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Décisions | Tribunal pénal

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P/24832/2021

JTDP/47/2023 du 17.01.2023 ( PENAL ) , JUGE

Normes : LD.118
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 19


17 janvier 2023

 

MINISTERE PUBLIC

OFFICE FEDERAL DE LA DOUANE ET DE LA SECURITE DES FRONTIERES (précédemment ADMINISTRATION FEDERALE DES DOUANES)

contre

X______, né le ______ 1978, domicilié ______, prévenu, assisté de Me Michael LAVERGNAT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Par acte d'accusation du 21 décembre 2021, l'ADMINISTRATION FEDERALE DES DOUANES (désormais OFFICE FEDERAL DE LA DOUANE ET DE LA SECURITE DES FRONTIERES - OFDF) :

·      conclut à ce que X______ soit reconnu coupable de soustraction douanière intentionnelle qualifiée (art. 118 al. 1 et 3 en relation avec l'art. 124 et 7 LD ainsi que l'art. 1 al. 1 LTaD), de soustraction de l'impôt intentionnelle (art. 96 al. 1 LTVA), de soustraction de charges fiscales qualifiées (art. 54 al. 2 LAlc) et de soustraction qualifiée de l'impôt sur la bière (art. 35 al. 1 et 2 lit. b LIB);

·      requiert le prononcé d'une amende de CHF 65.000.-, l'expulsion du prévenu du territoire Suisse pour une durée de 5 ans et que les frais de la procédure administrative de CHF 500.- soient mis à la charge du prévenu.

Me Michael LAVERGNAT, conseil de X______, plaide et ne s'oppose pas à un verdict de culpabilité s'agissant des faits visés dans l'acte d'accusation, conclut, au prononcé d'une peine clémente n'excédant pas CHF 5'000.- et à la renonciation à l'expulsion obligatoire du prévenu.

 

EN FAIT

 

A. Par acte d'accusation de l'ADMINISTRATION FEDERALE DES DOUANES (AFD) du 21 décembre 2021, il est reproché à X______, de s'être rendu, à 163 reprises entre le 30 septembre 2016 et le 24 août 2018, au supermarché A______, sis ______, à Ville-la-Grand (France – 74) et d'avoir effectué des achats de marchandises pour le compte de la société B______, exploitante du restaurant C______, dont il était associé gérant président, puis d'avoir importé en Suisse ces marchandises sans les déclarer lors du passage du poste frontière. Les achats, qui font l'objet de 227 factures, ont été effectués les :

-         30 septembre 2016 ;

-         1er, 4, 6, 12, 14, 20, 27 et 29 octobre 2016 ;

-         3, 10, 14, 18, 19, 22 et 25 novembre 2016 ;

-         1er, 3, 8, 10, 14, 16, 17, 22, 28 et 29 décembre 2016 ;

-         6, 17, 21, 25 et 28 janvier 2017 ;

-         3, 10, 14, 16, 17, 22 et 24 février 2017 ;

-         2, 4, 10, 11, 17, 18, 22, 27 et 31 mars 2017 ;

-         6, 12, 21, 27 et 28 avril 2017 ;

-         3, 5, 10, 11, 12, 13, 17, 18, 19, 22 et 26 mai 2017 ;

-         1er, 5, 9, 15, 17, 22, 24, 29 et 30 juin 2017 ;

-         6, 8, 11, 15, 25, 26, 27 et 29 juillet 2017 ;

-         1er, 4, 5, 7, 9, 10, 11, 19, 25 et 30 août 2017 ;

-         1er, 6, 9, 16, 21, 23, 25 et 29 septembre 2017 ;

-         6, 13, 18, 20 et 28 octobre 2017 ;

-         2, 3, 8, 11, 16, 22, 25 et 29 novembre 2017 ;

-         2, 7, 13, 16, 19, 23, 29 et 30 décembre 2017 ;

-         12, 20, 25 et 29 janvier 2018 ;

-         1er, 7, 10, 15, 17, 22, 24 et 28 février 2018 ;

-         8, 10, 15, 17, 22, 29 et 31 mars 2018 ;

-         7, 13, 16, 20, 27 et 28 avril 2018 ;

-         3, 11, 16, 19, 24 et 31 mai 2018 ;

-         8, 11, 12, 13, 16, 20, 21, 26 et 29 juin 2018 ;

-         3 juillet 2018 ;

-         22 et 24 août 2018.

Ces marchandises représentent les redevances douanières impayées suivantes :

-         CHF 237'144.90 de droits de douane pour un total de 163 achats de denrées alimentaires ;

-         CHF 11'584.05 de taxe sur la valeur ajoutée pour un total de 163 achats de denrées alimentaires ;

-         CHF 4'518.75 de droits de monopole pour un total de 95 achats de boissons alcoolisées et

-         CHF 1.90 d'impôt sur la bière pour un total de 2 achats de bières.

Ces faits sont qualifiés de soustraction douanières qualifiée, par habitude au sens de l'art. 118 al. 1 et 3 LD (en lien avec l'art. 124 let. b LD), de soustractions intentionnelles de l'impôt sur les importations au sens de l'art. 96 al. 4 let. a. LTVA, de soustractions intentionnelles de charges fiscales par habitude au sens de l'art. 54 al. 1 LAlc et de soustraction de l'impôts au sens de l'art. 35 al. 1 LIB, commis à de réitérées reprises.

B. Il ressort de la procédure les éléments pertinents suivants :

a. En date du 3 mai 2018, X______ a été intercepté, par une patrouille de gardes-frontières, à la route ______, 1226 Thônex, peu après son entrée en Suisse par la route ______, au volant de son véhicule automobile immatriculé GE ______. Cette route était interdite en matière douanière et signalée comme telle par un panneau officiel (cf. procès-verbal final du 5 mars 2020). La vérification dudit véhicule a permis de découvrir un total de 148.7 kg brut de denrées alimentaires diverses, dont, notamment, 68 kg de viandes diverses, 10.5 kg de frites et 28.2 kg de légumes, d'une valeur totale de EUR 755.86. Selon la facture retrouvée dans le véhicule, ces marchandises, payées en espèces, provenaient du magasin A______, sis à Ville-la-Grand, achetées le même jour, avec la carte du magasin A______ établie au nom du restaurant C______ – également retrouvée dans le véhicule – sis rue ______. Le dédouanement de ces marchandises a été effectué par le bureau de douane de Thônex-Vallard.

