respectivement USD 2'120'000.- et USD 47'000.-.

E. E______, de nationalité indienne, est né le ______ 1974.

A teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse de E______, celui-ci n'a pas d'antécédent en Suisse.

 

EN DROIT

Engagement de la procédure par défaut

1.1. L'art. 366 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP – RS 312.0), prescrit que si le prévenu, dûment cité, ne comparaît pas aux débats de première instance, le tribunal fixe de nouveaux débats et cite à nouveau le prévenu ou le fait amener (al. 1, 1e phr.). Si le prévenu ne se présente pas aux nouveaux débats ou ne peut y être amené, ils peuvent être conduits en son absence (al. 2, 1e phr.). Si le prévenu s’est lui-même mis dans l’incapacité de participer aux débats ou s’il refuse d’être amené de l’établissement de détention aux débats, le tribunal peut engager aussitôt la procédure par défaut (al. 3). La procédure par défaut peut être engagée si, cumulativement, le prévenu a eu suffisamment l'occasion de s'exprimer auparavant sur les faits qui lui sont reprochés et les preuves réunies permettent de rendre un jugement en son absence (al. 4).

1.2. En l'espèce, E______ ne s'est pas présenté à l'audience de jugement, dont il était pourtant informé. En effet, il ressort des correspondances transmises par le prévenu au Tribunal de céans qu'il avait non seulement connaissance de la date de l'audience, mais encore de l'identité du Conseil qui lui a été nommé d'office après que le mandat de son défenseur de choix avait pris fin. Le Tribunal note encore qu'afin d'éviter d'être localisé ou contacté, E______ a pris soin de dissimuler son lieu de vie et a usé d'une adresse électronique @proton.mail. Qui plus est, alors qu'il avait été convoqué à trois reprises par-devant le Ministère public, il ne s'est présenté qu'à une seule de ces audiences, étant alors déjà défaillant à deux reprises. Les raisons invoquées à l'appui de ces absences – soit un manque de moyens financiers ou encore une maladie –sont aussi vagues qu'elles ne sont aucunement étayées. Le prévenu s'est donc mis hors de capacité de participer aux débats et la tenue de nouveaux débats serait vaine.

Par ailleurs, le prévenu s'est, d'une part, exprimé lors de son audition au Ministère public mais également par le biais des courriers adressés au Tribunal dans lequel il a fait valoir sa position. Il a également eu l'occasion de le faire lors des audiences au Ministère public puis lors des débats, auxquels il s'est toutefois soustrait. D'autre part, les preuves réunies, soit en particulier les documents obtenus des différentes banques concernées par la présente affaire ou encore les documents reçus dans le cadre de l'entraide pénale internationale apparaissent suffisants pour rendre un jugement.

Le Tribunal est ainsi fondé à engager immédiatement la procédure par défaut.

Classement, prescription et culpabilité

2.1. A teneur de l'art. 329 al. 4 CPP, lorsqu'un jugement ne peut définitivement être rendu, le tribunal classe la procédure, après avoir accordé le droit d'être entendu aux parties ainsi qu'aux tiers touchés par la décision de classement, l'art. 320 CPP étant applicable par analogie. Si la procédure ne doit être classée que sur certains points de l'accusation, l'ordonnance de classement peut être rendue en même temps que le jugement (art. 329 al. 5 CPP).

2.2. L'art. 97 al. 1 aCP disposait que l'action pénale se prescrivait par trente ans si l'infraction était passible d'une peine privative de liberté à vie (let. a), par quinze ans si elle était passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (let. b) et par sept ans si elle était passible d'une autre peine (let. c).

Entré en vigueur le 1er janvier 2014, l'actuel art. 97 CP prévoit que l'action pénale se prescrit par quinze ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de plus de trois ans (al. 1 let. a), par dix ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de trois ans (al. 1 let. b) et par sept ans si la peine maximale encourue est une autre peine (al. 1 let. c). Selon l'art. 389 CP, si la nouvelle loi fixe un délai de prescription plus long, on applique l'ancienne loi à une infraction commise sous son empire si elle est plus favorable.

2.3. Tant sous l'angle de l'ancien que du nouveau droit, la prescription court à partir du jour où l'auteur exerce son activité coupable, indépendamment du moment où le résultat délictueux se produit (art. 98 let. a CP ; Dupuis et al., Petit commentaire du code pénal, n° 2 ad art. 98 et les références citées), dès le jour du dernier acte, si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (art. 98 let. b CP) ou dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (art. 98 let. c CP ; art. 71 let. b et c aCP dans sa teneur depuis le 1er octobre 2002).

