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Décisions | Tribunal pénal

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P/11023/2022

JTDP/768/2024 du 19.06.2024 sur OPMP/7433/2023 ( OPOP ) , JUGE

Normes : LCR.91
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 11


19 juin 2024

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Madame A______, née le ______ 1974, domiciliée ______ [GE], prévenue, assistée de Me Oana STEHLE HALAUCESCU


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité pour les faits visés dans son ordonnance pénale, à ce que A______ soit condamnée à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 70.- le jour et aux frais de la procédure.

A______, par la voix de son Conseil, conclut principalement à son acquittement des infractions reprochées dans l'ordonnance pénale du 29 août 2023. Elle conclut à l'octroi d'une indemnité de CHF 5'200.- au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP. Elle conclut à l'allocation d'une indemnité pour tort moral à hauteur de CHF 5'000.- au sens de l'art. 429 al. 1 let. c CPP. Subsidiairement, en cas de verdict de culpabilité, elle conclut au prononcé d'une peine réduite tant sur la quotité que sur le montant du jour-amende, peine devant être assortie du sursis. Enfin, elle conclut à l'indemnisation de l'activité effectuée par son Conseil nommé d'office.

*****

Vu l'opposition formée le 14 septembre 2023 par A______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 29 août 2023 ;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 25 septembre 2023 ;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition ;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP ;

EN FAIT

A. Par ordonnance pénale du 29 août 2023, valant acte d'accusation, il est reproché à A______, d'avoir :

-          le 30 avril 2022, dès 21h49, conduit le véhicule automobile de marque B______ immatriculé GE ______, à tout le moins depuis le chemin du Bac, 1213 Lancy, jusqu'à son domicile sis ______ [GE], en empruntant successivement le Pont-Butin, le viaduc de l'Ecu, l'avenue de Pailly, l'avenue Louis-Casaï, l'avenue de Mategnin et la rue de la Prulay, avec un taux d'alcool dans l'haleine de 0.82 mg/l ;

-          le 21 novembre 2022, vers 4h48, sur la rue du Grand-Pré, 1202 Genève, à la hauteur du n°23, conduit le véhicule précité avec un taux d'alcool dans l'haleine de 0,91 mg/l ;

faits qualifiés de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié (art. 91 al. 2 let. a LCR).

B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure :

Faits du 30 avril 2022

a. Selon le rapport de police du 11 mai 2022, le 30 avril 2022 à 21h56, C______ a contacté la CECAL pour signaler qu'une automobiliste circulant au volant d'un véhicule B______, immatriculé GE ______, qu'il avait suivie, avait une conduite incertaine entre le chemin du Bac, le Pont-Butin et la rue______ [GE].

A 22h25, la police a interpellé la conductrice et détentrice du véhicule précité, identifiée comme étant A______, à son domicile sis ______ [GE]. Elle a procédé à une fouille corporelle en deux temps, sans examen visuel des parties intimes. L'usage de la force n'a pas été nécessaire et un médecin n'a pas été requis.

A______ a accepté de se prêter à un éthylotest le 30 avril 2022 à 22h54, à l'extérieur de son domicile, lequel a révélé un taux d'alcool dans l'haleine de 0.82 mg/l. Elle n'a pas requis qu'une prise de sang soit effectuée et a signé le document récapitulant le résultat de l'éthylomètre. Elle a été conduite au poste de police, puis a été libérée le 1er mai 2022 à 1h13.

b. Auditionné par la police le 30 avril 2022 à 23h17, C______ a déclaré que le même jour vers 21h49, alors qu'il circulait au volant de son véhicule sur le chemin du Bac en direction de la route de Saint-Georges, il avait vu devant lui le véhicule de A______ ne pas réagir à un feu de signalisation devenu vert, puis démarrer après le klaxon d'un automobiliste se trouvant derrière lui. Ensuite, celle-ci avait poursuivi son chemin en direction de Vernier en faisant des zigzagues, en se déportant sur les deux voies de circulation, en freinant et en gênant les autres usagers de la route. En particulier, elle s'était rendue sur le Viaduc de l'Ecu en direction de Balexert, puis avait emprunté la route de Meyrin, l'avenue de Mategnin, la rue de la Prulay et enfin la rue ______ [GE]. A ce dernier endroit, elle avait stationné son véhicule, s'était rendue à son domicile, était retournée à sa voiture, avant de remonter à son domicile, juste avant l'arrivée de la police.

