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Décisions | Tribunal pénal

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P/17728/2017

JTDP/190/2021 du 22.02.2021 ( PENAL ) , JUGE

Normes : CP.322sexies CP
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 18


22 février 2021

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Monsieur A______, né le ______ 1978, prévenu, assisté de Me Grégoire MANGEAT, Me Fanny MARGAIRAZ et Me Yaël HAYAT

Monsieur B______, né le ______ 1980, prévenu, assisté de Me Jean-Marc CARNICE

Monsieur D______, né le ______ 1966, prévenu, assisté de Me David BITTON

Monsieur C______, né le ______1970, prévenu, assisté de Me Marc HASSBERGER et Me Guillaume VODOZ

Monsieur E______, né le ______1974, , prévenu, assisté de Me Alec REYMOND et Me Alexandra LOPEZ


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité de tous les chefs retenus dans l'acte d'accusation, sans circonstance atténuante, pour A______, B______, D______ et C______.

Il conclut, pour A______, au prononcé d'une peine privative de liberté de 14 mois avec sursis et à sa condamnation au paiement en faveur de l'Etat de Genève d'une créance compensatrice de CHF 84'000.-, pour B______, au prononcé d'une peine privative de liberté de 14 mois avec sursis et à sa condamnation au paiement en faveur de l'Etat de Genève d'une créance compensatrice de CHF 10'000.-, pour D______, au prononcé d'une peine privative de liberté de 8 mois ou de 240 jours-amende, avec sursis, pour C______, au prononcé d'une peine privative de liberté de 12 mois ou de 360 jours-amende, avec sursis.

Pour E______, il conclut à un verdict de culpabilité, avec la circonstance atténuante de l'art. 48 let. a ch. 4 CP et à l'exonération de toute peine. Il conclut à ce que les frais soient mis à la charge des prévenus.

A______ conclut à son acquittement, au rejet de la demande de créance compensatrice, à ce que les frais soient laissés à la charge de l'Etat et persiste dans ses conclusions en indemnisation. Il conclut subsidiairement à être mis au bénéfice de l'art. 54 CP.

B______ conclut à son acquittement, au rejet de la créance compensatrice, à ce que les frais soient laissés à la charge de l'Etat et persiste dans ses conclusions en indemnisation.

D______ conclut à son acquittement pour les faits visés aux points 1.3.1 et 1.3.2 de l'acte d'accusation, subsidiairement en cas de verdict de culpabilité pour les faits visés au point 1.3.2, à être mis au bénéfice de l'erreur sur l'illicéité et exempté de toute peine. Il renonce à solliciter une indemnisation. Il s'en rapporte sur les frais de la procédure.

C______ conclut à son acquittement, subsidiairement à être mis au bénéfice de l'art. 21 CP, à ce que les frais soient laissés à la charge de l'Etat et persiste dans ses conclusions en indemnisation.

E______ conclut à son acquittement et persiste dans ses conclusions en indemnisation. Il conclut subsidiairement à être exempté de toute peine, au bénéfice de la circonstance atténuante de l'art. 48 let. a ch. 4 CP et au bénéfice de l'art. 52 CP, et, en tous les cas, à ce que les frais soient laissés à la charge de l'Etat.


EN FAIT

A. aa. Par acte d'accusation du 3 novembre 2020, il est reproché à A______ d'avoir intentionnellement accepté, en tant que membre d'une autorité, un avantage consistant en un voyage tous frais payés avec sa famille, du 26 au 30 novembre 2015, d'une valeur estimée à au moins CHF 50'000.-, entièrement financé par les autorités d'Abu Dhabi, en particulier par le prince Mohamed AL______, en s'accommandant du risque que cet avantage lui soit octroyé dans le but de l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles, étant relevé que la famille princière a de nombreux liens avec Genève et qu'elle a effectué de nombreuses visites en transitant par l'aéroport de Genève, nécessitant des interventions sécuritaires par la police genevoise et que, suite au voyage, A______ a ordonné de mettre en place une coopération policière avec Abu Dhabi. Il a en outre intentionnellement accepté, en tant que membre d'une autorité, que D______ et C______ participent à l'organisation du voyage, notamment en jouant un rôle déterminant dans l'obtention de l'invitation des autorités d'Abu Dhabi, en s'accommandant du risque que les démarches de D______ et C______ interviennent dans le but de l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles, étant relevé que ces derniers l'ont, postérieurement au voyage, régulièrement sollicité, directement ou par l'intermédiaire de B______ dans les circonstances décrites ci-dessous dans les volets en lien avec la violation de secret de fonction, de l'ESCOBAR et du financement du sondage IPSOS (1.1.1.).

ab. Il lui est également reproché d'avoir fait procéder, dans son intérêt, à un sondage par la société IPSOS sur les préoccupations des Genevois, financé entre avril et juillet 2017 par des sociétés appartenant à C______ et organisé par D______, et d'avoir ainsi intentionnellement accepté, en sa qualité de membre d'une autorité, un avantage d'une valeur de CHF 34'000.-, en s'accommandant du risque que le financement obtenu de la part de D______ et C______ intervienne dans le but de l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles (1.1.2.).

Faits qualifiés d'acceptation d'un avantage au sens de l'art. 322sexies du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP ; RS 311.0).

ba. Par le même acte d'accusation, il est reproché à B______ d'avoir intentionnellement accepté, en tant qu'agent public, un avantage consistant en un voyage tous frais payés, d'une valeur estimée à environ CHF 10'000.-, entièrement financé par les autorités d'Abu Dhabi, en particulier par le prince Mohamed AL______, en s'accommandant du risque que cet avantage lui soit octroyé dans le but de l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles. Il a en outre intentionnellement accepté, en tant qu'agent public, qu'D______ et C______ participent à l'organisation du voyage, notamment en jouant un rôle déterminant dans l'obtention de l'invitation des autorités d'Abu Dhabi, en s'accommandant du risque que les démarches de D______ et C______ interviennent dans le but de l'influencer dans l'exercice de ses fonctions officielles alors que D______ et C______ sont régulièrement intervenus auprès de lui dans les circonstances décrites ci-dessous (1.2.1.), faits qualifiés d'acceptation d'un avantage au sens de l'art. 322sexies CP.

bb. Il lui est aussi reproché, en tant qu'agent public, d'avoir intentionnellement prêtéassistance à A______, en organisant le sondage, en gérant les contacts avec la société IPSOS ainsi qu'en trouvant et organisant le financement auprès de D______ et C___, à la demande de A______, en sa qualité de membre d'une autorité, afin que A______ accepte un avantage d'une valeur de CHF 34'000.-, en s'accommandant du risque que le financement obtenu de la part de D______ et C______ intervienne dans le but d'influencer A______ dans l'exercice de ses fonctions officielles, le cas échéant par son intermédiaire, alors que par la suite, D______ et C______ sont régulièrement intervenus auprès de lui dans les circonstances décrites ci-dessous (1.2.2), faits qualifiés de complicité d'acceptation d'un avantage au sens des art. 25 et 322sexies CP.

bc. Il lui est également reproché, en sa qualité d'employé de l'Etat de Genève ayant l'obligation de garder le secret sur les affaires de service, d'avoir intentionnellement transmis des informations secrètes, en tant qu'elles portaient sur des procédures individuelles traitées par l'administration, par messages des 27 et 28 février 2017, 17 mai 2017 et 13 septembre 2017, à D______, qui n'était ni partie, ni mandataire, étant précisé qu'il avait préalablement dû se renseigner à ce propos dans différents services de l'Etat en sa qualité de chef de cabinet du conseiller d'Etat pour obtenir l'information et la transmettre sans droit (1.2.3.), faits qualifiés de violation du secret de fonction (art. 320 CP).

bd. Il lui est enfin reproché, en sa qualité de fonctionnaire devant respecter le principe d'égalité devant la loi, d'être intervenu intentionnellement auprès de E______, directeur du SCOM, pour le décider à accélérer le traitement du dossier de l'ESCOBAR et à délivrer une autorisation d'exploiter non conforme afin d'accélérer la procédure et faire délivrer une autorisation d'exploiter, alors que le dossier était incomplet, dans le but de procurer à D______ et aux exploitants de l'ESCOBAR, G______ et H______, un avantage illicite (1.2.4.), faits qualifiés d'instigation à abus d'autorité au sens des art. 24 et 312 CP.

ca. Par le même acte d'accusation, il est reproché à D______ d'avoir intentionnellement participé à l'organisation d'un voyage d'une valeur de plus de CHF  50'000.- en faveur de A______, membre d'une autorité, et B______, agent public, tous les échanges de courriels avec Abu Dhabi lui ayant préalablement été soumis pour validation par B______, dans le but de de pouvoir les influencer dans l'exercice de leurs fonctions officielles, en particulier afin de favoriser le "réseautage" avec ces derniers, de s'assurer de pouvoir continuer à accéder à eux et faciliter ses contacts avec l'administration, de pouvoir obtenir des informations dans les circonstances décrites dans le volet de la violation du secret de fonction ainsi que de l'aide concrète dans des projets, notamment dans le dossier de l'ESCOBAR ou des projets de C______ (1.3.1.)

cb. Il lui est aussi reproché d'avoir intentionnellement participé au financement d'un sondage à hauteur de CHF 34'000.- en faveur A______, membre d'une autorité, dans le but d'influencer A______ et B______ dans l'exercice de leurs fonctions officielles, alors qu'il a parallèlement contacté ces derniers pour organiser des séances avec la direction générale du développement économique, de la recherche et de l'innovation (DG DERI) en vue d'un projet d'urbanisation proche de l'aéroport, de C______ (1.3.2).

Faits qualifiés d'octroi d'un avantage au sens de l'art. 322quinquies CP.

da. Par le même acte d'accusation, il est reproché à C______ d'avoir intentionnellement participé à l'organisation d'un voyage, d'une valeur de plus de CHF 50'000.- en faveur de A______, membre d'une autorité, et B______, agent public, en sollicitant son oncle, Q______, afin que A______ soit inscrit sur la liste des invités, dans le but, directement ou indirectement par l'intermédiaire de D______, de pouvoir les influencer dans l'exercice de leurs fonctions officielles, en particulier pour s'assurer de pouvoir continuer à accéder à A______ et à son chef de cabinet, pour faciliter ses affaires et accéder plus rapidement aux services de l'administration, ainsi que pour faciliter les contacts de son employé D______ (1.4.1.).

db. Il lui est aussi reproché d'avoir intentionnellement financé un sondage à hauteur de CHF 34'000.- en faveur de A______, membre d'une autorité, dans le but, directement ou indirectement par l'intermédiaire de D______, de pouvoir influencer A______ et B______ dans l'exercice de leurs fonctions officielles (1.4.2).

Faits qualifiés d'octroi d'un avantage au sens de l'art. 322quinquies CP.

e. Par le même acte d'accusation, il est reproché àE______, en sa qualité de chef de service et de fonctionnaire, devant respecter le principe d'égalité devant la loi, d'être intervenu intentionnellement, sur injonction du chef de cabinet de A______, auprès de collaborateurs du SCOM, soumis à son pouvoir hiérarchique, pour accélérer la procédure et faire délivrer une autorisation d'exploiter non conforme dans le but de procurer à D______ et aux exploitants de l'ESCOBAR, G______ et H______, un avantage illicite, soit l'obtention d'une autorisation non conforme, dans un délai plus rapide, alors qu'en sa qualité de chef de service, il lui appartenait de ne pas donner suite à cette injonction qu'il savait illégale, quand bien même elle provenait du chef de cabinet d'un conseiller d'Etat (1.5.1), faits qualifiés d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP.

B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure.

Généralités

A______ a été président du parti radical de la Ville de Genève puis du canton de Genève entre 2003 et 2007. Il a siégé en qualité de Conseiller municipal de la Ville de Genève de 1999 à 2007, puis de Conseiller administratif de la Ville de Genève de 2007 à 2012. Il a été élu au Conseil d'Etat de la République et canton de Genève le 17 juin 2012 et réélu en 2013 et en 2018, en charge du département de la sécurité et de l'économie, puis de la sécurité. Il a été président du Conseil d'Etat du 1er juin au 13 septembre 2018. Le département de la sécurité et la Présidence ont alors été confiés à un autre Conseiller d'Etat. A______ a démissionné en octobre 2020 avec effet à la date de l'élection à venir et il est candidat à une élection complémentaire au Conseil d'Etat qui aura lieu les 7 et 28 mars 2021.

B______, alors candidat au Conseil municipal de la Ville de Genève pour le Parti Socialiste, a fait la connaissance de A______ en 2006 ou 2007 lors d'une campagne électorale, à l'occasion de laquelle A______ a été élu au Conseil administratif de la Ville de Genève. B______ a été membre du conseil d'administration de BA______, représentant le PS. Cette société était sous la tutelle du département de A______ et ce dernier a nommé B______ directeur général de BA______ en 2009. B______ a été engagé par A______ comme secrétaire général du département en charge des SIG en janvier 2013, puis directeur stratégique du département en 2013 et directeur de cabinet en 2014, au titre d'agent spécialisé, soit un engagement de durée déterminée. B______ a fait la connaissance de D______ en 2011-2012 par l'entremise de A______, et a noué une relation amicale avec D______.

E______, alors secrétaire général de l'EA______, a fait la connaissance de A______ lorsque ce dernier était Conseiller municipal. Lorsque A______ a été élu au Conseil administratif de la Ville de Genève, il a recruté E______ pour être son chef de cabinet, poste que celui-ci a occupé durant 5 ans, jusqu'en 2012, au départ de A______ pour le Conseil d'Etat. E______ a continué à travailler pour un Conseiller administratif de la Ville de Genève puis, deux ans plus tard, A______ lui a proposé de devenir directeur adjoint du SCOM. E______ a repris le poste de directeur du SCOM au départ du directeur en place, en 2016.

D______ a fait la connaissance de A______ dans les années 2005 - 2006, par le truchement de J______, directeur de la CCIG. D______ et A______ étaient des connaissances lointaines jusqu'au voyage de A______ au Liban en 2011, lors duquel une amitié est née.

I______ est le fils de D______. Il est membre du PLR et a eu l'occasion de rencontrer A______ lors d'événements liés au parti.

C______ est un ami d'D______, qu'il a connu à l'école dans les années 1980-1985. Il est actif dans l'immobilier et détient les sociétés Z______, X______ et Y______, holding détenant de nombreuses sociétés dont W______, dont D______ était le directeur depuis 2009. Ce dernier n'a jamais eu d'activité pour X______. Il a rencontré A______ et B______ en été 2014 par le biais d'D______. Il est le cousin de R______, fils de Q______. Ce dernier est conseiller financier basé à Abu Dhabi et un proche de la famille princière d'Abu Dhabi. Q______ est surnommé "Padrino" ou "le Parrain". RC______ est l'actionnaire majoritaire du groupe R______. Son ex-épouse, RD______ est la soeur de C______.

RA______ est le directeur général du groupe R______. Il a présidé la société des hôteliers de Genève (SHG) entre 2005 et 2011. Il est également devenu le vice-président du Conseil de fondation Genève Tourisme en 2008 ou 2009, avant d'en être le président de 2013 à 2016. Il a fait la connaissance de A______ en 2007 alors que celui-ci était Conseiller administratif de la Ville de Genève. Ils ont siégé ensemble au Conseil de fondation Genève Tourisme jusqu'en 2012. Leurs relations étaient professionnelles et se sont intensifiées lorsque A______ est devenu Conseiller d'Etat.

Dénonciations

a. Le 21 août 2017, un inspecteur de la brigade financière de la police judiciaire a remis au Ministère public un rapport mentionnant le financement potentiellement problématique d'un voyage aux Emirats Arabes Unis (ci-après EAU) et faisant état de soupçons d'acceptation d'un avantage à l'encontre de A______, Conseiller d'Etat, et B______, son chef de cabinet.

b. Le 27 août 2018, K______, administrateur de la société V______ Sàrl a dénoncé les faits suivants: A______ et B______ avaient participé à une soirée organisée dans l'établissement l'ESCOBAR par D______, avec C______, L______ et M______. A cette occasion, D______ et C______ leur avait offert le repas provenant du restaurant "AHA______", en lien avec la délivrance rapide de l'autorisation d'exploiter l'ESCOBAR. Plus tard, la société V______ Sàrl avait été sollicitée par D______ pour participer au financement d'un sondage ou de frais de campagne de A______ à hauteur de CHF 5'000.- sur un total de CHF 35'000.-. La société U______ SA, qui avait aussi participé à ces frais avait été mandatée pour rénover la salle de bain de B______, aux frais d'D______. Enfin, l'anniversaire de A______, également célébré à l'ESCOBAR, avait été financé par la société W______ à hauteur de CHF 4'000.-.

c. Le 25 septembre 2018, la Cour des comptes a transmis au Ministère public une communication citoyenne anonyme dénonçant les conditions de délivrance de l'autorisation d'exploiter l'ESCOBAR, dans un délai de 7 jours, alors que toutes les conditions n'étaient pas remplies et que les diverses taxes dues n'avaient été ni facturées ni payées.

d. Le 27 septembre 2018, un membre du Conseil d'administration de l'aéroport (CA) a transmis au Ministère public des échanges de correspondance datant de mars 2016 entre A______ et LA______, également membre du CA, et entre ce dernier et LF______, présidente du CA, dont il ressort qu'un projet de procès-verbal de séance du CA, avant approbation, a été transmis par LB______ à A______, alors que ce dernier n'était plus membre du CA et qu'ensuite A______ a demandé à LA______de se récuser lors du vote du CA relatif à l'attribution de la concession d'assistance au sol, dans la mesure où il avait rencontré l'une des sociétés soumissionnaires. La concession avait finalement été attribuée à la société DNATA au printemps 2016.

e. Le 3 octobre 2018, N______, la Directrice générale de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT), a transmis au Ministère public un échange de courriels du 12 octobre 2017 entre O______ et P______ en lien avec le dossier de l'ESCOBAR.

f. Le 11 octobre 2018, le représentant d'une société exploitant un restaurant-pub a dénoncé au Ministère public la manière dont sa demande d'autorisation avait été traitée par le SCOM, le refus ayant été annulé par arrêt de la Chambre administrative, et le retard ainsi que les erreurs commises par le directeur du SCOM, se fondant sur l'avis de A______, ayant finalement mené à la faillite de la société.

I. Voyage à Abu Dhabi

Eléments matériels

aa. Fin 2014, le sondage effectué par la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève (CCIG) auprès de ses membres a révélé un intérêt pour les EAU de la part des entrepreneurs actifs dans l'école privée, l'hôtellerie et les cliniques privées. Une délégation économique aux EAU a été organisée par le service de la promotion économique du département de A______ en partenariat avec la CCIG. L'orientation de la délégation portait sur le positionnement haut de gamme de Genève en matière touristique, hôtelière, financière et de santé et le but était de permettre aux entreprises genevoises présentes d'entrer en contact avec des partenaires clef aux EAU, le public cible étant les familles aisées et celles proches du pouvoir. Le 28 février 2015, A______ a transmis à D______ une note interne et confidentielle réalisés par ses services pour cette visite, lui demandant conseils et suggestions avec l'idée d'accéder aux bonnes personnes. Le 6 mars 2015, une réunion de préparation de cette visite a réuni la secrétaire générale et un secrétaire-adjoint du département présidé par A______, le délégué à la promotion économique de ce département, ainsi qu'D______ et son conseiller personnel, représentants la société W______. D______ a alors suggéré que A______ rencontre la famille dirigeante AL______ d'Abu Dhabi, même si Dubaï était considérée comme la capitale économique. Le 25 mars 2015, A______ a accepté d'ajouter à la liste des participants T______, "haut placé à la Société Générale" et qui "connaît par coeur les Emirats" selon la demande de D______. T______, d'origine libanaise, travaille dans le domaine bancaire et traite avec le Moyen Orient. C'est un ami de D______ et ce dernier l'a présenté à A______ et B______. La délégation économique a effectué un voyage aux EAU du 22 au 27 mai 2015. D______ a représenté la société W______ et M______ a représenté la société X______ dans la délégation, aux frais des sociétés susmentionnées, lesquelles ont aussi sponsorisé la mission à hauteur de CHF 2'000.- chacune. C______ était présent sur place mais ne faisait pas partie de la délégation.

ab. Par courriel du 17 juin 2015, A______ a dit à D______ "ça a l'air de jouer pour une expédition en famille, lors du weekend du GP de F1, à fin novembre. Comment fait-on concrètement ? Est-on toujours sur une logique d'invitation officielle via Berne, ce qui m'enchanterait ? Pour ton info, les contacts et échanges vont bon train en matière de coopération policière...", ce à quoi D______ a répondu "Excellente nouvelle. On est toujours sur une logique d'invitation officielle; ceci étant je préfère avoir une confirmation de leur part. Nous travaillons dessus avec C______ et te tiendrai informé dans les meilleurs délais".

Le 30 juin 2015, A______ a confirmé à D______ sa participation, celle de sa famille et celle de B______ au voyage, précisant: "je pars de l'idée que cela se ferait sur invitation et à nos frais s'agissant du voyage à tous le moins". D______ lui a alors demandé les coordonnées de chaque participant, ajoutant "Concernant le CA______, C______avait déjà fait une contre-offre qu'il maintient; on en parle!".

Lors d'une conversation Whatsapp entre le 5 et le 12 août 2015, A______ a demandé des nouvelles du voyage à D______ car il souhaitait réserver rapidement les billets d'avion et ce dernier lui a répondu que ce n'était pas nécessaire. A______ a insisté pour payer au moins son vol en tarif économique, comme le voulait "la règle lorsque le voyage était semi-privé/semi-professionnel". Le 28 août 2015, A______ a encore écrit : "Redis-moi pour les billets d'avion, ça m'angoisse...".

Par courriel du 11 septembre 2015, A______ a informé U______, alors président du Conseil d'Etat de ses prochains déplacements prévus, dont "26-29.11.2015-déplacement semi-professionnel/semi-privé aux Emirats Arabes Unis, dans le cadre de la coopération économique et sécuritaire initiée ce printemps (pas de frais à la charge du canton - déplacement payé par mes soins)".

Par courriel du 20 septembre 2015 de Formula 1: F1@cpc.gov.ae, un courrier daté du 25 août 2015 a été envoyé à A______ sur papier à entête "Crown Prince Court", rédigé pour le compte du prince héritier d'Abu Dhabi le Sheikh Mohamed AL______. Il y est écrit que A______, "Conseiller d'Etat du département de la sécurité et de l'économie de Genève" ainsi que sa famille sont invités à se joindre à eux pour le Grand Prix de Formule 1 d'Etihad Airways à Abu Dhabi du 27 au 29 novembre 2015. Ils prévoyaient que cet événement, qu'ils organisaient pour la septième fois, allait à nouveau être une expérience mémorable et excitante et ils se réjouissaient de le recevoir à Abu Dhabi. Ce courriel et le courrier joint ont été transmis à D______ par A______ avec le texte suivant "j'ai reçu l'invitation jointe, dois-je y répondre directement et comment est-ce que je procède pour la suite". D______ lui a répondu que c'était à B______, directeur de cabinet, de répondre et lui a demandé de lui soumettre son projet de réponse "pour vérifier le contenu avec qui de droit chez nous". B______ a ensuite écrit un courriel à A______ lui disant "J'ai appelé D______ pour les détails. Il m'a indiqué que si tu souhaites inviter encore quelqu'un d'autre, tu peux sans problème". Par pli du 29 septembre 2015, sur papier à entête officiel de l'Etat de Genève, département de la sécurité et de l'économie, A______ a accepté la "généreuse invitation" du prince héritier d'Abu Dhabi, le Sheikh Mohamed AL______ et confirmé sa venue en compagnie de son épouse et de leurs trois enfants ainsi que de son "chief of staff", B______. Ce dernier a transmis cette lettre par courriel du 30 septembre 2015.

Par courriel du 1er octobre 2015, CPC F1 Team a confirmé à B______ que le prince héritier d'Abu Dhabi prenait en charge les invités du Grand Prix et que l'intégralité des coûts du voyage en classe affaire, du séjour et des déplacements sur place était prise en charge. Le 2 novembre 2015, B______ a obtenu les détails du voyage, en particulier le nom de l'hôtel soit le EMIRATES PALACE HOTEL et le fait que l'ensemble du groupe serait pris en charge à son arrivée à l'aéroport et escorté jusqu'à l'hôtel, puis à l'hôtel pour être emmené au Grand Prix. Ces courriels ont été adressés à son adresse professionnelle.

ac. Les billets d'avion ont été émis le 27 octobre 2015 par ETIHAD AIRWAYS pour A______ et B______, commandés par l'agence OMEIR TRAVEL LLC avec la mention : -"govern.sale", au prix de AED 25'590.-, soit CHF 5'940.- par personne, pour un voyage aller le 26 novembre 2015 à 20h40 et un retour le 1er décembre 2015 à 9h15. Le billet a été émis le 22 novembre 2015 pour D______, commandé par l'agence OMEIR KHALIDIYA au prix de AED 24'430.- pour les mêmes vols. Sur la liste des passagers de ces vols figuraient aussi l'épouse et les trois enfants de A______.

Le 9 novembre 2015, A______ a versé CHF 2'000.- de contribution ecclésiastique à l'administration fiscale en faveur de l'église protestante et un montant identique en faveur de l'église catholique, montants enregistrés pour la taxation 2014. Il ressort des relevés fiscaux de l'intéressé qu'il a fait des versements à ce titre pour les taxations des années 2011 et 2015, mais pas 2012, 2013 et 2016.

Le 22 novembre 2015, A______ a accepté l'offre du Lieutenant-Colonel JB______ de rencontrer l'ambassadrice de Suisse aux EAU, précisant ne pas connaitre encore son programme, "plusieurs rencontres de haut niveau étant pressenties".

Le 23 novembre 2015, D______ a transféré l'information reçue de C______ par le message suivant à A______ "Good Morning, tu auras RDV avec le Cheikh samedi prochain, tu recevras l'info officiellement", et A______ a répondu "Ok, parfait amitiés".

Du 26 au 30 novembre 2015, A______ s'est rendu, accompagné de son épouse, de ses trois enfants mineurs et de son directeur de cabinet B______, à Abu Dhabi. Ils ont emprunté le service du protocole de l'aéroport, réservé aux personnalités et autorités, lors de déplacements professionnels ou officiels, pour leur départ le 26 novembre 2015 à 20h40 et pour leur retour le 30 novembre 2015 à 13h45. Le protocole de l'aéroport avait été réservé par l'assistante de A______, en référence à "un déplacement de A______, Conseiller d'Etat".

Le 19 janvier 2016, A______ a adressé une lettre de remerciements à D______ pour "les contacts de très haut niveau" qu'il lui avait permis d'avoir lors de leur déplacement à Abu Dhabi fin novembre dont il ne doutait pas qu'ils seront fructueux et permettront de maintenir les excellentes relations qu'ils avaient su établir au fil des années. C______ a reçu la même lettre.

ad. Selon l'estimation effectuée par la Brigade financière le 9 octobre 2019 sur la base des prix en vigueur en 2019, le coût du voyage était au minimum de CHF 25'916.- pour tous les vols en classe affaire, de CHF 6'307.- pour une suite familiale de deux chambres (CHF 9'460.- pour une suite "Khaleej" de trois chambres) et de CHF 700.- à CHF 1'543.- pour une chambre individuelle, de CHF 3'726.- à CHF 4'866.- pour la course automobile et d'environ CHF 1'000.- pour les autres dépenses. Au total donc, entrepris en 2019, le voyage coûterait aux mêmes convives en tout cas CHF 37'649.-. En tenant compte de la version plus exclusive tant pour le vol, les chambres que la loge pour la course automobile (CHF 44'268.- pour ce dernier poste), le coût serait de CHF 95'373.-. La moyenne était donc de CHF 66'693.-. Ce chiffre avait été confirmé par un agent de voyage spécialisé.

Selon W______, fondateur de l'agence SDF1, seule spécialisée en Suisse romande dans la vente de forfaits pour les Grand Prix, un forfait incluant 3 nuits d'hôtel aurait été facturé par son agence à CHF 10'000.- par personne. En effet, le Paddock Club valait CHF 5'500.-, le vol coûtait CHF 4'500.- à cette période et l'hôtel était le plus cher de la ville. Il a confirmé son estimation au Ministère public le 24 janvier 2020. Les badges portés par A______ et D______ correspondaient à des places au Paddock Club avec un accès à la loge royale, qui étaient délivrés uniquement par la famille royale, de sorte qu'il ne pouvait pas les proposer à ses clients.

Le forfait pour 5 personnes aurait été fixé à CHF 22'082.- pour les vols en classe affaires avec la compagnie EMIRATES, CHF 10'256.- pour 4 nuits à l'EMIRATES PALACE pour une suite et une chambre pour les enfants et CHF 22'892.- pour le Paddock Club sans accès à la loge royale. Il proposait quant à lui des forfaits de CHF 3'000.- à CHF 3'600.- à ses clients avec un vol en classe économique, une place en tribune et les nuitées dans un hôtel 4 ou 5*. Le prix par personne des places pour le week-end du Grand Prix était de CHF 250.- en pelouse non numérotée, CHF 500.- en tribune, CHF 1'500.- pour la petite loge et CHF 6'000.- pour le Paddock Club.

Il ressort des pages internet versées à la procédure par le Ministère public que le prix de la suite "Khaleej" de l'hôtel EMIRATES PALACE en 2020 va de AED 4'125.- à AED 5'900.- par nuit, que le coût du voyage en classe affaires pour 5 personnes aux dates du grand prix en 2018 va de CHF 19'617.- avec SWISS et ETIHAD AIRWAYS à CHF  27'119.- avec EMIRATES et que la réservation pour le Grand Prix en 2018 coûte entre CHF 374.- pour une place en tribune et CHF 7'176.- pour le "Aston Martin Red Bull Racing Paddock Club", par personne.

Premières prises de position

ba. Invité par le Ministère public à se déterminer par écrit sur le rapport de la brigade financière de la police judiciaire du 21 août 2017, A______ a indiqué par plis des 20 novembre 2017 et 5 janvier 2018 qu'il s'était agi d'un voyage purement privé. D______, un ami de longue date, avait proposé au printemps 2015 de l'inviter en famille pour découvrir le Grand Prix de Formule 1. Il avait alors suggéré à B______ de se joindre au voyage. Il avait signifié à D______ qu'il s'attendait à lui rembourser le montant du voyage le moment venu, mais ce dernier avait indiqué avoir la possibilité d'inviter une dizaine de personnes et que les frais étaient pris en charge globalement. Désireux de payer à tous le moins le déplacement, il avait versé CHF 2'000.- à l'église protestante et à l'église catholique début novembre 2015, correspondant au coût du vol. Sur place, il avait pris une chambre ordinaire pour un couple et trois enfants, laquelle avait été prise en charge selon les mêmes modalités que le vol par D______. Hormis la visite du centre de vidéosurveillance d'Abu Dhabi, il avait occupé son temps à des activités de loisir. Il n'avait manifestement pas commis l'infraction visée par l'art. 322sexies CP, car il était parfaitement clair pour lui qu'il n'aurait jamais à traiter avec D______ en vue de l'accomplissement de ses tâches d'élu politique.

bb. B______ a quant à lui expliqué par pli du 24 novembre 2017 qu'il s'agissait d'un voyage privé, effectué avec des amis. A______ lui avait proposé d'y participer au printemps 2015 et D______, un ami, s'était chargé de l'organiser. Il était bien entendu qu'il prendrait lui-même en charge le déplacement mais, par la suite, D______ l'avait informé qu'il avait la possibilité d'obtenir des conditions favorables et d'inviter plusieurs personnes au Grand Prix.

bc. D______, entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements par le Ministère public le 2 mars 2018, a expliqué que S______, un ami consultant à Abu Dhabi, disposait de 10 places pour le Grand Prix destinées initialement à des personnes s'étant désistées, raison pour laquelle il les lui avait proposées. Tout était payé par S______. A______ avait insisté pour payer et n'avait appris qu'une fois arrivé sur place que c'était S______ qui avait pris en charge l'intégralité des coûts.

Avant l'audition d'D______, à 09h12, A______ lui a envoyé le message : "Petite pensée pour toi, sois bon", puis après l'audition, à 12h18 "Well done, Old Chap!".

Le 14 août 2018, D______ a précisé que la proposition de S______ lui était parvenue quelques semaines avant le voyage et qu'il ignorait, lorsqu'il avait relayé cette proposition à A______, que les frais seraient entièrement pris en charge, l'ayant appris plus tard. S______ lui avait expliqué qu'il s'agissait d'un package incluant hôtel, avion, entrée au Grand Prix et repas à l'hôtel. A______ et B______ savaient, avant le départ, que c'était l'un de ses amis qui finançait le voyage, mais avaient su seulement sur place qu'il s'agissait de S______. A______ avait beaucoup insisté pour payer les billets d'avion, car il voulait participer. A______ et B______ n'avaient pas bénéficié d'autres prestations ou cadeaux sur place. S______ lui avait envoyé les billets par DHL. Ils avaient tous rencontré S______ sur place. Lui-même avait vu C______ mais il ne se souvenait pas si A______ et B______ étaient présents. A______ avait rencontré le Sheikh par hasard dans le hall alors qu'ils y prenaient un café.

bd. A______ a demandé à être entendu par la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil le 14 mai 2018. Malgré la réticence de certains députés souhaitant se préparer à cette audition, celle-ci a eu lieu de suite. En substance, A______ a exposé que le voyage à Abu Dhabi était strictement privé et avait été organisé par l'entremise de D______, entrepreneur à Genève, ayant des connaissances sur place, dont un entrepreneur local qui avait accès à des invitations sous forme d'un package comprenant le vol, l'hôtel et le Grand Prix et qui avait été leur hôte sur place. Tout le reste avait été payé en bonne et due forme en espèces par lui-même. Il avait rencontré fortuitement sur place le prince héritier et visité le centre de vidéosurveillance en compagnie du chef de la police. Dans la mesure où tout le monde devait s'annoncer en entrant aux EAU, les autorités savaient qu'il était Conseiller d'Etat et il aurait été discourtois de refuser cette visite. A______ a répondu par la négative à la question de savoir si le voyage lui avait été offert par le gouvernement d'Abu Dhabi, expliquant qu'il avait été planifié depuis plusieurs mois. Il avait versé la somme non dépensée budgétée pour ce voyage à deux oeuvres genevoises lorsqu'il avait su, un mois avant le départ, que les packages avaient été obtenus et qu'il ne prendrait pas en charge le coût du voyage. Il ignorait toutefois le coût de ces packages.