2.4. La jurisprudence au sujet de l'art. 98 let. b CP a évolué au fil du temps, le Tribunal fédéral abandonnant la notion de délit successif au profit de celle d'unité du point de vue de la prescription. Cette dernière notion a ensuite été remplacée par la figure de l'unité juridique ou naturelle d'actions (ATF 132 IV 49 consid. 3.1.1.3; ATF 131 IV 83 consid. 2.4.1 ss). L'unité juridique d'actions existe lorsque le comportement défini par la norme présuppose, par définition, la commission d'actes séparés, tel le brigandage (art. 140 CP), mais aussi lorsque la norme définit un comportement durable se composant de plusieurs actes, par exemple les délits de gestion fautive (art. 165 CP), ou de services de renseignements politiques ou économiques (art. 272 et 273 CP) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_496/2012 du 18 avril 2013 consid. 8.4.3). L'unité naturelle d'actions existe lorsque des actes séparés procèdent d'une décision unique et apparaissent objectivement comme des événements formant un ensemble en raison de leur relation étroite dans le temps et dans l'espace. Elle vise ainsi la commission répétée d'infractions - par exemple, une volée de coups - ou la commission d'une infraction par étapes successives - par exemple, le sprayage d'un mur avec des graffitis pendant plusieurs nuits successives - une unité naturelle étant cependant exclue si un laps de temps assez long s'est écoulé entre les différents actes, quand bien même ceux-ci seraient liés entre eux (ATF 132 IV 49 consid. 3.1.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_287/2015 du 13 avril 2016 consid. 3.2.1). La notion d'unité naturelle d'actions doit être interprétée restrictivement, pour éviter de réintroduire sous une autre forme la figure du délit successif ou celle d'unité du point de vue de la prescription. Elle ne sera donc admise qu'à la double condition que les faits punissables procèdent d'une décision unique et se traduisent, dans le temps et dans l'espace, par des actes suffisamment rapprochés pour former un tout (cf. arrêt 6B_310/2014 du 23 novembre 2015 consid. 4.2).

2.5. En l'espèce, les faits visés sous ch. 2.1.1. de l'acte d'accusation et les faits antérieurs au 9 octobre 2009 visés sous ch. 2.1.2. de l'acte d'accusation sont prescrits, que le délai de prescription soit de sept ou quinze ans.

Par conséquent, il sera procédé au classement de ces faits.

3.1. Selon l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Cependant, en vertu de l'art. 2 al. 2 CP, une loi nouvelle s'applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d'une part, l'auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d'autre part, elle est plus favorable à l'auteur que l'ancienne (exception de la lex mitior). Il en découle que l'on applique en principe la loi en vigueur au moment où l'acte a été commis, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l'auteur.

3.2. En l'occurrence, la version actuelle, en vigueur depuis le 1er juillet 2023, de l'art. 305bis ch. 2 CP est plus favorable au prévenu que celle en vigueur au moment des faits. Il sera donc fait application du nouvel article 305bis ch. 2 CP. Il en va de même de l'art. 158 CP.

4.1. L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé, auprès du tribunal compétent, un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. Le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense. Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation), mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Le principe de l'accusation découle également des art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101) (droit d'être entendu), art. 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée des accusations portées contre soi) et art. 6 par. 3 let. a et b de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH ; RS 0.101) (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation). En revanche, des imprécisions relatives au lieu ou à la date sont sans portée, dans la mesure où le prévenu ne peut avoir de doute sur le comportement qui lui est reproché (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1185/2018 du 14 janvier 2019 consid. 2.1 et les références citées).

4.2. Au sens de l'art. 158 ch. 1 CP, quiconque, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, porte atteinte à ces intérêts ou permet qu'ils soient lésés est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Le gérant d'affaires qui, sans mandat, agit de même encourt la même peine. Si l'auteur agit dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, il est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

L'infraction réprimée par l'art. 158 ch. 1 CP ne peut être commise que par une personne qui revêt la qualité de gérant. Selon la jurisprudence, il s'agit d'une personne à qui incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui (ATF 129 IV 124 consid. 3.1; 123 IV 17 consid. 3b). La qualité de gérant suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la passation d'actes juridiques que par la défense, au plan interne, d'intérêts patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF 123 IV 17 consid. 3b). Dans ce cadre, les intérêts pécuniaires gérés doivent revêtir une certaine importance, tant d'un point de vue quantitatif que qualitatif (ATF 129 IV 124 consid. 3.1).