c. Auditionnée par la police le 1er mai 2022 à 00h15, A______ a déclaré avoir consommé, avant l'évènement, soit le 30 avril 2022 entre 19h00 et 22h00, deux whisky "normaux" ainsi que trois bières de 3 dl. Elle n'avait pas pris de médicaments, ni de stupéfiants. Elle avait ensuite circulé, au volant de son véhicule, depuis Onex, avant d'emprunter le Pont-Butin pour rentrer à son domicile.

d. Par courrier du 11 août 2022, D______, juriste, intervenant pour le compte de A______, a contesté les faits du 30 avril 2022, le déroulement de l'appréhension, ainsi que le contenu du procès-verbal d'audition. En substance, A______ souffrait de problèmes psychologiques, notamment d'anxiété et claustrophobie, ce qui l'empêchait d'être interrogée par la police. Le soir des faits, elle avait subi une altercation violente avec son dénonciateur, C______, qui était fortement irrité et qui avait tenté de la dépasser en vain, ce qui l'avait incitée à quitter les lieux prématurément. Lors de l'interrogatoire de police, elle était restée prostrée, se concentrant pour juguler la montée d'anxiété, tout en tentant de répondre aux questions. Elle n'avait toutefois pas été en mesure de préciser qu'elle avait bu, avant de prendre le volant, une bière et demie. A son retour à son domicile, après 22h, elle avait consommé pour se détendre, deux whisky, qu'elle avait couplé aux médicaments prescrits par sa thérapeute, soit le Xanax et le Dalmadorm, pour aller se coucher.

A l'appui de son courrier, D______ a notamment produit :

·         deux certificats de la Dre E______ du 12 mai 2022, précisant que A______ était suivie pour une prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique de manière régulière. Les troubles psychiatriques dont elle souffrait l'empêchaient de prendre les transports publics mais ne la rendaient pas inapte à conduite. Par ailleurs, pour des raisons de santé psychique, A______ se trouvait dans l'incapacité d'être auditionnée ;

·         un certificat de la Dre E______ du 10 juin 2022, précisant que A______ consommait occasionnellement de l'alcool et n'avait pas de dépendance connue.

Faits du 21 novembre 2022

e. Selon le rapport du 21 novembre 2022, le même jour à 4h48, la police a interpellé A______, au volant du véhicule immatriculé GE ______, en raison de sa conduite hésitante. La police a procédé à une fouille corporelle. L'usage de la force n'a pas été nécessaire et un médecin n'a pas été requis. Elle a été conduite au poste de police, puis a été libérée le 21 novembre 2022 à 11h07.

L'éthylomètre effectué le 21 novembre 2022 à 05h09 a révélé un taux d'alcool dans l'haleine de 0.91 mg/l. A______ n'a pas requis qu'une prise de sang soit effectuée et a signé le document récapitulant le résultat de l'éthylomètre.

f. Auditionnée par la police le 21 novembre 2022, A______ a reconnu avoir consommé deux verres de bière de 25cl à 4h25, soit avant de se mettre au volant de son véhicule.

g. En raison de son incapacité de comparaître, le Ministère public a invité A______ à se déterminer par écrit quant aux faits reprochés du 21 novembre 2022.

h. Par courrier du 15 août 2023, A______, par la voix de son conseil, a contesté les faits reprochés. L'audition de police avait eu lieu alors que son état de santé psychologique, connu de la police, ne se prêtait pas à un interrogatoire. Elle n'avait pas la capacité de discernement suffisante pour comprendre les questions et y répondre valablement. En substance, elle reconnaissait avoir, le 21 novembre 2022 entre minuit et 2h00, consommé deux bières (25cl) dans le quartier des Grottes, de s'être ensuite rendue au "F______" où elle avait encore consommé deux bières, et d'avoir à 4h25, acheté de la nourriture – et non de l'alcool – à la rue de Berne. Après avoir mangé dans sa voiture stationnée, elle avait conduit en direction de Meyrin, en passant par le Grand-Pré, ce en roulant normalement, avant d'être interpellée. La police avait effectué deux éthylotests, lesquels s'étaient révélés négatifs. Elle avait alors manifesté sa volonté de procéder à une prise de sang. Le policier n'y avait pas donné suite et avait effectué un troisième éthylotest, dont le résultat ne lui avait pas été communiqué. Par conséquent, A______ contestait le taux retenu par l'éthylotest, ainsi que l'essentiel du procès-verbal d'audition à la police.