Le 11 juin 2018, il a précisé être passé par le service VIP de l'aéroport seulement à l'aller car c'était un jour de semaine où il travaillait. Il avait versé CHF 4'000.- à des oeuvres correspondant au vol en classe économique pour 5 personnes car il n'était pas en mesure de chiffrer le coût de l'hôtel et du Grand Prix avant son départ, dès qu'il ignorait l'hôtel dans lequel il logerait et les modalités d'entrée au Grand Prix. Il savait un mois avant le départ, à la réflexion en octobre 2015 déjà, que le voyage ne serait pas à sa charge. Rien ne laissait penser en l'état que le gouvernement émirati était derrière le paiement de ce voyage. Il ne savait pas qui était l'homme de dos sur la photographie prise lors de la visite du centre de vidéosurveillance, et ne voulait pas faire de conjecture s'agissant de la présence de Q______, père de R______. Il n'avait pas à être ébranlé par le fait que S______ ait payé ce voyage, dans la mesure où ce dernier n'était impliqué dans aucun projet immobilier à Genève. Le fait qu'il soit Conseiller d'Etat n'avait aucune influence dans l'invitation reçue, au vu de la personne qui avait financé ce voyage.

be. Convoqué en qualité de prévenu le 30 août 2018, B______ a indiqué que le voyage à Abu Dhabi était purement privé. A cette époque, s'étant séparé de son épouse, il vivait une période difficile et ce voyage était comme un ballon d'oxygène. Il n'avait aucun caractère professionnel et il n'avait pas emporté de costume, ni rencontré aucun officiel. Au moment de son organisation, il était prévu qu'il paie sa part, car il n'était pas question d'un voyage en classe business, ni d'un séjour au EMIRATES PALACE HOTEL. Il pensait que cela coûterait entre CHF 3'000.- et CHF  5'000.-, en classe économique, logement et billets pour le Grand Prix inclus, sachant qu'il y avait des forfaits à ce prix à Genève. Il n'avait finalement rien payé, D______ l'ayant informé, ainsi que A______, que tout était payé par des amis sur place qui disposaient des packages dont ils pouvaient bénéficier. Il ignorait si le nom de S______ avait été évoqué avant ou après le voyage et ne savait pas avec certitude si c'était ce dernier qui l'avait effectivement payé. Durant le séjour, ils avaient profité de la piscine et de l'hôtel, ils s'étaient tous rendus au Grand Prix pour les essais et la course elle-même. D______ et lui-même étaient également allés en boîte de nuit. A______ avait rencontré par hasard le Sheikh. Alors qu'ils étaient à la piscine, D______ avait proposé à A______ de le rencontrer, ce que ce dernier avait fait. A son souvenir, D______ n'avait rien arrangé à ce sujet à l'avance.

Confronté aux courriels des 30 septembre et 1er octobre 2015, ainsi qu'au courrier de la famille royale du 25 août 2015, B______ a admis avoir menti en début d'audience, de même que dans sa détermination écrite de novembre 2017, sur la question du financement du voyage. Il était ainsi exact que tant A______ que lui-même savaient, avant de partir, que le voyage était financé par la maison royale d'Abu Dhabi. A partir du moment où ils avaient fait une "connerie", soit de ne pas annuler le voyage, il fallait dissimuler la réalité du financement. A______ et lui-même avaient également convenu de faire le ménage dans leurs boîtes mail pour faire disparaître les courriels compromettants et demandé à D______ de faire de même. L'invitation étant officielle, A______ avait dû répondre officiellement sur papier à entête de l'Etat et c'était lui qui avait préparé la réponse en qualité de chef de cabinet.

A______ était inquiet à cause du financement par la famille Royale car le public pouvait imaginer qu'il leur serait redevable et que ce n'était pas bon en terme d'image. A______ avait réalisé le problème lié au financement avant le départ déjà et avait versé CHF 4'000.- aux églises. Ce dernier lui avait dit, vraisemblablement avant le voyage que "ça l'emmerdait de leur être redevable".

B______ a contesté l'affirmation du Ministère public selon laquelle A______ savait qu'un rendez-vous avait été organisé à l'avance avec un Sheikh, précisant que selon lui, A______ avait eu un rendez-vous le jour-même de la rencontre fortuite avec le Sheikh, ou le lendemain, dans un centre de vidéosurveillance. Le Sheikh rencontré à l'hôtel était un membre de la famille AL______ mais pas celui rencontré au centre de vidéosurveillance.

ca. Il s'est avéré, sur la base des déclarations de B______, de celles d'D______ et des pièces, qu'ils avaient tous les trois décidé, mais surtout A______ et B______, d'inventer cette histoire de financement par S______ lors de deux rencontres, à l'HC______ et au METROPOLE. C______ avait été mis au courant de "l'histoire S______". Par ailleurs, D______ avait été préparé à sa première audition par A______ et B______, lors d'une rencontre à l'HC______ où "ils avaient leurs habitudes". Ils lui avaient alors rafraichi la mémoire sur ce qu'ils avaient convenu de dire, notamment sur le rôle de S______ et lui avaient demandé par courriel de ne pas évoquer la classe affaires.

cb. Suite à l'audition de B______, le Ministère public a demandé le 30 août 2018 et obtenu le 20 septembre 2018 du Grand Conseil l'autorisation de poursuivre A______.

Déclarations des témoins

d. U______ a déclaré, référence faite au courriel du 11 septembre 2015, qu'il avait compris par "semi-privé, semi-professionnel" qu'il s'agissait d'un voyage privé financé par A______, lors duquel il était possible que celui-ci fasse des rencontres professionnelles. Il n'avait pas été informé de l'invitation officielle de la famille royale, ni du fait que le voyage était financé par celle-ci. Quelques jours avant son départ, A______ avait confirmé son absence sans l'informer qu'il ne finançait pas ce voyage. A______ avait expliqué au Conseil d'Etat, en mai 2018, que c'était D______ qui avait financé le voyage, puis avait indiqué que c'était S______. Le Conseil d'Etat s'était alors interrogé sur les liens entre D______, C______, S______, leurs sociétés et d'éventuels projets immobiliers à Genève. Il avait appris en septembre 2018 seulement que ce séjour avait été financé par la famille royale des EAU. Au début de la législature 2013-2018, il avait rappelé aux membres du Conseil d'Etat qu'aucun cadeau d'une valeur marchande de plus de CHF 100.- à 150.- ne pouvait être accepté.

Déclarations des prévenus

eaa. A______ est revenu sur ses déterminations écrites à l'attention du Ministère public, indiquant que le voyage avait été financé par la couronne émiratie. Il a expliqué que, suite aux sollicitations du Ministère public début 2018 et avant l'audition d'D______, il était apparu nécessaire de désigner faussement une personne qui avait financé ledit voyage, en l'occurrence S______. Il en avait discuté avec B______ et D______. Il avait parlé à ce dernier avant son audition à deux reprises, voulant notamment s'assurer qu'il se souvenait de tout ce qu'il avait dit lors de sa première audition. Confronté aux messages d'encouragement puis de félicitations qu'il avait envoyés à D______ avant et après sa première audition, il a concédé que cela était totalement indigne. Il a en revanche contesté avoir procédé à la suppression ciblée des courriels en lien avec le voyage mais il a affirmé avoir procédé à une purge générale, dès lors que sa boîte électronique avait fait l'objet d'un "embouteillage" en décembre 2017. Après la première faute qui avait été de faire le voyage, le mensonge sur le financement du voyage était une deuxième erreur d'appréciation. Ils s'étaient toutefois convaincu que cela passerait, dès lors que le financement par S______ paraissait à la fois plausible et invérifiable. Il avait par ailleurs indiqué au journaliste LC______, plus d'un an plus tôt, qu'il s'agissait d'un voyage purement privé et ils s'étaient ainsi enfermés dans cette logique. Suite au communiqué de presse du Ministère public du 30 août 2018, il avait décidé de révéler la vérité.

eab. Le voyage à Abu Dhabi avait déjà été évoqué lors du premier voyage en mai 2015, par D______ et C______, lesquels lui avaient parlé du Grand Prix de formule 1 en lui présentant cet événement comme étant un moment important de l'année à Abu Dhabi avec une forte fréquentation. On lui avait vendu cet événement comme étant le "Locarno" du Moyen-Orient, soit l'endroit où l'on croisait facilement des personnalités importantes. Il avait décidé d'associer B______ à ce projet de voyage en juin 2015, dès lors que ce dernier était un amateur de sport automobile et qu'il traversait une période difficile. Il n'était toutefois pas question qu'il vienne en sa qualité de chef de cabinet mais en tant qu'ami. A ce moment-là, il était envisagé que l'intéressé paie sa part du voyage, tout comme lui.

eac. D______ et C______ étaient chargés d'organiser le voyage, le premier étant son principal interlocuteur. Ces derniers l'avaient informé qu'ils s'engageaient à trouver les contacts permettant l'accès à cet événement. Dès le départ, il avait envisagé un voyage avec sa famille et donc exclu un voyage officiel, financé par l'Etat de Genève. Ce voyage était un bon compromis entre le fait d'avoir des vacances en famille, tout en profitant de quelques contacts. Il n'avait par ailleurs pas recouru aux services de l'administration fédérale pour son organisation. Il avait toutefois demandé à B______ de contacter le DFAE afin d'organiser une rencontre avec la nouvelle ambassadrice suisse aux EAU. Référence faite à son courriel du 17 juin 2015 à D______, il a indiqué que, par "invitation officielle via Berne", il faisait probablement allusion à l'ambassade des EAU à Berne.

Lorsque D______ lui avait répondu qu'il travaillait "dessus avec C______", il savait qu'il était entendu que l'intéressé active les contacts de C______, notamment son oncle Q______, qu'il avait vu quelques jours plus tôt.

C______ et sa "filière" étaient également chargés d'assurer des rencontres avec des officiels émiratis. En effet, bien que le Grand Prix de formule 1 représentait une opportunité de rencontrer des personnalités, il ne comptait pas seulement sur le hasard. Les autorités devaient non seulement savoir qu'il était là mais également connaître son intérêt à les rencontrer. Cela étant, aucun rendez-vous n'avait été organisé à l'avance. Il ne se souvenait pas du courriel du 23 novembre 2015 par lequel il avait été informé qu'il allait rencontrer un Sheikh, persistant à soutenir que sa rencontre avec le Sheikh AAL______ le 29 novembre 2015 à l'entrée de l'hôtel était fortuite. Il était toutefois question, avant le voyage, qu'il visite le centre de vidéosurveillance d'Abu Dhabi, qui avait un dispositif important dans le cadre du Grand Prix.

ead. Il avait l'intention de payer tant les vols que l'hôtel. Il avait prévu un budget de CHF  4'000.- pour les vols en classe économique pour sa famille et lui, montant qu'il avait versé aux deux oeuvres. Il avait affecté ce montant aux églises car il venait de recevoir son avis de taxation, accompagné des bulletins de versement des deux églises. Il n'était pas régulier dans le paiement de cette contribution mais le versement effectué en 2015 était clairement en lien avec le frais du voyage. Il n'avait en revanche pas pu budgéter l'hôtel, faute d'en connaître le prix mais il avait prévu de dépenser au total pour ce séjour une dizaine de milliers de francs. Toutefois, D______ et C______ lui avaient rapidement parlé d'un package sur place, soit de facilités qui pouvaient comprendre l'entrée au Grand Prix et probablement l'hébergement. Il avait d'abord pensé qu'il s'agissait de prestations que les entreprises, notamment celle de S______, pouvaient redistribuer comme elles le souhaitaient et il avait ensuite compris qu'il s'agissait plutôt d'une liste de VIP. Il s'était alors vite fait à l'idée qu'il aurait de la peine à payer l'entrée au Grand Prix.

Il avait compris qu'il serait non seulement difficile de payer l'entrée au Grand Prix mais également tout le reste lorsqu'il avait reçu l'invitation de la couronne, expliquant que selon les échanges qui avaient suivi, le package comprenait l'intégralité des frais. Il savait que cette invitation était le fruit de l'intervention de D______ et de celle de ses contacts. Référence faite aux échanges de messages du 5 au 12 août 2015 avec D______ concernant les billets d'avion, il a admis que la question de la prise en charge avait déjà été abordée à ce moment-là. Il pensait alors que D______ allait effectuer toutes les réservations et que ce dernier ou C______ allait payer le tout, et qu'il rembourserait les billets au tarif économique. Cela dépendait des conditions que ces derniers allaient pouvoir obtenir grâce à leurs contacts, que ce soit en termes de rabais sur le logement ou d'un "up grade" des billets d'avion. Avec du recul, il considérait que cela était une erreur d'appréciation et qu'il n'aurait pas dû leur laisser autant de marge de manoeuvre mais s'occuper lui-même de l'acquisition des billets.

Référence faite à son message du 28 août 2015 à D______ lui disant "redis-moi, ça m'angoisse", il a indiqué que ce qui l'angoissait était le fait de ne pas savoir si le voyage aurait bien lieu et si les billets étaient réservés. Il imaginait que D______ s'attachait encore à obtenir la réduction des coûts pouvant aller jusqu'à la gratuité du package. Il était toutefois conscient que ce n'était pas D______ qui allait prendre en charge les frais à titre personnel et que, dans le cas d'une gratuité, il n'aurait pas pu payer sa part auprès d'D______ ou de C______.

eae. Lorsque D______ lui avait confirmé, fin août ou début septembre 2015, que le voyage se ferait, il en avait informé le président du Conseil d'Etat, n'apprenant qu'ultérieurement, soit en octobre 2015, que l'intégralité des frais serait prise en charge par la couronne. S'agissant de l'expression "semi-privé, semi-professionnel" dans son message du 11 septembre 2015 à U______, elle correspondait à la vraie perception qu'il avait à l'époque de ce voyage, expliquant qu'aucun service de l'Etat n'avait été mis en oeuvre dans le cadre de l'organisation du voyage qu'il avait entièrement confiée à D______. Aucun accueil officiel, ni remise de cadeaux n'étaient prévus sur place. L'invitation de la couronne montrait par ailleurs à la fois le caractère professionnel et privé du voyage, dès lors que sa famille était invitée mais que son statut était mentionné. Il n'avait pas spontanément dévoilé cette invitation car le fait que sa famille était mentionnée était incompatible avec le caractère officiel du voyage. Il avait d'ailleurs éprouvé un malaise suite à cette invitation et s'était demandé si c'était une bonne idée d'emmener sa famille. Il concevait que l'imbroglio public-privé était problématique, dès lors que l'invitation provenait officiellement de l'état émirati et qu'elle visait sa famille. Il avait toutefois mis son malaise de côté, dès lors qu'il avait certainement "d'autres chats à fouetter".

Le courriel du 1er octobre 2015 de la couronne indiquant que l'invitation comprenait l'avion en business class, le séjour et le transport avait accru son malaise, expliquant qu'il ne concevait pas que quelqu'un d'autre que lui-même, et encore moins un état étranger, paie les vacances de sa famille. Il y avait également un risque politique, soit qu'il soit exposé médiatiquement et que sa famille soit mise en cause. Il se disait toutefois que l'Etat de Genève n'était pas lésé et qu'il poursuivait sa politique de resserrement des liens avec les EAU ou qu'à tout le moins il n'y nuisait pas, alors que tel aurait été le cas s'il avait annulé. Il avait alors réfléchi à d'autres options. L'option consistant à séparer le coût lié à sa famille lui avait paru d'emblée impossible, dès lors qu'il aurait fallu déterminer ce coût et trouver quelqu'un à Abu Dhabi qui accepterait de recevoir un paiement. Cela aurait par ailleurs donné un caractère officiel à son voyage, ce qui ne correspondait ni à ce qu'il avait dit à U______, ni aux activités qu'il envisageait d'avoir sur place, qui relevaient moins du voyage officiel. Quant à l'option consistant à y aller seul, C______ et sa "filière" lui avaient fait comprendre que c'était très inadéquat à l'égard des autorités émiraties, lesquelles auraient perçu cela comme un manque de confiance quant aux mesures sécuritaires sur place. Enfin, l'option consistant à tout annuler, soit celle qu'il aurait dû prendre, impliquait toutefois également un affront aux autorités émiraties, de surcroît dans un contexte de tensions helvético-émiraties.

Il avait donc finalement accepté l'invitation en se persuadant à tort que tout se passerait bien. Il en avait parlé à D______ et C______ en éprouvant de la gêne, compte tenu des efforts qu'ils avaient déployé pour organiser le voyage, surtout C______ qui avait eu un rôle prépondérant.

eaf. Lors de son séjour à Abu Dhabi, il avait profité de l'hôtel avec sa famille et visité la ville avec la famille de S______ dont il avait fait la connaissance à son arrivée et chez lequel ils étaient allés dîner un soir. Il avait également assisté aux essais du Grand Prix avec sa famille, B______, D______ et C______, où on lui avait présenté du monde mais aucun des officiels qu'il aurait souhaité rencontrer. Lors du Grand Prix, il se trouvait dans les tribunes avec sa famille, B______ et D______, dans une loge accueillant entre 150 et 200 personnes, connectée à un espace avec un buffet. Il n'y avait aucun officiel émirati, ni C______ ou Q______ avec eux. Il avait en outre rendu visite à l'ambassadrice suisse des EAU et à l'attaché de défense. Par ailleurs, Q______ lui avait annoncé à son arrivée qu'il visiterait le centre de vidéosurveillance le lendemain. Lors de cette visite, il s'était entretenu avec le Sheikh CAL______, avec lequel il avait notamment parlé de menace et de sécurité à Abu Dhabi. En revanche, sa brève rencontre avec le Sheikh AAL______ était fortuite, expliquant qu'il se trouvait dans la piscine de l'hôtel lorsque D______ l'avait informé que ce dernier se trouvait dans le lobby, où il l'avait rejoint pour essayer de parler avec lui. Cela n'avait pas été aisé, même avec l'intervention de S______. Il avait évoqué leur rencontre de mai 2015 dont il ne pensait pas que le Sheikh se rappelait, ainsi que l'intérêt pour le canton de Genève d'entretenir et de développer des liens avec les EAU, sans être sûr d'avoir abordé la question de la coopération policière. C______ avait offert des cadeaux à ses enfants, alors qu'ils s'étaient rendus dans un "mall", supposant qu'il avait paru évident pour ce dernier de faire du shopping dans un tel endroit. Confronté à une vidéo où l'on voyait l'intéressé offrir des cadeaux à toute sa famille ainsi qu'à lui-même, il n'a pas apporté d'explications supplémentaires.

Après le voyage, il était plutôt rassuré de la prépondérance privée du voyage, expliquant qu'au vu du petit nombre de rencontres officielles et de la brièveté des discussions, la partie privée l'emportait. Interpellé sur le fait qu'il avait remercié D______ dans des termes qui laissaient entendre que les objectifs officiels avaient été atteints, il a indiqué qu'après en avoir discuté avec B______, ils avaient décidé de remercier tant D______, C______ que le Sheikh AAL______. Il n'avait jamais revu ce dernier malgré le fait qu'il venait régulièrement à Genève. Il avait toutefois été informé que le niveau de visiteurs était revenu à son état antérieur et que les relations entre les deux états s'étaient améliorées.

eag. Lors du voyage officiel effectué en mai 2015 à Dubaï, organisé par le service de la promotion économique et la CCIG, il avait rencontré le ministre de l'économie, à qui il avait indiqué qu'il était également en charge des questions liées à la sécurité et qu'il souhaitait pouvoir rencontrer un ministre actif dans le domaine.

Il s'était alors rendu à Abu Dhabi un après-midi afin de rencontrer le Sheikh BAL______, soit le ministre de l'intérieur d'Abu Dhabi. Ce dernier lui avait notamment parlé du principal enjeu sécuritaire des EAU, à savoir la sécurité du Grand Prix sous l'angle du risque terroriste. Il avait également rencontré le Sheikh AAL______ dans son palais, ce qui n'était pas prévu. Il s'agissait là d'une opportunité inespérée de renouer les liens entre Genève et les EAU, qui s'étaient distendus au cours des dernières années, les séjours de la couronne émiratie ayant diminué. Il avait rassuré le prince sur la situation sécuritaire à Genève et avait évoqué avec lui divers domaines dans lesquels il était possible de développer un partenariat, par exemple en lien avec Dubaï comme place financière. Ils n'avaient toutefois pas évoqué de coopération plus poussée.

D______ et C______ avaient participé à ce voyage, celui-ci étant ouvert à tout entrepreneur, quel que soit son domaine d'activité. Les sociétés X______ et W______ avaient pris part à la présentation principale à l'attention des entrepreneurs émiratis. Sur présentation d'un document dont il ressortait que ces dernières avaient fait du sponsoring, il a expliqué que certaines sociétés pouvaient payer un montant et obtenir un espace supplémentaire ou d'autres prestations. Il ignorait pourquoi seules lesdites sociétés étaient mentionnées sur le document. Il n'avait aucun souvenir d'une réunion préalable au voyage avec C______ et D______, prévue le 19 mai 2015 qui aurait eu pour but de discuter notamment des dates de trois rencontres avec le ministre de l'économie, respectivement avec le Sheikh BAL______ et "AL NA", dont il ne savait pas à qui il était fait référence. Le contenu de ce document ne l'étonnait toutefois pas, dès lors ses équipes devaient préparer les rencontres qu'il pourrait faire pendant le voyage. A sa connaissance, D______ et C______ n'avaient pas participé à l'organisation de rencontres avec des autorités, hormis celle avec le ministre de l'économie. Ces derniers étaient avant tout présents en tant que représentants des sociétés X______ et W______ plutôt qu'en tant que facilitateurs avec les autorités émiraties, expliquant que beaucoup d'entrepreneurs suisses basés à Dubaï pouvaient jouer le rôle de facilitateurs.

eb. D______ a admis que B______ lui avait demandé de faire le ménage sur son ordinateur pour supprimer les messages concernant le voyage afin de cacher le fait que ce n'était pas S______ qui l'avait financé. Q______ avait aussi été informé de la dissimulation au sujet du financement du voyage. Le voyage de novembre 2015 avait été évoqué lors de celui de la promotion économique de mai 2015. Il en avait lui-même ensuite reparlé avec C______ et ce dernier l'avait évoqué avec Q______ pour savoir s'il était possible d'obtenir des invitations, Q______ faisant partie du cercle restreint d'un des princes d'Abu Dhabi. Référence faite au courriel du 17 juin 2015, il était exact qu'à cette époque, il travaillait déjà avec C______ pour obtenir une invitation officielle. C'étaient vraisemblablement C______ et Q______, soit ceux ayant des contacts sur place, qui avaient eu l'idée d'obtenir une invitation officielle en faveur de A______. Ce dernier lui avait transmis par mail l'invitation officielle et il s'était renseigné auprès de C______ pour savoir si la réponse envisagée était adéquate.

L'intégralité du voyage étant prise en charge, malgré l'insistance de A______ qui souhaitait participer financièrement au voyage, il lui avait répondu que cela n'était pas nécessaire. Tous les participants avaient été invités, à l'exception de C______ qui avait financé lui-même son voyage. En août 2015, il savait déjà, vraisemblablement par C______, que tout le voyage serait pris en charge. Lui-même n'avait eu quasiment aucun frais, car tout était pris en charge, y compris les repas, pris la majeure partie du temps à l'hôtel. Il en allait de même pour A______ et B______, mais il était possible que ces derniers soient sortis une ou deux fois manger à l'extérieur.

Le programme était principalement "hôtel, piscine, cigares et Grand Prix". Les billets d'entrée au Grand Prix étaient des billets VIP, ajoutant qu'"en fait, tout était VIP, les entrées du Grand Prix, l'hôtel et l'avion". Il avait passé une soirée au restaurant CIPRIANI en compagnie de A______, B______, C______ et R______, vraisemblablement financée par la famille QR______. Il était possible qu'ils aient également pris un repas à l'extérieur à une occasion avec T______. C______ et probablement Q______ avaient financé les cadeaux offerts à A______ et à sa famille, cadeaux remis par C______. Cela faisait partie du mode de vie et de la coutume locale, ces cadeaux étant liés au statut de A______, lui-même n'ayant pas reçu de cadeaux. La rencontre à l'hôtel entre A______ et un Sheikh avait eu lieu fortuitement et n'était pas organisée. Il était difficile d'approcher ce Sheikh et S______ avait dû insister auprès de sa garde rapprochée pour que A______ puisse lui parler. La discussion avait porté sur des points sans substance, ils avaient parlé de la Suisse et d'Abu Dhabi. Il avait lui-même participé au voyage car il était le contact de A______. Le voyage était parti d'une idée informelle puis il avait eu une forme officielle. Cela leur paraissait bien pour Genève d'avoir des contacts avec des braves gens là-bas.

ec. C______ a déclaré que c'était lui qui avait évoqué pour la première fois le Grand Prix d'Abu Dhabi avec A______, lors du voyage à Dubaï en mai 2015. Lors de ce premier voyage, il n'était pas inscrit dans le programme, la société X______ ayant uniquement fait un versement à la CCIG pour le sponsoring. La société W______ avait en revanche tant sponsorisé l'événement que participé au programme. D______ était présent à ce titre dans la délégation. Le but était d'évaluer la possibilité de faire du business avec Dubaï. Sans faire partie du programme, il était toutefois sur place et avait vu A______. Au cours de leurs discussions sur la géopolitique ainsi que sur les EAU, il avait indiqué à A______ que le centre névralgique sur le plan économique et politique était plutôt à Abu Dhabi. Il avait ainsi été amené à lui parler du Grand Prix d'Abu Dhabi qui réunissait de nombreuses personnalités et qui permettait des échanges informels avec ces dernières.

Il avait alors indiqué à A______ qu'il allait se renseigner auprès de son oncle, Q______ pour savoir s'il était possible de le faire inscrire sur la liste des invités, lui précisant que cela était sans garantie. A______ avait accepté sa proposition. Une fois que cela avait été fait, le bureau en charge de l'organisation à Abu Dhabi s'était mis en contact avec le secrétariat de A______ pour organiser la logistique du voyage. Il n'était quant à lui plus intervenu. Il n'avait en particulier pas organisé de rencontres pour A______. Confronté à un message qu'il avait envoyé le 23 novembre 2015 à D______, disant à celui-ci d'informer A______ de son rendez-vous avec le Sheikh, il a indiqué qu'il ne se souvenait pas d'avoir transmis une telle information et que c'était sûrement son oncle qui avait organisé une rencontre avec le Sheikh CAL______.

Avant le voyage, il avait été informé, vraisemblablement par D______, que la famille de A______ ainsi que B______ avaient également été invités, de même que D______. Il savait que lesdites invitations englobaient l'accès au Grand Prix et aux événement liés et il présumait qu'elles couvraient également l'hébergement et le voyage. Pour sa part, il n'avait pas voyagé avec ces derniers ni séjourné au même endroit et il avait son propre programme. Il avait dès lors mis D______ et son oncle en contact. Il s'était lui-même rendu au Grand Prix, où il avait rencontré A______ ainsi que d'autres personnes. Hormis cela, il avait rencontré ce dernier à deux reprises, soit lors d'un dîner au restaurant CIPRIANI organisé et financé par la société de R______, ZA______, puis à bord d'un bateau loué par ladite société, où A______ avait été invité à titre amical et sur son initiative. Lors de cette dernière rencontre, des cadeaux avaient été offerts à A______ en raison de la culture locale, qui imposait d'offrir quelque chose lorsqu'on recevait quelqu'un d'éminent comme A______. D______ n'avait pas reçu de cadeaux, n'étant pas une personnalité. Il présumait que ces cadeaux avaient été payés par ZA______ ou par Q______. Confronté à des messages extraits du téléphone de D______, il a indiqué qu'il était possible qu'il soit lui-même allé acheter les cadeaux mais il ne s'en souvenait pas. A son retour à Genève, il avait reçu une lettre de remerciements de la part de A______ pour avoir oeuvré en faveur du canton de Genève. Il supposait que les "contacts de très haut niveaux" se référait à la rencontre avec le Sheikh CAL______ organisée par son oncle.

Lorsque les journalistes avaient commencé à réagir à propos de ce voyage, il avait su que la ligne de communication de A______ serait de dire qu'il s'agissait d'un voyage purement privé. Par la suite, D______ et B______ lui avaient demandé s'il était possible d'indiquer dans la presse que le voyage avait été financé par Q______, ce qu'il avait refusé catégoriquement. Il ne comprenait pas pourquoi les intéressés ne voulaient pas dire la vérité et ces derniers avaient finalement décidé de désigner S______ pour le financement.

II. Sondage IPSOS

Eléments matériels

aa. Le 23 mars 2017, IPSOS a établi une proposition d'étude qualitative concernant les préoccupations des genevois développée pour A______ devisée à CHF 34'000.-. En mai 2017, IPSOS a établi un rapport de résultats de l'étude qualitative. Des groupes déterminés de personnes ont été sondés, issus de divers milieux socio-culturels et de tranches d'âges différentes, et regroupés selon leur orientation politique. Le rapport détaille les préoccupations de la population genevoise dans divers domaines tels que l'emploi, l'éducation, la sécurité, l'économie et la santé, mentionne les médias lus par les personnes sondées et souligne leur méconnaissance de diverses mesures concrètes prises par les autorités, tout en relevant que les discours populistes déplaisent mais retiennent l'attention.

ab. La société W______ a versé les montants de CHF 10'000.- le 24 avril 2017 et CHF  14'000.- le 20 juillet 2017, la société Z______ a versé un montant de CHF 5'000.- le 24 avril 2017 et la société X______ a versé une somme de CHF 5'000.- le 15 juin 2017 sur le compte postal de l'association de soutien à A______.

ac. Les factures d'IPSOS ont été payées au débit de ce compte.

Déclarations des prévenus

ba. B______ a déclaré que c'était lui qui avait eu l'idée de ce sondage visant à mettre en avant les principales préoccupations des genevois et le positionnement de A______ à ce propos. Il n'avait pas été financé par des deniers publics dans la mesure où il était question que A______ ou le PLR puisse l'utiliser pour la campagne lors des élections de 2018. A______ et lui-même avaient alors décidé d'une levée de fonds. A l'occasion d'un repas avec D______, ce dernier avait proposé de se charger avec ses contacts de réunir la somme nécessaire de l'ordre de CHF  35'000.- à CHF 40'000.-. D______ ne lui avait jamais communiqué la liste des contributeurs, si bien que pour lui c'était D______ et ses contacts, sans connaître lesquels, qui avaient financé ce sondage. Il savait uniquement que T______ avait versé une somme. C'était le comité de soutien à A______ qui recevait les fonds et A______ avait certainement dû s'intéresser au financement.

bb. A______ a expliqué que c'était surtout B______ qui s'était occupé de ce sondage, mais qu'il savait qu'il avait été financé par D______, par le biais des sociétés W______ et X______. Il ne lui paraissait pas aberrant que ces sociétés financent le sondage pour appuyer son action politique comme c'était le cas s'agissant des comités ou des partis qui recevaient tout au long de l'année des versements par des sociétés. Il ignorait la raison pour laquelle D______ avait utilisé trois sociétés différentes pour financer ce sondage.

bc. D______ a expliqué que B______ lui avait parlé de ce sondage en lui demandant s'il était possible de participer. Ils avaient cherché à faire participer des entreprises travaillant avec eux mais sans succès et, dans l'élan, il avait dit "on y va" et ils l'avaient fait pour appuyer A______. Les sociétés X______, W______ et Z______, dont C______ était l'ayant droit économique avaient financé le sondage. Il n'y avait pas de but précis, expliquant que cela "s'inscrivait dans le besoin de réseautage" et que le but était de participer au tissu économique genevois. A cela s'ajoutait que lui-même et C______ appréciaient l'activité politique de A______, "un homme politique travailleur et brillant, cela aide l'économie genevoise".

bd. C______ a indiqué que c'était D______ qui lui avait parlé du sondage, lui expliquant que A______ voulait le faire porter sur la perception et la préoccupation des genevois sur les sujets de sécurité, d'économie, de mobilité et de société. D______ lui avait dit qu'il fallait réunir environ CHF 30'000.-. Ce dernier lui avait alors demandé de contribuer à hauteur de CHF 15'000.- et il avait autorisé un tel financement afin de soutenir l'action politique et économique de A______, tout en décidant de le répartir entre les trois sociétés X______, Z______ et W______. Il avait appris ultérieurement que W______ avait versé CHF 14'000.- supplémentaires, ce qu'il n'avait pas autorisé, étant précisé qu'D______ avait une certaine latitude pour la gestion des fonds et disposait de la signature collective à deux avec LD______.

III. Escobar

Eléments matériels

aa. Le Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (PCTN), anciennement service du commerce (SCOM), est en charge de la délivrance d'autorisations d'exploiter un établissement public à Genève. Il dépendait du département de la sécurité et de l'économie jusqu'en juin 2018, alors dirigé par A______. Ce service a ensuite été sous la responsabilité de V______.

ab. Les éléments suivants ressortent des pièces du dossier saisi lors des perquisitions du PCTN des 21 septembre 2018 à 15h45 et du 4 octobre 2018, de celle du téléphone de D______ et des pièces produites par K______.

aba. L'immeuble sis rue des Grottes 13 est propriété de Q______ SA. Un bail à loyer pour des locaux destinés à un bar à tapas a été conclu avec effet au 1er mai 2017 par la société G______, représentée par G______. Dans le même immeuble se trouve le restaurant libanais "AHA______", dont les administrateurs sont divers membres de la famille HA______. L'OCIRT a préavisé favorablement le 2 mai 2017 les plans d'aménagement présentés le 20 avril 2017 pour l'aménagement du bar. L'entreprise individuelle BAR LA MEDELLIN-G______ a été inscrite au registre du commerce le 3 juillet 2017.

G______ en était titulaire et K______ ainsi que H______ disposaient d'une procuration. Un rapport concernant les mesures acoustiques a été effectué le 11 juillet 2017. Un contrat de travail a été conclu avec effet au 1er septembre 2017 entre BAR LA MEDELLIN-G______ et H______, titulaire du certificat de cafetier-restaurateur, ce dernier étant engagé pour exploiter le bar.