Le comportement délictueux consiste à violer une obligation liée à la gestion confiée (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, 2017, n° 18 ad art. 158 CP). Le gérant sera ainsi punissable s'il transgresse, par action ou par omission, les obligations spécifiques qui lui incombent en vertu de son devoir de gérer et de protéger les intérêts pécuniaires d'une tierce personne. Savoir s'il y a violation de telles obligations implique de déterminer le contenu spécifique des devoirs incombant au gérant compte tenu des dispositions légales ou contractuelles applicables (arrêt du Tribunal fédéral 6B_233/2013 du 3 juin 2013 consid. 3.2). L'art. 158 CP ne vise à punir que les comportements impliquant une prise de risque qu'un gérant d'affaires avisé n'aurait jamais pris dans la même situation (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, 2017, n° 21 ad art. 158 CP et les références citées).

L'infraction de gestion déloyale n'est consommée que s'il y a eu un préjudice (ATF 120 IV 190 consid. 2b).

Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement ; le dol éventuel suffit, mais il doit être caractérisé vu l'imprécision des éléments constitutifs objectifs de cette infraction (ATF 120 IV 190 consid. 2b).

4.3.1. A teneur de l'art. 305bis ch. 1 CP, quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Le ch. 2 let. c dispose que dans les cas graves, l'auteur est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire, étant précisé que le cas est grave lorsque le délinquant réalise un chiffre d’affaires ou un gain importants en faisant métier de blanchir de l’argent.

L'acte d'entrave doit être examiné de cas en cas, en fonction de l'ensemble des circonstances. Il doit être propre à entraver l'accès des autorités de poursuite pénales aux valeurs patrimoniales provenant d'un crime, dans les circonstances concrètes. Il n'est pas nécessaire que l'intéressé l'ait effectivement entravé, le blanchiment d'argent étant une infraction de mise en danger abstraite, punissable indépendamment de la survenance d'un résultat (arrêt du Tribunal fédéral 6B_649/2015 du 4 mai 2016 consid. 1.1. et les références citées). L'infraction peut être réalisée par n'importe quel acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de la valeur patrimoniale provenant d'un crime (ATF 122 IV 211 consid. 2 ; ATF 119 IV 242 consid. 1a). Constituent notamment des actes d'entrave, le transfert de fonds de provenance criminelle d'un compte bancaire à un autre, dont les bénéficiaires économiques ne sont pas identiques (arrêt 6B 724/2012 du 24 juin 2013 et les références citées).

S'agissant du lien de provenance, la doctrine dominante soutient que le lien de provenance doit être interprété de la même façon dans le cadre de l'art. 305bis et l'art. 70 CP (CR-CP II, n° 27 ad art. 305bis CP). Le Tribunal fédéral considère, lui aussi, que le blanchiment d’argent peut porter sur des valeurs de remplacement, tant que celles-ci sont susceptibles de confiscation. Or, la jurisprudence soumet la confiscation à la condition qu’il existe "entre l’infraction et l’obtention des valeurs patrimoniales un lien de causalité tel que la seconde apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de la première". Cette condition est réputée réalisée "lorsque le produit original de l’infraction peut être identifié de façon certaine et documentée, à savoir aussi longtemps que sa "trace documentaire" ("paper trail") peut être reconstituée de manière à établir son lien avec l’infraction. Ainsi, lorsque le produit original formé de valeurs destinées à circuler (billets de banque, effets de change, chèques, etc.) a été transformé à une ou plusieurs reprises en de telles valeurs, il reste confiscable aussi longtemps que son mouvement peut être reconstitué de manière à établir son lien avec l’infraction" (ATF 129 II 453 consid. 4.1). Dans un arrêt plus récent, le Tribunal fédéral semble renoncer à la notion de résultat direct et immédiat de l’infraction (ATF 137 IV 79 consid. 3.2).

La question de savoir comment traiter le mélange de valeurs "propres" et "sales" pose des problèmes particuliers. Dans l'intérêt de la prévisibilité et de la transparence, il convient de privilégier une solution selon laquelle le disposant sait qu'il doit s'attendre à être sanctionné jusqu'à concurrence du montant de l'apport pollué, mais qu'il peut disposer sans risque pour le reste. Pour le reste, c'est le principe in dubio pro reo qui détermine quelle part est contaminée (BsK-StGB, n° 35 ad art. 305bis CP).