Ces faits provoquèrent l'ouverture d'une enquête par les autorités compétentes.

b. Par le biais d'une demande d'assistance administrative internationale avec la France, adressée en juillet 2018, A______ a fourni une liste de tous les achats effectués au moyen de la carte du restaurant C______. Au total, ce sont 166 jours d'achats de divers denrées alimentaires entre le 30 septembre 2016 et le 28 juillet 2018 qui ont été identifiés. Certains achats, effectués le même jour, faisaient l'objet de plusieurs factures différentes.

c.a. Entendu par la section antifraude de la Direction d'arrondissement des douanes de Genève le 13 septembre 2018, X______ a expliqué qu'il était associé de la société B______ et qu'il exploitait le restaurant à l'enseigne C______ depuis le 1er mai 2015.

Il a reconnu les faits s'agissants des achats du 3 mai 2018. Il exploitait le restaurant C______ depuis le 1er mai 2015, qui était préalablement géré par sa belle-sœur, D______. Il savait que l'importation de viande était interdite et que les marchandises devaient être déclarées lors du passage de la frontière. En revanche, il ne connaissait pas les quantités des marchandises accordées en franchises, bien qu'il avait conscience qu'elles étaient restreintes. Il avait effectué ces achats car il voulait fêter ses 40 ans et consommer les denrées achetées dans un but privé. Confronté à la facture libellée au nom de son restaurant, il a affirmé qu'il avait donné le nom de son restaurant car le magasin A______ n'acceptait que les achats professionnels. Il lui était arrivé de faire 3 ou 4 achats en France, mais c'était à chaque fois pour des grillades organisées en France. A______ était le seul magasin français où il avait fait des achats. Il lui était également arrivé de faire des achats et de les importer en Suisse à une ou deux reprises. En revanche, il avait à chaque fois déclaré lesdits achats. Lorsque les inspecteurs lui ont signalé qu'aucun dédouanement n'avait été retrouvé, il a déclaré qu'il ne pouvait pas l'expliquer. Il n'avait jamais prêté sa carte A______ à qui que ce soit.

Confronté à la liste des achats effectués chez A______ dans laquelle on compte 166 jours d'achats, il n'a pas pu donner d'explications, tout en précisant qu'il avait perdu durant une semaine sa carte A______, qui lui avait été rendue par le magasin lui-même. Il est ensuite revenu sur ses déclarations, admettant qu'il avait effectué des achats auprès du magasin A______, mais au maximum à 30 reprises. Il payait toujours ses achats à l'aide de sa carte bancaire BCGE, à l'exclusion de tout paiement en espèce. Une fois achetées, il transportait les marchandises au moyen de son véhicule privé, sans annonce lors du passage à la frontière et sans acquittement des redevances douanières.

Il a expliqué avoir effectué des achats en France car c'était moins cher. Les factures n'apparaissaient pas dans sa comptabilité car il ne les remettait pas à son fiduciaire. En effet, il avait conscience que les marchandises achetées en France devaient être dédouanées à l'importation en Suisse et voulait éviter les ennuis.

d. Le 20 septembre 2018, suite à une ordonnance de dépôt notifiée par l'AFD, la BCGE a produit les extraits de relevé bancaire pour la période allant du 1er mai 2015 au 14 septembre 2018 du compte privé n° 1______ au nom de X______. Il ressort de ces documents que des achats ont été effectués au magasin A______ à 101 reprises entre le 12 septembre 2016 et le 7 septembre 2018.

e. Suite à une demande complémentaire, A______ a fourni en juin 2019 toutes les factures des achats pour lesquelles la carte A______ établie au nom du restaurant C______ avait été utilisée pour des achats effectués entre le 30 septembre 2016 et le 24 août 2018. Certaines factures ayant été émises le même jour, il ressort des documents versés à la procédure que les achats ont été effectués sur 167 jours. Ces factures ont été payées en espèces ou par carte bancaire, le plus souvent au moyen d'une carte bancaire Maestro se terminant par les numéros 2______, étant précisé que celle-ci a également été utilisée comme moyen de paiement après le 3 mai 2018. Fréquemment les factures ont été réglées partiellement en espèces, et le reste par carte bancaire. Les marchandises achetées, toujours en grande quantité, comprennent, notamment, de la viande, des frites et des spiritueux.

f. Entendu à nouveau le 11 février 2020, X______ a indiqué que sa société B______, exploitante du restaurant C______ avait été mis en faillite depuis le mois de juin 2019.

X______ est revenu sur ses précédentes déclarations et a reconnu avoir procédé à tous les achats effectués en utilisant la carte A______ au nom du restaurant C______, à l'exception des achats effectués entre le 15 juillet et le 16 août 2018, dates où il était en vacances. En substance, il a admis s'être rendu à 163 reprises au magasin A______ et être passé en caisse à 227 reprises, et avoir payé les 227 factures y relatives produites par le magasin A______, soit en espèces, soit par carte bancaire. Il avait ensuite importé les marchandises en Suisse par la douane de Mon-Idée puis les avait utilisées pour l'exploitation de son restaurant. Ces achats n'apparaissaient pas dans la comptabilité du restaurant et il détruisait les factures. En revanche, les recettes de son restaurant effectuées au moyen de ces marchandises apparaissaient toute dans la comptabilité. Il regrettait ces achats, qu'il avait effectués à cause des difficultés financières de son restaurant et par souci d'économie.