Des travaux d'aménagement et d'isolation des locaux ont été effectués en septembre 2017 par la société U______SA. Des travaux d'aménagement ont été envisagés selon le projet du 18 septembre 2017 d'installation d'une ventilation adressé à la société W______, à l'attention de L______.

abb. Une première demande d'autorisation d'exploiter a été déposée le 5 septembre 2017 par G___ pour le BAR LA MEDELLIN et une décision de non entrée en matière lui a été notifiée le 15 septembre 2017.

B______ a écrit à D______ par message du 13 septembre 2017 : "Habibi. Le service du commerce ne trouve rien pour l'Escobar. Est-ce que tu peux me donner l'adresse exacte et le nom de l'exploitant ? Vous avez bien déposé le dossier ?", puis "Ah oui donc c'est pas l'Escobar".

Le 15 septembre 2017, D______ et B______ ont échangé les messages suivants. AD: "Très sympa ce E______". B "C'est tout bon alors?". D "Pas encore mais de la bonne volonté".

abc. Le 4 octobre 2017, une demande d'exploiter un bar à l'enseigne L'ESCOBAR a été déposée par H______, pour la catégorie café-restaurant et bar. Il y est mentionné que le propriétaire de l'établissement est l'entreprise individuelle BAR LA MEDELLIN, G______ et que l'exploitant est H______, également exploitant à 60% du restaurant "AHA______". Datée du 20 septembre 2017, mais tamponnée du 4 octobre 2017, une requête pour un fumoir a été déposée par le BAR LA MEDELLIN.

Par courriel du 9 octobre 2017, O______, gestionnaire au SCOM, a interpellé H______ car il manquait des pièces au dossier. Elle a également adressé un courriel similaire à G______, l'invitant à convenir d'un rendez-vous pour compléter le formulaire. Ce courriel a été transféré à K______ puis à L______.

Par courriel du 12 octobre 2017, P______ a transmis la requête de l'Escobar au service de l'air, du bruit et des rayons non ionisants (SABRA) pour préavis.

L'émolument de CHF 400.- a été payé le 11 octobre 2017 et l'autorisation a été délivrée le 13 octobre 2017. Elle est signée par E______. Il est mentionné dans le système SICAP "autorisation WORD à la demande du magistrat".

abd. Le 19 octobre 2017, l'ESCOBAR obtenu l'autorisation du Service compétent de la Ville de Genève d'utiliser le domaine public pour sa soirée d'inauguration du jour-même de 15h00 à 02h00. Le 17 octobre 2017, l'ESCOBAR a sollicité du PCTN l'autorisation d'organiser une soirée musicale le 19 octobre 2017 de 18h00 à 01h00, refusée le 18 octobre 2017 en raison du non-respect du délai de 15 jours pour le dépôt de la demande. E______ avait confirmé que cette demande devait être refusée pour ce motif. Les exploitants de l'ESCOBAR ont passé outre ce refus et la police est intervenue sur plainte du voisinage le 19 octobre 2017 à 22h00 en raison de la musique et de la présence d'une centaine de personnes.

Un contrat de bail à ferme a été conclu entre la société T______ SA en formation, exploitante de l'Escobar, représentée par D___ et I______ d'une part et la société S______ Sàrl, représentée par GB______ d'autre part, pour un loyer-fermage de CHF 10'000.- par mois, dont l'entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2018 a été repoussée au 1er février 2018.

Les requêtes de l'ESCOBAR d'organiser 7 soirées musicales entre le 28 décembre 2017 et le 6 janvier 2018 ont été refusées. L'ESCOBAR a fait l'objet de plusieurs autres plaintes du voisinage liés à des excès de bruit et 5 interventions de police ont eu lieu entre le 26 octobre 2017 et le 19 janvier 2018. Il a notamment été constaté que le bar organisait des soirées musicales sans autorisation. H______, exploitant et L______, gérant, ont été convoqués par le SABRA pour une mise au point en décembre 2017. Ils ont annoncé que GB______ allait peut-être reprendre la place de H______. Le bar a demandé le 15 février 2018 à pouvoir organiser une soirée musicale le 3 mars 2018. Le SABRA a émis un préavis négatif adressée au PCTN le 28 février 2018 pour l'autorisation de cette soirée, dans l'attente de l'approbation par ce service du rapport d'expertise phonique demandé et l'autorisation a été refusée. La soirée d'anniversaire de A______ a eu lieu à l'ESCOBAR le 3 mars 2018.

En raison des infractions commises en 2018, des sanctions ont été prises pour organisation de soirée musicale non autorisée, inconvénients pour le voisinage, fermeture tardive et violation de l'interdiction de fumer. Une nouvelle soirée non autorisée a été organisée le 12 mars 2018. Le 14 mars 2018 à 0h50, la police est intervenue pour un excès de musique auprès de GB______, gérant présent sur place. Le 24 avril 2018, H______ a informé le PCTN qu'il n'était plus l'exploitant de l'ESCOBAR.

A la suite de ces constats, le dossier a été réexaminé et l'autorisation a été révoquée le 13 juin 2018 au motif que le propriétaire de l'établissement, BAR LA MEDDELIN-G______ avait été radié du registre du commerce.

ac. Le document suivant ne se trouvait pas dans le dossier saisi au PCTN, mais a été transmis par l'OCIRT au Ministère public le 3 octobre 2018.

Par courriel du 12 octobre 2017, P______ a informé O______, cheffe du secteur autorisations, que le propriétaire G______ souhaitait ouvrir au plus vite et demandait exceptionnellement une autorisation provisoire en attente de la finale. Or, s'agissant d'un nouvel établissement, "il nous est impossible de délivrer l'autorisation sans l'attestation de conformité et le préavis du SABRA. Souhaitez-vous que je sollicite le SABRA en urgence? (...) j'ai retrouvé le dossier pour un fumoir, devons-nous le traiter? Selon votre réponse, nous pourrons délivrer l'exploitation mais sans le fumoir". Le jour-même O______ a répondu à P______, en mettant E______ en copie : "je fais suite à ton message et je te transmets les réponses de E______ (en rouge dans le texte- i.e. ici gras et souligné) après discussion avec A______: il nous est impossible de délivrer l'autorisation il faut délivrer l'autorisation d'exploiter sans l'attestation de conformité on ne demande pas l'AMC et le préavis du SABRA on le demande mais on n'attend pas la réponse avant délivrance. Souhaitez-vous que je sollicite le SABRA en urgence? (...) j'ai retrouvé le dossier pour un fumoir, devons-nous le traiter? Les intéressés n'ont pas le droit d'exploiter le fumoir tant qu'ils n'ont pas notre autorisation. Examiner la demande fumoir avec l'aide du CS au plus tard le 30 octobre 2017".

ad. Il ressort des échanges de messages entre A______ et E______, du 25 juin 2018, ce qui suit : "Salut E______, j'ai averti V______ que LE______ risquait de poser une question au PCTN sur l'ESCOBAR. Pas de souci de son côté. Tu m'avertis quand elle te contacte ?".

E______ a confirmé à A______, le 26 juin 2018, qu'il n'avait reçu aucune demande de la Tribune à ce stade. Le 30 juillet 2018, A______ a envoyé le message suivant à E______ : "Tu vas donc répondre que l'on ne commente pas les cas particuliers mais qu'il n'y a rien de spécial à signaler dans ce dossier, ni au niveau de délais, ni au niveau du processus en substance ? Et que pour mémoire on a un turnover des tenanciers de bistrots de l'ordre de 35 % par an à Genève...".

Les 30 juillet également, après avoir tenté de joindre E______ à plusieurs reprises, A______ a écrit à E______ : "Je voulais juste savoir si tu lui avais répondu et si par ailleurs mon cher collègue avait pris des nouvelles via la SABRA depuis notre téléphone...".

Le 21 septembre 2018 entre 21h50 et 22h00, E______ et A______ ont échangé plusieurs messages au sujet de la naissance de la fille de E______.

Déclarations des témoins

ba. E______, entendu en qualité de témoin le 7 septembre 2018, a expliqué qu'il avait reçu les responsables de l'ESCOBAR à la demande de B______, qui lui avait demandé d'accélérer administrativement le traitement de ce dossier, sans préciser s'il intervenait pour quelqu'un d'autre. Il avait reçu ces personnes le 29 septembre 2017 de 15h30 à 16h30, puis la demande avait été déposée, mais il manquait des pièces, lesquelles avaient rapidement été déposées au guichet, de sorte que l'autorisation avait pu être délivrée. S'il n'était pas intervenu auprès de la gestionnaire en charge du dossier, celle-ci n'aurait pas traité cette demande aussi vite. De façon générale, il était usuel de recevoir les administrés pour les assister dans le dépôt de leur demande mais il était exclu de donner suite à leurs demandes d'accélérer le processus, même s'ils devaient assumer des charges, afin de respecter l'égalité de traitement. Il avait mis en place une règle au sein du Service selon laquelle les dossiers étaient traités par dans l'ordre d'arrivée. Une fois le dossier complet, les autorisations étaient délivrées dans un délai allant de 2 semaines en période creuse à 1 mois et demi. Il était donc exact que l'autorisation d'exploiter l'ESCOBAR avait été délivrée dans un délai extrêmement bref. A une autre reprise, A______ était intervenu pour faire accélérer la délivrance d'une autorisation pour un autre établissement.

bb. O______, cheffe du secteur autorisations du PCTN, anciennement SCOM, a déclaré le 4 octobre 2018 qu'elle avait été interpellée par E______ sur le dépôt d'une requête de l'ESCOBAR et qu'elle n'avait, dans un premier temps, rien trouvé. Ensuite, ce dernier lui avait demandé de la faire analyser rapidement par un gestionnaire afin de vérifier si le dossier était complet. Elle avait marqué son opposition à faire passer ce dossier avant d'autres plus anciens et E______ lui avait expliqué qu'il s'agissait de personnes connues de A______, qu'il avait été en contact avec B______ et qu'il s'agissait d'une intervention de A______. Elle avait été à ce moment-là agacée, sans plus. Le dossier était incomplet et l'autorisation n'aurait pas dû être délivrée à ce stade. Elle avait transmis à E______ le courriel du 12 octobre 2017 de la gestionnaire. Elle voulait que ces éléments figurent par écrit car les instructions données par E______ ne correspondaient pas à la procédure et elle ne voulait pas que des reproches soient adressés à la gestionnaire ou à elle-même. Lors de la parution d'un article au sujet de cette affaire, le 31 août 2018, E______ avait réuni les chefs de service et affirmé qu'à son souvenir l'autorisation avait été délivrée régulièrement et qu'il avait fait une copie complète du dossier pour être certain qu'il soit complet pour les autorités. Elle avait alors réalisé que le courriel du 12 octobre 2017 n'y figurait pas et avait attiré l'attention de E______, précisant que cet élément devait y figurer si le Ministère public s'intéressait à ce dossier. Elle lui avait d'ailleurs dit, de même qu'à N______, qu'elle en parlerait si elle devait être entendue. Elle lui avait également expliqué que le dossier n'avait jamais été complété par l'ESCOBAR.

bc. P______, gestionnaire en charge de la deuxième requête déposée, a expliqué le même jour que O______ lui avait confié l'instruction de ce dossier en lui expliquant qu'il venait de la direction, du magistrat. Le dossier était incomplet, au point où normalement elle aurait dû le renvoyer pour complément et elle en avait informé sa supérieure.

Celle-ci lui avait dit de mettre par écrit ce qui manquait puis elle lui avait renvoyé son courriel du 12 octobre 2017 avec les réponses de E______. Ce dernier devait savoir que l'autorisation n'était pas conforme puisqu'il avait personnellement donné les réponses en question. L'autorisation n'étant pas conforme, elle avait informé sa supérieure qu'elle refusait de la signer et c'était E______ qui avait signé l'autorisation en format WORD. Cette dernière ne pouvait pas être générée automatiquement via le système SICAP car elle avait été délivrée avant que le paiement de l'émolument soit inscrit dans le système, la preuve du paiement ayant été apportée par le requérant. Elle avait été dégoutée que quelqu'un au-dessus des lois, soit A______, puisse obtenir ce qu'il voulait.

L'autorisation avait été délivrée à très bref délai. En général, lorsqu'un dossier était parfaitement complet dès le dépôt de la demande, il fallait au minimum un mois pour délivrer l'autorisation. Elle en avait discuté avec E______, lorsque l'affaire était sortie dans la presse et lui avait rappelé que c'était lui qui était intervenu et qui avait signé une autorisation non-conforme, ce dont il ne semblait pas se souvenir.

bda. Entendu à nouveau en qualité de témoin le 4 octobre 2018, E______ a d'abord persisté à affirmer qu'il s'était borné à faire accélérer la délivrance d'une autorisation conforme au droit. La directrice générale N______ l'avait informé qu'elle allait transmettre au Ministère public un courriel dont il ressortait que deux pièces manquaient au dossier. Il lui avait répondu qu'il était d'accord avec cette transmission et qu'il se souvenait de ce courriel. Il savait qu'il ne figurait pas au dossier car il en avait été enlevé. Cela avait eu lieu avant la première perquisition du Ministère public. Le dossier faisait l'objet d'attention de la part des médias et s'il venait à être consulté, il ne voulait pas que ce courriel apparaisse. A______ avait tenté de le joindre à plusieurs reprises juste après la première perquisition du Ministère public au PCTN mais il avait refusé de prendre ses appels. A______ avait ensuite tenté de le joindre à son domicile le soir et il s'en était ouvert auprès de N______ dans le but que A______ cesse de tenter de le joindre. Il lui semblait d'ailleurs que A______ avait été invité à s'abstenir de le contacter.

bdb. Confronté aux déclarations de ses deux subordonnées, E______ a admis que l'autorisation avait été délivrée alors que le dossier était incomplet, raison pour laquelle il avait lui-même signé l'autorisation WORD. Il savait, à l'époque des faits, que pour la gestionnaire, les pièces manquantes étaient importantes et cette dernière avait parfaitement fait son travail lorsqu'elle avait noté qu'il était impossible de délivrer l'autorisation d'exploitation sans l'autorisation de conformité et sans le préavis du SABRA. A ce moment-là, il avait déjà reçu l'appel de B______ qui lui demandait, d'une part, de recevoir D______ et, d'autre part, de traiter le dossier de manière rapide. Il avait dû avoir un nouveau contact avec B______, sans pouvoir préciser lequel avait appelé l'autre. Il ne pouvait restituer le contenu détaillé de cet entretien mais il était certain qu'il n'aurait pas lui-même pris la décision de faire délivrer l'autorisation en l'absence de documents requis.

Si la cheffe de service avait mentionné que les réponses qu'il lui avait données intervenaient "après discussion avec A______", cela s'expliquait par le fait qu'il indiquait dans ces cas que l'instruction venait "du magistrat", sans mentionner qu'il s'agissait en fait de son chef de cabinet, dont les collaborateurs ignoraient tout. E______ a précisé qu'il n'aurait pas accédé à n'importe quelle requête de l'autorité politique, notamment si le requérant avait un casier judiciaire chargé ou ne disposait pas du diplôme requis.

bdc. B______ lui avait demandé de recevoir les requérants qui avaient un rôle économique. Il n'avait alors pas compris que B______ était un ami de D______. Il l'avait compris lorsqu'il avait reçu ce dernier, D______ ayant commencé par lui dire qu'ils avaient des amis en commun, à savoir A______ et B______. D______ l'avait d'ailleurs invité à manger à l'ESCOBAR, ce qu'il n'avait évidemment pas fait. Il avait d'ailleurs indiqué à B______ que si l'anniversaire de A______ avait lieu à l'ESCOBAR, il n'y mettrait pas les pieds. A la fin de son audition, manifestement ému, E______ a ajouté qu'il en voulait à A______ et à B______ et qu'il espérait qu'à un moment donné, ils assumeraient.

be. N______, directrice de l'OCIRT et supérieure hiérarchique direct de E______, a déclaré qu'elle avait entendu parler pour la première fois de l'ESCOBAR en 2018 lorsque E______ lui avait indiqué qu'il y avait un projet d'organiser l'anniversaire de A______ dans cet établissement, ce qu'il lui avait vivement déconseillé car ce dernier était en infraction suite à des plaintes en lien avec les animations musicales organisées et qui avaient généré du bruit. Fin juillet 2018, la presse s'était intéressée à l'ESCOBAR et E______ l'avait informée que la demande d'autorisation avait été déposée et renvoyée car le dossier était incomplet, mais que l'autorisation avait ensuite été très rapidement délivrée suite à des interventions de B______. A ce moment-là, E______ n'avait pas indiqué que le dossier aurait été incomplet au moment de l'octroi de l'autorisation. Fin août 2018, suite à des nouvelles demandes médiatiques, E______ avait examiné le dossier, avant de lui expliquer qu'il avait délivré l'autorisation, sur demande de B______, alors que le dossier était incomplet.

Ultérieurement, alors que le Conseil d'Etat s'intéressait au dossier de l'ESCOBAR, début octobre 2018, E______ étant en congé paternité, elle avait contacté la cheffe du secteur autorisations. Celle-ci lui avait révélé que la délivrance de l'autorisation avait eu lieu avec un dossier incomplet et avait fait l'objet d'un courriel, qu'elle lui avait remis. Après discussion avec V______ et son chargé de communications, il avait été décidé de contacter E______ et de lui demander si ce courriel figurait dans le dossier. E______ avait admis qu'il n'y était pas mais qu'il se souvenait de ce courriel.

S'agissant d'un courriel interne, il n'avait pas à figurer dans le dossier en cas de consultation par une partie, au sens de la procédure administrative, mais il devait y être si le dossier était destiné au Ministère public. Il avait alors été décidé de l'adresser au Ministère public.

A______ l'avait appelée par WhatsApp le jour de la première perquisition du Ministère public. Informé, V______ lui avait conseillé de s'abstenir de tout contact direct avec A______ en lien avec ce dossier. A______ avait ensuite affirmé que son appel était sans lien avec cette affaire. Il pouvait arriver que, sur intervention de la hiérarchie, la délivrance d'une autorisation soit accélérée et, à l'époque, lorsque le magistrat donnait un ordre, les chefs de secteur exécutaient sans remonter obligatoirement à leur hiérarchie. Il ne s'agissait pas d'un comportement propre à tous les magistrats du Conseil d'Etat, mais un comportement de A______, soit directement, soit par son chef de cabinet, consistant à intervenir directement chez les chefs de secteur sur un certain nombre de dossiers.

bf. L______ a déclaré que D______, K______ et lui-même étaient les associés de l'ESCOBAR, G______, le beau-frère de K______, n'étant qu'un prête-nom. Il avait déposé un dossier au SCOM qui avait été refusé, puis D______ était intervenu auprès de B______ et il avait été mis en contact avec E______, avec lequel D______ et lui-même avaient eu un rendez-vous. A cette occasion, E______ n'était pas très à l'aise et leur avait dit qu'il les tiendrait au courant de la suite, tandis que D______ était très sûr de lui. Ils avaient ensuite reçu très rapidement l'autorisation d'exploiter. Il y avait eu un repas à l'ESCOBAR avant l'anniversaire de A______, le but étant pour D______ de confirmer que le bar était bien. Ce dernier était intervenu pour accélérer l'ouverture du bar car il voulait s'assurer qu'il soit ouvert pour l'anniversaire de A______, voulant marquer le coup à cette occasion et pensant que ce serait du marketing pour le bar. L'intéressé avait prévu de prendre entièrement en charge les frais.

bg. I______, fils de D______, avait aidé son père dans la gestion comptable du bar, à son ouverture, car son père était à l'origine de l'initiative de créer ce bar. G______était le gérant officiel, mais c'était K______ qui assurait la gestion du bar. Ensuite, le bar avait fermé, car Messieurs GB______ et GC______, les nouveaux exploitants, n'avaient pas obtenu l'autorisation d'exploiter.

bh. Selon M______, employée de la société X______ et amie proche de D______, l'immeuble dans lequel se trouvait l'ESCOBAR appartenait au groupe X______.

bi. K______ a indiqué qu'il était un proche de L______, lequel travaillait pour les sociétés W______ et X______ et l'avait mis en contact avec D______. Ils étaient tous trois associés pour l'ESCOBAR, à raison de 20% pour L______ et lui-même et 60% pour D______.

G______, son beau-frère, n'était qu'un prête-nom pour le bail. L______ lui avait dit que les relations présentes au repas organisé à l'ESCOBAR permettraient son ouverture plus rapidement. Lorsqu'ils avaient reçu l'autorisation d'exploiter en une semaine seulement, L______ lui avait dit que cela était impossible d'ordinaire, précisant que D______ avait fait jouer ses relations, à savoir B______.

Déclarations des prévenus

ca. E______ a confirmé avoir reçu pour instruction de B______ de recevoir D______ et d'accélérer la procédure. S'il avait délivré l'autorisation pour un dossier incomplet, c'était nécessairement sur instruction de B______ car il ne l'aurait jamais fait de son propre chef. Ce dernier lui avait donc donné son "go" lors d'une seconde conversation téléphonique. Il était formel sur l'existence de cette instruction. Il ne s'agissait pas de pièces "bloquantes" et celles-ci devaient arriver la semaine suivante, mais tel n'avait finalement pas été le cas. Pour lui, il s'agissait d'un ordre politique, même s'il ignorait s'il venait de A______ car B______ avait une position plus politique dans le département, de par sa fonction, et que ce dernier avait laissé entendre que l'animateur de l'ESCOBAR était quelqu'un d'important pour l'économie genevoise. S'il avait mentionné à sa collaboratrice agir "sur ordre du magistrat", c'était au motif qu'elle ignorait qui était B______. Pour lui, ce dernier, était la voix du magistrat. Il contestait toute faute car il avait obéi aux ordres.

cb. B______ a, dans un premier temps, déclaré qu'il avait uniquement informé E______ que les gérants de l'ESCOBAR allaient le contacter pour déposer une demande d'autorisation. Il s'était ainsi contenté de les mettre en contact. Confronté à E______, il n'a pas exclu lui avoir demandé d'accélérer le traitement de la demande, dans la mesure où D______ lui avait dit que le dossier avait été retourné. En tous les cas, si lui-même ne se souvenait pas avoir demandé d'accélérer le dossier, E______ avait compris son appel ainsi. Il aurait agi de la sorte avec toute autre personne lui demandant ce "service", en la mettant en contact avec E______. Il ne se souvenait pas s'il en avait parlé à A______. Il a par contre exclu avoir donné pour instruction à E______ de délivrer l'autorisation pour un dossier incomplet. Il découvrait l'échange de courriel du 12 octobre 2017 en cours de procédure. Ultérieurement, il a admis avoir demandé à E______ de traiter ce dossier en priorité, sachant que le propriétaire, soit dans sa compréhension D______, encourait des frais. Il a maintenu qu'il ignorait que l'autorisation avait été délivrée pour un dossier incomplet. En dernier lieu, B______ a affirmé ne pas se souvenir de la seconde conversation évoquée par E______, mais que si elle avait eu lieu, il aurait pu donner son "go", dès lors qu'il était pragmatique et que les pièces manquantes auraient dû arriver la semaine suivante.

cd. A______ a indiqué qu'il n'avait aucun souvenir que B______ lui ait parlé de ce dossier, respectivement de l'intervention de ce dernier. Cela étant, celle-ci ne lui semblait pas problématique, ayant lui-même adressé de nombreuses demandes de personnes visant à accélérer les procédures, au directeur du SCOM, sans toutefois lui donner d'instruction. Par contre, il ignorait que l'autorisation avait été délivrée pour un dossier incomplet et il n'aurait jamais demandé à ses services d'agir ainsi. Il ne se souvenait plus à quelle période il avait entendu parler de l'ESCOBAR pour la première fois, mais se souvenait s'y être rendu en octobre 2017. Lorsque les journalistes s'étaient intéressés au dossier de l'ESCOBAR, il avait appelé E______ pour se renseigner sur la situation et ce dernier lui avait dit que l'autorisation avait été délivrée dans le délai ordinaire. Il n'avait par ailleurs jamais donné d'instruction à ce dernier sur ce qu'il devait répondre aux journalistes. Son message du 30 juillet 2018 n'était pas une instruction mais restituait ce que E______ lui avait dit et il voulait s'assurer que c'était bien ce que ce dernier répondrait.

ce. D______ a expliqué que l'immeuble appartenait au groupe X______ et qu'il était question que L______ s'occupe du bar. Ce dernier tentait d'obtenir l'autorisation d'exploiter et cela piétinait, raison pour laquelle il avait contacté B______ qui l'avait mis en contact avec E______. Ce dernier l'avait reçu ainsi que L______. Il lui avait dit venir de la part de B______ et il était possible qu'il ait précisé être un ami de A______, admettant que "normalement, cela peut aider". Il ne s'était pas contenté d'appeler le service car "c'est plus simple quand vous connaissez quelqu'un". Au moins, ils avaient pu organiser le dossier. Il était possible qu'il ait rappelé B______ pour lui relater la suite donnée à sa demande. Après un ou deux mois, L______ avait renoncé à s'occuper de ce bar et GB______ et un associé l'avaient repris en gérance.

IV. Secret de fonction

Les messages suivants ont été adressés par B______ à D______:

- Le 27 février 2017 : "J'ai eu une réponse de l'OCPM. Ils sont en attente de la décision fédérale. Ils ont relancé le SEM pour savoir ce qui bloque. Je te tiens au courant dès que j'ai des news, (pour le patron de l'arbalète)".

B______ a déclaré qu'il n'y avait rien de choquant d'adresser un tel message, car il ne contenait pas des informations confidentielles et de plus, HB______, le patron de l'HC______ lui en avait parlé en présence de D______. Si HB______ avait appelé l'OCPM, il aurait obtenu l'information.

- Le 28 février 2017 : "L'OCPM m'a informé que l'autorisation fédérale est arrivée pour la compagne de HB______. Ils vont maintenant prioriser le dossier à leur niveau".

B______ a déclaré qu'il transmettait uniquement à D______ un point de situation et qu'il n'avait nullement influencé le traitement de la demande. Il imaginait s'être renseigné auprès de l'OCPM suite à une discussion avec HB______, lors de laquelle il avait dû lui dire qu'il communiquerait les informations à D______ car il n'avait pas les coordonnées de José. Peut-être que D______ agissait comme intermédiaire pour HB______.

Il ressort des documents saisis à l'OCPM que HA______ a obtenu le renouvellement de son autorisation d'établissement le 5 octobre 2017. Aucun document concernant une demande de naturalisation de cette dernière n'a été produit par l'OCPM.

- Le 17 mai 2017 : "Je t'ai envoyé le mail de GA______. FA______ ne peut pas répondre autrement", avant d'ajouter :"La façon dont c'est écrit on dirait que tu demandes à M. FA______ de contourner la décision du chef de AB______".

B______ a déclaré qu'il ne se souvenait pas de quel dossier il s'agissait, ni s'il avait demandé l'autorisation à GA______ pour transférer son courriel à D______. Interrogé sur la teneur du message suivant envoyé la veille à D______ : "Elle ne peut pas avoir de visa. Elle doit rester à l'étranger pour attendre la réponse, parce qu'elle est entrée avec un visa de tourisme. Sorry, on a pas de marge de manoeuvre.", il a indiqué que cela signifiait que la loi ne prévoyait pas de marge de manoeuvre et qu'il fallait appliquer la loi.

- Le 13 septembre 2017 : "Habibi. Le service du commerce ne trouve rien pour l'Escobar. Est-ce que tu peux me donner l'adresse exacte et le nom de l'exploitant ? Vous avez bien déposé le dossier ?".

B______ a déclaré que ce message faisait suite au dépôt de la demande d'autorisation pour l'ESCOBAR. D______ lui avait indiqué que ladite demande avait été frappée d'un refus et lui avait demandé s'il pouvait être reçu par le service du commerce. Il a contesté qu'il se soit agi d'une violation du secret de fonction.

V. Autres éléments

a. Coopération policière et visites par les membres de la famille royale

aaa. Un projet de collaboration entre la police genevoise et la police d'Abu Dhabi a été élaboré en 2013 par la police genevoise, avec divers modules de formation, notamment en sciences forensiques. Il n'a pas été mis à exécution.

A partir du 26 mai 2015, les échanges à propos d'une éventuelle coopération policière entre Genève et Abu Dhabi ont repris, le major JA______ de la police d'Abu Dhabi ayant contacté le Département de la sécurité et de l'économie à cette fin, faisant suite à la rencontre de A______ avec le Sheikh BAL______.

Parallèlement, des échanges ont été initiés entre le Département et le Lieutenant-Colonel JB______, attaché de défense à l'ambassade de Suisse à Abu Dhabi. Par la suite, le capitaine JC______ a été désigné pour poursuivre ces échanges. Le 9 septembre 2015, JC______ a indiqué à A______ que la coopération semblait difficile pour plusieurs raisons, notamment le fait que le grade de Major de sa correspondante sur place était insuffisant et qu'aux EAU, le fait de se déplacer fonctionnait mieux que les courriels. Il a également fait état d'un risque de "no show" de la part des émiratis en cas d'offre de visite à Genève. Le 11 septembre 2015, JC______ a envoyé un message au Lieutenant-Colonel JB___, l'informant de ce que le dossier était mis en attente par A______, lequel "aura sans aucun doute l'occasion d'y revenir lors de sa visite en novembre aux EAU avec son homologue qu'il rencontrera sans aucun doute à cette occasion". En octobre 2015, les échanges de courriels ont repris à propos de cette coopération. Les interlocuteurs du côté suisse étant très réticents à une visite de la police Emiratie dans les prisons suisses, ils ont essayé de proposer le déplacement d'une petite délégation suisse aux EAU en novembre 2015. Fin novembre 2015, un "Memorandum of Understanding" a été établi par JC______ et envoyé à la représentante de la police d'Abu Dhabi.

En janvier 2016, les échanges entre JC______ et une représentante de la police d'Abu Dhabi ont repris, concernant une invitation de A______ à un sommet en février 2016 à Dubaï, que ce dernier a déclinée. En février 2016, la Cheffe de la Police, JD______, a transmis la prise de position de l'Etat-Major de la police judiciaire au sujet d'une collaboration avec la police d'Abu Dhabi dans le domaine forensique, faisant suite à la demande d'entraide de la Police d'Abu Dhabi du 9 février 2016 pour l'implémentation de divers cours de formation en police scientifique. En juin 2016, A______ a adressé un courrier au Sheikh CAL______, vice-président du conseil exécutif d'Abu Dhabi concernant la coopération entre les deux états et son expansion au secteur financier, auquel le Sheikh a répondu en septembre 2016, celui-ci se réjouissant de recevoir des experts suisses afin qu'ils rencontrent leurs homologues de la police d'Abu Dhabi et se montrant favorable à une collaboration en matière financière. Le 11 octobre 2016, la police d'Abu Dhabi a adressé un courrier à l'ambassade suisse aux EAU pour la mise en place de cours de formation par une délégation suisse sur place. Demeuré sans réponse, ce courrier a fait l'objet d'une relance en septembre 2017. Le projet n'a finalement pas été concrétisé.

aab. Il ressort de l'extraction du fichier nommé "Visites et événements prévus" que les membres de la famille AL___ se sont rendus à 51 reprises à Genève entre le 23 juin 2014 et le 31 août 2018. Il s'agissait de visites privées lors desquelles les membres de la couronne transitaient par l'aéroport de Genève.

ab. JC______ a indiqué qu'il était en mission auprès du Département de la sécurité et de l'économie de janvier à décembre 2015. Au retour de A______ de son voyage à Abu Dhabi de novembre 2015, ce dernier lui avait demandé s'il était possible de mettre en place une coopération policière.

Il avait pris des contacts sur place, à la demande de A______, notamment avec JB______. Il avait compris que les autorités d'Abu Dhabi souhaitaient une coopération dans les deux sens et voulaient de leur côté fournir leur expertise, notamment en matière de radicalisation en prison. Ces dernières lui avaient fourni une liste de modules à cet effet. Cela l'avait choqué, vu la médiatisation de la problématique des prisons secrètes dans cette région. Par ailleurs, s'il était toujours intéressant d'échanger au niveau international, il avait toutefois considéré que la police genevoise avait davantage d'expertise à transmettre à la police d'Abu Dhabi que le contraire. Il n'avait pas eu l'occasion de développer ce sujet avec A______ et n'avait pas non plus eu de contact avec B______ sur cette coopération policière. Son intervention avait été courte, dès lors que le voyage avait eu lieu en novembre 2015 et qu'il avait quitté le département le 15 décembre 2015. Le voyage de A______ était connu au Département mais il n'avait appris qu'à travers la presse que ce dernier était parti en famille et avec son chef de cabinet. A son départ du Département, il avait transféré ses contacts et ses emails à B______.

ac. A______ a indiqué que, suite au voyage de la délégation économique en mai 2015, il avait repris les discussions en matière de coopération policière avec l'attaché de défense JB______, grâce à sa rencontre avec le Sheikh BAL______ qu'il avait évoquée avec la police genevoise. Avec l'accord de la commandante de police, il avait désigné le capitaine JC______, tandis que les EAU avaient désigné un colonel. Ces derniers étaient censés échanger et avancer sur cette coopération. En automne 2015, il y avait eu un "Memorandum of Understanding" entre la police des deux états portant sur les échanges d'expertise. En 2016, ils avaient encore examiné les domaines pour lesquels cette coopération pouvait avoir lieu. Cela n'avait finalement pas abouti à quelque chose de concret. Il avait par ailleurs tenté de rétablir le contact avec le Sheikh CAL______ pour évoquer la coopération policière, sans succès.

Il a confirmé les déclarations de JC______ mais a persisté sur le fait qu'il avait discuté avec ce dernier d'une éventuelle coopération policière à partir du mois de juin 2015 déjà, moment où il lui avait fourni un contact. A ce moment-là, il s'était renseigné auprès de la commandante de police sur ce qui existait en matière de coopération policière, raison pour laquelle le projet de 2013 avait resurgi. FEDPOL avait indiqué que les autorités d'Abu Dhabi étaient des coutumiers du "no show", à savoir qu'elles n'étaient pas venues malgré un programme établi, raison pour laquelle JB______ leur avait indiqué ne pas nourrir d'espoir. Par ailleurs, JC______ avait un contact avec un major, ce qui n'était pas suffisant. A son retour d'Abu Dhabi, il avait demandé à ce dernier de "remettre une couche" car il avait vu l'intérêt sur place. Début 2016, un interlocuteur différent d'Abu Dhabi avait pris contact pour la coopération policière, sans référence aux contacts préalables, ce qui était étrange. Il avait alors transmis le tout à JD______. Le but de cette coopération était de resserrer les liens et rassurer les émiratis sur le fait que Genève était redevenue un endroit sûr.

