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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/819/2021

DCSO/417/2021 du 21.10.2021 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 03.11.2021, rendu le 03.06.2022, CONFIRME
Normes : lp.32.al1.ch10
Résumé : Recours au TF formé par le créancier 5A_907/2021 Arrêt du TF du 20.4.22 : recours rejeté
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/819/2021-CS DCSO/417/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 21 OCTOBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/819/2021-CS) formée en date du 3 mars 2021 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______ [GE].

- H______

c/o Me MAURER Pascal

Keppeler Avocats

Rue Ferdinand-Hodler 15

Case postale 6090

1211 Genève 6.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1956, exerce à titre indépendant la profession d'avocat.

b. Jusqu'au 31 décembre 2020, A______ a été affilié à titre facultatif à l'institution de prévoyance C______. Le 31 mars 2020, il a fait part à ladite institution de sa décision de mettre un terme à cette affiliation, ce dont la C______ a pris acte avec effet au 31 décembre 2020. Par lettre de son conseil du 12 janvier 2021, A______ a mis la C______ en demeure de verser le montant de sa prestation de sortie à l'institution de libre passage D______, à Schwyz.

c. A______ bénéficie également d'une prévoyance liée (3ème pilier A) sous la forme d'un compte de prévoyance auprès de la FONDATION DE PREVOYANCE E______.

Le 19 décembre 2016, A______ a informé la E______ de sa volonté d'obtenir le versement anticipé, au 3 janvier 2017, de son avoir de prévoyance. Par courriers de son conseil des 13 janvier et 3 février 2021, il a réitéré cette demande et mis en demeure la E______ de verser l'intégralité de son capital de prévoyance sur le compte dont il disposait auprès de F______.

d. Par arrêt AARP/188/2020 du 26 mai 2020, confirmé le 22 décembre 2020 par le Tribunal fédéral (causes 6B_815/2020, 6B_823/2020, 6B_826/2020 et 6B_831/2020), la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a, notamment, reconnu A______ coupable de complicité de gestion déloyale, l'a condamné à une peine de deux ans de détention avec sursis pendant deux ans, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, l'a condamné, conjointement avec G______, à payer à H______ [institution de droit public] un montant de 20'460'487 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er novembre 2012, a prononcé à son encontre une créance compensatrice du même montant, allouée à H______, a ordonné le maintien, en vue de l'exécution de ladite créance, de séquestres pénaux ordonnés sur certains de ses actifs et en a levé d'autres, parmi lesquels ceux portant sur sa prestation de sortie auprès de la C______ et sur son compte de prévoyance 3ème pilier A auprès de la E______. Sur ces derniers points, la Chambre pénale d'appel et de révision a retenu que les actifs considérés étaient insaisissables en vertu de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP et ne pouvaient donc faire l'objet d'un séquestre pénal visant à garantir une créance compensatrice selon l'art. 71 al. 3 CP (arrêt du 26 mai 2020, consid. 10.5), raisonnement confirmé par le Tribunal fédéral (arrêt du 22 décembre 2020, consid. 11.3).

e. Par ordonnance de séquestre prononcée le 22 janvier 2021 sur requête de H______, le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre à hauteur de 20'460'487 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er novembre 2012 de divers actifs censés appartenir à A______, débiteur séquestré, parmi lesquels l'avoir de prévoyance deuxième pilier dont il bénéficiait auprès de la C______ ou auprès de la D______, ainsi que le compte de prévoyance liée (3ème pilier A) dont il était titulaire auprès de la E______.

f. Le 22 janvier 2021 encore, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a exécuté le séquestre en adressant des avis ad hoc aux tiers en mains desquels des actifs étaient susceptibles d'être séquestrés, soit notamment la C______, la D______ et la E______.

Il résulte des déterminations adressées les 29 janvier et 11 février 2021 par, respectivement, la D______ et la C______ qu'au moment de l'exécution du séquestre la prestation de sortie devant revenir à A______ n'avait pas encore été transférée à la première nommée et avait donc été séquestrée en mains de la seconde nommée.

g. Le procès-verbal de séquestre a été établie le 23 février 2021 et reçue le 1er mars 2021 par A______.

Il en ressort que le séquestre exécuté le 22 janvier 2021 avait porté en mains de la C______ sur les avoirs de prévoyance professionnelle (2ème pilier) dont bénéficiait A______, pour une valeur estimée à 8'738'284 fr. 27, ainsi qu'en mains de la E______ sur son compte de prévoyance liée 3ème pilier A. Il n'avait en revanche pas porté en mains de la D______.