g. A teneur du procès-verbal final du 5 mars 2020 établi par la Section antifraude douanière de la Direction d'arrondissement de Genève, les redevances douanières dues par X______ pour la période entre le 30 septembre 2016 et le 24 août 2018 – à l'exclusion de la période allant du 15 juillet au 16 août 2018 – s'élèvent à:

-         CHF 237'144.90 de droits de douane pour un total de 163 achats de denrées alimentaires ;

-         CHF 11'584.05 de taxe sur la valeur ajoutée pour un total de 163 achats de denrées alimentaires ;

-         CHF 4'518.75 de droits de monopole pour un total de 95 achats de boissons soumises à la LAlc et

-         CHF 1.90 d'impôt sur la bière pour un total de 2 achats de boissons soumises à le LIB.

h. Par décision de perception subséquente datée du 5 mars 2020, l'AFD a statué, en référence aux redevances douanières soustraites susmentionnées, que le montant total des redevances à percevoir s'élevait à CHF 268'557.25, cette somme comprenant des intérêts moratoires à hauteur de CHF 15'307.65.

C.

a.a. Lors de l'audience de jugement du 7 décembre 2022, X______ a expliqué que, lorsqu'il avait repris le restaurant C______, ce dernier était en difficulté financière, notamment à cause du fermage du restaurant qui s'élevait à CHF 10'200.- par mois. Il lui était donc venu l'idée d'aller faire les courses en France dans le but de faire des économies et de redresser la situation financière du restaurant.

Il a d'abord confirmé ses précédentes déclarations puis a ensuite prétendu que depuis le 3 mai 2018 – date de son arrestation par les gardes-frontières – il n'avait procédé qu'à un seul achat de courses en France, qu'il avait déclaré. Il ignorait qui avait fait des achats en utilisant sa carte A______, tout en précisant que celle-ci n'était pas signée et qu'il suffisait d'annoncer le nom du restaurant à la caisse pour pouvoir faire des achats au nom du restaurant (sans avoir besoin de montrer ladite carte). Il a confirmé qu'il n'avait prêté sa carte bancaire à personne et qu'il avait conscience que les marchandises achetées étaient soumises à déclaration.

a.b. Le prévenu a notamment produit:

-         un extrait du registre des poursuites daté du 12 septembre 2022, faisant état de 111 actes de défaut de bien pour un montant total de CHF 259'711.29. Ces montants ne comprennent pas les redevances dues à l'AFD et

-         des échanges de courrier entre l'AFD et X______, dans lesquels ce dernier avait proposé un arrangement de paiement à hauteur de CHF 500.- par mois, ce qui avait été refusé par l'AFD.

b. L'AFD a précisé que, sur la plan administratif, les montants dus par X______, avec intérêts moratoires s'élevaient à CHF 268'557.25. La décision du 5 mars 2020 n'avait pas été contestée et était dès lors définitive.

c. D______, belle-sœur d'X______, a été entendue en qualité de témoin.

Elle a expliqué qu'elle gérait le restaurant C______ avant que X______ ne l'y rejoigne. Sa sœur, E______, travaillait avec elle.

Lorsqu'elle avait découvert qu'elle avait des problèmes de santé, elle avait demandé à X______, qui avait alors une belle situation, de venir travailler avec elle.

Avant l'arrivé de X______, le restaurant tournait, mais avait trop de charges, notamment à cause du loyer très élevé. Elle n'exploitait qu'une petite salle de l'espace loué. Le restaurant, en l'état, n'était pas viable, dès lors que les revenus couvraient juste les charges. Lorsque X______ l'avait rejointe, elle avait continué à travailler dans le restaurant. Ils avaient décidé d'ouvrir une salle de restauration en plus, ce qui avait engendré du personnel et des charges supplémentaires. Ils travaillaient tous les jours, sans repos, dans un stress permanent à cause des charges à payer.

D.a. X______ est né le ______ 1978 à ______, au Portugal, pays dont il est originaire. Il a effectué toute sa scolarité obligatoire au Portugal. Il est arrivé en Suisse en 1992, soit à l'âge de 14 ans, en compagnie de ses parents et a tout de suite commencé à travailler dans la restauration. Il est au bénéfice d'un permis d'établissement de catégorie C. Il est marié à E______ et est père de deux enfants, nés en 1998, respectivement 2006.

Il a suivi une formation de sommelier, pour laquelle il a reçu un diplôme professionnel. De juin 2015 jusqu'au 8 octobre 2019, il a exploité le restaurant C______. Il travaille dorénavant en qualité de serveur au restaurant F______ et perçoit un revenu mensuel s'élevant à CHF 4'400.- brut, versé 13 fois l'an. En sus, s'y ajoutent CHF 250.- à CHF 300.- de pourboires.

Son épouse, de nationalité brésilienne, travaille depuis le 1er décembre 2022 en qualité d'aide-cuisinière. Elle perçoit CHF 4'200.- brut par mois, versé 13 fois l'an.

X______ a encore un enfant à charge, scolarisé au collège. Son loyer s'élève à CHF 1'650.- par mois et son assurance maladie à CHF 353.55, celle de son fils à CHF 140.15 et CHF 465.15 par mois pour son épouse. En 2021, ses impôts s'élevaient à CHF 275.- par mois, étant précisé que sa femme ne travaillait pas.

Selon ses dires, il n'a pas de fortune et a des dettes à hauteur de CHF 350'000.-, ce qui inclut les montants dus à l'AFD.

b. A teneur de son casier judiciaire suisse, X______ a été condamné par le Ministère public du canton de Genève :

-         le 15 octobre 2019, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis de 3 ans, pour détournement de retenues sur les salaires (art. 159 CP) et

-         le 18 décembre 2020, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à CHF 60.- le jour, avec sursis de 3 ans, ainsi qu'à des amendes de CHF 300.-, respectivement CHF 400.-, pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (art. 169 CP) et inobservation par un tiers des règles de la procédure de poursuite pour dettes et faillite (art. 324 CP).