Les échanges de septembre 2016 avec le Sheikh CAL______ faisaient suite à son voyage de novembre 2015 et s'inscrivaient dans la continuité du travail effectué depuis juin 2015, même s'il s'agissait d'un interlocuteur différent. Il n'avait pas rencontré ce dernier avant le voyage à Abu Dhabi.

Son courriel du 17 juin 2015 à D______ lui disant "les contacts et les échanges vont bon train en matière de coopération policière" faisait référence à ce qui précède et s'inscrivait dans le cadre de la préparation du voyage suivant, lequel avait pour but de continuer à resserrer les liens avec les EAU. Il a admis que ce dernier, qui ne faisait pas partie de l'administration, n'avait pas à connaître des éléments relatifs à la coopération policière. Cela étant, D______ concevait son rôle comme une contribution à cet objectif et comme un appui de son action dans ce domaine.

ad. B______ a confirmé que JC______ lui avait transféré les échanges initiés relatifs à la coopération, qu'il avait poursuivis. Il y avait de la latence dans les réponses et la liste des modules avaient tendance à changer d'une version à l'autre. Il avait discuté de ces différents échanges avec A______, lequel voulait développer cette coopération policière, se ralliant aux explications de JC______ selon lesquelles il était toujours intéressant de développer la coopération policière dans une ville internationale comme Genève. Finalement, cela n'avait rien donné de concret, aucune partie n'ayant relancé l'autre. Il se souvenait qu'ils avaient également parlé de coopération dans le secteur financier mais cela n'avait rien donné non plus.

b. Relations

baa. Des messages pour la période du 3 mai 2015 au 13 août 2018 ont été extraits du téléphone de D______ et versés à la procédure.

D______ et A______ échangeaient de très nombreux messages, plusieurs fois par semaine et se rencontraient régulièrement, pour un café, un déjeuner, un apéritif ou un diner. Ils ont en particulier échangé les messages suivants :

- le 3 mai 2015, D______ : "Bonjour A______. J'espère que tu vas bien malgré les intempéries?! L'oncle de C______ est à Genève cet aprem, Aurais-tu une petite ½ heure pour un café? Si oui, à ta disposition pour la rencontre. Bises. D______"", A___ : "Salut D______, merci pour tes messages. Je ne suis pas à Genève aujourd'hui et je rentre plutôt tard ce soir. Demain éventuellement? Amitiés, ______";

- le 5 juin 2015, D______ : "Salut ______, Aurais-tu un slot pour rencontrer l'oncle de C______ ce dimanche en fin d'aprem?";

- le 28 juillet 2015, A______ :"Salut D______, merci encore pour cette amicale soirée d'hier dans le quartuer surchauffé des Pâquis! Amitiés à toute l'équipe, ______";

- le 5 août 2015, D______ : "Salut A______, on est en bonne compagnie. On pense à toi. Donc si t es libre, si t'as un slot, bref un brin de folie, rejoins-nous?";

- le 17 septembre 2015, D______ : "Je dois te parler concernant Abu Dhabi. Calle me ASAP";

- le 22 septembre 2015, D______ : "Bjr A______. On essaie de se voir un ptit ¼ d'heure avec C______? Dis mois quand ça t'arrange. Bises";

- le 23 septembre 2015, D______ : "Si tu es libre après 20h on peut enchaîner pour un petit repas à la coupole; A______ : "Ok pour 20h00 à la coupole. Amitiés";

- le 9 octobre 2015, D______ : "Salut A______, juste pour t'informer que CA______ le frère de C______ fera partie de la délégation de Singapour";

- le 1er avril 2016, D______ : "Bjr A______, le projet de l'ile flottante a atterri sur nos bureaux. J'ai entendu que ce projet te tenait à coeur. L'info est exacte? Si oui, on peut en parler. Amitiés";

- le même jour, A______ : "D______, je dois organiser un repas libanais chez moi mardi soir. Crois-tu que je peux demander à XY______? Il a un service traiteur non?"; AD : "Je m'en occupe";

- le 22 avril 2016, D______, via M______ : "Cher A___, D______aimerait te dire que : je cite : tu vas rencontrer Y______ en Iran. Il est avocat à Genève et fera partie de la délégation. Il fait partie avec moi de l'association Paidos. On attend toujours une réponse du BIE pour le SAS, le programme qui s'occupe des MNA dans lequel Paidos est partie prenante";

- le 20 mai 2016, D______ : "Bjr A______. Do you have time for a quick drink? [...] Je voulais te présenter un libanais";

- le 8 novembre 2016, A______ : "Je viens aux nouvelles pour mon diner libanais vendredi soir. Puis-je prendre contact avec XY______ pour régler les détails?"; D______ : "Tu n'as pas besoin. Tout est en ordre. Tu as assez à faire pour notre Canton et République de Genève. Je t'embrasse".

D______ et B______ échangeaient également de nombreux messages, plusieurs fois par semaine, et se rencontraient régulièrement pour un verre ou un repas. Ils ont en particulier échangé les messages suivants, en sus de ceux qui ont été mis en évidence en lien avec la violation du secret de fonction :

- le 2 décembre 2015, D______ :"Merci pour le VIP", "Salut B______. Tu as une petite demie heure pour faire le point? Jeudi? vendredi dans nos bureaux", B______ :"Hello D______! Tu vas bien? Jeudi à 16h à la cigogne pour une séance de débriefing avec A______?";

- le 11 janvier 2016, B______ : "Encore merci pour la soirée hier";

- le 19 janvier 2016, D______ : "Il paraît que tu t'occupes du voyage en Iran. Nous sommes intéressés Cher Monsieur. Send me please some information about the matter", B______ :"C'est le SPEG qui organise mais je regarde avec eux et je te dis. Encore un voyage inoubliable en perspective", "Je devrais avoir des infos d'ici la fin de la semaine. Il y a une réunion ce soir ou demain";

- le 14 avril 2016, D______ : "Habibi. Je veux pas te souler. Tu penses qu'on peut ouvrir le protocole pour C______ et son papa pour demain? C'est un clin d'oeil pour C______. C'est pour demain vers 10h. Si jamais le papa est un ex-ministre."; B______ : "Je ne pense pas que ce soit possible honnêtement. Je vais voir quand même";

- les 22 et 23 août 2016, D______ : "B______. Je t'envoie ci-après une requête d'une personne que je connais par son compagnon avec qui nous avons à faire d'une manière aléatoire. Je ne veux pas embêter A______ avec ça... Dis-moi ce que tu penses. Txs. ______", suivi du transfert du message d'une dénommée KA______ en relation avec l'exploitation d'un établissement, en réaction au fait que la police du lac et le SCOM veulent tout fermer; B______ : "Hello habibi, je regarde ça demain", "J'ai vu, elle a écrit directement à ______" "Je n'y suis pour rien..."; D______ : "Donc ça s'est débloqué?"; B______ : "Non pas du tout. C'est dans les mains du Scom et si les choses n'ont pas été faites dans les règles elle doit fermer. Dans ces cas-là, il ne faut pas lui écrire directement, il ne peut pas donner une autre réponse. Moi je peux essayer d'arranger les choses en amont, mais lui il tranche tout de suite. Il a trop à faire pour ne pas gérer les petits cas...";

- le 30 septembre 2016, D______ :"Habibi. Tu as des nouvelles pour l'amie de Danna?"; B______ :"Not yet. Je te reviens rapidement";

- le 13 décembre 2016, D______ : "Merci Habibi. Le Village du soir va tenter de régler le problème. On va pas s'affoler, on les laisse faire. Te tiens au courant. A plus", puis le lendemain : "Tout est en ordre Habibi. Nous ne serons pas chassé ce soir".

- le 12 avril 2017, D______ : "Habibi. Tu pourrais dégager 15 mn jeudi 20 le matin pour un café avec Cyril Martinez?"; B______ : "Hello habibi. Sans problème. Il veut savoir le processus de naturalisation c'est ça?";

- le 16 mai 2017, D______: "Habibi. Any news?"; PBL : "Nope. Habibi. Elle ne peut pas voir de visa. Elle doit rester à l'étranger pour attendre la réponse parce qu'elle est entrée avec un visa de tourisme", "Sorry. On a pas de marge de manoeuvre";

- le 17 mai 2017,D______ : "Je suis navré pour les inconvénients causés par cette affaire et la nana est complètement irradié de chez nous";

- le 23 juin 2017, D______ :"Any news pour C______?"; PBL : "______ a eu la séance mardi matin mais on a pas eu le temps de discuter encore", puis le 3 juillet 2017, B______ : "Est-ce que jeudi à 14h pourrait aller à C______ pour discuter avec la DG DERI pour le terrain à cote de l'aéroport?";

- le 22 septembre 2017, D______ : "J'ai besoin de te voir 10 mn avec Z______ notre COO", "Dis-moi quand tu peux plse", "On monte chez toi";

- le 18 octobre 2017, B______ : "C'est un nouveau resto? Est-ce que c'est bloqué ou est-ce qu'il vient de le déposer?"; D______ : "Il vient de déposer. Tjs le meme pb. Ils paient le loyer depuis janvier".

D______ et C______ ont échangé les messages suivants :

- Le 31 janvier 2017, D______ : "C______. Je mange avec A___ ce soir. Tête à tête. Tu as besoin de qlch?"; C______ : "Salues le fort de ma part";

- le 26 juin 2017, D______ : "C______. A______ a organisé une séance avec le dpt de l'économie au sujet de notre demande. Ils sont d'accord de rentrer en matière. Une première séance sera organisée prochainement. Ensuite des séances seront bloquées pour la suite. ______ sera notre référence pour toutes les étapes. Nous recevrons un écrit prochainement"; C______ : "Ok parfait...well done".

bab. Les courriels suivants ressortent également de la procédure :

- le 3 juin 2015, C______ envoie le courriel suivant à D______ et M______ : "Au vu de l'extrait paru ce jour dans la TDG, il semble que A______ veuille un bâtiment pour les aspirants de l'école de police. A creuser avec lui... pourquoi pas un PPP où nous finançons l'ensemble du projet + coût du terrain contre un loyer (raisonnable!)???";

- le 6 juin 2015, D______ a proposé à A______ une rencontre avec l'oncle de C______, qui a eu lieu le 8 juin 2015;

- à une date indéterminée, D______ envoie le courriel suivant à A______ :"Salut ______, il semblerait que l'annonce pour les Vernets se fasse aujourd'hui. Un grand jour pour Genève et peut-être un grand jour aussi pour X______. T'as plus d'infos sur l'heure du communiqué?";

- le 30 juin 2015, alors qu'il demandait à A______ les coordonnées de sa famille pour les billets d'avion à destination d'Abu Dhabi, D______ a ajouté : "Concernant le CA______, C______ avait déjà fait une contre-offre qu'il maintient d'ailleurs; on en parle!";

- le 11 septembre 2014, M______ a envoyé le courriel suivant à C______ : "C______, Je lis dans la presse que A______ va aller en mission économique au Japon fin novembre. Cela m'a rappelé les derniers développements avec lui et surtout sa dernière interpellation lorsque nous l'avons rencontré à la Rentrée des entreprises de la FER D______ et moi. Je me dis que ce serait bien que nous puissions avoir une discussion les 3 à ce sujet afin que nous développions cette relation ou du mois que nous sachions dans quel sens la mener. Je m'en voudrais après le bon relationnel occasionné depuis une année que nous soyons nous-même un peu nébuleux sur la suite à mener. Pour cela, nous devons recevoir tes instructions. Je préfère anticiper cette conversation au cas où nous retombions sur lui comme ça peut tout à fait arriver prochainement".

bac. Il ressort des investigations de la police en mai 2018 auprès de divers services de l'Etat de Genève que les sociétés X______ et W______, D______, C______ et R______ n'ont pas proposé, ni obtenu de contrat avec l'Etat de Genève, ni bénéficié d'attribution de gré à gré.

bb.. A______ a indiqué que, depuis sa rencontre avec D______ en 2011, leur relation s'était intensifiée au cours des années. En 2012-2013, ils se voyaient à raison de deux à trois fois par an puis, récemment, cela était de l'ordre de deux à trois fois par mois. C______ lui avait été présenté par D______. Il savait que l'intéressé était actif dans le domaine de développement immobilier et qu'il avait des projets à Genève mais aussi ailleurs, notamment celui du Pré-du-Stand qui était paru dans la presse. Il n'avait aucun autre lien avec ce dernier.

S'agissant du projet du Pré-du-Stand, C______ avait voulu savoir au printemps 2017, en tant que promoteur, si la promotion économique avait des secteurs économiques intéressés à s'implanter sur un terrain de ce type, expliquant qu'il arrivait souvent que les promoteurs s'adressent à la promotion économique pour savoir si une grosse entreprise était intéressée de s'installer à Genève. En l'occurrence, l'hoirie TA______, propriétaire de la parcelle, avait choisi X______ pour le développer. Il y avait eu une séance par la suite à laquelle il n'avait pas assisté, tandis que C______ y avait pris part, réunissant les représentants de la promotion économique et de l'Université de Genève, qui cherchait à regrouper des instituts interfacultaires. Il n'y avait pas eu d'intérêt par la suite. Le projet avait ensuite évolué et avait été repris par le DALE dans le cadre d'un projet impliquant des échanges de terrains, notamment avec les terrains de l'entraînement du Servette situés à Balexert. C______ s'en occupait toujours. En ce qui concerne l'hôtel CA______, il avait appris par un collègue du PLR que cet établissement était à vendre. Il en avait alors parlé à C______ et possiblement en présence de D______, son objectif étant de conserver des hôtels sur la rive gauche. Il ne savait pas si une offre avait finalement été formulée, mais il ne pensait pas que tel était le cas, sinon ces derniers lui en auraient parlé.

S'agissant de l'invitation de la couronne émiratie, il avait pris cela comme une invitation d'une personnalité parmi d'autres à un événement marketing et une occasion de faire du réseautage de la part des autorités émiraties, comme un exercice de promotion. Il n'avait pas eu l'impression de bénéficier d'un traitement particulier que ce soit à l'aéroport ou durant le séjour, indiquant qu'il y avait eu une erreur avec son nom à l'hôtel et qu'il manquait un lit. Par ailleurs, lors de sa rencontre fortuite avec le prince héritier, il avait dû lui rappeler qui il était, et il n'était pas le seul visiteur du centre de vidéosurveillance. Au moment où il avait compris que l'invitation couvrait également le prix du voyage, il n'en avait pas déduit que les autorités émiraties attendaient quelque chose en retour, comprenant qu'il s'agissait des standards émiratis. C'était plutôt lui qui attendait quelque chose, étant dans une logique de promotion économique et de resserrement des liens. Avec du recul également, il ne pensait pas que quelque chose avait été attendu de lui, n'ayant durant ces dernières années jamais été sollicité directement ou indirectement par la famille royale ou ses représentants.

bc. B______ a indiqué qu'il avait des contacts fréquents avec D______ et il mangeait souvent avec ce dernier et son équipe ou des amis. Il connaissait également sa famille et s'offraient des cadeaux à leurs anniversaires. Il n'avait pas effectué de voyage ensemble hormis celui à Abu Dhabi. C______ était un ami de D______ et il avait beaucoup moins de contacts avec lui. Ces derniers ne l'avaient pas approché en relation avec son activité professionnelle.

Son activité de chef de cabinet n'avait aucun lien avec l'immobilier, si bien qu'il ne se souvenait pas avoir fait l'objet de sollicitations de la part de D______ s'agissant d'avantages ou de renseignements concernant les affaires professionnelles de ce dernier. L'intéressé ne l'interrogeait pas non plus au sujet de projets développés par le département. Quant à C______, il savait que celui-ci possédait un terrain à côté de l'aéroport qu'il souhaitait développer. Comme ce dernier voulait présenter son projet à la DG DERI (anciennement SPEG), il l'avait mis en relation avec ce service, ce qui lui arrivait toutefois souvent de faire, de manière générale, pour différentes personnes. Il ignorait si C______ ou D______ étaient intéressés par un projet en lien avec un bâtiment destiné aux aspirants de la police. Il a encore indiqué qu'il avait bien mandaté W______ pour des travaux dans sa salle de bain mais qu'il n'avait obtenu aucun prix préférentiel. Quant à la demande d'D______ visant à ouvrir le protocole pour C______ et son père, il a admis qu'il n'aurait pas dû répondre "je vais voir".

bd. D______ a indiqué qu'il avait des liens d'amitié depuis 7-8 ans avec A______, qu'il voyait à raison d'une à deux fois par mois. Il avait rencontré B______ par le biais de A______ et ils étaient également devenus amis.

Référence faite aux messages des 13 et 14 décembre 2016, il a expliqué qu'on pouvait en effet dire que cela s'inscrivait dans cadre de l'importance du réseautage pour les affaires, précisant que B______ n'avait rien fait ce jour-là. Il a admis avoir demandé à deux reprises, mais en vain, à B______ s'il était possible d'ouvrir le protocole à l'aéroport pour des clients Saoudiens et pour C______ et son père. Il avait transmis à B______ le message du 22 août 2016 reçu de KA______ car cette amie lui avait demandé de l'aide et il espérait que B______ puisse faire quelque chose mais ce dernier avait répondu par la négative.

Confronté au fait que telle n'était pas la réponse de B______, il a rétorqué qu'en tous les cas, la situation ne s'était pas débloquée. Il avait par ailleurs sollicité A______ pour obtenir des renseignements concernant la procédure de naturalisation de T______, s'agissant de la comptabilisation des années passées en Suisse entrecoupées d'années passées à l'étranger. Les trois hommes s'étaient rencontrés à ce propos et A______ avait obtenu les informations nécessaires auprès de ses services. S'il s'était adressé à A______ et non à un avocat, c'est en raison du fait qu'il était à la tête du département dont dépendait le service des naturalisations. T______ lui avait demandé d'obtenir lesdits renseignements car il avait de la peine à obtenir des réponses. L'intéressé a obtenu la nationalité suisse en 2017.

S'agissant d'un échange de messages des 15 et 16 mai 2017 avec B______ à propos d'un visa, il a expliqué qu'une personne disposant d'un portefeuille de clients de l'Est l'avait contacté pour travailler dans l'immobilier mais elle avait eu un problème de visa. Il avait contacté A______ pour essayer de le résoudre et ce dernier l'avait renvoyé vers B______. A la suite du message en question, B______ l'avait mis en contact avec Y______, délégué à la promotion économique pour cette problématique, mais la situation ne s'était pas résolue.

S'agissant du message de B______ du 27 février 2017 (cf. IV secret de fonction), il a expliqué qu'il avait sollicité B______ s'agissant de la demande de naturalisation de la femme de HB______, le patron de l'HC______. Il a précisé être une sorte d'intermédiaire entre HB______ et B______, ceux-ci sachant qu'il entreprenait ces démarches et leur communiquait la réponse. Il avait par ailleurs aidé HB______ à voter lors des élections cantonales du 15 avril 2018 "pour qu'il ne se trompe pas", tout comme il l'avait fait avec d'autres personnes, car il y avait beaucoup de gens qui ne savaient pas remplir correctement les bulletins de vote. C'est pour cette raison qu'il avait envoyé à A______ des photos de certains bulletins de vote. Il ne l'avait pas fait à la requête de A______, ni s'agissant d'intervenir auprès de personnes pour les aider à voter, ni s'agissant de l'envoi des photos des bulletins de vote.

S'agissant des projets de la société X______, ils avaient discuté avec A______ et C______, éventuellement également avec B______, d'un projet à côté de l'aéroport pour lequel C______ avait eu l'idée de construire un complexe et des bureaux et ils avaient consulté le département de l'économie en passant par B______. C______ et les responsables du département avaient échangé sur ce projet mais il ne se rappelait pas des détails. Leurs contacts étaient par la suite été B______ et l'équipe du département en charge de ce projet. S'agissant du CA______, il se souvenait avoir introduit auprès de A______ l'idée de C______ de racheter cet hôtel. Référence faite au message concernant les Vernets, D______ a expliqué avoir posé cette question à A______ à la demande C______, dès lors que celui-ci participait au projet de développement de la parcelle des Vernets. S'agissant de son message à A______ du 1er avril 2016 à propos de l'île flottante, il s'agissait peut-être d'un projet d'ouvrir un restaurant sur deux étages au milieu de la rade dont une amie lui avait parlé et qu'il avait donc transmis à A______, mais il n'y avait pas eu de suite. Il avait transféré à A______ un email reçu de C______ le 3 juin 2015, sans s'en occuper plus que cela.

Il a encore expliqué que, outre son salaire, il avait des frais de représentation et une voiture de fonction, ces frais de représentation étant de l'ordre de CHF 3'000.- par mois et étaient pris en charge par la société W______. Lorsqu'il dînait ou déjeuner avec A______ ou B______, il payait en espèces et se faisait rembourser par la société W______. Tel avait été le cas pour le repas chez GEORGES BLANC pour 6 personnes, d'un montant de EUR 2'423.-, auquel avaient participés B______, M______, L______, ainsi que deux autres personnes.

Il ne croyait pas que l'Etat d'Abu Dhabi ou l'un des princes attendait quelque chose de A______.

be. C______ a déclaré qu'il voyait A______ et B______ à raison de deux à trois fois par année. Il admirait A______ pour son énergie et sa vision économique ainsi que pour son engagement politique et économique pour le canton de Genève. C'était dans ce contexte qu'il l'avait rencontré.

Il n'était jamais intervenu auprès de A______ sur des éléments en lien avec son activité professionnelle, ni demandé à ce dernier d'intervenir en sa faveur sur un projet quelconque. Il lui avait toutefois parlé du projet Pré-du-Stand lors d'une réunion informelle autour d'un repas en l'informant qu'il achetait un terrain et qu'il souhaitait partager avec lui sa vision. Il s'agissait de la création d'un campus de l'excellence et de l'innovation à Genève, axé sur les sciences. Il avait demandé l'avis de A______, lequel l'avait encouragé à poursuivre. Il avait ensuite pris rendez-vous avec une personne du département de l'économie en compagnie de B______, lors duquel on lui avait proposé d'assister à une réunion avec la promotion économique et les Facultés de sciences afin d'exposer son idée. Il s'était effectivement rendu à cette réunion, tandis que B______ n'avait participé qu'à la première séance. Il était ainsi exact de dire que, pour ce projet, la société X______ avait sollicité directement un entretien avec B______ suite à la réunion avec A______ et qu'ils avaient obtenu les contacts avec le département de l'économie par l'intermédiaire de ces derniers. Il estimait néanmoins n'avoir bénéficié d'aucune faveur en étant reçu par le département ou la promotion économique.

Référence fait au courriel du 3 juin 2015 concernant le projet de construction d'une école de police, il a indiqué que, sachant que l'Etat avait des difficultés pour le financement, il avait proposé un tel partenariat. Il s'agissait d'un modèle qu'ils avaient déjà testé avec succès dans le canton de Berne.

Il en avait d'abord parlé à D______ puis ils en avaient parlé à A______, lequel leur avait indiqué que le financement avait été réglé. Il a expliqué que c'était D______ qui était l'interlocuteur de A______ et que ces derniers étaient amis. Pour sa part, il ne s'agissait pas d'un lien qui lui était utile, étant relevé qu'il ne lui pas non plus inutile, dès lors qu'il était toujours gratifiant de connaître un Conseiller d'Etat. S'agissant du terrain de la caserne des Vernets, il avait fait une offre avec le groupe IMPLENIA, laquelle n'avait toutefois pas été retenue par l'Etat, leur offre s'étant retrouvée en deuxième place. Confronté aux déclarations d'D______ selon lesquelles celui-ci avait adressé un courriel à A______ à sa demande, il a indiqué que cela ne lui évoquait rien. S'agissant de l'hôtel CA______, il avait fait une offre pour acheter cet établissement avec un consortium d'investisseurs. Toutefois, cela ne s'était pas concrétisé, dès lors que XY______ avait refusé son offre. Il ignorait la raison pour laquelle D______ avait envoyé un email à A______ pour l'informer qu'il maintenait sa contre-offre. Il n'avait pas profité de la relation amicale entre ces derniers, ni de celle entre D______ et B______ pour la stratégie de la société X______, indiquant qu'ils avaient davantage d'interactions avec le département de l'urbanisme plutôt que celui de l'économie.

A sa connaissance, l'Etat d'Abu Dhabi n'attendait rien de A______ et il ne voyait pas bien ce qu'ils auraient pu lui demander. Ce n'était pas non plus le cas de l'un des princes, de Q______ et R______ ou encore de ZA______.

c. Faits classés par le Ministère public par ordonnance de classement partiel du 3 novembre 2020

ca. Soirée d'anniversaire du 3 mars 2018

caa. L'anniversaire des 40 ans de A______ a eu lieu le 3 mars 2018 à l'ESCOBAR.

Une facture de l'ESCOBAR de CHF 4'000.- datée du 19 mars 2018 a été payée par la société W______ le 26 mars 2018 et portée au compte courant d'D______ pour l'année 2018.

Par message du 15 juin 2018 à 08h11, A______ a écrit à D______ "tu arrives à me passer cette fichue facture", ce à quoi D______ a répondu "tu as demandé des rectifs à Vincent, je te l'envoie dans quelques minutes". Le même jour à 11h14, I______ a écrit à son père "Il m'a dit t'as fait la facture, je lui ai dit oui. Il a dit top. Il m'a dit, j'au pas encore parlé à XZ______".

Une facture de CHF 2'080.- (soit CHF 40.- par personne pour 52 invités) datée du 4 mai 2018 au nom du Pub l'HC______, établie par I______, a été adressée fin juin 2018 à TD______ et a été payée à une date indéterminée.

cab. Il ressort en substance des déclarations des prévenus concernés et des témoins entendus que TD______ et B______ avaient voulu organiser l'anniversaire des 40 ans de A______, en lui faisant une surprise. A l'occasion d'une réunion entre TD______, D______, B______ et XW______, pour organiser cette soirée, D______ avait proposé l'ESCOBAR.

A______ a indiqué qu'il avait été convenu avec sa femme de payer cette fête. Lors de la soirée, il avait compris que l'ESCOBAR avait été privatisé et mis gracieusement à disposition par D______, qui se présentait comme représentant du propriétaire des lieux. En mai 2018, n'ayant toujours pas reçu de facture, il avait insisté auprès d'D______ pour la recevoir. Ils avaient finalement reçu une facture à hauteur d'environ CHF 2'000.- en juin 2018, émise par l'HC______, ce qui était peu attendu. Il ignorait qu'une facture de CHF 4'000.- avait été payée par W______ et que D______ avait payé tous les frais de la soirée.

D______ a, dans un premier temps, prétendu qu'il y avait un panier durant la soirée permettant à chacun de participer aux frais de la soirée, une sorte de cagnotte, et qu'il avait lui-même versé une somme à titre personnel. Il a ensuite admis avoir payé la totalité de la soirée, soit CHF 4'000.- à GB______, via son compte personnel W______. TD___ et A______ ayant insisté pour payer la soirée, ils avaient finalement reçu fin juin 2018 une facture de l'HC______, dans la mesure où l'ESCOBAR n'existait alors plus. Le solde du coût de la soirée était resté à sa charge. Il voulait faire plaisir à A______, qui était son ami, et aurait voulu payer la totalité des coûts, précisant : "Je l'ai fait, car j'étais content d'avoir ______ comme ami, en ce sens que j'étais content d'avoir un Conseiller d'Etat comme ami. Dans le milieu des affaires, il est important de réseauter, c'est notre gagne-pain quotidien. Cela permet d'arranger les situations. Lorsqu'on a un problème au travail, c'est toujours plus facile lorsqu'on connaît quelqu'un de compétent et qu'on a besoin d'une information". Référence faite au SMS reçu de A______ le 22 juin 2018: "elle n'a donc pas les pièces...il faut que ton italien tienne...", l'italien cité était vraisemblablement le précédent exploitant de l'ESCOBAR (i.e GB______), A______ demandant à ce qu'il intervienne auprès de ce dernier afin qu'il ne parle pas à la presse de l'anniversaire en question.

C______ a déclaré avoir constaté qu'D______ avait payé une facture de CHF 4'000.- par W______ et avoir porté cette dépense sur son compte courant administrateur, estimant qu'il s'agissait d'une affaire privée que ce dernier devait supporter lui-même.

Selon L______, D______ voulait payer cette soirée pour "marquer le coup" et faire du marketing pour l'ESCOBAR.

cac. Le Ministère public a retenu que le couple A______ avait toujours voulu prendre à leur charge les frais de la soirée et qu'il avait insisté pour recevoir une facture qui avait été finalement émise et payée. Dès lors qu'il n'existait pas d'intention d'accepter un avantage, il a classé les faits du chef d'acceptation, respectivement d'octroi d'un avantage à l'égard de A______, D______ et C______.

cb. Financement de R______ SA

cba. Le parti radical et le parti libéral ont fusionné au niveau cantonal à Genève en mai 2011. Les Radicaux de la Ville de Genève ont voté leur dissolution le 4 mai 2011 en vue du rapprochement avec les Libéraux et il a été décidé que le solde des avoirs serait versés à l'association le CERCLE FAZY-FAVON. Ce dernier, dont le but est la promotion des valeurs et idéaux du radicalisme et le soutien à l'action politique, a été créé le 30 novembre 2011 et A______ en était le président. Son compte a été alimenté d'un crédit initial de CHF 235'000.- le 20 décembre 2011, soit des fonds provenant des radicaux de la Ville de Genève. L'association de soutien à A______ a été créée le 30 mars 2012 dans le but de promouvoir sa candidature au Conseil d'Etat. RB______ en était le président.

cbb. Il ressort de la comptabilité des associations concernées, des relevés postaux et de la comptabilité de R______ SA que celle-ci a versé, le 13 août 2013, un montant de CHF  25'000.- sur le compte postal de l'association CERCLE FAZY-FAVON, ainsi que CHF 30'000.- le 3 mai 2012, CHF 25'000.- le 19 juillet 2013 et CHF 25'000.- le 18 janvier 2018 sur le compte postal de l'ASSOCIATION DE SOUTIEN A A______. RB______a ordonné de retourner le dernier versement au motif qu'il s'agit d'un versement par erreur. Par ailleurs, le groupe R______ a pris à sa charge le coût de l'évènement organisé le 6 mars 2018 pour A______ dans l'un de ses hôtels, à hauteur de CHF 20'890.-, la facture correspondante figurant dans la comptabilité étant intitulée "promotion canton de Genève".

Le compte de l'ASSOCIATION DE SOUTIEN A A______ a été clôturé le 28 février 2018 et le solde de CHF 50'000.- a d'abord été versé, en 5 tranches sur le compte de A______, qui a versé cette somme au PLR.

cbc. Le 2 mai 2012, RA______, directeur général de R______ SA, a ordonné au service de comptabilité le premier versement de CHF 30'000.- à l'ASSOCIATION DE SOUTIEN A A______ en indiquant qu'il a été décidé de soutenir la candidature de A______ au poste de Conseiller d'Etat. Le 19 mai 2012, l'ASSOCIATION DE SOUTIEN A A______ a adressé un courriel de remerciements à R______ SA, concernant le don effectué dans le cadre de la campagne pour l'élection complémentaire au Conseil d'Etat, la contribution permettant à A______ de développer ses outils de campagne et donc ses chances d'élection.

Le 19 juillet 2013, RA______ a ordonné le versement de CHF 25'000.- au service de comptabilité en indiquant qu'il avait été convenu que R______ SA soutiendra à nouveau A______ en vue des élections au Conseil d'Etat. En ce qui concerne le versement du même montant sur le compte de l'association CERCLE FAZY-FAVON, une carte manuscrite signée par A______ indiquant que son collègue accepte le soutien, figure dans la comptabilité à titre de justificatif. Concernant le dernier versement de CHF 25'000.- de R______ SA, RA______ a adressé un courriel le 16 janvier 2018 à Omar DANIAL, président et actionnaire unique du groupe R______, lui suggérant de renouveler le soutien à hauteur de CHF 25'000.-.

Les fonds ont été utilisés pour des dépenses de campagne de A______ mais également, à hauteur de CHF 40'000.-, pour les cotisations de ce dernier au PLR en tant que Conseiller d'Etat.

cbd. Il ressort d'un échange de courriels des 14 et 15 février 2017 entre A______ et RA______ que JE______, chef des opérations à la police, a été interpellé par B______ sur le choix des hôtels lors de rencontres de délégations de l'ONU à Genève. Cela faisait suite à une décision de la police de ne pas placer de délégation au Royal R______ lors des Syrian Talks de 2017, pour des raisons de sécurité, ce qui avait fait réagir le directeur de R______ SA. Ce courriel a été transmis par A______ à RA______, lequel a répondu "Cher ______, Merci infiniment pour ces précieuses informations et pour le mail que je garde confidentiellement". A______ a alors ajouté "Cher RA______, Comme je te l'ai dit jadis, je sais pouvoir compter sur toi en toutes circonstances; la réciproque est vraie, n'hésite pas à me tenir informé si tu penses que je peux t'être utile". Finalement, RA______ a confirmé à A______ que la situation avait évolué et que si les délégations prévues logeraient au centre-ville à l'occasion particulière discutée, il lui avait été confirmé que les services du DFAE et de l'ONU étaient conscients des efforts fournis par le groupe R______ et que, de ce fait, les hébergements gravitant autour des négociations tels que ceux des journalistes se feraient à l'hôtel R______. Ainsi, les choses rentraient dans l'ordre, RA______ ajoutant "je suis très sensible au fait que le souci du groupe R______ d'apporter un soutien permanant à la Genève Internationale ait été reconnue. Je te suis très reconnaissant de ton soutien et de ton intervention qui ont été particulièrement efficaces et je t'en remercie chaleureusement".

cbe. A______ a expliqué que l'affectation des fonds était décidée par les quatre fondateurs de l'association. Les fonds avaient principalement été utilisés pour soutenir leur action politique, en majorité pour ses campagnes électorales. A titre d'exemple, un montant important de l'ordre de CHF 80'000.- avait été utilisé pour la campagne en vue de l'élection partielle du Conseil d'Etat du 17 juin 2012. Des fonds avaient également servi pour la campagne au Conseil Fédéral à partir de mi-juin 2017, pour la création de sites internet pour les campagnes de U______, UA______ et lui-même, de même que pour des factures de fin de campagne ou encore pour la votation sur la loi sur la police et la loi sur la laïcité.