C. A l'audience de jugement du 19 juin 2024, A______ a été représentée par son conseil en raison de son état de santé, lequel a produit un bordereau de pièces.

A teneur du certificat médical de la Dre E______ du 10 juin 2022, suite aux faits du 30 avril 2022, A______ considérait être victime de fausses accusations. Elle avait été choquée par l'appréhension et l'interrogatoire de la police qui avait duré plus de 3 heures, ce qui avait eu des conséquences psychologiques marquées par une augmentation de l'anxiété. Elle présentait "une sorte d'un état de stress post-traumatique".

D.a. A______, née le ______ 1974 à Asseiceira (Portugal), de nationalité portugaise, est séparée et n'a pas d'enfants à charge. Elle est au bénéfice d'un revenu mensuel de CHF 3'342.- (rente invalidité de CHF 1'665, rente 2ème pilier CHF 1'226, prestations complémentaires CHF 451). Elle a des charges mensuelles de loyer de CHF 778.90, ainsi que des frais en assurance-maladie en CHF 92.-suite à un arrangement de paiement. Elle n'a pas de fortune.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire, A______ a été condamnée :

·         le 24 janvier 2018, par le Ministère public du canton de Genève, à une amende de CHF 500.-, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 25 jours-amende à CHF 40.-, avec sursis, délai d'épreuve de 3 ans, pour avoir conduit un véhicule automobile en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié dans le sang ou dans l'haleine au sens de la loi fédérale sur la circulation routière (art. 91 al. 2 let. a LCR) ;

·         le 28 juin 2019, par le Ministère public du canton de Genève, à une amende de CHF 560.-, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 70.-, avec sursis, délai d'épreuve de 3 ans, pour infraction à la loi sur les armes (art. 33 al. 1 aLArm).

 

EN DROIT

Culpabilité

1.1. La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 du Code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (CPP ; RS 312.0), 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst. ; RS 101) et 6 par. 2 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH ; RS 0.101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large.

1.2. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 148 IV 409 consid. 2.2).

1.3. L'art. 10 al. 2 du Code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (CPP ; RS 312.0) consacre le principe de la libre appréciation des preuves, en application duquel le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_348/2012 du 24 octobre 2012 consid. 1.3).

Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

Le principe de l'appréciation libre des preuves interdit d'attribuer d'entrée de cause une force probante accrue à certains moyens de preuve, comme des rapports de police. On ne saurait toutefois dénier d'emblée toute force probante à un tel document. Celui-ci est en effet, par sa nature, destiné et propre à servir de moyen de preuve, dans la mesure où le policier y reproduit des faits qu'il a constatés et où il est fréquent que l'on se fonde, dans les procédures judiciaires, sur les constatations ainsi transcrites (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1143/2023 du 21 mars 2024).

1.4. L'art. 6 par. 3 let. d CEDH garantit à tout accusé le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Cette disposition exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoins en doute et de les interroger, à quelque stade de la procédure que ce soit (ATF 140 IV 172 consid. 1.3 ; 133 I 33 consid. 3.1 ; 131 I 476 consid. 2.2). Il s'agit de l'un des aspects du droit à un procès équitable. En tant qu'elle concrétise le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par l'art. 32 al. 2 Cst. (ATF 144 II 427 consid. 3.1.2 ; 131 I 476 consid. 2.2). Ce droit est absolu lorsque la déposition du témoin en cause est d'une importance décisive, notamment lorsqu'il est le seul témoin ou que sa déposition constitue une preuve essentielle (ATF 131 I 476 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_862/2021 du 21 juin 2022 consid. 1.1).

2.1. L'art. 91 al. 2 let. a de la loi sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (RS 741.01 ; LCR) prévoit qu'est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque conduit un véhicule automobile en état d'ébriété et présente un taux d'alcool qualifié dans le sang ou dans l'haleine.

Aux termes de l'art. 55 al. 6 let. b LCR, l'Assemblée fédérale fixe dans une ordonnance le taux qualifié d'alcool dans l'haleine et dans le sang.