 

EN DROIT

 

Culpabilité

1.1.1 Selon l'art. 7 de la Loi sur les douanes du 18 mars 2005 (LD ; RS 631.0), les marchandises introduites dans le territoire douanier ou sorties de celui-ci sont soumises aux droits de douane et doivent être taxées conformément aux dispositions de la présente loi et de la Loi fédérale sur le tarif douanier du 9 octobre 1986 (LTaD ; RS 632.10). Selon l'art. 1 al. 1 LTaD, toutes les marchandises introduites dans le territoire douanier ou sorties de celui-ci doivent être taxées conformément au tarif général figurant dans les annexes 1 et 2.

1.1.2. Aux termes de l'art. 21 al. 1 LD, quiconque introduit ou fait introduire des marchandises dans le territoire douanier ou les prend en charge par la suite doit les conduire ou les faire conduire sans délai et en l'état au bureau de douane le plus proche. L'art. 22 al. 1 LD précise que les marchandises qui traversent la frontière douanière par terre, par eau ou par air doivent emprunter les routes (routes douanières), les ports ou les débarcadères (débarcadères douaniers) et les aérodromes (aérodromes douaniers) désignés à cet effet par l’OFDF.

1.1.3. Aux termes de l'art. 117 let. a et d LD, sont notamment réputées infractions douanières la soustraction douanière (art. 118 LD) et le recel douanier (art. 121 LD).

Selon l'art. 118 al. 1 let. a LD, est puni d'une amende pouvant atteindre le quintuple du montant des droits de douane soustrait quiconque intentionnellement ou par négligence soustrait tout ou partie des droits de douane en ne déclarant pas les marchandises, en les dissimulant, en les déclarant inexactement ou de toute autre manière. En cas de circonstances aggravantes, le montant maximal de l’amende est augmenté de moitié. Une peine privative de liberté d’un an au plus peut également être prononcée (al. 3).

1.1.4. Aux termes de l'art. 124 let. b LD, le fait de commettre des infractions douanières par métier ou par habitude est réputé circonstance aggravante.

La notion du métier doit être interprétée de la même manière que celle du droit pénal commun (KÖNIG Beat/MADUZ Christian, Einführung in das Zollrecht, Stämpfli, 2021, N 302). Selon la jurisprudence, l'auteur agit par métier lorsqu'il résulte du temps et des moyens qu'il consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire. Il faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance (ATF 129 IV 253 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1240/2015 du 7 juillet 2016 consid. 1.1).

L'aggravante commise "par habitude" est un cas particulier du droit pénal accessoire qui suppose la réalisation de deux conditions : l'auteur doit avoir commis l'acte punissable à plusieurs reprises et la répétition de l'acte doit révéler chez lui une tendance à commettre l'acte punissable (ATF 119 IV 73 consid. 2 d/aa; ATF 76 IV 200 consid. 3; KÖNIG Beat/MADUZ Christian, Einführung in das Zollrecht, Stämpfli, 2021, N 302).

1.1.5. D'après la Loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée du 12 juin 2009 (LTVA; RS 641.20), la Confédération perçoit, à chaque stade du processus de production et de distribution, un impôt général sur la consommation (taxe sur la valeur ajoutée, TVA), avec déduction de l'impôt préalable (art. 1 al. 1). Au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, elle perçoit un impôt sur l'importation de biens (art. 1 al. 2 let. c).

1.1.6. Aux termes de l'art. 96 al. 4 let. a LTVA, est puni d'une amende de 800 000 francs au plus quiconque réduit la créance fiscale au détriment de l'Etat en ne déclarant pas des marchandises, en les déclarant de manière inexacte ou en les dissimulant, intentionnellement ou par négligence, lors de leur importation.

1.1.7. Selon l'art. 28 de la Loi fédérale sur l'alcool du 21 juin 1932 (LAlc ; RS 680), l’importation de boissons distillées est frappée d’un impôt égal à l’impôt grevant les eaux-de-vie de spécialités. A teneur de l'art. 21 de l'Ordonnance sur l'alcool du 15 septembre 2017 (OAlc ; RS 680.11), l’impôt s’élève à 29 francs par litre d’alcool pur.

Le calcul, la perception et la garantie de l’impôt perçu à la frontière sont régis par la législation douanière (art. 34 al. 1 LAlc).

1.1.8. Aux termes de l'art. 54 al. 1 LAlc, quiconque soustrait intentionnellement une charge fiscale prévue par la législation sur l’alcool ou fait octroyer à lui-même ou à un tiers un autre avantage fiscal auquel il n’a pas droit, comme une remise ou une restitution de charges fiscales, est passible d’une amende pouvant atteindre le quintuple du montant des charges fiscales soustraites ou de l’avantage fiscal obtenu. Selon l'al. 2, lorsque l’infraction est commise par métier ou par habitude, le montant maximal prévu de l’amende est augmenté de moitié. En outre, une peine privative de liberté d’un an au plus peut être prononcée.

1.1.9. Selon l'art. 1 al. 1 de la Loi fédérale sur l'imposition de la bière du 6 octobre 2006 (LIB ; RS 641.411), la Confédération perçoit un impôt sur la bière fabriquée sur le territoire douanier suisse (territoire douanier) ou importée sur celui-ci. Pour la bière importée, le débiteur de la dette douanière est assujetti à l'impôt (art. 7 LIB).

L’impôt est calculé par hectolitre et sur la base de la teneur en moût d’origine, exprimée en degrés Plato (art. 10 al. 1 LIB). Le degré Plato est la teneur en moût d’origine de la bière, exprimée en grammes par 100 grammes de bière, telle qu’elle est déterminée à l’aide de la grande formule de Balling sur la base de la teneur en alcool et de la teneur en extrait (al. 2). Lors de la détermination du degré Plato, seule la première décimale est prise en compte (al. 3). A teneur de l'art. 11 al. 1 let. a LIB, le taux s'élève à CHF 16.88 par hectolitre pour les bières jusqu’à 10,0 degrés Plato (bières légères).