Les deux montants de CHF 25'000.- versés en 2013 sur le compte des deux associations représentaient tant un soutien en sa faveur qu'en faveur de U______ pour l'élection au Conseil d'Etat en 2013. S'agissant du dernier montant de CHF 25'000.- versé en 2018, il avait été retourné car il n'en avait pas besoin et il avait indiqué à RA______ qu'un soutien en nature serait plus utile, à savoir une manifestation sous forme d'apéritif réunissant environ 150 personnes de son cercle politique, qu'il avait eu l'idée de greffer sur son anniversaire. Les CHF 40'000.- versés au PLR étaient des contributions au parti, conformes au but de l'association qui devait soutenir son activité politique. Il n'y avait pas de problème de recevoir pour sa campagne plusieurs dizaine de millier de francs de R______ SA et de RA______, avec lesquels il collaborait sur le plan professionnel, car il s'agissait de soutiens de longue date de son activité politique.

RA______ a déclaré avoir décidé avec RC______ de soutenir A______ pour sa campagne électorale via les versements effectués entre 2013 et 2018, expliquant que, ce dernier souhaitant reprendre le Département de la sécurité, ils avaient vu là une opportunité pour que Genève retrouve son attrait touristique.

cbf. Le Ministère public a retenu que les versements effectués sur le compte de l'ASSOCIATION DE SOUTIEN A A______ avaient majoritairement servi au financement de campagnes électorales ainsi que pour des dépenses privées, à savoir ses versements au PLR. Le montant versé sur le compte du CERCLE FAZY-FAVON avaient permis des dépenses générales comme la création d'un site internet. La soirée du 6 mars 2018 financée par R______ SA était une soirée mixte avec une connotation politique. Ainsi, les versements effectués en 2012 et 2013 n'étaient pas punissables au regard des art. 322quinquies et sexies CP dans leur teneur avant le 1er juillet 2016 qui ne répriment pas les versements à des tiers, notamment à des comités de soutien. Pour le versement effectué en 2018 et le financement de la soirée du 6 mars 2018, le Ministère public a relevé qu'ils avaient profité indirectement à A______ et qu'il s'agissait de financements politiques que le législateur suisse n'avait pas voulu réglementer. Il était notoire que des groupes d'intérêts et des particuliers financent des partis politiques ou des comités de soutien à des fonctions politiques. Le Ministère a par conséquent classé ces faits du chef d'acceptation d'un avantage à l'égard de A______.

C.a. Lors de l'audience de jugement, le conseil de B______ a conclu, à titre préjudiciel, à ce que les faits qualifiés de violation du secret de fonction soient classés. Le conseil de C______ a, sur question préjudicielle, réitéré ses réquisitions de preuves du 23 décembre 2020, soit l'audition de quatre témoins en lien avec les faits qualifiés d'octroi d'un avantage s'agissant du financement du sondage. Le Tribunal a rejeté les questions préjudicielles pour les motifs figurant au procès-verbal. Il a également refusé le dépôt de notes de plaidoiries mais autorisé le dépôt d'arrêts ou d'autres éléments juridiques, tel qu'un avis de droit.

ba. E______ a confirmé ses dernières déclarations.

Il avait obéi à un ordre venant du chef de cabinet du magistrat, soit un ordre politique, relevant que pour avoir été lui-même chef de cabinet, il savait que lorsque le chef de cabinet parlait, c'était le magistrat qui parlait. Il n'avait pas pensé avoir commis un acte illicite en faisant accélérer le dossier de l'ESCOBAR. L'intervention de B______ avait, dans un premier temps, visé à ce qu'il reçoive les requérants de l'autorisation, l'enjeu économique ayant été mis en avant. Lorsque D______ s'était présenté à lui en lui disant qu'ils avaient des amis en commun, il avait compris qu'il s'agissait de B______, vu son intervention, et de A______. Il avait alors compris que D______ souhaitait chercher le lien avec lui. Au constat des deux pièces manquantes, lesquelles pouvaient être déposées la semaine suivante et qui n'étaient pas "bloquantes", il avait appelé B______, lequel l'avait instruit de délivrer l'autorisation. Il savait donc que le dossier n'était pas complet lors de la délivrance de l'autorisation, expliquant que, s'il avait agi de son propre chef, il ne se serait jamais permis de le faire. Les appels de A______ auxquels il avait refusé de répondre ne dataient pas du 21 septembre 2018, mais il confirmait qu'il les avait perçus comme une pression. Il éprouvait beaucoup de difficultés à être renvoyé en jugement en raison de ces faits et la procédure lui avait coûté son poste de travail. Il avait dû se reconstruire et apprendre un nouveau métier. Il avait toujours considéré la politique comme étant éthique et propre. Il n'avait jamais envisagé de mettre un intérêt personnel en avant. Il était déçu d'avoir été instrumentalisé et estimait avoir été trahi.

bb. E______ a déposé des conclusions en indemnisation tendant au paiement de CHF 47'954.51 pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Il a également déposé un bordereau de pièces comprenant un courrier de la Directrice générale de l'OCIRT regrettant son départ et le remerciant pour le travail accompli, ainsi que les rapports d'entretien d'évaluation de ses supérieurs hiérarchiques faisant état d'excellentes performances.

ca. B______ a indiqué qu'il assumait ce qui s'était passé pour les faits en lien avec l'ESCOBAR et s'est dit désolé que E______ se retrouve sur le banc des accusés. Il n'avait aucunement eu l'intention de violer la loi. Il a admis qu'il était intervenu sur ce dossier auprès de E______, avec lequel il avait dû avoir trois contacts téléphoniques, par amitié pour D______ mais il ne s'était pas senti redevable envers celui-ci pour quoi que ce soit. Quand bien-même il n'avait pas le souvenir d'avoir demandé à E______ de prioriser le dossier, il l'admettait, dès lors que ce dernier ne l'aurait pas fait de son propre chef. Il ignorait dans quel ordre les dossiers étaient traités et ne savait pas que le fait de prioriser un dossier était problématique, relevant que si tel avait été le cas, E______ le lui aurait dit. Il ne contestait pas non plus avoir donné son "go" à E______, relevant qu'il s'agissait d'une entreprise qui devait assumer des charges liées au loyer et aux salaires et que les documents manquants devaient arriver la semaine suivante. C'était en référence à cela qu'il avait parlé d'éléments économiques importants et non quant au fait qu'il s'agissait de gens incontournables à Genève du point de vue économique.

Il savait par ailleurs que les pièces manquantes n'étaient pas "bloquantes" et il n'aurait jamais donné son "go" dans le cas contraire. Il n'avait appris qu'au cours de la procédure que lesdites pièces n'étaient jamais arrivées. Il avait agi de façon pragmatique afin d'éviter à un administré d'encourir des frais et le referait avec quiconque, si c'était à refaire, l'administration devant aider les administrés et non les freiner. Il ignorait que la grande majorité des cafetiers encouraient des frais avant d'obtenir l'autorisation d'exploiter.

Il a contesté toute violation du secret de fonction. S'agissant des messages des 27 et 28 février 2017, il a expliqué que, alors qu'il se trouvait à l'HC______ avec D______, le patron de l'établissement HB______ leur avait confié que sa compagne n'avait aucune nouvelle de sa demande de naturalisation. Il lui avait alors suggéré de se renseigner auprès de l'OCPM et il avait contacté GA______ à cette fin, dès lors qu'il s'adressait toujours aux directeurs des offices. N'ayant pas les coordonnées du destinataire de l'information, soit le patron de l'HC______, il l'avait transmise à D______ qui n'était qu'un vecteur. Il ne se souvenait pas s'il avait informé GA______ qu'il transmettrait l'information à un tiers et a concédé qu'D______ n'aurait pas obtenu l'information en la demandant lui-même. En tout état, le patron de l'HC______ et sa femme ne lui avaient jamais reproché d'avoir transmis l'information à D______. Il n'avait pas demandé à HB______ de contacter l'OCPM car il savait qu'il était difficile d'atteindre cet office et cela ne lui coûtait rien de poser la question à GA______, avec lequel il avait des contacts réguliers, étant précisé qu'il n'était pas intervenu pour faire prioriser le dossier. Une telle intervention auprès de GA______ était une pratique usuelle et il a réfuté qu'il se soit agi de copinage. Son idée du service public était d'aider les administrés à chaque fois que cela était possible et non d'aider les copains. Cela étant tout le monde avait un ami à l'OCPM. S'agissant du message du 17 mai 2017, il ignorait ce dont il était question, dès lors que le mail de GA______ mentionné ne figurait pas à la procédure. En ce qui concerne enfin le message du 13 septembre 2017 à D______, il était question de ses premiers contacts avec D______ concernant l'ESCOBAR. Il n'avait aucunement violé son secret de fonction puisqu'il était intervenu à la demande de D______, qui lui avait annoncé qu'il ouvrait un bar. Il pensait ainsi qu'il s'agissait du bar de ce dernier, lequel était donc le destinataire de l'information et qui aurait pu l'obtenir l'information lui-même. Dans aucun de ces cas, il n'était intervenu à la demande de A______.

Il a contesté les faits en lien avec le voyage à Abu Dhabi dont il évaluait le coût à CHF  6'000.- ou 7'000.- maximum, comprenant la version du Grand-Prix juste en dessous de celle dont ils avaient bénéficié. Il avait été invité par A______, en juin 2015, à ce voyage auquel il avait participé à titre privé, quand bien-même c'était la famille royale qui avait financé son voyage, en tant qu'ami de A______, relevant par ailleurs que son nom ne figurait pas sur l'invitation officielle du 25 août 2015. Il avait, dans un premier temps, été en contact avec D______. Il était alors question de payer lui-même son voyage et il avait prévu un budget à cet effet. En octobre 2015, il avait été en contact avec l'organisateur du Grand Prix.

Il avait bien appris, certes tardivement mais avant le départ, que le voyage serait entièrement financé par les autorités d'Abu Dhabi, ce qui ne lui avait toutefois pas posé problème. Malgré le fait que A______ lui ait dit qu'il avait versé CHF 4'000.- aux églises après avoir réalisé le problème lié au financement, il ne s'était pas senti concerné par un tel problème, dès lors qu'il y allait à titre privé. Lorsqu'il avait déclaré devant le Ministère public, lors d'une audience qui s'était déroulée dans des conditions déplorables, que A______ lui avait dit "ça m'emmerde de leur être redevable", cela signifiait qu'il craignait que la presse et le public le pense, relevant que cette discussion avait eu lieu après le voyage. A______ avait également pu lui dire, après le voyage, qu'il avait fait le paiement aux églises. Ils n'avaient en tout état pas évoqué, avant le voyage, la possibilité de renoncer au voyage. A______ ne lui avait par ailleurs jamais dit qu'il se sentait redevable à l'égard de C______ et il ne lui semblait pas que, d'une manière générale, quelque chose ou quelqu'un puisse faire pression sur A______.

Quant à son propre risque d'être influencé, il a relevé qu'aucune de ses tâches n'était susceptible d'être influencée par les émiratis et il n'était en particulier pas en charge de la coopération policière. S'agissant de C______ et D______, il ne pensait pas connaître le premier avant le voyage, tandis qu'il avait côtoyé le deuxième tout au plus à trois reprises, entre 2012 et 2015. Il n'avait pas réfléchi à l'éventuel risque d'être influencé, dès lors qu'il se trouvait dans une période difficile et que cette proposition de voyage était comme une bulle d'air. Ses relations avec D______ s'étaient largement intensifiées après le voyage. Ils s'écrivaient régulièrement et se voyaient une fois par semaine, ce qui n'était pas le cas avec C______. Confronté aux sollicitations de D______, il a indiqué qu'il ne s'agissait pas d'accélérer un dossier ou de débloquer une situation. Le risque que ces sollicitations soient liées à l'octroi d'un avantage était maîtrisé, relevant que celles-ci n'étaient pas en lien avec son cahier de charges et qu'il n'y avait aucune contre-prestation de sa part. Il ne pouvait pas empêcher D______ de le solliciter et il lui répondait par politesse.

S'agissant du sondage, quand bien-même il en avait eu l'idée et qu'il s'était ouvert à D______ du besoin de financement, il n'était pas en charge du financement. Il n'avait pas été question d'utiliser des deniers publics, dès lors que le sondage portait sur la campagne personnelle de A______ et pouvait servir à son parti. Il ne savait pour le surplus pas pourquoi ledit sondage n'avait pas été financé par le parti libéral-radical. Il avait appris durant la procédure que c'était les sociétés de C______ qui avaient financé le sondage, dès lors qu'il n'avait pas accès aux comptes de l'association et que D______ ne lui avait pas répondu à la question de savoir qui avait contribué. En tout état, il réfutait tout risque d'influence, dans la mesure où ce financement s'inscrivait dans le cadre typique d'une campagne électorale, relevant que personne ne s'attendait, parmi les donateurs, que le politicien élu lui soit ensuite redevable.

cb. B______ a déposé des conclusions en indemnisation tendant au paiement de CHF 85'527.55 pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure et de CHF 10'000.- à titre de réparation de son tort moral.

Il a déposé un bordereau de pièces comprenant notamment son cahier des charges, les entretiens d'évaluation effectués par A______ faisant état d'un travail et d'un engagement très satisfaisant, ses certificats de travail ainsi que le courrier du 18 décembre de WV______, président de WVA______ SA, soulignant les compétences, la probité et le sens du respect des règles éthiques et morales de B______ qu'il n'avait jamais vu accepter une invitation à déjeuner lors des événements d'une fondation dans le domaine de l'automobile.

da. A______ a indiqué qu'il avait accepté une invitation officielle qui représentait un honneur pour lui et pour la République et canton de Genève, et qui permettait de resserrer les liens entre le canton et les autorités d'Abu Dhabi. Le Grand Prix d'Abu Dhabi avait d'abord été évoqué avec le ministre en charge de la sécurité lors du voyage de mai 2015. Il en avait ensuite parlé à toute la délégation dont C______ et D______. Plusieurs membres de la délégation lui avaient dit qu'il s'agissait d'une manifestation importante. Dans la mesure où cette manifestation n'avait de sens que si elle passait par une invitation officielle, C______ l'avait informé qu'il avait des connaissances dans l'environnement de la famille royale et qu'il allait tenter d'activer ses contacts, sans garantie. Le contact avec la famille royale avait été établi par l'entremise de D______ et C______ avec l'oncle de celui-ci, Q______, qui avait les contacts directs et qu'il avait rencontré en juin 2015 pour l'organisation du voyage. Les contacts qu'il avait lui-même noués en mai 2015 avaient également joué un rôle mais il a concédé que, sans C______, il ne pensait pas qu'il aurait été invité à ce moment-là. C______ avait également organisé la visite du centre de vidéosurveillance avec le Sheikh CAL______. Hormis cela, rien n'avait été organisé. Quant à B______, il l'avait invité au voyage en tant qu'ami et l'intéressé n'avait participé à aucune rencontre officielle.

Lorsqu'il ne connaissait pas encore les détails du voyage, il avait évalué son coût total pour toute sa famille à CHF 10'000.- avec des vols en classe économique, concédant toutefois qu'il savait que les hôtels de moyenne catégorie n'existaient pas à Abu Dhabi. Lorsqu'il avait appris, le 1er octobre 2015, la prise en charge complète par la famille royale et que l'invitation était un package, il n'avait pas essayé de déterminer le coût de celui-ci. Par ailleurs, l'invitation officielle avait un prix inestimable puisqu'elle lui avait permis de rencontrer le prince héritier. En général, lors d'une invitation officielle, il prenait en charge le déplacement, tandis que le reste faisait partie de celle-ci. Aucune loi ni coutume ne disait quand une invitation officielle était positive pour Genève ou quand la famille pouvait être incluse dans le périmètre de l'officialité. Il était par ailleurs important de développer des contacts informels avec des autorités, expliquant que la poignée de main qu'il avait eue à Abu Dhabi pouvait déboucher sur des perspectives pour Genève et était ainsi inestimable. Le malaise évoqué durant la procédure reposait sur le fait d'emmener sa famille avec lui alors que, petit à petit, ils avaient compris la prépondérance de la part officielle pour accéder au Grand Prix, tandis qu'il avait initialement imaginé une prépondérance privée.

Il lui avait été difficile de conjuguer ces deux dimensions, relevant que d'habitude il payait lui-même les vacances de sa famille mais que, dans le contexte des moeurs locales, il avait compris que c'était bien de venir en famille et qu'il n'était pas question de séparer ces deux dimensions. Il avait envisagé de renoncer au voyage mais, dans la balance des intérêts, il avait considéré que son rôle était de donner une suite favorable à l'invitation et que le contraire aurait envoyé un signal négatif. Postérieurement au voyage, lorsque la presse s'y était intéressée, face à la crainte de l'image vis-à-vis du public, il avait menti en affirmant que le voyage avait un caractère privé. Hormis cela, il n'avait pas éprouvé de malaise vis-à-vis du financement du voyage. Si tel avait été le cas, il ne serait pas parti. Il était vrai qu'il avait indiqué à U______ que le voyage serait financé par ses soins mais cela ne posait pas de problème en soi, dès lors qu'il n'y avait pas d'incidence sur l'argent public.

Il n'avait vu aucun risque d'influence de la part des autorités d'Abu Dhabi, que ce soit avant, pendant ou après le voyage. Les projets de coopération n'avaient jamais abouti et cette coopération poursuivait pour lui l'unique but de trouver un point d'accroche avec les autorités d'Abu Dhabi afin de les rassurer sur la sécurité à Genève. Par ailleurs, durant les années où il était ministre de tutelle de la police, il n'avait jamais été sollicité par les autorités d'Abu Dhabi pour leur protection policière lors de leurs venues à Genève, ce domaine relevant au demeurant de la Confédération. Il ne se souvenait pas avoir dit à B______ "ça m'emmerde de leur être redevable" et excluait l'avoir dit, au vu de l'esprit positif avant le voyage.

Il ne s'était pas non plus senti redevable envers C______ et D______, lesquels n'avaient pas eu d'intervention déterminante, ce dernier n'ayant que transmis un message à C______ et lui avait semblé s'être rajouté après coup sur la liste des participants au voyage. N'étant pas quelqu'un d'influençable, il évacuait facilement ce risque, relevant qu'il n'avait jamais été amené, en sa qualité de Conseiller d'Etat, à prendre des décisions concernant le groupe de C______ dans le domaine de la construction. Le projet de l'école de police avait entièrement été mené par le Département des Finances, tant au niveau de la construction que du financement. Son département n'avait également eu aucun lien fonctionnel avec le projet de la caserne des Vernets ou de l'hôtel CA______. Lorsqu'il recevait des sollicitations comme celle en lien avec la femme "irradiée" concernant son visa, il les transmettait à son chef de cabinet, qui les relayait aux directeurs des services compétents pour avoir des informations. Concernant enfin la séance de juin 2017 avec la DG DERI, il a relevé que celle-ci n'avait pas de compétence de décision et se contentait de mettre en relation les acteurs de la place. Quand bien-même c'était les autorités émiraties qui l'avaient invité, il avait remercié C______ pour les contacts qu'il avait rendus possible et pour Genève. Avant le voyage de mai 2015, ses rencontres avec C______ étaient de l'ordre de deux fois par année, tandis qu'il voyait D______ peut-être une fois par trimestre. A la lecture de diverses interventions de ce dernier auprès de lui, il a indiqué qu'il n'y voyait pas des sollicitations mais des informations, relevant que, dans la majorité des cas, ce dernier "passait les plats".

Le financement du sondage était un financement ordinaire d'une activité politique portant sur un aspect spécifique de sa campagne pour l'élection de 2018. Lorsqu'il avait appris que c'était les sociétés de C______ qui financeraient le sondage, D______ étant le convoyeur de fonds, il s'en était réjoui et avait considéré qu'il s'agissait du soutien de la part de ces derniers à sa politique. A ce moment-là également, il n'y avait pas de risque d'être influencé par l'un ou par l'autre, relevant que, de manière générale, il ne se sentait pas redevable envers les donateurs lors de ses campagnes. Le sondage n'avait pas été financé par le PLR car, à ce moment-là, le parti envisageait d'affecter ses fonds ailleurs et n'avait pas particulièrement d'intérêt sur cette question. Il souhaitait quant à lui vérifier des hypothèses portant sur des thèmes de son département. Il n'avait pas non plus fait un appel de dons aux donateurs habituels de l'ASSOCIATION DE SOUTIEN A A______, dès lors que le donateur unique avait été rapidement trouvé. Ce n'était pas la première fois qu'il utilisait son association pour financer une campagne et il n'était pas inusuel que les donateurs ciblent leur soutien à des personnes plutôt qu'à un parti. Lors de la campagne de 2018, les donateurs n'avaient pas fait de dons pour une activité spécifique, hormis R______ SA qui avait financé un apéritif de lancement de campagne.

De façon générale, il n'était pas un homme influençable.

Avant la clôture des débats, il a encore ajouté qu'en tant qu'homme, il ne reniait pas sa faute, il regrettait et assumait ses responsabilités face à ceux qu'il avait blessé et touché réitérant ses sincères excuses. En tant que conseiller d'Etat, il a confirmé que la parole qu'il a donnée à la population genevoise avait toujours été en direction du service et de l'ouverture au bénéfice de la République et Canton de Genève, depuis qu'il était magistrat, soit 14 ans.

db. A______ a déposé des conclusions en indemnisation intermédiaires tendant au versement de CHF 142'020.83 pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Il a déposé un bordereau de pièces comprenant notamment des articles de presse ainsi qu'un bordereau de jurisprudences.

e. D______ a nié avoir été à l'origine de l'idée du voyage à Abu Dhabi, la discussion initiale ayant eu lieu entre C______ et A______, lors du premier voyage en mai 2015. Lorsqu'il en avait rediscuté un mois plus tard avec C______, c'était la suite logique de ce qui avait été discuté initialement. Il a d'abord indiqué avoir participé à l'organisation du voyage car il était "", avant de soutenir qu'il n'y avait pas pris part, dans la mesure où il n'était qu'un point de transfert des informations entre C______ et A______. D'après lui, le voyage aurait eu lieu également sans ce transfert d'informations, sans être en mesure d'expliquer de quelle manière. Il n'était pas non plus intervenu dans l'organisation de rencontres officielles. Il avait principalement été en contact avec C______ puis, vers la fin, il avait eu un contact direct avec le département des autorités d'Abu Dhabi qui s'occupait de l'organisation du voyage.

Il n'avait en tout état pas agi dans le but de pouvoir influencer A______ et B______ dans l'exercice de leurs fonctions. Lors de ses échanges avec A______ avant le voyage, il était question d'obtenir une invitation par le gouvernement d'Abu Dhabi. Suite à la réception de l'invitation de la couronne et du courriel du 1er octobre 2015 indiquant que tous les frais étaient pris en charge, A______ ne lui avait pas fait état d'un malaise. Il ne savait pas à quel titre B______ avait été associé à ce voyage. Il avait compris que ce voyage était plutôt d'ordre privé pour A______ et B______ et il n'avait pas eu le sentiment d'offrir quelque chose à ces derniers, étant précisé qu'il n'avait jamais connu le coût réel du voyage. Quant au financement du voyage, suite à l'intervention d'un journaliste, A______ avait préféré qu'ils présentent le voyage comme étant privé et ils avaient maintenu cette version devant les procureurs sans qu'il ne comprenne la raison pour laquelle il avait fallu mentir sur la question du financement, ce qu'il ne comprenait toujours pas.

Il n'avait par ailleurs joué aucun rôle dans l'organisation du voyage de mai 2015 mais il avait participé à la délégation afin de promouvoir leurs activités à Genève. Référence faite au courriel de A______ lui transmettant le programme et lui demandant des suggestions et conseils pour accéder aux bonnes personnes, il a indiqué qu'il avait probablement été sollicité afin de le renseigner sur l'environnement local et cela lui avait fait plaisir de pouvoir le faire. Ce voyage avait été fructueux et ils étaient fiers de l'intervention de A______. Le voyage d'Abu Dhabi était une continuité de ce premier voyage, une suite heureuse. Il n'était pas intervenu pour intégrer son ami T______ à la délégation, indiquant qu'il ignorait que seuls certains secteurs de l'économie étaient visés par la délégation.

Entre sa rencontre en 2011 avec A______ et 2015, leurs échanges de messages étaient moins soutenus. Il avait une amitié sincère avec ce dernier, ayant d'abord apprécié l'homme puis le politicien qu'il était, celui-ci étant un excellent ambassadeur pour Genève. Il avait toujours été en admiration devant lui et avait l'impression que A______ le considérait également comme un ami. Il ne lui avait offert que rarement des cadeaux. Quant aux repas, il arrivait à chacun d'eux de payer. Il voyait B______ plus souvent. Les relations d'amitié entre lui-même, A______, B______ et C______ s'étaient solidifiées lors du voyage de mai 2015. Il avait sollicité A______ pour les projets de C______ à titre informatif. En ce qui concerne ses sollicitations à l'égard de B______, il s'agissait soit de lui poser une question, soit de lui demander son avis, intervenant souvent pour des tiers afin de rendre service. Il n'interpellait pas ce dernier pour débloquer la situation de tiers mais pour savoir s'il y avait quelque chose à faire pour le dossier en question. Pour le dossier de l'ESCOBAR, il ne s'était pas non plus agi de débloquer une situation mais de savoir ce qui manquait, dès lors que le dossier trainait depuis des mois. Il n'avait pas dit à E______ qu'ils avaient des amis en commun dans le but que le dossier soit traité spécialement mais c'était sa manière d'être.

Confronté à ses précédentes déclarations, il a concédé que c'était plus simple d'avoir accès à des gens travaillant dans l'administration et qu'il n'avait pas essayé d'obtenir lui-même un rendez-vous au PCTN. S'agissant du tenancier de l'HC______, il a confirmé les déclarations de B______, indiquant avoir fait l'intermédiaire entre ces derniers pour la réponse. Il avait souhaité payer les frais de l'anniversaire de A______ par amitié, réfutant ses déclarations durant la procédure à ce propos, à savoir que c'était pour "réseauter" et que c'était utile d'avoir un Conseiller d'Etat comme ami pour arranger des situations.

L'idée de financer le sondage lui avait plu, cela représentant pour lui une participation à la campagne électorale. Il ne contribuait pas régulièrement aux campagnes électorales ou autres du PLR et il n'avait pas fait de dons à l'ASSOCIATION DE SOUTIEN A A______ avant ce sondage. Cela étant, il n'avait pas financé le sondage par le biais des sociétés de C______ pour influencer l'activité de A______, cas échéant par l'entremise de B______. C______ avait accepté de participer audit financement, même s'il était vrai que ce dernier n'était pas au courant des derniers versements durant l'été 2017. Il avait payé davantage car il avait tout de même une marge de manoeuvre en sa qualité de directeur de la société W______. Il avait également sollicité deux autres entreprises, soit la société U______ qui avait refusé et la société V______ Sàrl qui avait accepté.

fa. C______ a soutenu que le voyage à Abu Dhabi avait un caractère strictement officiel. Selon lui, A______ était en mission. Ce dernier était totalement investi, semblait vouloir nouer des liens avec des personnalités, était fier et honoré et surtout heureux de pouvoir renforcer les liens avec Abu Dhabi et avec les personnalités prépondérantes émiraties. Il a expliqué que lorsqu'il avait appelé son oncle, Q______, afin de lui demander s'il était possible de faire inscrire A______ sur la liste VIP du Grand Prix établie par l'organisme officiel sur place, son oncle, qui n'était pas à la tête dudit organisme, ni un membre de la famille royale, lui avait répondu en juin 2015 qu'il ferait son possible, mais sans aucune garantie. En août 2015, il avait reçu confirmation de la part de son oncle que A______ était inscrit sur la liste. Il avait alors dit à son oncle qu'il serait bien et souhaitable que A______ puisse faire des rencontres officielles. C'est ainsi que la rencontre avec le Sheikh CAL______ avait été organisée. Il s'agissait d'une rencontre entre deux officiels et cela s'inscrivait dans la continuité du voyage de la délégation de mai 2015. Il a admis que, sans son intervention, ce voyage-là, à ce moment-là, n'aurait pas pu avoir lieu. Il n'était en revanche pas intervenu pour y inclure les autres participants au voyage, n'ayant appris qu'ultérieurement, soit en en septembre 2015, lors de l'envoi de l'invitation officielle par la famille royale, que A______ partait accompagné de sa famille, de B______ ainsi que d'D______. A sa connaissance, il était toutefois usuel, surtout dans le cadre sportif et informel, que les invitations soient élargies à la famille. D'après lui, la famille royale détenait la compagnie d'aviation, l'EMIRATES PALACE HOTEL ainsi que le circuit F1 à Abu Dhabi.

A la question de savoir si la participation de D______ au voyage ne lui avait pas fait comprendre qu'il ne s'agissait pas d'un voyage officiel, il a indiqué qu'il n'avait appris que toute à la fin, juste avant le départ, que ce dernier était du voyage, n'étant plus intervenu après avoir obtenu que A______ soit sur la liste VIP. Il n'avait pas le souvenir d'avoir revu ce dernier entre juin 2015 et novembre 2015, sur place. L'intéressé ne semblait pas avoir ressenti un problème lorsqu'il lui avait évoqué la possibilité d'être invité et ne lui avait pas fait part d'un quelconque malaise.

Il n'avait pas organisé ce voyage dans le but de "réseauter", ni de faciliter ses affaires, les contacts de D______ ou ses contacts avec l'administration. Il n'avait sollicité D______ - rarement - qu'en rapport avec des demandes de renseignements. Il ignorait la raison pour laquelle D______ avait adressé des courriels à A______ concernant l'hôtel CA______, supposant que c'était parce que l'hôtel était déjà en vente depuis longtemps, ayant lui-même fait une offre de rachat en 2013. Il n'en avait jamais personnellement parlé avec A______. Quant au courriel concernant l'annonce en lien avec la caserne des Vernets, il lui semblait que D______ voulait simplement obtenir de A______ la teneur de la décision rapidement. S'agissant de son courriel à D______ et M______ à propos de l'école de police, il leur avait demandé s'il était opportun d'en parler à A______ après avoir lu un article de presse lui faisant comprendre que l'Etat de Genève avait de la peine à boucler le financement, afin de proposer une alternative de partenariat public-privé, dans le cadre d'un échange d'idées. Il ne s'était pas adressé au département compétent car D______ avait un contact avec A______. En ce qui concerne enfin le message qu'D______ lui avait envoyé à propos d'une séance avec la DG DERI, il a expliqué qu'il avait soumis une idée de développement à A______ qui l'avait encouragé, en présence de B______, lequel avait suggéré d'organiser une réunion avec le service compétent et s'était adressé audit service à cette fin. Il n'avait pas sollicité lui-même un rendez-vous auprès du service concerné car il s'agissait d'un projet de plusieurs centaines de millions et, vu le rôle du département de A______, B______ leur avait obtenu le premier rendez-vous de départ, estimant n'avoir de ce fait bénéficié d'aucune faveur. Il n'était d'ailleurs pas inhabituel d'avoir des réunions préalables notamment avec des Conseillers d'Etat avant d'entreprendre de grands projets et il avait eu l'occasion, dans ce cadre, de rencontrer V______ ou encore AA______. Il a encore expliqué qu'il n'était pas à l'origine de la sollicitation de D______ auprès de B______ pour ouvrir le protocole mais que l'intéressé avait sûrement voulu rendre service, sachant que son père était malade. Quant aux nombreuses sollicitations de D______ à l'égard de B______ ou de A______, il en ignorait tout.

En ce qui concerne les faits en lien avec le sondage, D______ ne l'avait pas consulté avant de dire à B______ qu'il allait se charger de son financement. Il ne s'était par ailleurs jamais manifesté auprès de A______ pour lui dire que le sondage avait été financé par ses sociétés et ce dernier ne l'avait pas remercié pour ledit financement.

Il n'avait jamais fait de don au PLR ou à l'ASSOCIATION DE SOUTIEN A A______. Il n'avait pas financé ledit sondage - à hauteur de CHF 15'000.- - pour entretenir de bonnes relations avec A______ ou faciliter ses affaires.

fb. C______ a déposé des conclusions en indemnisations tendant au paiement de CHF 149'356.75 pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Il a déposé un bordereau de pièces comprenant un avis de droit du Professeur Andrew GARBARSKI du 16 février 2021, des articles de presse relatifs notamment aux projets de la caserne des Vernets, respectivement à l'extension des affaires de X______, dont la première grosse opération a été un partenariat public-privé à Bienne, le communiqué de presse du DALE du 25 juin 2015 sur le lauréat de l'appel d'offres investisseurs pour le projet de la caserne des Vernets, soit le groupe "Ensemble" et le courrier du DALE à la Société simple "Les Vernets" choisie comme "première repêchable", une offre de collaboration de la fiduciaire du P______ SA en lien avec l'hôtel CA______ ainsi qu'un "fact sheet" relatif audit hôtel, et un un email de X______ à V______ relatif à un projet de clinique à Genthod.

g. Les personnes suivantes ont été entendues en qualité de témoin :

ga. TA______, directeur des systèmes d'information de la Ville de Genève lors des faits, a indiqué qu'il avait connu D______ en 2008, lorsque celui-ci était le chef de cabinet de A______ à la Ville de Genève. Il avait travaillé avec D______ jusqu'en 2012 ou 2013 et ils s'étaient rapidement liés d'amitié. Lorsque ce dernier était directeur du SCOM, il avait pu observer lorsqu'ils déjeunaient ensemble que D______ avait toujours refusé les propositions des restaurateurs qui allaient au-delà du café, par exemple lorsque ceux-ci voulaient lui offrir le repas. E______ était quelqu'un d'intègre et il ne s'était jamais laissé offrir un avantage par un des restaurateurs.

gb. TB______, directeur de l'Office de la détention (OCD), a déclaré avoir connu D______ en 2019 lorsque celui-ci avait été engagé en qualité de directeur stratégique de l'OCD. Le profil riche et varié de ce dernier l'avait intéressé pour la mise en oeuvre du projet de réinsertion. Il avait collaboré directement avec D______, ce dont il ne pouvait que se réjouir. Ce dernier n'avait jamais manqué un jour de travail et il savait qu'il pouvait toujours compter sur lui. A______ était quant à lui son patron. Il était exigeant et soutenant et ils avaient une relation de confiance.

gc. TC______, directeur général du O______ HOTEL à Genève, anciennement Hôtel N______, et président de la société des hôteliers de Genève (SHG) de novembre 2015 à novembre 2020, a indiqué avoir côtoyé A______ depuis près de 10 ans, lors de différentes délégations que celui-ci avait menées avec motivation, envie, passion et intégrité. A______ était un fervent défenseur des intérêts de Genève, qu'il s'était toujours impliqué à faire rayonner à travers le monde.