L'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (ATF 133 III 323 consid. 5.2 et les références citées). L'auteur doit vouloir ou accepter que le comportement qu'il choisit d'adopter soit susceptible d'entraver l'administration de la justice. L'auteur doit également savoir ou en tout cas accepter l'éventualité que la valeur patrimoniale qu'il traite provient d'un crime (arrêt du Tribunal fédéral 4A_653/2010 du 24 juin 2011 consid. 3.2.3. et les références citées). S'agissant de la connaissance de la provenance criminelle des valeurs patrimoniales, il suffit que l'auteur ait connaissance de circonstances qui font naître le soupçon pressant de faits constituant légalement un crime et qu'il s'en accommode, étant précisé qu'il est également suffisant que le blanchisseur accepte l'idée que la valeur patrimoniale provient d'une infraction sévèrement réprimée, même s'il ne sait pas en quoi elle consiste (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, n° 42 ad art. 305bis CP et les références citées).

4.3.2. Pour que le métier soit retenu, l'auteur doit avoir agi de manière répétée, c'est-à-dire au moins deux fois (ATF 116 IV 319 consid. 4), étant relevé que le fait que des actes répétés de blanchiment portent sur le produit d'une seule infraction préalable n'exclut pas le métier (arrêt du Tribunal fédéral 6P.125/2005 et 6S.399/2005 du 23 janvier 2006 consid. 12.2). Par ailleurs, l'auteur doit être prêt à agir à un nombre indéterminé de reprises, dès que se présente une occasion favorable, dans le dessein de tirer des revenus de ses crimes et conduire son activité délictueuse de manière professionnelle, que ce soit sous l'angle du temps et des moyens consacrés, de la fréquence des actes commis, ou de l'importance des revenus qu'il vise à obtenir ou qu'il a effectivement obtenus (ATF 116 IV 319 consid. 4). En outre, l'auteur doit réaliser soit un chiffre d'affaires (recettes brutes tirées de l'activité de blanchiment) de CHF 100'000.- soit un gain (revenus nets) de CHF 10'000.- (ATF 129 IV 188).

4.4. En l'espèce, tout d'abord, en lien avec la prescription des actes reprochés antérieurs aux virements des 16 juin et 7 décembre 2011, le Tribunal relève que les virements reprochés au titre d'actes de blanchiment ont été commis entre juillet 2007 et décembre 2011. En lien avec les versements de D______ LTD en faveur de L______ LIMITED, E______ a procédé de la même manière, à plusieurs reprises, ce qui est également le cas des versements entre le compte de M______ LTD et O______ LLC, puis entre O______ LLC et H______. Cela étant, deux respectivement trois années ont passé entre les virements reprochés intervenus à la fin du mois de septembre 2008 et, d'une part, la création de la fondation et l'ouverture du compte à la banque I______ en octobre 2010, et d'autre part, les virements incriminés de juin et décembre 2011. Pour chaque virement, le prévenu a dû prendre, à chaque fois, une nouvelle décision. Il n'y a donc pas d'unité naturelle d'action entre les virements reprochés antérieurs à 2009 et les deux virements intervenus en 2011.

Ainsi, même en application du délai de prescription de quinze ans issu de l'art. 97 al. 1 let. b CP en lien avec – par hypothèse – la forme aggravée du blanchiment (art. 305bis ch. 2 CP), les virements opérés jusqu'en 2008 sont en tout état prescrits.