1.1.10. Selon l'art. 34 let. a LIB, la mise en péril de l'impôt est considérée comme soustraction fiscale. Quiconque, intentionnellement ou par négligence, lors de la fabrication en Suisse ou de l’importation de bière, par non-déclaration, dissimulation ou déclaration inexacte, ou de toute autre manière, soustrait l’impôt ou le met en péril complètement ou partiellement, ou se procure ou procure à un tiers un avantage fiscal illicite de toute autre manière est puni d’une amende pouvant atteindre le quintuple du montant d’impôt soustrait ou mis en péril, ou de l’avantage illicite (art. 35 al. 1 LIB).

1.2. En l'espèce, le Tribunal tient pour établi que le prévenu a acheté des marchandises auprès du magasin A______, en France, à 163 reprises, durant la période du 30 septembre 2016 au 24 août 2018. Il est également établi, à teneur du dossier et, au demeurant, admis par le prévenu, que ce dernier a importé lesdites marchandises par le biais de routes interdites à l'importation douanière, sans déclarer les marchandises, dans le but de les utiliser pour son restaurant C______. Les marchandises comprenaient des denrées alimentaires soumises aux droits de douanes et à la TVA, ainsi que des boissons soumises à l'impôt sur l'alcool et l'impôt sur la bière.

Le revirement de déclarations du prévenu s'agissant des marchandises achetées après son arrestation le 3 mai 2018, lors de l'audience de jugement ne peut que surprendre et n'emporte pas conviction, dès lors que le type et la quantité de denrées alimentaires achetées après le 3 mai 2018 correspondent à celles achetées avant cette date. En outre, la carte bancaire Maestro terminant par le numéro 2______ a également été utilisée à plusieurs reprises après cette date et selon le même processus, à savoir en payant une partie de la facture en espèces et le reste au moyen de cette carte.

Le relevé du compte privé BCGE n° 1______ au nom du prévenu fait état d'autres achats, notamment les 10 juillet et 5 septembre 2018. Toutefois, le Tribunal étant lié par l'acte d'accusation qui ne mentionne pas ces dates, il n'en sera pas tenu compte.

Les circonstances aggravantes de la soustraction douanière par habitude (art. 124 let. b LD) et de la soustraction d'alcool par habitude (art. 54 al. 2 LAlc) sont remplies, dès lors que le prévenu a commis ces infractions à 163 reprises, respectivement 95 reprises, sur une période d'environ 2 ans et que ce dernier a admis importer ces marchandises dans le but de faire des économies pour son restaurant. Il avait donc pris la décision de commettre l'acte punissable autant de fois que nécessaires dans le cadre de l'exploitation de son restaurant.

Ainsi, X______ sera reconnu coupable d'infractions à l'art. 118 al. 1 let. a et al. 3 LD (en relation avec l'art. 124 let. b LD), art. 96 al. 4 LTVA, art. 54 al. 2 LAlc et art. 35 al. 1 LIB.

Peine

2.1.1. Aux termes de l'art. 2 DPA, les dispositions générales du code pénal suisse sont applicables aux actes réprimés par la législation administrative fédérale, à moins que la présente loi ou une loi administrative spéciale n'en dispose autrement.

2.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures. Il sera tenu compte des antécédents de l'auteur, de sa situation personnelle ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 CP en relation avec l'art. 2 DPA). La situation de l'auteur dépend notamment de son revenu et de sa fortune, de son état civil et de ses obligations familiales, de sa profession et de son activité professionnelle, de son âge et de sa santé (ATF 119 IV 10, consid. 4b/aa)).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1).

2.1.3. Aux termes de l'art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle. Cette disposition ne fixe pas de délai. Selon la jurisprudence, l'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis l'infraction. Cette condition est en tous cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés (ATF 140 IV 145 consid. 3.1).

2.1.4. Si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP). L'art. 49 CP s'applique aussi bien en cas de véritable concours idéal (unité d'infraction ou concours de dispositions pénales) qu'en cas de véritable concours réel (pluralité d'infractions ou concours d'actes punissables) (ATF 148 IV 96, consid. 4.3.4).

2.1.5. L'art. 9 DPA prévoit que les dispositions de l'art. 68 CP (actuellement: art. 49 CP) sur le concours d'infractions ou de lois pénales ne sont pas applicables aux amendes ou aux peines prononcées en conversion d'amendes. Dès lors, les dispositions de l'art. 49 CP ne s'appliquent pas aux amendes prévues par la LD, laquelle connait le principe de cumul des peines, au sens des art. 9 DPA et 128 al. 1 LD (ATF 148 IV 96 consid. 4.1).

Toutefois, l'art. 9 DPA n'est pas applicable pour les infractions à la LTVA, au sens de l'art. 101 al. 1 LTVA. En lieu et place, l'art. 101 al. 4 et 5 LTVA contient des dispositions spéciales qui règlent la fixation de la peine en cas de concours d'infractions. Si un acte constitue à la fois une soustraction de l'impôt sur les importations ou un recel d'impôt et une infraction à d'autres actes législatifs fédéraux en matière de contributions, poursuivie par l'AFD, la peine infligée est celle prévue pour l'infraction la plus grave ; elle peut être augmentée de manière appropriée (art. 101 al. 4 LTVA). L'exclusion explicite de l'art. 9 DPA à l'art. 101 al. 1 LTVA entraîne en principe l'applicabilité du principe d'absorption ancré à l'art. 49 CP. L'art. 101 al. 4 LTVA précise toutefois dans quelle mesure le principe d'absorption doit être appliqué. Dans le champ d'application de la LTVA, le principe d'absorption est donc limité - malgré l'exclusion générale de l'art. 9 DPA à l'art. 101 al. 1 LTVA - au cas régi notamment par l'art. 101 al. 4 LTVA. L'art. 101 al. 4 LTVA concerne le domaine de compétence de l'AFD, tandis que l'art. 101 al. 5 LTVA règle la fixation de la peine dans le domaine de compétence de l'AFC. Dans le domaine de compétence de l'AFD, l'art. 101 al. 4 LTVA - contrairement à l'art. 101 al. 5 LTVA qui régit également le concours réel ("un ou plusieurs actes") - ne concerne que le concours idéal ("un acte"). L'art. 101, al. 4 LTVA ne prévoit explicitement une dérogation au principe de cumul (cf. art. 9 DPA) que dans le cas où "un acte" constitue à la fois une soustraction de l'impôt sur les importations ou un recel d'impôt et une infraction à d'autres actes législatifs fédéraux en matière de contributions que l'AFD doit poursuivre. L'art. 101, al. 4, LTVA limite par conséquent l'exclusion du principe de cumul aux autres infractions commises en concours idéal dans le domaine de compétence de l'AFD. (ATF 148 IV 96 consid. 4.5.3 et les références citées).