Les pays du Golfe, notamment les EAU étaient devenus très importants pour l'économie de la région. Depuis 10 ans, ces pays étaient dans le top 5 des nuitées les plus importantes recensées à Genève, en terme de nombre et de dépenses. Il y avait toutefois eu un creux il y une dizaine d'années en raison du problème de sécurité qu'avait connu Genève. Il avait alors fallu redonner confiance aux voyageurs et il y avait un vrai besoin de reconquête de cette clientèle. Répondre favorablement à une invitation au Grand Prix participait à cet objectif de reconquête, tandis que le contraire serait de nature à vexer les hôtes, étant précisé qu'il s'agissait d'un des plus grands rassemblements et de l'honneur du pays, la famille royale invitant des centaines de personnes. Refuser une telle invitation serait ainsi une erreur pour Genève, notamment pour des motifs économiques et politiques.

gd. TD______, épouse de A______, a indiqué que celui-ci était de manière générale très sollicité à Genève, si bien que pour passer des moments avec lui, il fallait quitter Genève. Le voyage à Abu Dhabi était un entre-deux, A______ revêtant également sa casquette d'Homme d'Etat, évoquant que, même lorsqu'ils étaient partis en Corse en amoureux, ils avaient quand même rencontré un Maire sur place, avec lequel A______ s'était lié d'amitié. Pour lui, c'était très important de nouer des contacts qui pourraient être utiles pour Genève. Avant le voyage à Abu Dhabi, son mari n'avait pas évoqué le fait que ce voyage était payé par la famille royale ni que cela lui posait un problème. A______ faisait preuve de retenue à l'égard de sa famille pour les protéger. Hormis cette affaire, A______ avait connu des moments difficiles en 2015, où il avait subi beaucoup de pression, notamment suite à la loi sur la police qu'il avait été seul à porter. Il avait alors dû faire face à des attaques. Lorsque le journaliste l'avait appelé, A______ avait dû se dire qu'il s'agissait encore d'une attaque, qu'il n'avait pas envie d'y répondre et qu'il voulait évacuer. Selon elle, son mari n'était pas à l'aise avec son mensonge. Le plus difficile dans cette affaire était l'image que les journaux donnaient de son mari, image qui ne correspondait pas du tout à ce qu'il était. Dans ce qu'il entreprenait, la motivation de A______ était d'améliorer le quotidien des gens qui l'avaient élu. Dans leur rapport avec l'argent, ils dépensaient ce qu'ils avaient mais ils n'aimaient pas le luxe. Lorsqu'ils en avaient les moyens, il leur arrivait de faire des dons par intermittence.

ge. TE______, directeur de X______ depuis 2015, a indiqué qu'il avait connu D______ et C______ à l'école. Il ne connaissait pas A______ et avait rencontré B______ à une reprise. Il savait que A______ et D______ étaient amis, mais ce dernier n'en parlait pas particulièrement. Il n'avait jamais entendu C______ dire que cette relation amicale offrirait des passe-droits et il n'avait personnellement pas constaté que tel fut le cas. Selon lui, X______ n'avait jamais participé à des appels d'offres publiques. Le projet de la caserne des Vernets avait commencé peu avant ou après son arrivée dans la société et c'était l'entreprise M______ avec un consortium qui avait gagné, tandis que X______ était en deuxième position. L'e-mail du 7 septembre 2016 dont il était l'auteur s'inscrivait dans le plan stratégique et de développement de W______.

La phrase "Vendre bonne relation interface avec entité gouvernementale" n'avait aucun rapport avec A______ et D______ et s'expliquait par le fait qu'ils étaient amenés de façon générale à être en contact avec de nombreuses autorités dans plusieurs cantons.

gf. TF______, administrateur de la régie L______, qui connaît professionnellement C______ depuis une dizaines d'années, a déclaré que ce dernier faisait preuve de sérieux et de professionnalisme. Dans le cadre du projet le projet de la caserne des Vernets ou celui du parc des Crêts à Troinex, sur lesquels ils avaient collaboré, C______ n'avait aucunement évoqué une relation privilégiée avec A______ pour favoriser le projet. S'agissant du premier projet, ils avaient constitué un consortium et ils n'avaient pas été les lauréats du concours. D'une manière générale, il n'avait jamais entendu dire ni constaté que X______ aurait bénéficié de passe-droits de la part de l'Etat de Genève.

gg. TG______, secrétaire général du département de la sécurité et de l'économie (DES) lors des faits, a indiqué qu'il avait eu une d'emblée une impression positive de B______, le décrivant notamment comme étant une personne très intelligente, avec un esprit d'analyse très poussé, polyvalent et sachant faire face à des situations très diverses. Il avait ensuite remarqué que ce dernier était franc et honnête et il avait immédiatement éprouvé un sentiment de confiance, confiance qui n'avait jamais été trahie en cinq ans de collaboration. B______ avait par ailleurs des valeurs et un profond sens du bien public. Les rôles ayant clairement été définis, il n'avait jamais senti d'interférence entre leurs fonctions respectives, malgré le risque qu'elles s'interpénètrent en raison de leur complémentarité. Il n'avait en outre jamais ressenti, ni entendu dire par les directeurs généraux d'offices qu'il aurait fait pression ou tenté de s'ingérer dans les décisions. B______ n'avait par ailleurs jamais accepté de cadeaux inadéquats, relevant que cette affaire contredisait totalement l'image et la connaissance qu'il avait de lui, à qui la fonction ne lui était jamais montée à la tête.

D.a. D______ est né en 1974. Il est marié et a trois enfants. Il a suivi des études sociales à l'IES. Il a exposé avoir été suspendu de sa fonction de directeur du SCOM en décembre 2018 en raison de sa mise en prévention, avant d'être placé en mars 2019 à l'IMAD durant un mois. Il travaille depuis mai 2019 à la direction générale de l'Office cantonal de la détention. Il a déposé les informations relatives à sa situation financière.

b. B______ est né en 1980. Il est divorcé et a un enfant à charge. Il vit avec sa compagne et ses enfants. Il a suivi des études en économie notamment à la HEI, puis a obtenu un Master en administration publique à l'IDHEAP. Il a quitté volontairement sa fonction d'agent spécialisé en juin 2018. Il a brièvement travaillé comme consultant. Actuellement, il travaille en qualité de directeur pour la région Suisse et Grand Genève d'un promoteur immobilier et il a encore quelques mandats de consultant. Ses projets avec D______ et son fils n'ont pas été concrétisés. Il a déposé les informations relatives à sa situation financière.

c. D______ est né en 1966. Il est marié et a 4 enfants. Il a fait des études de communication. Il a obtenu un CFC puis un diplôme du CEFCO en communication et marketing. Il a travaillé en qualité de directeur de W______ jusqu'en juin 2020. Il travaille désormais pour la société T______ SA, soit la société qui a conclu le bail à ferme pour les locaux de l'ESCOBAR. Il collabore avec C______ mais ce dernier n'a pas de lien avec la société T______ SA. Il a déposé les informations relatives à sa situation financière.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné le 4 août 2017 par le Ministère public du canton de Genève à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à CHF 60.- avec sursis pendant 3 ans ainsi qu'à une amende de CHF 1'100.- pour des infractions à la LCR.

d. A______ est né en 1978. Il est marié et a trois enfants. Il a suivi des études de droit et obtenu un Master en 2006. Il a eu une activité indépendante avant de devenir conseiller administratif. Il a exposé qu'il vivait depuis trois ans un calvaire dont il était pour une large part responsable et voyait en ce procès une issue. Il regrettait l'effet que cela avait pu avoir sur les victimes collatérales. Il y avait également eu des conséquences sur sa famille et sur sa conception du pouvoir et son exercice. Il en était ressorti plus conscient de ses responsabilités mais également de ses failles, de ses limites, de sa lâcheté, de ses ressources et de sa capacité à les rechercher pour se défendre, éléments parmi d'autres qui faisaient qu'il y avait un homme sous le magistrat. Il a déposé les informations relatives à sa situation financière.

e. C______ est né en 1970. Il est marié et a trois enfants. Il est titulaire d'un Bachelor en management. Il est actif dans le domaine de l'immobilier et détient plusieurs sociétés. Il a déposé les informations relatives à sa situation financière.

E. Le Tribunal retient les faits suivants.

1. ESCOBAR

S'agissant du volet de l'ESCOBAR, les faits tels que décrits dans l'acte d'accusation sont établis à teneur des pièces figurant au dossier, des déclarations concordantes des témoins et de celles des prévenus. Selon les déclarations constantes et cohérentes de E______, B______ lui a non seulement demandé de rencontrer les requérants de l'ESCOBAR et de prioriser le dossier mais également, lors d'un second contact, ordonné de délivrer l'autorisation d'exploiter, malgré un dossier incomplet. E______ est crédible lorsqu'il soutient qu'il n'aurait pas délivré une telle autorisation de son propre chef, B______ s'étant finalement rallié à la thèse de ce dernier, expliquant que son sens du pragmatisme commandait de délivrer l'autorisation, dans la mesure où les pièces manquantes allaient arriver la semaine suivante et que des frais étaient encourus.

E______ savait qu'il délivrait une autorisation non conforme, ce qui est corroboré par le fait qu'il a décidé de signer lui-même l'autorisation et par le fait qu'il a retiré le courriel incriminant du dossier. Il a agi, sur instruction de B______, dans l'intérêt de D______ dont il avait compris qu'il était un ami de ce dernier et de A______.

2. Secret de fonction

Il est établi à teneur des messages retrouvés dans le téléphone de D______ que B______ a transmis à ce dernier des informations relatives à des procédures en cours auprès de l'OCPM et du SCOM, après s'être renseigné auprès desdits office et service.

S'agissant des messages des 27 et 28 février 2017, il appert que B______ a obtenu des renseignements de l'OCPM concernant l'avancement d'une procédure de naturalisation pour la compagne de HB______, patron de l'établissement l'HC______. Il ressort clairement de ces messages et des déclarations de B______ que ce dernier a d'abord demandé à GA______, directeur général de l'OCPM à quel stade en était le dossier et qu'il lui a été répondu que l'OCPM avait relancé le SEM et que, lors d'un deuxième contact, GA______ a informé B______ avoir reçu l'autorisation fédérale et priorisé le dossier au niveau de l'OCPM. Les déclarations de B______ selon lesquelles D______ agissait peut-être comme intermédiaire pour HB______, tendent à démontrer que ce dernier n'avait pas donné son accord à ce que les renseignements soient transmis à D______, lequel n'aurait pas obtenu les informations en question s'il avait lui-même appelé l'OCPM.

En ce qui concerne le message du 17 mai 2017, B______ a transmis à D______ un courriel de GA______, qui ne figure pas au dossier. On comprend de l'échange de messages entre B______ et D______ que M. FA______ ne pouvait répondre autrement à la demande d'D______ et que ce dernier était intervenu auprès de M FA______, d'une façon qui faisait penser qu'il lui demandait de contourner la décision du chef de AB______. D______ a par ailleurs expliqué qu'il était intervenu pour une femme qui rencontrait un problème avec ses papiers. Ces éléments ne permettent toutefois pas de déterminer la teneur du courriel qui a été transmis à D______.

Enfin, il ressort du message du 13 septembre 2017 que B______ s'est renseigné auprès du SCOM pour connaître l'état de la première demande d'autorisation pour l'ESCOBAR, avant d'informer D______ qu'il n'y avait pas de dossier à ce nom. D______ connaissait déjà cette information puisqu'il savait que le dossier avait été déposé au nom de la MEDELLIN.

3. Voyage à Abu Dhabi

En ce qui concerne le voyage à Abu Dhabi, le Tribunal relève tout d'abord que les déclarations des prévenus, à l'exception de celles de C______, ont été évolutives, voire fluctuantes, les premières déclarations ayant en principe une crédibilité accrue.

Il est établi à teneur du dossier que A______ s'est rendu, accompagné de son épouse, de ses trois enfants mineurs et de son chef de cabinet B______, à Abu Dhabi du 26 au 30 novembre 2015. Le coût de ce séjour a été correctement évalué par le Ministère public à au moins CHF 50'000.- pour la famille A______ et à au moins CHF 10'000.- pour B______, en tenant compte, s'agissant de l'entrée au Grand Prix, de la catégorie en dessous de celle dont ils ont concrètement bénéficié. Il n'y au demeurant pas lieu de s'écarter de l'estimation effectuée par W______. A______ et B______ savaient tout d'abord que l'entrée au Grand Prix serait prise en charge par la famille royale d'Abu Dhabi. Ils ont dans un premier temps envisagé de payer le vol mais il n'a jamais été question de payer l'hébergement, dont ils devaient savoir qu'il était également financé par la famille royale et qu'il serait donc d'une catégorie supérieure, même avant d'apprendre le 2 novembre 2015 qu'il s'agissait de l'EMIRATES PALACE. En tout état, au plus tard le 1er octobre 2015, les prévenus savaient que l'intégralité des coûts du voyage était prise en charge par la couronne émiratie. A______ savait qu'il n'avait pas le droit de recevoir des cadeaux d'une valeur supérieure à CHF 150.-, ce qui lui a été rappelé par U______ en début de législature. B______ savait également que le personnel de l'Etat ne peut recevoir de cadeaux en raison de sa situation officielle.

En ce qui concerne la nature du voyage, il est établi que A______ a été invité en qualité de Conseiller d'Etat. Le Tribunal retient par ailleurs qu'il s'est agi, dès le départ et en tout temps, pour A______ d'un voyage en famille mais sur invitation officielle, ce qui n'en fait pas encore un voyage officiel et professionnel. Cela est corroboré par ses échanges en juin 2015 avec D______ mentionnant une expédition en famille, ses déclarations devant le Ministère public selon lesquelles il ne concevait pas qu'un état étranger paie les vacances de sa famille, ainsi que par la nature de ses activités durant le séjour relevant de la villégiature. A______ a au demeurant déclaré devant le Ministère public qu'il avait exclu un voyage officiel financé par l'Etat, qu'il n'avait pas recouru à l'administration fédérale pour l'organisation de ce voyage et que, s'il avait séparé le coût lié à sa famille, cela aurait donné un caractère officiel au voyage, ce qui ne correspondaient pas à la nature de ses activités sur place. Il s'est enfin dit rassuré, après le voyage, de la prépondérance privée du séjour. Partant, son revirement à l'audience de jugement sur le but quasi exclusivement professionnel et officiel du voyage n'emporte pas conviction.

En ce qui concerne B______, il s'est agi d'un voyage d'agrément. Quand bien-même A______ l'a associé à ce voyage en tant qu'ami, c'est en sa qualité de chef de cabinet qu'il a pu y participer tous frais payés.

Cela est corroboré par le fait que A______ a annoncé sa venue en qualité de "chief of staff", ce que l'intéressé savait, et que tous les courriers échangés avec la Couronne et son service chargé de l'organisation l'ont été sur papier à entête de l'Etat de Genève et via les adresses électroniques professionnelles de B______. Peu importent la nature des activités qu'il a eues sur place, en particulier le fait qu'il n'a assisté à aucune rencontre officielle et le fait qu'il n'ait emporté que son costume de bain.

Le fait que A______ ait envisagé de profiter de ce voyage pour faire des rencontres si l'occasion se présentait n'en fait pas un voyage officiel au coût inestimable et d'un bénéfice incommensurable pour Genève. Ce dernier est un homme politique en tout temps, et même lorsqu'il est en vacances, A______ se doit d'aller saluer un élu local. Or, il semble établi que pour rencontrer les grands décideurs politiques et économiques de ce monde lors du Grand Prix d'Abu Dhabi - ce que A______ souhaitait - une invitation de la Couronne au titre de VIP est nécessaire. L'on relèvera par ailleurs que si A______ avait envisagé un voyage officiel, il se serait d'abord adressé aux autorités suisses ou diplomatiques pour se faire inviter, cas échéant à C______ seulement en cas d'échec, mais il s'y serait surtout rendu sans sa famille et aurait fait organiser des rencontres en nombre. Il aurait également informé en toute transparence le président du Conseil d'Etat sur la prise en charge intégrale du séjour par la Couronne afin d'évaluer si le bénéfice pour le canton avait un poids suffisant face au risque, en terme d'image en tout cas. Or, si A______ a certes informé U______ du caractère "semi-privé, semi-professionnel" du voyage, il ne l'a toutefois jamais renseigné quant à son financement par la Couronne.

A______, avant le voyage déjà, savait que le financement du séjour par la Couronne posait un problème, vu le malaise éprouvé par ce dernier et les différentes options envisagées, dont l'annulation du voyage ou la séparation du coût lié à sa famille. Il s'est ouvert de ce malaise à B______, tel que cela ressort des premières déclarations de celui-ci. Cela est également corroboré par les mensonges ultérieurs sur le financement du voyage, que les prévenus ont à dessein attribué à un tiers n'ayant aucun lien avec Genève et leurs fonctions officielles. Les dénégations des prévenus lors de l'audience de jugement à ce propos ne convainquent pas.

S'agissant de l'intervention de C______, il est établi que ce dernier a évoqué avec A______ et D______ le Grand Prix d'Abu Dhabi lors du voyage de la délégation économique en mai 2015. A ce moment-là déjà, C______ a dit à A______ que cela se faisait sur invitation de la famille royale et qu'il allait contacter à cette fin son oncle Q______, qui avait des contacts directs avec la famille royale. Le Tribunal retient que C______ savait qu'il était question pour A______ de partir en famille. En effet, peu après que ce dernier a rencontré Q______ en juin 2015 afin de discuter de l'organisation du voyage, A______ a confirmé à D______ que le projet d'escapade en famille se confirmait et qu'il espérait qu'il était toujours question d'une logique d'invitation officielle, alors même qu'D______ indiquait "travailler dessus" avec C______, ce qui tend à démontrer que cet élément avait été discuté avec celui-ci en amont. C'est le lieu de relever qu'D______ n'avait aucun contact direct avec la famille royale ou les services chargés de l'organisation du voyage et que c'est C______ qui, par le biais de son oncle, a pu obtenir l'invitation officielle mentionnant la famille de A______. Il est par ailleurs établi que C______ est également intervenu pour revoir la réponse de A______ à l'invitation de la famille royale. D'ailleurs, la famille royale est elle aussi soucieuse du protocole et elle n'aurait pas spontanément adressé à un Homme d'Etat demandant à être invité seul et es qualités, une invitation incluant sa famille, sachant qu'elle le mettrait alors dans l'embarras.

Partant, la thèse de C______ selon laquelle il s'était agi d'un voyage officiel et strictement professionnel et qu'il avait compris qu'il s'agissait uniquement de faire inscrire A______, seul, sur la liste des invités ne résiste pas à l'examen. Le fait qu'il ait rendu possible, par le biais de ses contacts, une rencontre entre A______ et le Sheikh CAL______ lors de la visite du centre de vidéosurveillance n'en fait pas un voyage officiel. Peu importe également le fait, comme le soutient désormais C______ à l'audience de jugement, que son oncle est peut-être intervenu auprès du service chargé de l'organisation du Grand Prix, dès lors que ledit service dépend de la Couronne, laquelle détient aussi la compagnie d'aviation, l'hôtel et le circuit du Grand prix. Cela étant, ce revirement des prévenus sur les contacts de Q______ avec la famille royale ne convainc pas. Par ailleurs, seul Q______, lors de sa rencontre avec A______ en juin 2015, ou C______ comme émissaire de ce dernier, étaient en mesure d'informer A______ qu'il pouvait associer B______ au voyage, ce que A______ a confirmé à D______ le 30 juin 2015. C'est également nécessairement C______ qui a indiqué à D______ que A______ pouvait inviter d'autres amis, dont D______, étant rappelé que ce dernier n'avait aucun contact avec la famille royale et ses services chargés de l'organisation du Grand Prix avant le départ, ni un accès privilégié à Q______.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal retient que C______ a eu une activité déterminante dans l'organisation du voyage et son financement par la famille royale qui en découle, étant relevé qu'il a admis, à l'instar de A______, que sans son intervention, ce voyage-là, à ce moment-là, n'aurait pas eu lieu. Il a fait en sorte que A______ soit invité en famille. Par ailleurs, C______, pour s'être déjà rendu au Grand Prix, connaissait les conditions luxueuses de ce type d'invitation par la famille royale et le caractère exorbitant d'un tel voyage.

Quant à l'activité de D______, il est établi que ce dernier a participé à la discussion initiale concernant le projet de voyage en mai 2015, avant d'en discuter à nouveau avec C______ en juin 2015 afin que celui-ci mette en oeuvre ses contacts pour obtenir l'invitation officielle pour A______ et sa famille.

Son rôle a été ultérieurement celui d'intermédiaire entre A______ et B______ d'une part et C______ d'autre part. Il a notamment soumis à C______ le projet de réponse de A______ à l'invitation de la famille royale et transmis à C______ les coordonnées des participants pour que les billets d'avion puissent être émis. Jusqu'au départ pour Abu Dhabi, D______ n'avait aucun contact direct avec la famille royale ou ses services, mais il connaissait tous les détails du financement et de l'organisation du voyage. Au vu de ce qui précède, l'activité d'D______ a été accessoire et favorisante mais pas déterminante à elle seule.

S'agissant des relations entre la famille royale et A______, respectivement B______, le Tribunal retient que les membres de la famille royale sont passés de nombreuses fois à l'aéroport de Genève et ont bénéficié du protocole et de la protection policière mais que ce traitement est toutefois réservé à tous les dignitaires, sans changement avant ou après le voyage et sans intervention de A______ ou de son chef de cabinet. Quant aux projets de coopération policière, il est établi que les discussions avaient déjà été entamées en 2013 sans aucune participation de A______, puis ont repris après le voyage de la délégation économique en mai 2015 ainsi que, certes, peu après le voyage à Abu Dhabi, mais de façon désordonnée et avec divers services et autorités.

En ce qui concerne C______, dans la mesure où il n'est pas intervenu afin de faire inviter un Conseiller d'Etat seul et dans le cadre d'un voyage purement officiel, il ne peut être retenu que ce dernier a agi ou en tout cas uniquement agi pour le bien du développement de Genève. Il est établi qu'en 2014 déjà, à teneur du message de M______, C______, qui n'était pas un ami de A______, entretenait un bon relationnel avec ce dernier dans l'intérêt de ses sociétés. Il est d'ailleurs établi que C______ a, directement ou par l'entremise de D______, eu un accès direct à un Conseiller d'Etat et à son chef de cabinet, ce qui n'est pas le cas de tous les entrepreneurs et ce qui est de nature à faciliter ses affaires. Partant, le Tribunal retient que C______ est intervenu dans l'organisation du voyage à Abu Dhabi offert par la famille royale, à tout le moins dans le but d'entretenir des bonnes relations avec A______ et son chef de cabinet et d'avoir leur bienveillance pour faciliter ses affaires, d'une manière générale.

En ce qui concerne concrètement les projets de C______ discutés durant la procédure, le Tribunal retient que l'on ne peut pas attribuer à celui-ci la paternité de l'intervention d'D______ auprès de A______ concernant l'hôtel CA______. Les courriels en lien avec le partenariat public-privé pour l'école de police et le projet de la caserne des Vernets n'impliquaient certes pas d'intervention de A______ mais mettent en lumière l'accès privilégié de C______, pour faire connaître l'intérêt de la société X______ ou obtenir un renseignement. Il est en revanche établi que A______ et B______ sont intervenus en sa faveur concernant le projet dit du Pré-du-Stand, le premier en organisant une séance pour la société X______ avec la DG DERI et le second, en accompagnant C______ à la première séance, B______ étant par ailleurs désigné par D______ comme étant leur référence pour toutes les étapes de ce projet, alors que cela ne relève pas de ses fonctions habituelles. S'agissant enfin des nombreuses sollicitations de D______, surtout auprès de B______, il n'est pas établi que C______ était au courant de celle-ci, qui concernaient de surcroit des tiers.

S'agissant de D______, il est établi qu'il était lié par une amitié sincère et profonde avec A______ et qu'ils se rencontraient très fréquemment autour d'un repas ou d'un verre pour le plaisir de se voir. Il est aussi établi qu'il avait une relation d'amitié avec B______. Cela étant, le Tribunal retient que ce n'est pas en raison de cette amitié que D______ a participé à l'organisation du voyage à Abu Dhabi d'une valeur importante mais qu'il a agi de la sorte en raison du statut de Conseiller d'Etat de A______ et de chef de cabinet de B______. En effet, selon ses propres déclarations, D______ était content d'avoir un Conseiller d'Etat comme ami et cela permettait d'arranger les situations et de réseauter, non pas dans le sens entrepreneurial anobli décrit par la défense, mais dans le sens du copinage. Cela est également corroboré par ses nombreuses sollicitations tant en faveur de tiers qu'en faveur des affaires de C______, en grande partie auprès de B______ mais également de A______, lequel intervenait directement auprès des offices et services subordonnés, selon le témoignage de N______. Il est également établi que B______ était en contact direct avec les directeurs des offices, ce que D______ savait, vu ses sollicitations à répétition pour des dossiers en main de l'OCPM ou du SCOM. Ainsi, D______ connaissait le pouvoir et l'influence importants de A______ et son chef de cabinet et il est parti de l'idée qu'ils pouvaient intervenir partout et pour tout. D'ailleurs, D______ a érigé cette possibilité d'influence en système, preuve en étant que, juste avant une rencontre avec A______, il demande à C______ s'il a besoin de quelque chose. Au vu de ce qui précède, le Tribunal retient que D______ a participé à l'organisation du voyage à Abu Dhabi dans le but de maintenir des contacts utiles lui permettant d'accéder plus facilement à l'administration et d'obtenir des avantages ou des passe-droit pour lui ou pour des tiers.

Du point de vue des récipiendaires du voyage, soit A______ et B______, ces derniers connaissaient l'intervention déterminante de C______ et favorisante de D______ dans l'obtention de ce voyage tous frais payés. Or, en leurs qualités de Conseiller d'Etat et de chef de cabinet, soit des agents d'Etat détenant un important pouvoir, surtout s'il est exécutif ou judiciaire, ils devaient nécessairement envisager, en recevant un cadeau d'une telle importance, le risque d'une recherche d'influence, quand bien même ils étaient liés par une amitié sincère avec D______. Par ailleurs, vu la propension naturelle de ce dernier à réseauter et à intervenir auprès de personnes ayant du pouvoir, il est vraisemblable qu'il intervenait déjà auprès de A______ et de B______ avant le voyage, pour lui-même, pour des tiers mais également pour les affaires de C______, comme cela s'est confirmé par la suite.

4. Sondage IPSOS

Il est établi à teneur du dossier que le sondage IPSOS de 2017 a été entièrement financé par les sociétés de C______, à l'initiative de D______, alors que ceux-ci n'avaient encore jamais participé au financement d'une campagne électorale du PLR et de A______, et les montants ont été payés sur le compte postal de l'ASSOCIATION DE SOUTIEN A A______. Le sondage a été terminé en mai 2017 et il était manifestement destiné à la seule campagne de A______ pour les élections au Conseil d'Etat d'avril 2018.

EN DROIT

Culpabilité

1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (RS 0.101 ; CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 ; Cst.) et 10 al. 3 du code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (RS 312.0 ; CPP), concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c et 2d).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a ; 124 IV 86 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c).

2. Selon l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Cependant, en vertu de l'art. 2 al. 2 CP, une loi nouvelle s'applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d'une part, l'auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d'autre part, elle est plus favorable à l'auteur que l'ancienne (exception de la lex mitior). Il en découle que l'on applique en principe la loi en vigueur au moment où l'acte a été commis, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l'auteur.

3.1.1. Jusqu'au 30 juin 2016, l'art. 322quinquies CP prévoyait que celui qui aura offert, promis ou octroyé un avantage indu à un membre d'une autorité judiciaire ou autre, à un fonctionnaire, à un expert, un traducteur ou un interprète commis par une autorité, à un arbitre ou à un militaire pour qu'il accomplisse les devoirs de sa charge sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. L'art. 322sexies CP sanctionnait quant à lui celui qui, en tant que membre d'une autorité judiciaire ou autre, en tant que fonctionnaire, en tant qu'expert, traducteur ou interprète commis par une autorité, ou en tant qu'arbitre, aura sollicité, se sera fait promettre ou aura accepté un avantage indu pour accomplir les devoirs de sa charge d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Depuis le 1er juillet 2016, le champ d'application des art. 322quinquies et 322sexies CP a de plus été étendu au cas où l'avantage indu profite à un tiers et pas seulement à l'agent public concerné, comme c'était le cas jusqu'alors. La novelle avait pour objectif de criminaliser l'acceptation d'un avantage concédé à un tiers, lorsque l'agent public n'a pas de liens patrimoniaux directs avec le tiers, notamment un parti politique (Petit commentaire du CP, N 9a ad art. 322sexies CP).

3.1.2. L'octroi d'un avantage, sanctionné par l'art. 322quinquies aCP, exige que l'auteur (1) offre, promette ou octroie (2) à un agent public suisse, notamment à un fonctionnaire, (3) un avantage indu (4) pour qu'il accomplisse les devoirs de sa charge. Il importe en revanche peu que l'agent public concerné ait accepté ou non l'avantage ou que ce dernier ait ou non une influence sur son comportement (Bernard CORBOZ, Les infractions en droit suisse. vol. II, 3e éd. 2010, N 16 ad art. 322quiniquies CP). L'art. 322sexies aCP est la clause miroir de l'art. 322quinquies aCP. Il exige que l'auteur (1) soit un agent public suisse, notamment un fonctionnaire, et (2) sollicite, se fasse promettre ou accepte (3) un avantage indu (4) pour accomplir les devoirs de sa charge. Il est en revanche aussi sans importance que l'agent public veuille ou non adopter le comportement attendu de lui et qu'il reçoive ou non l'avantage promis (Ibid., N 8, ad art. 322sexies CP).

3.1.3. S'agissant de la condition relative à la qualité d'agent public, la notion de fonctionnaire est définie de manière autonome par le droit pénal à l'art. 110 al. 3 CP aux termes duquel, par fonctionnaires, on entend les fonctionnaires et les employés d'une administration publique et de la justice, ainsi que les personnes qui occupent une fonction publique à titre provisoire, ou qui sont employés à titre provisoire par une administration publique ou la justice, ou encore qui exercent une fonction publique temporaire. Ont ainsi la qualité de fonctionnaires, les fonctionnaires du point de vue organique mais également ceux qui revêtent cette qualité du point de vue fonctionnel (ATF 141 IV 329, consid. 1.3 et 1.4.1). La notion d'agent public est large (CORBOZ, op. cit., N 2 ad 322ter CP).

Si le critère fonctionnel paraît être mis au premier plan dans la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 70 IV 219, 76 IV 151), cette dernière n'exclut cependant pas que le seul critère organique fonde la qualité de fonctionnaire sous l'angle des art. 322ter ss CP. Ainsi, pour le Tribunal fédéral, appliquant l'art. 110 al. 3 CP à une infraction relevant des art. 322ter ss CP : "La notion pénale de fonctionnaire au sens de l'art. 110 al. 3 CP comprend aussi bien les fonctionnaires d'un point de vue institutionnel que fonctionnel. Les premiers sont les fonctionnaires au sens du droit public comme les employés des services publics. Pour les seconds, la forme juridique selon laquelle ils exercent leur activité pour la collectivité importe peu. La relation peut être de droit public ou de droit privé. C'est la fonction des devoirs à la charge de l'agent public qui est plutôt d'une importance décisive. Si ces devoirs consistent en la réalisation d'activités publiques, alors les fonctions sont publiques et les personnes qui les accomplissent sont des fonctionnaires au sens du droit pénal" (ATF 135 IV 198, consid 3.3 [JdT 2011 IV p. 51]; voir aussi dans le même sens ATF 141 IV 329, consid. 1.3, 123 IV 75, consid. 1b [JdT 1998 IV p. 176], 121 IV 216, 220 [JdT 1997 IV p. 70, 71]; Petit commentaire CP, op. cit., N 19 ad Rem. prél. aux art. 322ter à 322octies).

Selon la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - RS/GE B 5 05), le personnel de la fonction publique se compose de fonctionnaires, d'employés, d'auxiliaires, d'agents spécialisés et de personnel en formation (art. 4). Est un agent spécialisé le membre du personnel engagé en cette qualité, en raison de ses connaissances particulières et de son expérience, pour accomplir une mission déterminée de durée limitée (art. 8).

3.1.4. L'avantage dont il est question peut être de nature matérielle ou immatérielle. Il peut s'agir d'une somme d'argent, mais aussi de prestations en nature, comme le don d'objets de valeur, la fourniture d'une voiture de location ou d'un voyage (FF 1999, page 5075). S'agissant du caractère indu de l'avantage, cela implique que l'agent public n'a pas le droit de l'accepter et ne peut faire valoir aucune prétention à recevoir un tel avantage; sont exclus les avantages que les agents publics ont expressément le droit d'accepter ou qui demeurent insignifiants et socialement acceptés. L'avantage peut être remis à son destinataire par le biais d'un intermédiaire (Commentaire Romand du CP, N 28-29 ad art. 322ter CP).

Selon l'art. 25 du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (RPAC ; B 5 05.01), il est interdit aux membres du personnel de solliciter ou d'accepter pour eux-mêmes, ou pour autrui, des dons ou d'autres avantages en raison de leur situation officielle.