B. a. Par acte adressé le 3 mars 2021 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le procès-verbal de séquestre, concluant à ce que le séquestre ne porte pas sur ses avoirs de prévoyance professionnelle (2ème pilier) et sur son compte de prévoyance liée (3ème pilier A). Il a fondé ces conclusions sur l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP.

b. Dans ses observations du 26 mars 2021, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Selon lui, il fallait déduire du fait que ni la C______ ni la E______ n'avaient mentionné dans leurs déterminations sur séquestre l'absence d'exigibilité des actifs concernés que le débiteur avait formulé une demande de libération totale ou partielle, a priori admissible au vu de son âge.

c. Par détermination du 26 mars 2021, H______ a également conclu au rejet de la plainte. Selon eux, il fallait retenir que l'avoir de deuxième pilier séquestré était exigible dans la mesure où A______, âgé de 64 ans au moment de l'exécution du séquestre, était d'ores et déjà en droit, selon l'art. 16 al. 1 OLP, de requérir le versement anticipé de son capital de prévoyance, ce qu'il aurait déjà fait s'il n'en avait été empêché par le séquestre pénal en vigueur jusqu'au début de l'année 2021.

d. Par ordonnance du 4 juin 2021, la Chambre de surveillance a ordonné la production de pièces supplémentaires.

e. Dans le délai imparti pour se déterminer sur ces nouveaux éléments, A______, H______ et l'Office ont persisté dans leurs conclusions respectives.

La cause a été gardée à juger le 17 août 2021.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. La plainte porte sur le caractère saisissable, et donc séquestrable (art. 275 LP), des avoirs de prévoyance professionnelle (2ème pilier) et de prévoyance liée (3ème pilier A) dont bénéficie le plaignant.

2.1 Ne sont pas saisissables, selon l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP, les droits aux prestations de prévoyance et de libre passage non encore exigibles à l'égard d'une institution de prévoyance professionnelle.

Cette disposition vise la conservation des avoirs de prévoyance professionnelle jusqu'à la survenance d'un cas de prévoyance. Elle s'applique non seulement aux avoirs de prévoyance professionnelle au sens des art. 2 et suivants LPP (2ème pilier) ainsi qu'aux prestations de libre passage (ATF 128 III 467 consid. 2.2) mais également à la prévoyance individuelle liée au sens de l'art. 82 al. 1 LPP (3ème pilier A).

Les droits aux prestations d'assurance visées par l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP deviennent exigibles avec la survenance d'un cas d'assurance. Quant aux prestations de libre passage, leur exigibilité suppose d'une part la réalisation de l'une des trois conditions alternatives prévues par l'art. 5 al. 1 LFLP et d'autre part une requête expresse du bénéficiaire (ATF 119 III 118 consid. 3.b.cc et 3.c; Winkler, in Kommentar SchKG, 4ème édition, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], N 68 ad art, 92 LP). N'est en revanche pas réputée exigible, au sens de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP, la prestation de libre-passage devant être transférée, en vue du maintien de la prévoyance, d'une institution de prévoyance à une autre institution de prévoyance ou à une institution de libre passage (ATF 119 III 118 consid. 3.a).

2.2 L'assuré qui quitte une institution de prévoyance avant la survenance d'un cas de prévoyance a droit à une prestation de sortie (art. 2 al. 1 LFLP). Si l'assuré entre dans une nouvelle institution de prévoyance ou dans une institution de libre passage, l'ancienne institution de prévoyance doit verser la prestation de sortie à cette nouvelle institution (art. 3 al. 1 LFLP). Un paiement en espèces de la prestation de sortie à l'assuré n'est possible qu'aux conditions de l'art. 5 al. 1 LFLP.

La prévoyance de l'assuré qui quitte une institution de prévoyance sans entrer dans une autre est maintenue au moyen d'une police de libre passage ou d'un compte de libre passage auprès d'une institution de libre passage (art. 10 OLP). Dans une telle hypothèse, il a droit aux prestations de vieillesse, de décès ou d'invalidité prévues par le contrat ou le règlement (art. 13 al. 1 OLP). Le paiement en espèces du montant de la police ou du compte de libre passage, possible aux conditions de l'art. 5 al. 1 LFLP (art. 14 OLP), est considéré comme une prestation (art. 13 al. 2 OLP).