La loi du 18 mars 2005 sur les douanes (LD ; RS 631.0) ainsi que de nombreuses autres dispositions de droit pénal administratif relevant de la compétence de l'AFD (cf. p. ex. l'art. 42 de la loi fédérale du 21 mars 1966 sur le tabac (LTab) ; RS 631.0) contiennent également des dispositions allant dans le sens de l'art. 101, al. 4, LTVA. Si un acte remplit simultanément les éléments constitutifs d'une infraction douanière et d'autres infractions à poursuivre par l'AFD, l'art. 126 al. 2 LD prévoit que l'autorité compétente pour la peine infligée pour l'infraction la plus grave peut être augmentée de manière appropriée. La loi sur les douanes limite également le principe d'aggravation à l'art. 126 al. 2 LD ("accomplit un acte") au concours idéal. Elle ne déclare certes pas explicitement l'art. 9 DPA non applicable. Toutefois, selon la doctrine, l'art. 126 LD conduit de facto à une exclusion de l'art. 9 DPA dans le champ d'application de la disposition (OLIVER BRAND, in : Zollgesetz [ZG], Kocher/Clavadetscher [éd.], 2009, N. 2 s. ad art. 126 LD).

Le principal cas d'application de l'art. 126 al. 2 LD est le concours avec la LTVA (BRAND, op. cit., n. 3 ad art. 126 LD). L'art. 126 al. 2 LD règle donc la même question que l'art. 101 al. 4 LTVA, à savoir le cas où un acte relevant de la compétence de l'AFD constitue à la fois une infraction de la LTVA et de la loi sur les douanes. Si le législateur avait voulu, dans la nouvelle LTVA, étendre le principe d'aggravation dans le domaine de compétence de l'AFD aux infractions commises en concours réel, il aurait donc dû également soumettre à une révision l'art. 126, al. 2, LD ainsi que d'autres lois fédérales, ce qu'il n'a pas fait (consid. 4.5.4.).

Pour les infractions commises en concours réel, c'est-à-dire par la non-déclaration de marchandises lors de leur importation en Suisse à différents moments ou en différents lieux, le principe de cumul ancré à l'art. 9 DPA s'applique donc (consid. 4.7).

En revanche, l'art. 101 al. 4 CP - tout comme l'art. 126 al. 2 LD - ne connaît pas d'obligation au sens de l'art. 49 al. 1 phrase 2 CP de fixer l'amende totale dans le cadre ou en fonction de l'art. 97 al. 1 phrase 2 LTVA (ou de l'amende pour soustraction douanière ou pour mise en danger de la sécurité douanière selon les art. 118 s. LD), ni de montant maximal légal de l'amende au sens de l'art. 49 al. 1 phrase 3 CP (cf. également à ce sujet ACHERMANN, op. cit, n. 26 ad art. 9 DPA).(CONSID. 4.8)

L'art. 9 DPA s'applique également - sous réserve de dispositions particulières dans les lois administratives correspondantes - en cas de concours entre des infractions à différentes lois administratives (FF 1971 I 993 ss, 1006) ainsi qu'en cas de plusieurs infractions selon la même loi administrative (ATF 148 IV 96 consid. 4.5.1 et les références citées).

2.1.6. Selon la jurisprudence, l'application de l'art. 49 al. 1 CP doit en principe être écartée en cas de condamnation pour une infraction par métier (ATF 76 IV 101), l'infraction devant être appréhendée comme un tout (arrêt du Tribunal fédéral 6B_516/2019 du 21 août 2019 consid. 2.3.3) sans qu'il ne faille fixer une peine pour chaque infraction. Lorsque le délinquant décide à plusieurs reprises, à des époques distinctes, de commettre une série d'infractions indépendantes les unes des autres, par métier, la volonté délictuelle est telle que le juge doit pouvoir, pour fixer la peine, faire application de l'art. 49 al. 1 CP, qui s'applique donc à ces séries successives d'infractions. Dans ce cas, en effet, la répétition dénote une propension à la délinquance justifiant, le cas échéant, une sanction supérieure au maximum de la peine prévue pour l'infraction par métier (ATF 116 IV 121 consid. 2b/aa; arrêt du Tribunal fédéral 6B_36/2019 du 2 juillet 2019 consid. 3.6.1).

2.1.7. Aux termes de l'art. 40 CP, la durée minimale de la peine privative de liberté est de trois jours. Elle peut être plus courte si la peine privative de liberté est prononcée par conversion d'une peine pécuniaire (art. 36) ou d'une amende (art. 106) non payées (al. 1). La durée de la peine privative de liberté est de 20 ans au plus. Lorsque la loi le prévoit expressément, la peine privative de liberté est prononcée à vie (al. 2).