3.1.5. Contrairement à la corruption active ou passive (art. 322ter et quater CP), l'octroi d'un avantage au sens de l'art. 322quinquies CP, respectivement l'acceptation d'un avantage au sens de l'art. 322sexies CP - dans leur teneur avant et après le 1er juillet 2016 - n'a pas, pour être punissable, à avoir un lien avec une activité officielle concrète (FF 1999 5084 ch. 213.2), ni être constatable comme contrepartie. L'octroi, respectivementl'acceptation d'un avantage indu doit en revanche être de nature à agir sur l'accomplissement des devoirs de l'agent public visé. L'octroi ou l'acceptation d'un avantage doit être propre à influencer l'activité officielle future de celui qui reçoit l'avantage indu.

L'octroi ou l'acceptation d'un avantage doit donc de par sa nature être accompli dans l'optique du comportement futur de l'agent public (cf. respectivement arrêt 6P.39/2004 - 6S.107/2004 du 23 juillet 2004 consid. 6.3 et les références citées; ATF 135 IV 198 consid. 6.3 p. 204 et les références citées; jurisprudence reprise aux ATF 140 II 520 consid. 5.2.3; arrêt 6B_339/2011 du 5 septembre 2011 consid. 4.4.1). Même sans acte futur déterminé, l'influence incontestable de l'agent public visé sur les décisions intéressant l'administré en question est suffisante pour permettre l'application de l'art. 322quinquies CP (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_339/2011, consid. 6.2.3).

En conséquence, de simples récompenses ou des présents d'usage conformes aux usages sociaux ne tombent pas dans le champ d'application des art. 322quinquies ou sexies CP, dès lors qu'ils ne se sont pas propres à avoir l'effet exigé ci-dessus (cf. ATF 135 IV 198 consid. 6.3 p. 204; arrêt 6P.39/2004 - 6S.107/2004 du 23 juillet 2004 consid. 6.3; MARK PIETH, in Basler Kommentar, Strafrecht, 4ème éd. 2019, N 9 ad art. 322quinquies CP). Il est toutefois pleinement concevable qu'une récompense ou un cadeau gratifiant un comportement passé poursuivent une finalité double et tendent également à exercer une influence sur d'éventuels rapports futurs. Dans ce cas, les art. 322quinques et sexies CP restent pleinement applicables (Alexandre DYENS, in Commentaire Romand CP II, 2017, N 20 ad art. 322quinquies CP et les références citées).

Les dispositions spéciales réprimant l'octroi et l'acceptation d'avantages restent abstraites: elles se contentent du fait que l'avantage soit promis ou demandé dans la perspective générale que l'intéressé accomplisse les devoirs de sa charge. Par ailleurs, selon le législateur fédéral, du point de vue de la politique pénale, aucune raison ne justifie le fait qu'une libéralité pure et simple, dépassant ce qui est autorisé ou admis socialement, par exemple un don d'un montant substantiel accordé au directeur du service cantonal des constructions, ne soit pas appréhendée par le droit pénal lorsqu'aucun projet particulier n'est en cause et que la contre-prestation ne sera peut-être "encaissée" que plusieurs années après. Le Message du Conseil fédéral cite également l'exemple du voyage d'agrément offert à des décideurs du secteur énergétique même si aucune décision administrative concrète ne doit être prise sur le moment (FF 1999 5082ss).

Les infractions d'octroi ou d'acceptation d'un avantage peuvent être appliquées dans deux cas de figure : (i) lorsque le rapport d'échange peut être établi, mais l'acte ou l'omission attendu de l'agent ne viole pas ses devoirs et relève de l'administration liée et (ii) lorsqu'il n'y a pas d'échange avec un acte déterminé ou déterminable, mais qu'il apparaît néanmoins que l'avantage est accordé à l'agent en raison de son activité officielle, pour susciter sa bienveillance (Ursula CASSANI, Bien commun, avantages privés : la corruption d'agents publics suisses, in Thierry TANQUEREL, Etudes en l'honneur du Professeur Thierry Tanquerel, 2019, pp.61-77).

Pour que le lien avec la position officielle de l'agent soit exclu, il ne suffit pas que l'avantage soit accordé par une personne dans l'entourage de l'agent bénéficiaire.

Il n'est, en effet, pas rare que des représentants de l'Etat, surtout de haut niveau, attirent des personnes mues davantage par la recherche d'une proximité avec le pouvoir que par l'amitié. Dans ces cas, où la frontière entre la vie privée et officielle s'estompe, il faut rechercher si le même avantage aurait été octroyé à une personne entretenant des liens privés de même intensité avec l'auteur, sans occuper une position d'agente. Si la réponse est négative, il ne saurait être question d'un avantage octroyé dans un cadre purement privé (Ibid.).

3.1.6. D'un point de vue subjectif, l'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (arrêt 6B_988/2017 précité consid. 1.3.2). Ainsi, il suffit que l'auteur de l'octroi d'un avantage tienne pour possible qu'il puisse ainsi influencer l'agent public et que l'agent ait conscience du lien entre l'avantage et le comportement même très imprécis qui est attendu de lui (CORBOZ, op, cit, N 17 ad art. 322 quinquies et N 9 ad art. 322sexies CP).

Pour déterminer si l'auteur s'est accommodé du résultat au cas où il se produirait, il faut se fonder sur les éléments extérieurs, faute d'aveux. Parmi ces éléments figurent l'importance du risque - connu de l'intéressé - que les éléments constitutifs objectifs de l'infraction se réalisent, la gravité de la violation du devoir de prudence, les mobiles, et la manière dont l'acte a été commis (ATF 125 IV 242 consid. 3c p. 252). Plus la survenance de la réalisation des éléments constitutifs objectifs de l'infraction est vraisemblable et plus la gravité de la violation du devoir de prudence est importante, plus sera fondée la conclusion que l'auteur s'est accommodé de la réalisation de ces éléments constitutifs. Ainsi, le juge est fondé à déduire la volonté à partir de la conscience lorsque la survenance du résultat s'est imposée à l'auteur avec une telle vraisemblance qu'agir dans ces circonstances ne peut être interprété raisonnablement que comme une acceptation de ce résultat (ATF 133 IV 222 consid. 5.3 p. 225-226 et la jurisprudence citée ; JdT 2008 I 523 consid. 3.1).

Cette interprétation raisonnable doit prendre en compte le degré de probabilité de la survenance du résultat de l'infraction reprochée, tel qu'il apparaît à la lumière des circonstances et de l'expérience de la vie (ATF 133 IV 1 consid. 4.6 p. 8). La probabilité doit être d'un degré élevé car le dol éventuel ne peut pas être admis à la légère (ATF 133 IV 9 consid. 4.2.5 p. 19 ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.127/2007 du 6 juillet 2007 consid. 2.3 - relatif à l'art. 129 CP - avec la jurisprudence et la doctrine citées).

3.1.7. Le Tribunal fédéral a admis qu'était constitutif d'octroi d'un avantage le fait pour un architecte, représentant une société qui avait été favorisée par un conseiller municipal en charge du service de l'urbanisme dans le cadre du processus d'une vente d'un terrain appartenant à la commune, de consentir audit conseiller municipal un "prêt" en ligne de crédit, à hauteur de CHF 115'000.-, pour une durée de 10 ans, renouvelable, ne portant pas intérêt. Le Tribunal fédéral a considéré que, au vu de l'importance de cet avantage et de ce qu'il représentait pour le fonctionnaire, un tel avantage dépassait largement ce qui était admis socialement et était par conséquent indu au sens de l'art. 322quinquies CP.

Après avoir rappelé que l'existence d'un acte futur concret n'est pas une condition nécessaire pour admettre l'octroi d'un avantage au regard de l'art. 322quinquies, le Tribunal fédéral a retenu que l'influence incontestable du conseiller municipal sur les décisions intéressants l'architecte était suffisante pour permettre l'application de l'art. 322quinquies CP. Il a enfin retenu que l'avantage indu a été octroyé par l'architecte afin de s'assurer de la bienveillance du conseiller municipal, qui pouvait influer les décisions à prendre concernant la vente définitive du terrain convoité par la mandante de ce dernier et la demande de permis déposée par l'intéressé (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_339/2011, 6B_340/2011, 6B_343/2011 du 5 septembre 2011).

Dans l'Arrêt du Tribunal fédéral 6B_433/2020, un inspecteur de la police du commerce qui s'était lié d'amitié avec un gérant d'entreprise, lequel avait ensuite repris la gérance d'un établissement public lorsque ledit inspecteur était en charge du dossier relatif à cet établissement, a accepté ou requis de la part du gérant divers avantages tels que notamment la mise à disposition de chambres d'hôtel, la sollicitation d'un prêt, une intervention en vue de la réduction d'un devis ou l'obtention d'un lave-vaisselle. Le Tribunal fédéral a retenu que lesdits avantages avaient été mentionnés dans le cadre de conversations à caractère professionnel et non amical et que ceux-ci excédaient les présents s'inscrivant dans une relation amicale. Par ailleurs, le fait que certains services évoqués avec le gérant ne se soient finalement pas concrétisés n'y changeait rien, le fait déjà de solliciter l'avantage indu étant répréhensible. Le recours a été admis dans la mesure où l'on ne pouvait déterminer quelle contre-prestation l'inspecteur de la police du commerce était censé fournir ou aurait fourni, étant précisé que ce dernier avait été condamné pour corruption passive et non acceptation d'un avantage.

Dans l'ATF 118 IV 309, le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation du chef d'acceptation d'un avantage d'un fonctionnaire chargé de diriger le laboratoire audiovisuel de l'Université de Genève et qui avait fait en sorte qu'un tiers obtienne d'importantes commandes de matériel audiovisuel, tandis que ce dernier avait parrainé des activités académiques organisées par le fonctionnaire en accordant des largesses pour un total de plus de CHF 350'000.- sur plus du 5 ans. La cour cantonale avait alors retenu que le tiers avait accordé de tels avantages au fonctionnaire, qui n'y avait pas droit, dans l'espoir que celui-ci, ultérieurement, lui retournerait l'ascenseur, c'est-à-dire ferait en sorte, dans le cadre de l'exercice licite de ses fonctions, qu'il obtienne des commandes de l'université. Le fonctionnaire avait conscience du but poursuivi par le tiers et a accepté les avantages en toute connaissance de cause.

Dans l'arrêt 6P.39/2004-6S.107/2004 du 23 juillet 2004, le Tribunal fédéral a confirmé le verdict de culpabilité du chef d'octroi d'un avantage du recourant qui avait offert un montant de CHF 2'500.- au policier chargé de l'enquête. Il a considéré que l'autorité précédente avait retenu à juste titre qu'un tel comportement était socialement inhabituel et susceptible d'influencer la conduite de ce dernier dans le cadre de son mandat, de surcroît lorsque l'enquête n'était pas encore formellement terminée.

Le fait que le recourant ait voulu remercier la police pour son traitement équitable en lui remettant la somme d'argent et que le policier ait compris que ce don était une récompense n'était pas pertinent. Le recourant était en effet, en ayant agi de la sorte, conscient de la possibilité d'influencer la police, ce qu'il a accepté.

3.1.8. La Cour suprême du canton de Berne a acquitté du chef d'acceptation d'un avantage un chef de section de l'armée suisse invité par une entreprise à une manifestation en France car il n'avait été ni directement ni indirectement impliqué dans l'acquisition de matériel auprès de l'entreprise en question. Ladite acquisition ne relevant au demeurant pas de ses fonctions officielles, l'avantage ne pouvait lui avoir été octroyé dans le but de l'influencer. La Cour a en outre retenu que, pour retenir la condition de l'influence, l'agent public doit avoir un pouvoir de décision et la simple possibilité que le fonctionnaire puisse, en dehors de ses fonctions et compétences, tenter de faire pression sur les décideurs pour le compte de la société octroyante ne suffisait pas (cause SK-Nr. 177/2008 du 14 août 2008)).

La Cour suprême du canton de Zurich a également acquitté du chef d'acceptation d'un avantage un policier opérant dans les affaires de moeurs de la police municipale de Zurich qui avait reçu des cadeaux de la part d'une prostituée pour le motif que, lors des faits, le policier n'occupait pas d'activité officielle dans le domaine d'activité de la prostituée, et le lien entre la compétence du policier et l'activité de l'octroyant faisait ainsi défaut (cause SB170160 du 19 octobre 2017).

Une ordonnance de classement du chef d'acceptation d'un avantage a été rendue l'égard d'un procureur valaisan qui a accepté un avantage consistant en des billets pour la Ligue des Champions et un voyage, faute de lien fonctionnel suffisant entre l'octroyant et l'activité officielle du procureur (cause PGE 2018 1 du 10 avril 2019).

La Cour fédérale de justice allemande a confirmé le l'arrêt du Tribunal régional de Karlsruhe qui a acquitté le président du conseil d'administration d'un groupe énergétique ayant envoyé des bons pour la Coupe du monde notamment à des ministres régionaux et le ministre fédéral de l'environnement qui avaient été impliqués dans des affaires importantes pour la politique commerciale du groupe énergétique. Le Tribunal régional avait notamment retenu qu'il n'était pas exclu que l'avantage ait poursuivi un motif autre que celui d'influencer les ministres dans l'exercice de leurs fonctions, en l'occurrence que l'envoi de ces bons poursuivaient une finalité publicitaire (cause StR 260/08 du 14 octobre 2008).

3.1.9. Il ressort en substance de l'avis de droit du Professeur Andrew GARBARSKI du 16 février 2021, déposé par le conseil de C______, que l'appel de celui-ci à son oncle Q______ ne constitue un avantage ni matériel, ni immatériel. Par ailleurs, la participation de C______ à l'organisation du voyage ne signifie pas qu'il a lui-même octroyé l'avantage en question, l'invitation provenant de la couronne émiratie.

3.2.1. Aux termes de l'art. 312 CP, les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge, seront punis d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.2.2. Sur le plan objectif, l'infraction réprimée par cette disposition suppose de l'auteur, soit un membre d'une autorité ou un fonctionnaire au sens de l'art. 110 al. 3 CP, qu'il ait agi dans l'accomplissement de sa tâche officielle et qu'il ait abusé des pouvoirs inhérents à cette tâche.

Cette disposition protège, d'une part, l'intérêt de l'Etat à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire. L'incrimination pénale doit être interprétée restrictivement, compte tenu de la formule très générale qui définit l'acte litigieux. L'auteur n'abuse ainsi de son autorité que lorsqu'il use de manière illicite des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide, utilise illégalement les pouvoirs qui lui sont conférés en émettant des ordres souverains en vertu de sa fonction, ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire (Petit Commentaire CP, ad art. 312 CP, N 10ss et les références citées; Commentaire Romand CP II, N 24 ; Basler Kommentar (BSK), Strafrecht II, N 7 et 16 et les références citées). L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt pour l'atteindre à des moyens disproportionnés (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa et b p. 211; 113 IV 29 consid. 1 p. 30). Une violation insoutenable des pouvoirs confiés n'est en revanche pas nécessaire. Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, soit le dessein de nuire à autrui. L'existence par dol éventuel de l'un ou l'autre de ces desseins suffit (arrêts 6B_1085/2017 du 28 mai 2018 consid. 3.4; 6B_1351/2017 du 18 avril 2018 consid. 4.2; 6B_76/2011 du 31 mai 2011, consid. 5.1 et les références citées).

3.2.3. Selon l'interprétation restrictive de la doctrine et de la jurisprudence, l'abus d'autorité ne comprend que les pouvoirs qui sont conférés au fonctionnaire. Ceux-ci sont caractérisés par le droit d'exercer une contrainte. Peu importe que les pouvoirs soient conférés à l'agent public par une loi, un règlement ou sur la base d'un mandat d'une autorité publique (BSK, op. cit, ad art. 312 CP N 6 et les références citées).

La disposition ne tend à sanctionner comme abus d'autorité que les cas importants de manquement à un devoir de fonction. Les infractions de moindre gravité doivent être sanctionnées par la voie disciplinaire, voire par des dispositions cantonales sur la répression des contraventions conformément à l'article 335 CP (ATF 88 IV 69, consid. 1, JdT 1962 IV 86). La simple violation de devoirs de service, même sanctionnée par l'autorité supérieure ou de recours, ne suffit pas pour retenir l'existence d'un abus.

Il doit s'agir d'une violation insoutenable des règles applicables (Petit Commentaire CP, op. cit., N 19 et les références citées).

3.2.4. Dans l'Arrêt du Tribunal fédéral 6B_76/2011, la jurisprudence a étendu le champ d'application de l'art. 312 CP, celle-ci ne se limitant pas aux comportements qui aggravent la position d'un tiers mais englobant également les situations qui apparaissent abusives du fait qu'elles favorisent les intérêts d'un tiers au détriment de la collectivité publique (Commentaire Romand CP, N 26 ad art. 312 CP).

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation d'un conseiller administratif communal du chef d'abus d'autorité pour avoir fait annuler deux amendes d'ordre infligées à des proches et trente-cinq amendes d'ordre le concernant pour stationnement illicite. L'autorité précédente avait retenu que le conseiller administratif avait ordonné à ses subordonnés de procéder à l'annulation des amendes d'ordre et usé des pouvoirs de sa fonction dans un but contraire au droit. Elle a également retenu que le recourant était compétent pour ordonner l'annulation d'amendes d'ordre. Le Tribunal fédéral a considéré que la question de savoir si les directives relatives à l'intervention des fonctionnaires de la police en matière de contraventions étaient applicables au conseiller administratif - ce que celui-ci contestait - pouvait rester ouverte, dès lors que le recourant devait en tout état respecter l'ordre juridique suisse dans l'exercice de ses fonctions, notamment l'obligation de respecter le principe d'égalité devant la loi, consacré par les art. 8 Cst. et 2 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847. Il ne pouvait par conséquent pas faire en sorte qu'une personne échappe à une sanction prévue par la loi au seul motif qu'elle disposait de liens privilégiés avec des personnes compétentes pour annuler une telle sanction ou, pire, parce qu'elle était elle-même une de ces personnes. Un classement en opportunité pouvait intervenir que pour un motif raisonnable. Or, in casu, s'agissant des amendes infligées à des proches, tel n'était pas le cas, dit classement reposant sur du favoritisme, ce qui équivalait à un refus d'appliquer le droit fédéral. S'agissant des éléments subjectifs, l'autorité cantonale a retenu que le recourant avait accepté "sciemment" de donner suite à leur requête en dépit du fait qu'elles n'étaient pas justifiées. Elle a considéré que, ce faisant, le recourant avait consciemment utilisé ses pouvoirs afin d'annuler des amendes qu'il n'était pas en droit d'annuler, en l'absence de motif raisonnable, ce dans le but d'économiser à des proches le paiement desdites amendes. Le recourant avait donc bien agi intentionnellement et dans le dessein de procurer à des tiers un avantage illicite au sens de l'art. 312 CP.

3.3.1. Selon l'art. 320 ch. 1 CP, celui qui aura révélé un secret à lui confié en sa qualité de membre d'une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. La révélation demeure punissable alors même que la charge ou l'emploi a pris fin.

3.3.2. L'art. 320 CP constitue un délit propre pur, qui ne peut être commis que par un fonctionnaire ou le membre d'une autorité.

La notion de fonctionnaire est celle de l'art. 110 al. 3 CP (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 p. 68). Le devoir de confidentialité résulte de la situation particulière du membre de l'autorité, respectivement du fonctionnaire (ATF 142 IV 65 consid. 5.2 p. 68 et 69; CORBOZ, op. cit., N 21ss ad art. 320). Une base légale spéciale, non pénale, n'est ainsi pas nécessaire dans la législation déterminant l'exercice de la fonction (ATF 142 IV 65 consid. 5.2 p. 68 et 69; CORBOZ, op. cit., N 23 ad art. 320 CP).

Selon l'art. 9A de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - RS/GE B 5 05), en vigueur depuis le 1er mars 2002, les membres du personnel de la fonction publique sont soumis au secret de fonction pour toutes les informations dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions dans la mesure où la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles ne leur permet pas de les communiquer à autrui (al. 1). Les agents spécialisés y sont soumis (art. 4 et 8 LPAC).

3.3.3. La définition de l'infraction repose sur une conception matérielle du secret (NIGGLI/WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht II, 2013, N 8 ad art. 320 CP; STRATENWERTH/BOMMER, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II: Straftaten gegen Gemeininteressen, 7e éd., Berne 2013, § 61 N 5). Il n'est dès lors pas nécessaire que le fait concerné ait été présenté par les autorités compétentes comme étant secret. Seul est déterminant qu'il s'agisse d'un fait qui n'est à l'évidence ni public ni généralement accessible sans difficulté à toute personne souhaitant en prendre connaissance (ATF 114 IV 44 consid. 2 p. 46; arrêt 6B_105/2020 du 3 avril 2020 consid. 1.1), qui n'est connu que d'un cercle restreint de personnes et à l'égard duquel le détenteur du secret n'a pas seulement un intérêt légitime, mais aussi une volonté affichée, expresse ou tacite, au maintien du secret (ATF 142 IV 65 consid. 5.1; 116 IV 56 consid. II/1.a p. 65; CORBOZ, op. cit., N 13 ad art. 320 CP). Cet intérêt peut être celui de la collectivité publique (Confédération, canton ou commune) ou celui de particuliers.

3.3.4. L'application de l'art. 320 ch. 1 CP exige que le secret ait été confié à l'auteur en sa qualité de membre d'une autorité ou de fonctionnaire ou qu'il en ait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi (ATF 115 IV 233 consid. 2c/aa p. 236; arrêt 6B_572/2018 du 1er octobre 2018 consid. 3.3.1 et les références citées; CORBOZ, op. cit., N 17 ad art. 320 CP).

En principe tout secret confié à un membre de l'autorité ou à un fonctionnaire en vertu de sa qualité ou dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de sa fonction est soumis au devoir de confidentialité, même si aucune base légale du droit réglementant la fonction publique ou de toute autre loi ne le prévoit (ATF 142 IV 65 c. 5.2 in JdT 2016 IV 362 et les références citées). Selon la doctrine, il faut que le membre de l'autorité ou le fonctionnaire ait appris le secret en raison de sa fonction officielle. L'information lui a été confiée parce qu'il revêt cette charge publique ou il l'a apprise en exerçant sa tâche officielle, par exemple en lisant des rapports ou des dossiers.

Il doit apprendre le fait ès qualités, c'est-à-dire en tant que membre d'une autorité ou fonctionnaire. (CORBOZ, op.cit., N 17 ad art. 320 CP). Il faut examiner les circonstances concrètes du cas pour dire si des informations ont été acquises dans le cadre d'une fonction. La connaissance des faits doit être en rapport avec l'activité officielle du fonctionnaire concerné. Il doit exister un lien direct avec la fonction officielle, et non pas un lien lointain dû au hasard. Celui qui lit un rapport reçu par la voie de service dans l'exercice de sa fonction apprend les informations qui y sont contenues en tant que fonctionnaire. Le fait n'a en revanche pas été appris ès qualités si le membre de l'autorité ou le fonctionnaire en prend connaissance comme un simple particulier ou en dehors de sa fonction officielle (CORBOZ, op. cit, N 18 ad art. 320 CP). Par ailleurs, le fonctionnaire qui révèle des faits dont il a eu connaissance à raison de sa charge, après en avoir été informé ou avoir reçu confirmation par d'autres sources ou qui aurait eu le droit d'en être informé à raison d'une autre activité non officielle, ne se rend pas coupable de violation du secret de fonction (ATF 115 IV 233 c. 2c in JdT 1991 IV 91; DUPUIS et al. [éds], op. cit., N 24 ad art. 320 CP).

3.3.5. Le maître du secret est en principe l'autorité et non un particulier. Cela étant, on peut admettre comme fait justificatif - sur un plan purement pénal - le consentement de l'intéressé, lorsque la révélation sur les données personnelles d'un seul administré, que le secret ne touche que sa seule sphère privée et que ce dernier a donné son consentement exprès à la divulgation desdites données. On ne peut en revanche pas l'admettre dans d'autres circonstances, et notamment lorsqu'il y a un intérêt indépendant au maintien du secret (VERNIORY, in Commentaire Romand CP II, 2017, N 52 ad art. 320; CORBOZ, op. cit. N 47 ad. art. 320 CP).

3.3.6. L'acte délictueux consiste à révéler un secret. Révèle un secret au sens de l'art. 320 ch. 1 CP celui qui le confie à un tiers non habilité à le connaître ou qui permet que ce tiers en prenne connaissance (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 p. 67 s. et les références citées).

3.3.7. Sur le plan subjectif, l'infraction réprimée par l'art. 320 CP est intentionnelle. Le dol éventuel suffit et doit porter sur tous les éléments objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 6B_599/2015 du 25 février 2016 consid. 2.3) et la négligence n'est pas punissable. L'auteur doit avoir conscience de son devoir de garder le secret (ATF 114 IV 46 consid. 2).

3.4.1. Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. Il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas. Il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants.

Le dol éventuel quant au résultat est1 suffisant (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.1; 130 IV 58 consid. 9.2.1; 125 IV 134 consid. 3a).

3.4.2. Est un instigateur celui qui, intentionnellement, décide autrui à commettre un crime ou un délit (art. 24 al. 1 CP). L'instigation consiste à susciter chez autrui la décision de commettre un acte déterminé. Il doit exister une relation de causalité entre le comportement incitatif de l'instigateur et la décision de l'instigué de commettre l'acte, bien qu'il ne soit pas nécessaire que l'instigateur ait dû vaincre la résistance de l'instigué. L'instigation implique une influence psychique ou intellectuelle directe sur la formation de la volonté d'autrui. Cette volonté peut être déterminée même chez celui qui est disposé à agir ou chez celui qui s'offre à accomplir un acte réprimé par le droit pénal et cela aussi longtemps que l'auteur ne s'est pas encore décidé à passer à l'action concrètement. Un comportement incitatif - autant qu'il ait été causal, c'est-à-dire qu'il ait induit l'instigué à agir - suffit. Ainsi, une simple demande, une suggestion ou une invitation concluante est suffisante, si elle a pour effet de faire passer concrètement l'instigué à l'action. L'instigation n'entre en revanche pas en considération si l'auteur de l'acte était déjà décidé à le commettre (ATF 128 IV 11 consid. 2a p. 14 ss.; 127 IV 122 consid. 2b/aa p. 127 s. et la jurisprudence citée; cf. également ATF 124 IV 34 consid. 2c p. 37 s. et les références citées).

Pour qu'une instigation puisse être retenue, il faut qu'elle soit intentionnelle. L'intention doit se rapporter, d'une part, à la provocation de la décision de passer à l'acte et, d'autre part, à l'exécution de l'acte par l'instigué (ATF 127 IV 122 consid. 4a p. 130). Le dol éventuel suffit. Il faut que l'instigateur ait su et voulu ou, à tout le moins, envisagé et accepté que son intervention était de nature à décider l'instigué à commettre l'infraction (ATF 128 IV 11 consid. 2a p. 15).

3.4.3. Selon l'art. 25 CP, la peine est atténuée à l'égard de quiconque a intentionnellement prêté assistance à l'auteur pour commettre un crime ou un délit.

Objectivement, la complicité, qui est une forme de participation accessoire à l'infraction, suppose que le complice ait apporté à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cette contribution. La contribution du complice est subordonnée : il facilite et encourage l'infraction. Il n'est pas nécessaire que l'assistance du complice ait été une condition sine qua non de la réalisation de l'infraction. Il suffit qu'elle l'ait favorisée. Elle peut être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention. Subjectivement, le complice doit avoir agi intentionnellement, mais le dol éventuel suffit. Il faut qu'il sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé et qu'il le veuille ou l'accepte. A cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse qu'aura l'auteur, lequel doit donc avoir pris la décision de l'acte. (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_72/2009 du 20 mai 2009 consid. 2.1 et les références citées).

3.4.4. Selon l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était inévitable.

Pour admettre l'erreur sur l'illicéité, il ne suffit pas que l'auteur pense que son comportement n'est pas punissable, ni qu'il ait cru à l'absence d'une sanction (ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3). La réglementation relative à l'erreur sur l'illicéité repose sur l'idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 241; arrêt 6B_526/2014 du 2 février 2015 consid. 2).

3.5.1. En l'espèce, au vu des faits retenus en lien avec l'ESCOBAR (supra E.1), le Tribunal relève tout d'abord que le prévenu E______, en sa qualité de directeur du PCTN (anciennement SCOM), revêt la qualité de fonctionnaire. Le fait de délivrer une autorisation d'exploiter un établissement représente un acte de puissance publique, qui a un effet contraignant puisqu'il crée des droits, et qui relève de ses compétences. En revanche, en délivrant ladite autorisation - de manière accélérée - malgré le fait que des pièces manquaient au dossier, le prévenu E______ a délivré une décision non conforme au droit, soit illégale.

La question de savoir si, pris isolément, le fait de prioriser un dossier est une violation des devoirs de fonction de E______ est assez grave pour relever du droit pénal peut rester ouverte, dans la mesure où le cumul de cet acte avec celui de délivrer une autorisation non conforme est manifestement suffisamment grave pour tomber sous le coup de l'abus d'autorité pénalement réprimé. Le prévenu ne peut tirer aucun grief du fait que les pièces manquantes n'étaient pas "bloquantes". Quand bien-même les pièces manquantes n'empêchaient pas définitivement de délivrer l'autorisation comme ce serait le cas du défaut de certificat de cafetier ou d'un casier judiciaire chargé, il ne faut toutefois pas minimiser l'importante des pièces manquantes, notamment le préavis du SABRA, qui n'a jamais été obtenu, l'ESCOBAR ayant fait l'objet de plusieurs plaintes pour du bruit excessif avec intervention de la police et ayant été sanctionné plusieurs fois pour avoir organisé des soirées musicales non autorisées.

Le prévenu E______ a agi dans le but de procurer aux exploitants de l'ESCOBAR un avantage illicite au détriment de la collectivité publique, peu importe s'il ne connaissait pas précisément le bénéficiaire de l'établissement, faisant fi de l'obligation de respecter l'égalité de traitement devant la loi.

Le fait d'avoir agi sur ordre du chef du cabinet ou de sa hiérarchie n'est pas un motif justificatif mais il s'agit d'une circonstance qui sera prise en compte dans l'examen de la peine. Par ailleurs, le prévenu E______ ne peut se prévaloir d'une erreur sur l'illicéité, dans la mesure où il savait qu'il délivrait une autorisation non conforme au droit.

En ce qui concerne le prévenu B______, il a intentionnellement décidé E______ à délivrer la décision qu'il savait non conforme, dans la mesure où ce dernier ne l'aurait pas délivrée de son propre chef, dans le but de favoriser les requérants de l'ESCOBAR.

Au vu de ce qui précède, le prévenu E______ sera reconnu coupable d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP. Le prévenu B______ sera reconnu coupable d'instigation à abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP cum art. 24 CP.

3.5.2. Compte tenu des faits retenus en lien avec le secret de fonction du prévenu B______ (supra E.2),le Tribunal retient que ce dernier a obtenu les informations relatives au dossier de Mme HA______ auprès du directeur de l'OCPM, en sa qualité de chef de cabinet du Conseiller d'Etat du département dont dépend cet office. Les informations divulguées les 27 et 28 février 2017 par le prévenu à D______ portent sur des faits confidentiels dont la connaissance est limitée à un cercle de personnes, à savoir l'administration en premier lieu et l'administrée concernée, soit Mme HA______, ce qui exclut tout tiers tel qu'D______, les informations en questions n'étant pas notoires ni accessibles au public. D'ailleurs, GA______ n'aurait certainement pas donné tous les détails concernant le traitement du dossier à l'interne, même à Mme HA______. Peu importe que le prévenu n'ait pas influencé le traitement de la demande, seul étant déterminant qu'il ait transmis une information confidentielle. Par ailleurs, B______, en sa qualité d'agent spécialisé, est soumis au secret de fonction, ce qui présente un indice d'intérêt légitime au maintien du secret. Le fait que les informations transmises étaient in fine destinées au compagnon de Mme HA______ ne justifie pas que le prévenu les transmette par l'intermédiaire d'un tiers non autorisé, étant relevé que le consentement à la divulgation des faits confidentiels ne se présume pas.

S'agissant du message du 17 mai 2017 du prévenu à D______, dans la mesure où le courriel de GA______ ne figure pas au dossier, le Tribunal ne peut pas déterminer si celui-ci contient des éléments confidentiels concernant la femme ayant des problèmes avec ses papiers pour laquelle D______ a indiqué être intervenu ou s'il contenait des explications concernant la réponse qui avait été donnée par M. FA______ à D______ et que ce dernier aurait pu obtenir sans difficulté. Partant, il ne peut être déterminé si la divulgation des informations en question porte sur des faits secrets.

En ce qui concerne enfin le message du 13 septembre 2017, dans la mesure où D______ savait déjà qu'il n'y avait alors pas de dossier déposé au nom de l'ESCOBAR, aucune information secrète n'a été divulguée.

Au vu de ce qui précède, B______ sera reconnu coupable de violation du secret de fonction au sens de l'art. 320 CP. Il sera acquitté du même chef pour les faits décrits aux deux derniers tirets du point 1.2.4 de l'acte d'accusation.

3.5.3. Compte tenu des faits retenus en lien avec le voyage à Abu Dhabi (supra E.3), le Tribunal retient les éléments suivants et fait application des dispositions pénales dans leur teneur avant le 1er juillet 2016, les nouvelles dispositions n'étant pas plus favorables.

A______, en sa qualité de Conseiller d'Etat et B______, en sa qualité de chef de cabinet occupant le poste d'agent spécialisé, sont à l'évidence des agents publics suisses, tandis que tant la famille royale d'Abu Dhabi que D______ et C______ revêtent la qualité d'extraneus, qualité que quiconque peut revêtir.