L'art. 1 de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les taux d'alcoolémie limites admis en matière de circulation routière du 15 juin 2012 (RS 741.13) prévoit qu'un conducteur est réputé incapable de conduire lorsqu'il présente un taux d'alcoolémie de 0,5 gramme pour mille ou plus (let. a), un taux d'alcool dans l'haleine de 0,25 milligramme ou plus par litre d'air expiré (let. b), ou une quantité d'alcool dans l'organisme entraînant le taux d'alcool dans le sang fixé à la let. a (let. c). L'art. 2 précise qu'est réputé qualifié un taux d'alcoolémie de 0,8 gramme pour mille ou plus (let. a) ou un taux d'alcool dans l'haleine de 0,4 milligramme ou plus par litre d'air expiré (let. b).

Une prise de sang doit être ordonnée si la personne concernée exige une analyse de l'alcool dans le sang (art. 55 al. 3 let c. LCR).

Selon le Tribunal fédéral, on de l'art. 55 al. 6bis LCR que l'analyse de sang constitue le moyen de preuve déterminant. Cette approche n'exclut pas par avance de pouvoir se référer à un autre moyen de preuve, même en présence d'une analyse de sang (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1025/2017 du 26 avril 2018 consid. 1.3.1).

2.2. En l'occurrence, il ressort de la procédure que les mesures effectuées par l'éthylomètre ont mis en évidence un taux alcoolémie supérieur aux normes autorisées. Les faits des 30 avril et 21 novembre 2022 présentent par ailleurs des similitudes : tant le témoin C______ le 30 avril 2022, que les agents de police le 21 novembre 2022 ont vu la prévenue avoir une conduite incertaine, respectivement hésitante. Quant à la prévenue, elle reconnait, par la voix de ses conseils, avoir ingéré de l'alcool avant de conduire son véhicule, soit une bière et demie, respectivement quatre bières, alors qu'elle prend en parallèle des médicaments (Xanax et Dalmadorm).

La prévenue, qui semble certes souffrir d'une pathologie, n'a dans un premier temps pas contesté les résultats des contrôles qu'elle a signés et qui lui ont donc, contrairement à ce qu'elle allègue, été présentés, renonçant par ailleurs à une prise de sang. Ce n'est que trois mois, respectivement onze mois après les faits qu'elle a remis en cause les taux d'alcoolémie retenus.

Aucun élément ne permet de s'écarter des constatations résumées dans les rapports de police des 11 mai et 21 novembre 2022. Les documents relatent de manière suffisamment précise les faits, soit que les agents ont procédé au contrôle de la prévenue – acte entrant dans le cadre de leurs fonctions (art. 47 al. 1 LPol) – car à la vue du témoin C______ et à leur vue, l'intéressée n'avait pas la pleine maitrise de son véhicule. Le témoin C______ qui a contacté la CECAL après avoir vu la prévenue "zigzaguer" entre le chemin du Bac, le Pont-Butin et la rue ______[GE] ne retire pas de bénéfice secondaire à impliquer celle-ci. Quant à la police, elle est assermentée et n'avait aucun litige préalable avec l'intéressée. Certes, la prévenue n'a pas été confrontée aux auteurs desdits rapports et au témoin C______. Cela étant, cette mesure n'était pas indispensable, dès lors qu'elle a reconnu avoir consommé de l'alcool avant de conduire. Ainsi, les prétendues lacunes relevées par la défense sont sans conséquence sur la valeur probante des rapports de police.

Les circonstances de l'interpellation, dont l'usage de la force n'a pas été nécessaire, et le temps d'audition ne sont pas extraordinaires et sont usuels pour ce type d'infraction. Contrairement à l'avis de la défense, la médiation tentée dans la présente procédure ne doit pas être considérée comme étant un aveu de culpabilité de la police pour abus d'autorité, contre laquelle aucune procédure n'a, au demeurant, été ouverte.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère comme établi à satisfaction de droit que la prévenue a circulé au volant de son véhicule les 30 avril et 21 novembre 2022 alors qu'elle présentait un taux d'alcoolémie qualifié.

Par conséquent, A______ sera reconnue coupable de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié (art. 91 al. 2 let. a LCR).

Responsabilité

3.1. Le juge atténue la peine en application de l'art. 19 al. 2 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP ; RS 311.0) si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.