S'agissant de déterminer – sans examen des autres conditions de punissabilité, en l'état, de l'art. 305bis CP – si la circonstance du métier doit être retenue, seule hypothèse dans laquelle les deux versement reprochés intervenus en 2011 ne seraient pas prescrits, il y a lieu de relever que les seuls actes reprochés dans l'acte d'accusation à l'appui de la circonstance du métier sont le montant des versements, leur chronologie et le nombre de transferts, sans toutefois décrire en quoi ces éléments objectifs illustreraient la volonté du prévenu de conduire son activité délictueuse de manière professionnelle, en particulier sous l'angle du temps et des moyens consacrés. Il ressort de l'état de fait qu'il y a deux versements litigieux et que les gains seraient de USD 2'147'000.-, les critères chiffrés du métier étant ainsi réalisés. Il sera cependant relevé que s'il y a bien deux virements effectués dont le montant total excède CHF 100'000.-, le second n'est que de USD 47'000.- et ne porte que sur le solde du compte (avec pour effet de le mettre quasiment à zéro), montant qui n'avait pas pu être versé auparavant car les dernières opérations d'investissement n'étaient pas encore dénouées. Cette ultime opération ne coïncide pas avec les habitudes précédentes du prévenu et ne peut entrer dans le cadre du métier, également en ce qu'il n'est pas établi par les faits de la présente cause que E______ serait alors prêt – ou en mesure – d'agir à un nombre indéterminé de reprises. Ainsi, d'une part, le prévenu s'est borné à vouloir vider le compte de O______ LLC auprès de la banque G______ après résiliation des positions, et d'autre part, il n'est pas établi qu'il ait consacré à cette opération un temps, des moyens ou une énergie importants – éléments qui au demeurant ne sont pas décrits dans l'acte d'accusation.

Par conséquent, la circonstance aggravante du métier n'est pas réalisée. Le délai de prescription de sept ans, issu de l'application de l'art. 97 al. 1 let. c aCP en lien avec l'art. 305bis ch. 2 CP, est atteint, y compris pour les virements bancaires reprochés datant de 2011. L'ensemble des infractions reprochées au prévenu sera classé.

Conclusions civiles, confiscation et frais

5.1. L'art. 126 al. 2 let. a CPP dispose que le tribunal renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile lorsque la procédure pénale est classée.

En cas de faillite, cette société doit faire valoir ses droits, en lien avec l’action pénale, par l’intermédiaire de ses organes (ATF 145 IV 351 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1082/2014 du 4 mars 2015 consid. 1.5 et 1B_191/2014 du 14 août 2014 consid. 3.1), et, s’agissant de l’action civile, via la masse en faillite (ATF 145 IV 351 consid. 4.2 et 4.3 in limine ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1082/2014 du 4 mars 2015 consid. 1.5), laquelle succède ex lege au failli pour ce qui a trait aux biens de ce dernier (art. 197 et 204 LP), au sens de l’art. 121 al. 2 CPP (ATF 145 IV 351 consid. 4.2).

5.2. In casu, la société D______ LTD agit directement pour faire valoir ses conclusions civiles, et non la masse en faillite mais. Par conséquent, et comme le relève la jurisprudence, la société n'est plus en mesure de faire valoir l'action civile, raison pour laquelle les conclusions de D______ LTD doivent être déclarées irrecevables.

6.1. Au sens de l'art. 70 al. 1 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d’une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d’une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.

L'art. 70 al. 3 CP dispose que le droit d’ordonner la confiscation de valeurs se prescrit par sept ans, à moins que la poursuite de l’infraction en cause ne soit soumise à une prescription d’une durée plus longue; celle-ci est alors applicable.

6.2. En l'espèce, et comme retenu supra ch. 4.4., la poursuite des infractions reprochées est prescrite, raison pour laquelle le droit d'ordonner la confiscation est également prescrit. Par conséquent, les séquestres devront donc être levés.

7.1. L'art. 429 al. 1 CP prévoit qu'en cas d'acquittement total ou partiel ou d'ordonnance de classement, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et pour la réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).

Selon l'art. 430 CPP, l’autorité pénale peut réduire ou refuser l’indemnité ou la réparation du tort moral notamment si a) le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l’ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

7.2. En l'espèce, le Tribunal considère que le prévenu a rendu plus difficile la conduite de la procédure pénale, notamment en ne se présentant pas aux audiences du Ministère public ni aux débats du Tribunal de céans. Il n'a que peu collaboré, voire pas du tout, à la procédure et la longueur de celle-ci lui est, à tout le moins en partie, imputable.

De plus, il sera relevé que le montant de CHF 3'600'000.- réclamé par le prévenu au titre de l'indemnité pour gain manqué et tort moral, n'est pas étayé ni sur le principe, ni quant à sa quotité et apparaît, au demeurant, complètement démesuré.

Ainsi, les conclusions en indemnisation de E______ seront rejetées.

8.1. En cas de condamnation, le prévenu supporte les frais de la procédure (art. 426 al. 1 CPP). L'alinéa 2 prescrit que lorsque la procédure fait l'objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

8.2. En l'espèce, comme exposé supra ch. 7.2, le prévenu a rendu plus difficile la conduite de la procédure et les frais de la procédure seront mis à sa charge.