2.1.8. En application de l'art. 106 CP, le montant maximum de l'amende est en principe de CHF 10'000.- (al. 1).

S'agissant des critères spécifiques à prendre en compte dans le cadre de la fixation d'une amende (art. 47 et 106 CP), le juge doit tout d'abord déterminer, selon les critères de l'art. 106 CP, dans quelle mesure le prévenu doit être frappé d'une sanction pénale; il doit ensuite, en fonction de la situation financière du prévenu, fixer la quotité de l'amende de manière qu'il soit frappé dans la mesure adéquate. L'amende doit être déterminée en fonction de la situation financière de prévenu au moment où elle est prononcée, afin que la sanction soit adéquate au moment où elle doit être subie (ATF 119 IV 330 consid. 3 et les références citées). L’économie réalisée par la commission de l’infraction est un critère de fixation de la peine. Cependant, il ne constitue qu’un critère parmi les autres et ne doit pas être retenu de manière schématique comme base de calcul du montant de l’amende (ATF 119 IV 10 consid. 4a/bb ; CR CP-II-JEANNERET, art. 106 N 8).

2.1.9. Selon l'art. 10 al. 1 DPA, dans la mesure où l'amende ne peut être recouvrée, le juge la convertit en arrêts ou, s'il s'agit d'un adolescent, en détention. L'amende pour inobservation de prescriptions d'ordre ne peut être convertie. Avec la révision du droit pénal des sanctions, les termes "arrêts" et "détention" doivent être compris comme aux art. 36 al. 1 CP et 106 al. 2 CP, soit dans le sens de "peine privative de liberté" (ACRP/760/2021 du 9 novembre 2021 consid. 4.1).

Selon l'art. 10 al. 3 DPA, en cas de conversion, un jour d'arrêts ou de détention sera compté pour CHF 30.- d'amende, mais la durée de la peine ne pourra dépasser trois mois. Selon la jurisprudence, ce mécanisme de conversion demeure applicable dans le nouveau droit des sanctions (ATF 141 IV 407 consid. 3; ACRP/760/2021 du 9 novembre 2021, consid. 4.6).

2.2. En l'espèce, la faute de prévenu n'est pas négligeable.

Ses mobiles sont égoïstes, il a agi par convenance personnelle et appât du grain rapide et facile.

Sa situation personnelle, certes peu favorable, n'excuse pas ses agissements.

Sa responsabilité, présumée, est pleine et entière.

Sa collaboration a été correcte.

Sa prise de conscience est moyenne, le prévenu étant revenu sur certains aveux à l'audience de jugement, malgré les éléments à charge.

Le prévenu a deux antécédents inscrits à son casier judiciaire, non spécifiques.

Il y a concours d'infractions, facteur aggravant de la peine.

Le prévenu a agi à de nombreuses reprises sur une longue période.

En outre, le prévenu n'a pas cessé spontanément son activité illicite, il a même continué ses agissements délictuels après le 3 mai 2018, date de son arrestation par la patrouille de gardes-frontières, ce qui dénote une volonté délictuelle prononcée.

Sa situation personnelle, notamment financière, est mauvaise, notamment au vu des poursuites et actes de défaut de biens notifiés à son encontre.

Au vu de ces éléments, une peine privative de liberté n'entre pas en considération.

S'agissant des art. 118 al. 1 et 3 LD et l'art. 54 al. 2 LAlc, soit les infractions commises par habitude, bien que cette question n'ait pas encore été tranchée par la jurisprudence, il convient de fixer une peine d'ensemble comme c'est le cas pour l'aggravante du métier, à l'exclusion d'un éventuel cumul des peines.

En revanche, les différentes infractions commises entrent en concours entre elles.

Il n'y a pas de place pour une peine complémentaire au sens de l'art. 49 al. 2 CP, en l'absence de peine de même genre.

Les faits datant de 2016 à 2018 et en raison du bon comportement du prévenu depuis environ 4 ans et demi, l'amende devra être atténuée en application de l'art. 48 let. e CP.

L'infraction présentant la peine-menace la plus grave est celle prévue par l'art. 118 al. 1 et 3 LD. Le prévenu a soustrait la somme de CHF 237'144.90 de droits de douanes. En application de l'art. 118 al. 1 LD, la peine encourue est une amende pouvant atteindre le quintuple du montant des droits de douanes soustraits et s'élève donc à CHF 1'185'724.50. En sus, l'aggravante de l'art. 128 al. 3 LD étant réalisée, le montant maximal de l'amende peut être augmenté de moitié. Par conséquent, l'amende encourue s'élève au maximum à CHF 1'778'586.75, montant pouvant être augmenté de façon appropriée en application de l'art. 126 al. 2 LD.

Afin de tenir compte tant de la faute que de la situation personnelle de X______, l'amende sera fixée à CHF 17'000.-.

Au vu du taux de conversion de CHF 30.- par jour et du maximum légal de la peine de substitution, celle-ci sera fixée à 3 mois.

Expulsion

3.1.1. Aux termes de l'art. 66a al. 1 let. f CP, le juge expulse l'étranger du territoire suisse pour une durée de 5 à 15 ans si, une infraction de fraude fiscale, détournement de l'impôt à la source ou autre infraction en matière de contributions de droit public passible d'une peine privative de liberté maximale d'un an ou plus, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre. Sont principalement visés l'escroquerie en matière de prestations et de contributions (art. 14 al. 1, 2 et 4 DPA), la fraude fiscale et le détournement de l'impôt à la source. La clause générale "ou une autre infraction en matière de contributions de droit public" englobe par exemple la soustraction d'impôt qualifiée selon l'art. 97 al. 2 LTVA, l'art. 54 al. 2 LAlc, et les infractions douanières selon l'art. 117 al. 3 et art. 118 al. 2 LD (SCHEGEL Stephan, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Handkommentar, 4e édition, Stämpfli, 2020, art. 66a N 5).

3.1.2. Le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l’étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l’expulsion ne l’emportent pas sur l’intérêt privé de l’étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l’étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse (art. 66a al. 2 CP).