De même que la capacité de discernement est présumée en droit civil s'il n'existe aucun motif de la mettre en doute (art. 16 CC), la pleine responsabilité de l'auteur est présumée en droit pénal (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1129/2014 du 9 septembre 2015 consid. 4.2).

3.2. En l'espèce, la prévenue n'indique pas avoir été incapable d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation, mais précise uniquement ne pas avoir la capacité de discernement suffisante pour comprendre les questions de la police et y répondre valablement. Rien ne permet ainsi, à teneur du dossier, d'admettre une diminution de sa responsabilité. Sa faute demeure ainsi entière et la peine ne peut pas être réduite.

Peine

4.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). Comme sous l'ancien droit, le facteur essentiel est celui de la faute.

4.1.2. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (art. 42 al. 2 CP).

Le sursis est la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2). Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'émission du pronostic sur l'amendement de l'auteur visé par l'art. 42 CP. Ce dernier doit toutefois être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1406/2016 du 16 octobre 2017 consid. 1.1 à 1.3 ; 6B_430/2016 du 27 mars 2017 consid. 3.1).

4.2. En l'espèce, la faute de la prévenue n'est pas négligeable, celle-ci n'a pas hésité à prendre le volant alors qu'elle était sous l'effet d'un taux qualifié d'alcool, qu'elle se déportait sur les deux voies de circulation, mettant ainsi en danger la vie de nombreux usagers de la route dont la sienne. Ses motivations relèvent d'un regrettable mépris pour le droit en vigueur et la sécurité routière. Sa prise de conscience est inexistante, la prévenue n'a fait preuve d'aucun regret et n'a pas assumé sa responsabilité face aux infractions routières commises. Sa collaboration n'a rien de particulièrement méritoire.

Sa situation personnelle, certes difficile, est sans rapport avec les faits reprochés. Elle avait toute la latitude d'agir autrement et de s'abstenir de conduire, en prenant par exemple un taxi.

La prévenue a un antécédent spécifique et n'a manifestement tiré aucun enseignement de sa précédente condamnation.

S'agissant du genre de peine, le prononcé d'une peine pécuniaire est à même de sanctionner la prévenue de manière appropriée.

Compte tenu de l'antécédent spécifique et de l'absence de prise de conscience, une peine ferme s'impose pour détourner la prévenue de la récidive.

En définitive, c'est une peine pécuniaire de 100 jours-amende, sous déduction de 2 jours-amende, à CHF 40.- le jour qui sera prononcée.

Frais et indemnisation

5.1. A teneur de l'art. 426 al. 1 CP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné.

5.2. En l'espèce, la prévenue sera condamnée aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'176.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.-, dans la mesure où elle succombe.

6. Vu l'issue de la procédure, les conclusions en indemnisation de la prévenue seront rejetées (art. 429 CPP).

7. Le défenseur d'office sera indemnisé (art. 135 CPP).


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 29 août 2023 et l'opposition formée contre celle-ci par A______ le 14 septembre 2023.

et statuant contradictoirement :

Déclare A______ coupable de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié (art. 91 al. 2 let. a LCR).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 100 jours-amende, sous déduction de 2 jours-amende, correspondant à 2 jours de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 40.-.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'176.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe par ordonnance séparée l'indemnisation due à Me Oana STEHLE HALAUCESCU, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service cantonal des véhicules, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Carole PERRIERE

Le Président

Endri GEGA

 

 

 

Vu le jugement du 19 juin 2024 ;

Vu l'annonce d'appel formée par la prévenue le 1er juillet 2024, entrainant la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 let. b CPP) ;

Considérant que selon l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale prévoyant, dans un tel cas, que l'émolument de jugement fixé est en principe triplé ;

Attendu qu'il se justifie de mettre à la charge de la prévenue un émolument complémentaire ;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument de jugement complémentaire à CHF 1'000.-.

Met à la charge de A______ cet émolument de jugement.

 

La Greffière

Carole PERRIERE

Le Président

Endri GEGA

 

 

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale, la présente décision étant motivée à cet égard (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

 

Etat de frais

Frais de l'ordonnance pénale

CHF

560.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

45.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

500.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

1'176.00

Emolument de jugement complémentaire

CHF

1'000.00

Total des frais

CHF

2'176.00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notification à A______, soit pour elle son Conseil
Par voie postale

Notification au Ministère public
Par voie postale