9.1. Au sens de l'art. 433 al. 1 let. b CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP. Les prétentions doivent être chiffrer et justifier ; à défaut, l'autorité pénale n'entre pas en matière sur la demande.

9.2. En l'espèce, la partie plaignante D______ LTD a, par le dépôt d'un état de frais, fait valoir une demande d'indemnisation motivée. Le prévenu ayant été condamné au paiement des frais de la procédure, elle y a donc droit sur le principe.

Cependant, le montant réclamé sera réduit, notamment s'agissant de l'audience au Ministère public du 6 mars 2023 qui n'a, en réalité, duré que 15 minutes et ne nécessitait pas la présence de deux avocats. S'agissant de la catégorie "correspondance", le montant apparait disproportionné, vu le temps facturé pour la prise de connaissance des courriers du Ministère public et la rédaction de courriers ne dépassant pas une page. Cette catégorie sera donc réduite ex aequo et bono à 9 heures. Pour le surplus, il sera fait droit à la demande.

Par conséquent, le montant sera arrêté à CHF 10'800.-, montant auquel E______ sera condamné.

10. Le défenseur d'office recevra une indemnité conformément à la motivation figurant dans la décision d'indemnisation en question (art. 135 al. 1 CPP et art. 16 al. 1 et 2 du Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 [RAJ; RS E 2 05.04]).

 

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

 

Classe la procédure s'agissant des actes reprochés au ch. 2.1.1. de l'acte d'accusation au titre de de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 3 CP) et des actes reprochés au chiffre 2.1.2. de l'acte d'accusation au titre de blanchiment d’argent (art. 305bis ch. 1 CP) (art. 329 al. 5 CPP).

Déclare irrecevables les conclusions civiles de D______ LTD.

Rejette les conclusions en indemnisation de E______ (art. 429 CPP).

Condamne E______ à verser à D______ LTD CHF 10'800.00, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Lève le séquestre sur les comptes n° 3 ouvert au nom de H______ auprès de I______ AG et n° 2 au nom de O______ LLC auprès de la banque G______ SA.

Condamne E______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 5'142.00 (art. 426 al. 2 CPP).

Fixe à CHF 23'324.40 l'indemnité de procédure due à Me F______, défenseur d'office de E______ (art. 135 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Jessica AGOSTINHO

Le Président

Patrick MONNEY

 

 

Voies de recours

Selon l'art. 393 al. 1 let. b CPP, le recours est recevable contre les ordonnances, les décisions et les actes de procédure des tribunaux de première instance, sauf contre ceux de la direction de la procédure.

 

Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié; constatation incomplète ou erronée des faits; inopportunité (art. 393 al. 2 CPP).

 

Le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à la Chambre pénale de recours (art. 396 al. 1 CPP et 128 al. 1 let. a LOJ).

 

Le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

3'720.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

345.00

Convocation FAO

CHF

40.00

Frais postaux (convocation)

CHF

126.00

Emolument de prononcé

CHF

800.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux et notification FAO

CHF

61.00

Total

CHF

5'142.00

==========

 

Indemnisation du défenseur d'office

Vu les art. 135 CPP et 16 RAJ et les directives y relatives ;

Bénéficiaire :  

E______

Avocate :  

F______

Etat de frais reçu le :  

10 octobre 2024

 

Indemnité :

CHF

19'433.35

Forfait 10 % :

CHF

1'943.35

Déplacements :

CHF

200.00

Sous-total :

CHF

21'576.70

TVA :

CHF

1'747.70

Débours :

CHF

0

Total :

CHF

23'324.40

Observations :

- 97h10 à CHF 200.00/h = CHF 19'433.35

- Total : CHF 19'433.35 + forfait courriers/téléphones arrêté à 10 % vu l'importance de l'activité déployée (art. 16 al. 2 RAJ) = CHF 21'376.70

- 2 déplacements A/R à CHF 100.– = CHF 200.–

- TVA 8.1 % CHF 1'747.70

 

Notification à E______
Par voie édictale

Notification à Me F______
Par voie postale

Notification à A______
Par voie d'entraide

Notification à B______
Par voie d'entraide

Notification à C______
Par voie d'entraide

Notification à D______ LTD, soit pour elle son conseil
Par voie postale

Notification au Ministère public
Par voie postale