Les conditions pour appliquer l'art. 66a al. 2 CP sont cumulatives. Afin de pouvoir renoncer à une expulsion prévue par l'art. 66a al. 1 CP, il faut, d'une part, que cette mesure mette l'étranger dans une situation personnelle grave et, d'autre part, que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse (ATF 144 IV 332 consid. 3). Le juge doit faire usage du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré par une norme potestative dans le respect des principes constitutionnels. S'il devait refuser de renoncer à l'expulsion alors que les conditions de la clause de rigueur sont remplies, le principe de proportionnalité ancré à l'art. 5 al. 2 Cst. serait violé. Le juge doit ainsi renoncer à l'expulsion lorsque les conditions de l'art. 66a al. 2 CP sont réunies, conformément au principe de proportionnalité (ATF 144 IV 332 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1262/2018 précité consid. 2.2; 6B_1117/2018 précité consid. 2.2;).

Les critères déterminants mis en exergue par la jurisprudence rendue sur l'art. 8 CEDH sont applicables à la pesée des intérêts de l'art. 66a al. 2 CP: la gravité de l'infraction, la culpabilité de l'auteur, le temps écoulé depuis l'infraction, le comportement de celui-ci pendant cette période et le risque de récidive, le degré de son intégration et la durée de son séjour en Suisse, ainsi que les inconvénients qui le menacent, lui et sa famille, en cas de révocation, l'intensité de ses liens avec la Suisse et les difficultés de réintégration dans son pays d'origine.

3.2. En l'espèce, les art. 118 al. 3 LD 54 al. 1 LAlc prévoient que, en cas de circonstances aggravantes, respectivement lorsque l'infraction est commise par métier ou par habitude, une peine privative de liberté d'un an au plus peut être prononcée. Dès lors, il s'agit d'un cas d'expulsion obligatoire. Il s'ensuit que l'expulsion du prévenu du territoire suisse doit normalement être prononcée.

Il convient toutefois d'examiner si le prévenu peut se prévaloir de la clause de rigueur de l'art. 66a al. 2 CP.

A cet égard, l'intérêt privé du prévenu à pouvoir demeurer en Suisse est important. Le prévenu y est établi depuis qu'il a 14 ans, soit depuis 30 ans, ce qui correspond à environ deux tiers de sa vie. Il est au bénéfice d'un permis de séjour et a deux enfants qui résident à Genève. Son fils cadet, encore mineur, habite avec lui. En sus, il bénéficie d'un emploi stable. Il parle le français et semble être intégré en Suisse, pays dans lequel il a noué des attaches importantes. Par ailleurs, sous l'angle d'un intérêt public à son expulsion, il faut souligner que si ses actes sont effectivement graves, le pronostic en matière de récidive n'est pas défavorable, le prévenu ayant renoncé à une activité indépendante dans le domaine de la restauration au profit d'une activité en tant que salarié. Dans les circonstances particulières du cas d'espèce, l'intérêt privé du prévenu à rester en Suisse l'emporte donc sur l'intérêt public à l'expulsion, de sorte que les conditions de l'art. 66a al. 2 CP sont réalisées.

Partant, le Tribunal renoncera à ordonner l'expulsion de Suisse du prévenu.

Frais et inventaires

4.1. Le séquestre prévu à l'art. 46 DPA constitue une mesure procédurale provisoire, respectivement, conservatoire qui permet la saisie de moyens de preuve ainsi que d'objets ou de valeurs qui pourraient notamment faire l'objet d'une confiscation (ATF 120 IV 365 consid. 1c; arrêt du Tribunal fédéral 1B_222/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2.1). A teneur des art. 46 DPA et 70 al. 1 CP, applicable par renvoi de l'art. 2 DPA, peuvent être séquestrées à titre conservatoire les valeurs qui sont le produit ou l'instrument d'une infraction, de même que celles qui, le cas échéant, devront servir à garantir le paiement d'une créance compensatrice (v. art. 71 al. 3 CP, applicable par renvoi de l'art. 2 DPA).

Selon l'art. 69 CP, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits (al. 2).

4.2. En l'espèce, le téléphone portable iPhone (pièce 50001), la tablette iPad (pièce 50004) ainsi que les divers documents, relevés de compte et pièces comptables (pièces 50009, 50014, 50071 et 50085) seront restitués au prévenu.

5. Au vu du verdict condamnatoire, les frais de la procédure, y compris un émolument de jugement de CHF 400.-, seront mis à la charge du prévenu (art. 426 al. 1 CPP en relation art. 21 al. 4 et 79 al. 1 DPA). Toutefois, pour tenir compte de la situation du prévenu, ceux-ci seront réduits conformément à l'art. 425 CPP.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable de soustraction douanière intentionnelle qualifiée (art. 118 al. 1 et 3 en relation avec l'art. 124 et 7 LD ainsi que l'art. 1 al. 1 LTaD), de soustraction de l'impôt intentionnelle (art. 96 al. 1 LTVA), de soustraction de charges fiscales qualifiées (art. 54 al. 2 LAlc) et de soustraction qualifiée de l'impôt sur la bière (art. 35 al. 1 et 2 lit. b LIB).

Condamne X______ à une amende de CHF 17'000.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 3 mois.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de X______ (art. 66a al. 2 CP).

Ordonne la restitution à X______ du portable iPhone (pièce 50001), de la tablette iPad (pièce 50004) ainsi que des divers documents, relevés de compte et pièces comptables séquestrés (pièces 50009, 50014, 50071 et 50085).

Condamne X______ aux frais de la procédure, réduits à CHF 2'566.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations, Office fédéral de la police, Office cantonal de la population et des migrations, Service de l'application des peines et mesures (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Carole PRODON

Le Président

Niki CASONATO

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais de l'AFD

CHF

2'000.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

60.00

Frais postaux (convocation)

CHF

28.00

Emolument de jugement

CHF

400.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

28.00

Total

CHF

2'566.00

==========

 

Notification à X______
Par recommandé

Notification à l'OFFICE FEDERAL DE LA DOUANE ET DE LA SECURITE DES FRONTIERES
Par recommandé

Notification au Ministère public
Par recommandé avec copie du procès-verbal

Notification au Ministère public de la Confédération
Par recommandé