Les prévenus A______ et B______, en acceptant le voyage à Abu Dhabi tous frais payés ont accepté un avantage d'un montant d'au moins CHF 50'000.-, respectivement d'au moins CHF 10'000.-, soit d'un montant dépassant largement la limite qui leur est imposée pour les cadeaux et la limite de ce qui est socialement admissible. Au surplus, ils n'avaient aucune prétention à recevoir un tel avantage. Il s'agit donc d'un avantage indu. Peu importe l'absence de loi et d'usage déterminant les contours de l'officialité, dès lors qu'il ne s'est pas agi d'un voyage officiel mais d'un voyage d'agrément moyennant une invitation officielle en la qualité de Conseiller d'Etat, respectivement de chef de cabinet des prévenus. Il ne saurait ainsi être question d'une officialité immunisante, telle que plaidée par la défense. C'est le lieu de souligner qu'il n'est question que d'un seul avantage, soit le voyage, lequel a été financé par la famille royale, rendu possible par le prévenu C______ et favorisé par le prévenu D______. Dès lors que le prévenu C______ a eu un rôle indispensable et une activité déterminante dans la mise sur pied de ce voyage et de son financement qui en découle, il revêt la qualité d'auteur dans l'octroi de cet avantage, lequel peut de façon générale au demeurant être remis par un co-auteur ou un tiers. Quant à D______, vu son rôle accessoire, il a agi en tant que complice.

S'agissant de la condition dite de l'influence sur l'activité officielle future de l'agent public, certes les arrêts de certaines cours cantonales affichent une position prudente et restrictive de la condition de l'influence, en la retenant seulement lorsque l'agent public a la compétence fonctionnelle directe de prendre une décision dans le domaine d'activité de l'octroyant. Cela étant, le Message du Conseil fédéral, auquel fait largement référence la jurisprudence - peu abondante - du Tribunal fédéral en la matière et la doctrine, consacrent une application large de cette condition.

Du point de vue des octroyants, s'agissant tout d'abord du prévenu C______, dans la mesure où ce dernier a déployé une activité déterminante dans l'octroi du voyage afin de susciter la bienveillance de A______, dans l'espoir qu'il intervienne favorablement dans ses affaires en général, cela suffit déjà pour retenir qu'il a agi dans le but de l'influencer dans l'exercice de ses tâches officielles, même si aucun projet particulier n'était en cause. Cela étant, le prévenu C______ a obtenu deux ans plus tard que A______ et B______ interviennent en sa faveur dans le projet dit Pré-du-Stand auprès de la DG DERI, étant rappelé que le temps écoulé entre 2015 et 2017 n'est pas déterminant à teneur du Message du Conseil fédéral.

Certes, ni A______, ni B______ - ni la DG DERI dans le cas particulier de ce projet - n'avaient de compétence fonctionnelle ou de pouvoir décisionnel direct dans le domaine des affaires du prévenu C______, en particulier s'agissant de la vente du terrain à X______ par l'hoirie propriétaire et de l'acceptation du projet de loi pour le Pré-du-Stand par le Grand Conseil. Il n'en demeure pas moins que l'intercession de A______ auprès de la DG DERI, cas échéant auprès du Conseil d'Etat, de même que l'accompagnement de B______, sont une forme de facilitation, une porte d'entrée pour la société du prévenu C______. L'influence respective de A______ et de B______ - en introduisant et accompagnant la société X______, mais aussi cas échéant au sein du Conseil d'Etat -, est suffisante pour influencer les décisions dans le domaine des affaires du prévenu C______. La majorité des cas jugés par les Cours cantonales concernent des chefs de service au périmètre d'action limité, raison pour laquelle l'élément de l'influence possible a été retenue seulement si l'agent pouvait délivrer une prestation entrant directement dans son cahier des charges et dans le domaine d'activité de l'octroyant. La position d'un Conseiller d'Etat et celle de son chef de cabinet sont différentes car leur influence et leur rayon d'action sont plus vastes. D'ailleurs, dans l'affaire du chef de l'urbanisme, le Tribunal fédéral a admis la condition de l'influence, même si la décision finale appartenait au conseil communal.

S'agissant du prévenu D______, dès lors qu'il a participé à l'octroi afin de maintenir des contacts utiles lui permettant d'accéder plus facilement à l'administration et d'obtenir des passe-droits pour lui ou des tiers, le Tribunal retient que son comportement était animé par la volonté d'influencer A______ et B______ dans l'exercice futur de leurs fonctions officielles. Ici aussi, peu importe qu'au moment de l'octroi aucune contreprestation n'était déterminée ou que les sollicitations d'D______ concernaient des situations qui ne relevaient pas de son activité professionnelle, dès lors qu'elles visaient d'une manière générale des interventions auprès de service ou office dans le département de A______, lequel intervenait directement ou par le biais de son chef de cabinet auprès des directeurs de ceux-ci.

Du point de vue des récipiendaires de l'avantage, les prévenus A______ et B______ ont à l'évidence envisagé le risque que la famille royale leur ait offert le voyage dans le but de les influencer dans l'accomplissement futur de leurs tâches officielles, puisqu'ils en ont discuté, que A______ a évoqué avec B______ la crainte d'être redevable avant leur départ et que A______ a imaginé des scénarii alternatifs. Toutefois, compte tenu des éléments objectifs en matière de coopération policière et de visites de la famille royale, il ne peut être retenu, même s'il s'agit d'un cas limite, que les prévenus A______ et B______ se seraient accommodés du risque d'influence en question. Ainsi, l'élément subjectif, même sous la forme du dol éventuel, fait défaut.

 

Vis-à-vis des prévenus C______ et D______, il a été retenu que les prévenus A______ et B______ avaient nécessairement envisagé ce risque d'influence compte tenu de l'importance de l'avantage et de leurs positions de pouvoir respectives. Par ailleurs, à la différence de la situation à l'égard de la famille royale, les éléments objectifs - dont les nombreuses interventions de D______ et l'activité économique dans le canton de Genève de C______ - permettent de retenir qu'ils se sont accommodés du risque que cet avantage considérable leur ait été octroyé dans le but de les influencer dans l'exercice futur de leurs tâches officielles, étant rappelé qu'il suffit que l'agent ait conscience du lien entre l'avantage et le comportement même très imprécis qui est attendu de lui. Le fait que les prévenus A______ et B______ aient désigné S______ comme étant celui qui avait financé le voyage - en soulignant l'absence de toutes activité économique de celui-ci à Genève - le confirme. Ils ont ainsi agi par dol éventuel.

Il n'est à cet égard pas déterminant que le prévenu A______ considère que son fort caractère et son sens du service public le rendent imperméable à toute influence ou corruption, car la disposition pénale vise une situation en amont de la corruption et constitue une infraction de mise en danger abstraite. Pour le même motif, il n'est pas déterminant que les prévenus A______ ou B______ ne soient pas concrètement intervenus en faveur des prévenus D______ et C______, étant relevé que de telles interventions ont effectivement eu lieu en faveur des deux prévenus précités.

Aucun des prévenus ne peut pour le surplus se prévaloir d'une erreur sur l'illicéité. A______ et B______ connaissaient en effet, en leur qualité d'agent public, la limite fixée pour les cadeaux. Quant à C______ et D______, ils ne pouvaient pas douter du caractère répréhensible découlant de l'octroi d'un avantage d'une telle importance à des agents publics dans le but de les déterminer à adopter un comportement favorable à leur égard, étant rappelé que la jurisprudence en la matière est restrictive.

Au vu de ce qui précède, les prévenus A______ et B______ seront reconnus coupables d'acceptation d'un avantage au sens de l'art. 322sexies aCP. Les prévenus C______ et D______ seront reconnus coupables d'octroi d'un avantage au sens de l'art. 322quinquies aCP.

3.5.4. Vu les faits retenus en lien avec le financement IPSOS (supra E.4), le Tribunal relève en préambule qu'il ne lui appartient pas de rassurer ou d'effrayer les entrepreneurs genevois qui souhaitent soutenir financièrement les candidats dont la politique est proche de leurs intérêts, même s'il est possible que les jugements individuels participent à la prévention générale.

Dans la mesure où le financement du sondage par les sociétés du prévenu C______ a été fait en marge de la campagne électorale de A______, la défense a relevé qu'un tel comportement ne se différenciait pas des financements - classés par le Ministère public - opérés par R______ SA pour soutenir l'action politique de A______, qui entretenait au demeurant une relation professionnelle avec RA______, le directeur général de R______ SA, au sujet du choix des hôtels des délégations lors des pourparlers syriens.

Le fait que les prévenus C______ et D______ aient financé pour la première fois un élément de sa campagne électorale en 2017, après le précédent octroi d'un avantage indu en 2015, est en effet un indice d'une volonté d'influence, mais il faut relever qu'ils n'étaient pas aussi proches de A______ lors de l'élection de 2013. De même, le fait que le prévenu A______ n'ait pas sollicité les membres de son association pour lever des fonds auprès des donateurs usuels, mais accepté que ce soient ses deux amis à l'origine du voyage de novembre 2015 qui financent ce sondage, par l'intermédiaire de B______, chargé du sondage mais pas de son financement, est également de nature à susciter le soupçon d'acceptation d'un avantage. La réalisation de la condition du risque d'influence peut cependant rester ouverte, au vu de l'examen de celle de l'avantage indu.

Le fait que le versement soit affecté à un élément spécifique de la campagne, tout comme cela fut le cas de l'apéritif de campagne financé par R______ SA en mars 2018, n'est pas à lui seul déterminant, bien qu'il s'agisse d'une manière plus directe de soutenir un politicien, au lieu de simplement verser une contribution à un parti ou une association de soutien. Certes, le sondage a bénéficié exclusivement au prévenu A______, mais en marge de sa campagne électorale, étant précisé qu'il s'agissait pour lui de gagner l'élection, ce qui exclut parfois de partager avec ses colistiers des informations utiles à leur campagne, étant précisé que l'ASSOCIATION DE SOUTIEN A A______ a la vocation qui découle de son nom, soit de soutenir A______ et non pas ses colistiers libéraux. Dans le cadre d'une campagne électorale, le prévenu A______ avait une prétention à recevoir un tel avantage. Ce financement ne peut donc pas être considéré comme un avantage indu.

Au vu de ce qui précède, les prévenus A______ et B______ seront acquittés d'acceptation d'un avantage au sens de l'art. 322sexies CP, respectivement de complicité d'acceptation d'un avantage au sens de l'art. 322sexies CP cum art. 25 CP pour les faits visés aux points 1.1.2, respectivement 1.2.2 de l'acte d'accusation. Les prévenus C______ et D______ seront acquittés d'octroi d'un avantage au sens de l'art. 322quinquies CP pour les faits visés aux points 1.4.2, respectivement 1.3.2 de l'acte d'accusation.

Peine

4.1.1. En vertu du principe de la non-rétroactivité énoncé supra 2., il sera fait application de l'ancien droit des sanctions dans sa teneur avant le 1er janvier 2018, le nouveau droit des sanctions n'étant pas plus favorable in concreto.

4.1.2. L'art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravite de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerne, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1).

4.1.3. A teneur de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitie le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lie par le maximum légal de chaque genre de peine.

Selon l'art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement.

4.1.4. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant la fixation de la peine, notamment en cas de concours, il convient de fixer en premier lieu le genre de peine avant d'en fixer la quotité (SJ 2020 II 51, p. 52).

4.1.5. Selon l'art. 34 aCP, sauf disposition contraire de la loi, la peine pécuniaire ne peut excéder 360 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Le jour-amende est de 3000 francs au plus. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al.2).

La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité. Conformément au principe de la proportionnalité, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. À cet égard, une peine pécuniaire, qui atteint l'intéressé dans son patrimoine, constitue une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté qui l'atteint dans sa liberté personnelle. La priorité à donner à une peine pécuniaire correspond au demeurant à la volonté du législateur, dont l'un des principaux buts dans le domaine des sanctions a été d'éviter les courtes peines privatives de liberté, qui entravent la resocialisation de l'auteur (ATF 134 IV 97 consid. 4).

4.1.6. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

4.1.7. A teneur de l'art. 48 let. a ch. 4 CP, Le juge atténue la peine si l'auteur a agi sous l'ascendant d'une personne à laquelle il devait obéissance ou de laquelle il dépendait.

4.1.8. L'art. 52 CP dispose que si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

4.1.9. Aux termes de l'art. 54 CP, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

Ne peut se prévaloir de l'art. 54 CP que celui qui est directement atteint par les conséquences de son acte. Tel est notamment le cas si l'auteur a subi des atteintes physiques - par exemple s'il a été blessé lors de l'accident qu'il a provoqué - ou psychiques - comme celles qui affectent une mère de famille devenue veuve par suite de l'accident de la circulation qu'elle a causé (ATF 119 IV 280 consid. 2b p. 283) - résultant de la commission même de l'infraction. En revanche, les désagréments dus à l'ouverture d'une instruction pénale, le paiement de frais de procédure, la réparation du préjudice, ainsi que la dégradation de la situation financière, le divorce ou le licenciement consécutifs à l'acte délictueux, ne constituent que des conséquences indirectes de l'infraction, sans pertinence au regard de l'art. 54 CP (ATF 117 IV 245 consid. 2a p. 247).

L'art. 54 CP est violé si cette règle n'est pas appliquée dans un cas où une faute légère a entraîné des conséquences directes très lourdes pour l'auteur ou, à l'inverse, si elle est appliquée dans un cas où une faute grave n'a entraîné que des conséquences légères pour l'auteur. Entre ces extrêmes, le juge doit prendre sa décision en analysant les circonstances concrètes du cas d'espèce et il dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 121 IV 162 consid. 2d p. 175 ; 117 IV 245 consid. 2a p. 247 s.). Lorsque l'application de l'art. 54 CP n'est pas d'emblée exclue, le juge doit d'abord apprécier la culpabilité de l'auteur conformément à l'art. 47 CP, sans égard aux conséquences que l'acte a entraînées pour celui-ci, puis mettre en balance la faute commise et les conséquences subies.

Si cet examen révèle que l'auteur a déjà été suffisamment puni par les conséquences de son acte et qu'une autre sanction ne se justifie plus, il renoncera à prononcer une peine (ATF 137 IV 105 consid. 2.3 ; 121 IV 162 consid. 2d).

4.2.1. La faute du prévenu A______ est importante. Alors qu'il occupait depuis 2012 la fonction de Conseiller d'Etat, qui implique d'être irréprochable, bénéficiant de la confiance de la population, il a accepté en 2015 un avantage indu, en s'accommodant du risque qu'il lui ait été octroyé dans le but d'influencer son activité.

Ce faisant, il a porté atteinte au bien juridiquement protégé par les dispositions en matière de corruption, soit à la confiance de la collectivité dans l'objectivité de l'action de l'Etat.

Il a agi par convenance personnelle, par goût du pouvoir et avec légèreté, la haute estime qu'il a de lui-même et l'honneur personnel que représentait cette invitation l'ayant aveuglé.

Il jouissait d'une situation personnelle, professionnelle et financière favorable, de sorte qu'il pouvait financer de ces deniers un voyage moins luxueux.

Il pouvait surtout y renoncer, sans aucun dommage pour le développement de Genève, en prétextant une impossibilité.

Sa collaboration à l'enquête a été mauvaise. Au-delà du droit de tout prévenu de se taire, le prévenu A______ a tenté de dissimuler des preuves et a participé à l'organisation d'un mensonge concernant le financement du voyage.

Ces éléments, de même que la persistance du prévenu à affirmer qu'il a agi pour le seul bien de Genève, dénotent d'une absence de prise de conscience du caractère répréhensible de ses actes.

Il a cependant exprimé des regrets concernant son mensonge et les conséquences de ses actes sur les personnes qu'il a blessées.

Il n'a pas d'antécédent judiciaire, élément neutre dans la fixation de la peine

Les conditions de l'art. 54 CP ne sont manifestement pas réalisées, les conséquences personnelles, familiales et politiques pour le prévenu de la médiatisation des faits commis étant intrinsèquement liées à ses mensonges et à sa fonction officielle et n'atteignant pas le degré de gravité exigé par la jurisprudence pour justifier une exemption de peine.

L'ensemble des éléments retenus commande de fixer 300 unités pénales équivalentes à 10 mois de peine privative de liberté ou à 300 jours-amende. Il n'est pas envisageable de fixer d'abord le genre de peine - in casu des jours-amende - puis de limiter la peine à 180 jours-amende, au vu de la gravité de la faute. Cela étant, en application de la loi en vigueur au moment des faits, une peine pécuniaire supérieure à 180 jours-amende peut être infligée, ce qui est plus favorable au prévenu qu'une peine privative de liberté.

Au vu de ce qui précède, A______ sera condamné à une peine pécuniaire de 300 jours-amende. Le jour-amende sera fixé à CHF 400.-, sur la base des renseignements transmis relatifs à sa situation financière. Il sera mis au bénéfice du sursis, dont il remplit les conditions.

4.2.2. La faute du prévenu B______ est importante aussi.

En sa qualité de chef de cabinet d'un Conseiller d'Etat en place depuis 2014, il a non seulement accepté en 2015 un avantage indu en s'accommodant du risque qu'il ait été octroyé dans le but d'influencer son activité, mais aussi violé son secret de fonction et instigué un directeur de service à abuser de son autorité.

Ce faisant, il a porté atteinte à la confiance de la collectivité dans l'objectivité de l'action de l'Etat, à la confiance que l'Etat place en ses fonctionnaires et à l'intérêt de l'Etat à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir.

Il a agi par convenance personnelle, par facilité et avec légèreté. Certes, le prévenu a été un agent public compétent, travailleur et ayant un sens aigu du service public, mais il a perdu de vue une partie des obligations liées à sa charge officielle.

Il connaissait une situation personnelle difficile, mais jouissait d'une situation professionnelle et financière favorable, de sorte qu'il pouvait financer lui-même un voyage plus modeste. Au surplus, des difficultés de couple n'excusent en rien le fait de favoriser un ami et d'agir au mépris des obligations de sa fonction.

La collaboration du prévenu à l'enquête a été mauvaise pour les mêmes motifs que ceux évoqués pour le prévenu A______.

Sa prise de conscience apparaît inexistante pour l'essentiel mais elle semble poindre s'agissant de l'affaire de l'ESCOBAR et des conséquences qu'elle a eu pour E______. Le prévenu a exprimé à son égard des regrets sincères.

Il y a concours d'infraction, facteur d'aggravation de la peine.

Il n'a pas d'antécédents judiciaires, élément neutre dans la fixation de la peine.

Au vu de ce qui précède, il sera condamné à une peine pécuniaire de 360 jours-amende, fixée à partir d'une peine de base de 240 jours-amende pour l'acceptation d'un avantage, augmentée à 360 jours-amende pour tenir compte du concours avec l'instigation à l'abus d'autorité et la violation du secret de fonction. Le jour-amende sera fixé à CHF 300.-, sur la base des renseignements transmis relatifs à sa situation financière, étant relevé que, vu le faible revenu de sa conjointe, il convient d'imputer l'intégralité des charges du ménage au prévenu. Il sera mis au bénéfice du sursis, dont il remplit les conditions.

4.2.3. La faute du prévenu C______ est assez grave. En qualité d'entrepreneur, il a agi dans le but de favoriser son activité, de s'attirer la bienveillance d'un conseiller d'Etat et de son chef de cabinet, afin de les influencer dans le futur.

Il a agi par intérêt personnel.

Sa situation personnelle et sa très bonne situation professionnelle et financière n'excusent en rien ses agissements, au contraire.

Sa collaboration a été bonne. Il a été pour l'essentiel constant et il a fermement refusé de participer au mensonge élaboré, refusant de faire croire que son oncle avait financé le voyage.

Même s'il conteste toute culpabilité, il semble que cette procédure soit un facteur de prise de conscience.

Il n'a pas d'antécédents judiciaires, élément neutre dans la fixation de la peine.

Au vu de ce qui précède, il sera condamné à une peine pécuniaire de 240 jours-amende. Le jour-amende sera fixé à CHF 1'100.-, sur la base des renseignements transmis relatifs à sa situation financière. Il sera mis au bénéfice du sursis, dont il remplit les conditions.

4.2.4. La faute du prévenu D______ est d'une gravité légèrement moindre. Il a agi comme complice, dans le but de réseauter, d'avoir accès à un Conseiller d'Etat et son chef de cabinet pour lui, pour les affaires de C______ mais surtout pour tous tiers le sollicitant et cela même si son amitié et son affection étaient sincères.

La collaboration du prévenu à l'enquête a été très moyenne. Il a participé au mensonge et fait le ménage des messages compromettant, mais à la demande des prévenus A______ et B______. Il a été assez constant, mais a peu collaboré durant l'audience.

Même s'il conteste sa culpabilité, sa prise de conscience semble ébauchée.

Il a un antécédent judiciaire qui n'est pas spécifique.

Au vu de ce qui précède, il sera condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, complémentaire à celle prononcée le 4 août 2017 par le Ministère public du canton de Genève. Le jour-amende sera fixé à CHF 30.-, sur la base des renseignements transmis relatifs à sa situation financière. Il sera mis au bénéfice du sursis, dont il remplit les conditions.

4.2.5. La faute du prévenu E______ est de faible importance. En qualité de directeur d'un service de l'Etat, il a accepté, croyant agir en faveur d'acteurs économiques importants, de privilégier le traitement d'un dossier au détriment des autres et d'octroyer une autorisation pour un dossier incomplet.

Si cet acte est suffisamment grave pour relever du droit pénal, il est intrinsèquement d'une gravité très relative, au vu de la nature des pièces manquantes.

Il a agi sur instruction du chef de cabinet d'un Conseiller d'Etat. Il a cru que l'ordre émanait de A______, dont il avait lui-même été le chef de cabinet par le passé, ce qui a accru l'ascendance visée par la loi. Sans être un motif justificatif, cet ordre constitue une circonstance atténuante de l'art. 48 CP.

Cette situation personnelle et professionnelle n'excuse pas son acte mais l'explique. La collaboration du prévenu a été bonne. Sa prise de conscience est réelle. Il a subi les conséquences de son acte.

La circonstance atténuante précitée, cumulée à celle de l'art. 52 CP concernant le peu de gravité des faits, commandent d'exempter le prévenu de toute peine.

Inventaires et créance compensatrice

5. Le Tribunal ordonnera ou maintiendra les séquestres et ordonnera la confiscation ainsi que l'apport au dossier des documents figurant aux deux inventaires des 14 août 2018, des dossiers du SCOM concernant l'ESCOBAR (pièces C-3'197, C-3'228, C-3'413 et celles se trouvant dans les classeurs CI et CII), des documents imprimés à l'OCPM (pièces C-3'197, C-3'184 à C-3'196), des documents séquestrés chez R______ SA (C-3'553ss) et chez X______ SA (C-3'620ss).

La confiscation et la destruction des données informatiques séquestrées (C-3'200, C-3'214 et C-3'649) sera ordonnée (art. 69 CP).

La restitution à l'Etat de Genève du dossier original du SCOM concernant l'HC______ (pièce C-3'197 et celles se trouvant dans les classeurs CI et CII) sera ordonnée (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

6.1. Lorsque l'avantage illicite doit être confisqué, mais que les valeurs patrimoniales en résultant ne sont plus disponibles - parce qu'elles ont été consommées, dissimulées ou aliénées -, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent; elle ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70 al. 2 CP ne sont pas réalisées (art. 71 al. 1 CP).

Le juge peut renoncer totalement ou partiellement à la créance compensatrice s'il est à prévoir qu'elle ne serait pas recouvrable ou qu'elle entraverait sérieusement la réinsertion de la personne concernée (art. 71 al. 2 CP).

Le but de cette mesure est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés; elle ne joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient.

En raison de son caractère subsidiaire, la créance compensatrice ne peut être ordonnée que si, dans l'hypothèse où les valeurs patrimoniales auraient été disponibles, la confiscation eût été prononcée: elle est alors soumise aux mêmes conditions que cette mesure. Néanmoins, un lien de connexité entre les valeurs saisies et l'infraction commise n'est pas requis (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2. et les références citées).

La créance compensatrice peut être recouvrée sur n'importe quel actif de son débiteur, même s'il est d'origine licite et cet actif peut être saisi temporairement (LOMBARDINI, Banques et blanchiment d'argent, 3ème éd., p. 139, N 535).

6.2. En l'espèce, l'avantage illicite est le coût du voyage dont A______ et B______ ont bénéficié gratuitement, soit CHF 50'000.- pour l'un et CHF  10'000.- pour l'autre. Il représente ainsi une non-diminution du passif, dès lors que les prévenus auraient dû s'acquitter de leurs propres deniers du voyage. Compte tenu de leurs situations financières respectives, il ne se justifie pas de réduire le montant de cette créance compensatrice que l'Etat a contre les prévenus.

Par conséquent, une créance compensatrice sera prononcée à concurrence de l'enrichissement des prévenus.

Frais et indemnités

7.1. Le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné (art. 426 al. 1 CPP).

En cas d'acquittement partiel, les frais doivent être attribués au condamné proportionnellement, dans la mesure des infractions pour lesquelles il est reconnu coupable (MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du Code de procédure pénale, 2016, n. 6 ad art. 426 CPP).

La répartition des frais de procédure repose sur le principe, selon lequel celui qui a causé les frais doit les supporter. Ainsi, le prévenu doit supporter les frais en cas de condamnation (art. 426 al. 1 CPP), car il a occasionné, par son comportement, l'ouverture et la mise en oeuvre de l'enquête pénale (ATF 138 IV 248 consid. 4.4.1 p. 254; arrêt 6B_428/2012 du 19 novembre 2012 consid. 3.1). Un lien de causalité adéquate est nécessaire entre le comportement menant à la condamnation pénale et les coûts relatifs à l'enquête permettant de l'établir (arrêt 6B_53/2013 du 8 juillet 2013 consid. 4.1, non publié in ATF 139 IV 243; arrêt 6B_428/2012 du 19 novembre 2012 consid. 3.1).

A teneur de l'art. 426 al. 2 CPP, même lorsque le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile sa conduite.

Une condamnation aux frais n'est admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours.

A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte. Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête (ATF 144 IV 202 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1268/2018 du 15 février 2019 consid. 4.1).

7.2. Compte tenu de l'acquittement partiel des prévenus A______, B______, C______ et D______ pour les faits en lien avec le sondage et la violation du secret de fonction, une partie limitée des frais sera laissée à la charge de l'Etat, les faits en question n'ayant pas occasionnés de nombreux actes d'instruction. Les frais à la charge des prévenus seront répartis en fonction de l'importance de leur faute.

Pour le surplus, le Tribunal relève que, si les prévenus A______, B______ et D______ ont certes, par leurs mensonges et la dissimulation de preuves, rendu plus difficile la conduite de la procédure, tel fut le cas uniquement s'agissant des faits en lien le voyage à Abu Dhabi et non pas celui du sondage, ni de la violation du secret de fonction. Il n'y dès lors pas lieu de les condamner en tout ou en partie aux frais de la procédure en lien avec les faits pour lesquels ils ont été acquittés.

Au vu de ce qui précède, les prévenus A______, B______, C______ et D______ seront condamnés aux frais de la procédure, à hauteur de CHF 2'200.- chacun et le prévenu E______ à hauteur de CHF 500.-.

Les frais de la procédure, à hauteur de CHF 926.-, seront laissés à la charge de l'Etat.

8.1. Selon l'art. 429 al. 1 CPP, le prévenu qui est au bénéfice d'une ordonnance de classement ou qui est acquitté totalement ou en partie a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).

L'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure pénale ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 430 al. 1 let. a CPP).

La question de l'indemnisation du prévenu doit être traitée en relation avec celle des frais. Si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue. En revanche, si l'Etat supporte les frais de la procédure pénale, le prévenu a en principe droit à une indemnité selon l'art. 429 CPP (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2). La question de l'indemnisation doit être tranchée après la question des frais. Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_620/2016 du 17 mai 2017 consid. 2.2.1 et les références ; 6B_792/2016 du 18 avril 2017 consid. 3.3).

8.2. Les conclusions en indemnisation des prévenus A______, B______ et C______ seront admises uniquement pour l'activité nécessaire de leurs avocats en lien avec le sondage et la violation du secret de fonction. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués s'agissant des frais, il n'y pas lieu à réduction ou suppression de cette indemnité.

Les notes d'honoraires ne permettent pas de déterminer quelles activités des avocats sont liées aux faits qui ont fait l'objet d'un acquittement. Le Tribunal a donc tenu compte de la très brève durée des audiences d'instruction et de la durée de l'audience de jugement consacrée à ce sujet puis a évalué le temps nécessaire à l'activité raisonnable de défense, en termes de recherches, de préparation des audiences, de préparation de la plaidoirie et de la plaidoirie elle-même, de conférence avec le client et de courriers. Ainsi, un total de 30h00 sera accordé à chaque prévenu en lien avec le sondage, pour les postes énoncés, hormis le temps d'audience devant le Ministère public dont il sera tenu compte à raison de 1h00 pour le prévenu A______ (2 audiences), de 00h30 (1 audience) pour le prévenu C______ et de 2h00 (3 audiences) pour le prévenu B______. S'agissant de ce dernier, il sera également tenu compte d'1h00 d'audience devant le Ministère public en lien avec le secret de fonction ainsi que de 4h00 pour les autres postes en lien avec ces faits, soit l'audience de jugement, la préparation de la plaidoirie, la plaidoirie et les rendez-vous client. Le tarif horaire effectivement pratiqué concrètement par les avocats chef d'Etude concernés sera ensuite appliqué.

Par conséquent, le prévenu A______ sera indemnisé à hauteur de CHF 10'016.10 (31h x CHF 300.- +TVA).

Le prévenu B______ sera indemnisé à hauteur de CHF 17'932.05 (37h x CHF 450.- + TVA).

Le prévenu C______ sera indemnisé à hauteur de CHF 11'086.35 (30h30 x CHF 450.- - 25% + TVA).

Le prévenu B______ sera en revanche débouté de ses conclusions en réparation du tort moral, les conséquences évoquées sur sa personne, sa famille et son emploi étant surtout dues à la médiatisation du volet d'Abu Dhabi ainsi qu'aux mensonges et aux dissimulations auxquelles il a participé.

Les conclusions en indemnisation du prévenu E______ seront rejetées, vu le verdict de culpabilité.

9. La créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure sera compensée à due concurrence avec les indemnités accordées aux prévenus A______, B______ et C______ (art. 442 al. 4 CPP).

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

1)   Déclare A______ coupable d'acceptation d'un avantage (art. 322sexies aCP).

Acquitte A______ d'acceptation d'un avantage pour les faits visés au point 1.1.2 de l'acte d'accusation (art. 322sexies CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 300 jours-amende (art. 34 aCP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 400.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Prononce à l'encontre de A______ en faveur de l'Etat de Genève une créance compensatrice de CHF 50'000.-, celle-ci s'éteignant automatiquement dans la mesure du paiement par A______ (art. 71 al. 1 CP).

Condamne l'Etat de Genève à verser à A______ CHF 10'016.10, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

*******

2) Déclare B______ coupable d'acceptation d'un avantage (art. 322sexies aCP), de violation du secret de fonction (art. 320 ch. 1 CP) et d'instigation à abus d'autorité (art. 312 CP et 24 al. 1 CP).

Acquitte B______ de complicité d'acceptation d'un avantage pour les faits visés au point 1.2.2 de l'acte d'accusation (art. 322sexies CP et 25 CP) et de violation du secret de fonction pour les faits visés aux tirets 3 et 4 du point 1.2.3 de l'acte d'accusation (art. 320 ch. 1 CP).

Condamne B______ à une peine pécuniaire de 360 jours-amende, sous déduction de 1 jour-amende, correspondant à 1 jour de détention avant jugement (art. 34 aCP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 300.-.

Met B______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit B______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Prononce à l'encontre de B______ en faveur de l'Etat de Genève une créance compensatrice de CHF 10'000.-, celle-ci s'éteignant automatiquement dans la mesure du paiement par B______ (art. 71 al. 1 CP).

Condamne l'Etat de Genève à verser à B______ CHF 17'932.05, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Rejette les conclusions de B______ en indemnisation pour la réparation du tort moral (art. 429 al. 1 let. c CPP).

*******

3) Déclare C______ coupable d'octroi d'un avantage (art. 322quinquies aCP).

Acquitte C______ d'octroi d'un avantage pour les faits visés au point 1.4.2 de l'acte d'accusation (art. 322quinquies CP).

Condamne C______ à une peine pécuniaire de 240 jours-amende (art. 34 aCP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 1'100.-.

Met C______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit C______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne l'Etat de Genève à verser à C______ CHF 11'086.35, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

*******

4) Déclare D______ coupable de complicité d'octroi d'un avantage (art. 322quinquies aCP et 25 CP).

Acquitte D______ d'octroi d'un avantage pour les faits visés au point 1.3.2 de l'acte d'accusation (art. 322quinquies CP).

Condamne D______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende (art. 34 aCP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Dit que cette peine est complémentaire à celle prononcée le 4 août 2017 par le Ministère public du canton de Genève (art. 49 al. 2 CP).

Met D______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit D______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

*******

5) Déclare E______ coupable d'abus d'autorité (art. 312 CP).

Exempte E______ de toute peine (art. 48 let. a ch. 4 et 52 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de E______ (art. 429 CPP).

*******

Ordonne ou maintient les séquestres, ordonne la confiscation et l'apport au dossier des documents figurant aux deux inventaires des 14 août 2018, des dossiers du SCOM concernant l'ESCOBAR (pièces C-3'197, C-3'228, C-3'413 et celles se trouvant dans les classeurs CI et CII), des documents imprimés à l'OCPM (pièces C-3'197, C-3'184 à C-3'196), des documents séquestrés chez R______ SA (C-3'553ss) et chez X______ SA (C-3'620ss).

Ordonne la confiscation et la destruction des données informatiques séquestrées (C-3'200, C-3'214 et C-3'649) ; (art. 69 CP).

Ordonne la restitution à l'Etat de Genève du dossier original du SCOM concernant l'HC______ (pièce C-3'197 et celles se trouvant dans les classeurs CI et CII) ; (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______, B______, D______, C______, à raison de CHF 2'200.- chacun, et E______ à raison de CHF 500.- aux frais de la procédure (art. 426 al. 1 CPP).

Compense à due concurrence la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure avec les indemnités accordées à A______, B______ et C______ (art. 442 al. 4 CPP).

Laisse le solde des frais de la procédure, soit CHF 926.-, à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse et Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Karin CURTIN

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

 

Frais du Ministère public

CHF

6317.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

540.00

Frais postaux (convocation)

CHF

119.00

Emolument de jugement

CHF

3200.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

CHF

10'226.00 (dont 926.00 à la charge de l'Etat)

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Notification postale à B______, D______, A______, C______ et E______, soit pour eux à leurs conseils

Notification postale au Ministère public