2.3 Les prestations de vieillesse dues en vertu des polices et des comptes de libre passage peuvent être versées au plus tôt cinq ans avant que l'assuré n'atteigne l'âge ordinaire de la retraite visé à l'art. 13 al. 1 LPP, soit, pour les hommes, dès qu'ils ont atteint l'âge de 60 ans (art. 16 al. 1 OLP). Une telle possibilité suppose toutefois une base contractuelle ou réglementaire (art. 13 al. 1 OLP).

2.4 Dans le cas d'espèce, le plaignant, dont il est établi qu'il a quitté son ancienne institution de prévoyance au 1er janvier 2021, a certes droit à une prestation de sortie mais celle-ci n'est pas exigible au sens de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP : conformément à l'art. 1 al. 2 OLP, il a en effet indiqué à son ancienne institution de prévoyance à quelle institution de libre passage la prestation de sortie devait être transférée en vue du maintien de la prévoyance sous la forme d'une police ou d'un compte de libre passage. Aucun élément du dossier ne permet par ailleurs de retenir qu'il aurait pu demander le paiement en espèces de cette prestation de sortie, aucune des hypothèses envisagées par l'art. 5 al. 1 LFLP ne paraissant réalisée.

On ne saurait davantage admettre que d'éventuelles prestations de vieillesse – et non de libre passage – seraient exigibles. D'une part, il paraît douteux que le droit à de telles prestations, qui ne pourrait exister que contre l'institution de libre passage indiquée par le plaignant pour recevoir sa prestation de sortie, puisse exister avant même le transfert de cette prestation. D'autre part, rien n'indique que ces prestations en l'état hypothétiques seraient exigibles avant que le plaignant n'atteigne l'âge ordinaire de la retraite prévu par l'art. 13 al. 1 LPP, ce qu'il n'a pas encore fait. La possibilité d'obtenir des prestations anticipées, prévue par l'art. 16 al. 1 OLP, ne change rien à ce qui précède puisqu'un tel versement supposerait l'existence d'une disposition réglementaire à cet effet ainsi qu'une déclaration de volonté de la part de l'assuré, soit du plaignant, dont l'existence à ce jour n'est ni alléguée ni démontrée. On ne saurait non plus considérer qu'en s'abstenant d'exercer son droit à des prestations anticipées le plaignant commettrait un abus de droit au détriment de ses créanciers. En tout état, il résulte du procès-verbal de séquestre, non contesté sur ce point, que l'Office a renoncé à l'exécuter en mains de la nouvelle institution de prévoyance.

Ni la prestation de sortie revenant au débiteur ni les prestations de vieillesse auxquelles il aura éventuellement droit à compter du mois de janvier 2022 ne sont donc exigibles en l'état, avec pour conséquence qu'elles ne peuvent être ni saisies ni séquestrées.

2.5 Il en va autrement du capital de prévoyance liée dont dispose le plaignant auprès de la E______. Conformément à l'art. 10 1ère phrase du règlement de ladite Fondation, en effet, ce dernier a exercé son droit de se faire verser ledit capital de prévoyance au 3 janvier 2017, soit moins de cinq ans avant la survenance de l'âge ordinaire de la retraite. Il a en tant que de besoin renouvelé sa déclaration en ce sens par courriers de son conseil des 13 janvier et 3 février 2021, mettant à ces occasions la E______ en demeure de s'acquitter directement en ses mains du capital de prévoyance. Celui-ci est ainsi exigible, avec pour conséquence que l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP ne fait pas obstacle à ce qu'il soit saisi ou séquestré.

2.6 La plainte doit ainsi être admise en tant qu'elle est dirigée contre le séquestre des avoirs de prévoyance professionnelle dont dispose le plaignant auprès de la C______, dès lors que ceux-ci, qui doivent être transférés à une nouvelle institution de prévoyance en vue du maintien du but de prévoyance, ne sont pas encore exigibles au sens de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP. Elle doit en revanche être rejetée en tant qu'elle est dirigée contre le séquestre du capital de prévoyance dont dispose le plaignant auprès de la E______, celui-ci étant exigible, et par conséquent séquestrable, au moment de l'exécution du séquestre.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 3 mars 2021 par A______ contre le procès-verbal de séquestre n° 1______.

Au fond :

L'admet partiellement.

Annule le séquestre en tant qu'il a été exécuté sur les avoirs de prévoyance professionnelle déposés par A______ auprès de la C______.

Invite l'Office cantonal des poursuites à rectifier en ce sens le procès-verbal de séquestre.

Rejette la plainte pour le surplus.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseur(e)s; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.