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Décisions | Chambre de surveillance

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C/464/2007

DAS/50/2014 du 12.03.2014 sur DJP/68/2013 ( AJP ) , ADMIS

Descripteurs : ADMINISTRATEUR OFFICIEL DE LA SUCCESSION; DROIT À UNE AUTORITÉ INDÉPENDANTE ET IMPARTIALE; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT; RÉVOCATION(PERSONNE OU ORGANE)
Normes : CC.551; CC.554; CC.595.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/464/2007 DAS/50/2014

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

La Chambre civile

DU MERCREDI 12 MARS 2014

Appel (C/464/2007) formé le 28 novembre 2013 par A______, domicilié ______, ______ (Genève), comparant par Me Thierry F. ADOR, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile aux fins des présentes.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 13 mars 2014 à :

 

- A______
c/o Me Thierry F. ADOR, avocat,
Avenue Krieg 44, case postale 45, 1211 Genève 17.

- B______
c/o Me Marc LIRONI, avocat,
Boulevard Georges-Favon 19, case postale 5121, 1211 Genève 11.

- C______
______, ______ Genève.

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A.           a) D______, née le ______ à Genève, de nationalité suisse, est décédée le ______ 2007 à ______ (Genève). Elle était ______.

Elle a été mise sous curatelle le ______ 2006.

b) B______, née ______, est la nièce de la défunte et a vocation à lui succéder ab intestat.

c) D______ habitait dans sa villa, sise ______ (Genève).

La défunte était très proche de la famille de A______, soit le couple E______ et F______ et leurs enfants G______, A______, H______ et I______. Elle était la marraine de trois d'entre eux. La famille de A______, sauf A______, logeait dans la villa de D______, en contrepartie de leurs services (soins, aide, assistance, tâches quotidiennes, jardinage, etc.).

d) Du 23 mai 1993 au 28 février 2006, D______ a rédigé plusieurs testaments olographes, à savoir :

- du 23 mai 1993, instituant l'épouse F______ seule héritière;

- du 15 avril 2000, instituant l'ainée G______ pour unique héritière;

- du 5 décembre 2003, révoquant toutes dispositions testamentaires antérieures;

- du 16 novembre 2004, instituant son amie J______ comme unique héritière;

- du 1er mars 2005, révoquant toutes dispositions testamentaires antérieures et

- du 28 février 2006, révoquant toutes dispositions antérieures et instituant héritier A______. Le 14 mars 2006, D______, accompagnée par A______, avait remis ce testament et une convention du 28 février 2006 signée par elle et des membres de la famille de A______ en main propre à K______, notaire.

B. a) Le 11 mai 2007, la Justice de paix a ordonné l'administration d'office de la succession et a nommé C______, ______, aux fonctions d'administratrice. La valeur de la succession était de l'ordre de 720'000 fr., avant la découverte d'avoirs à 1______ (2______) pour 1'650'000 fr.

b) Dans son rapport d'entrée en fonction du 21 août 2007 adressé à la Justice de paix, C______ a demandé notamment l'autorisation de solliciter l'expertise graphologique du testament du 28 février 2006 en raison de doutes sur son authenticité. Elle a relevé que la calligraphie régulière et uniforme du texte le rendait "plus que suspect" pour une personne âgée de presque ______ ans, que le titre de civilité était "Madame" au lieu de celui usité par la défunte de "Mademoiselle", les "fautes linguistiques" de sa rédaction et la signature de "D______" au lieu de "______" usuelle.

La Justice de paix a répondu le 28 août 2007 à C______ qu'elle partageait ses préoccupations en raison de plusieurs éléments troublants, mais qu'elle ne pouvait pas accéder à sa demande d'expertise, laquelle devait être requise dans le cadre d'une action en nullité.

c) Dès le 15 mai 2007, la famille de A______, qui n'était plus au bénéfice d'un droit d'habitation, a été astreinte par l'administratrice, agissant en accord avec la Justice de paix, de payer un loyer mensuel de 2'500 fr., sous déduction de frais d'entretien justifiés.

C. a) Les 15 janvier et 8 février 2008, J______, respectivement B______, ont assigné A______ devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) aux fins de faire constater la nullité des testaments des 1er mars 2005 et 28 février 2006.

b) Par jugement du 3 février 2011, le Tribunal les a déboutées des fins de leurs actions respectives. Il a exclu tout doute sur l'authenticité du testament du 28 février 2006 et la capacité de discernement de la testatrice.

c) A la suite de l'appel formé par B______, la Cour de justice a, par arrêt du 18 novembre 2011, annulé ce jugement, sauf en tant que J______ avait été déboutée de toutes ses conclusions, et a renvoyé la cause au Tribunal pour nouvelle décision, après mise en œuvre d'expertises graphologique et médicale sur la capacité de discernement de la testatrice.

d) Par jugement du 3 septembre 2013, le Tribunal a annulé le testament du 28 février 2006, a constaté que la seule héritière légale de la défunte était B______ et qu'A______ ne détenait aucun droit dans la succession de D______.

Le Tribunal a suivi les avis des experts L______ et du Dr M______, exprimés dans leurs rapports respectifs des 22 août 2012 (déposé le 28 août 2012 et complété d'un courrier du 12 septembre 2012) et 17 janvier 2013. Il résultait du premier qu'il n'existait aucun indice pertinent pour soutenir la thèse d'une falsification du testament du 28 février 2006, tandis que le second parvenait à la conclusion que D______ n'avait pas rédigé ses dernières volontés durant une période de lucidité et qu'elle ne disposait plus de la capacité de discernement dans le domaine des décisions testamentaires.

e) A______ a reçu en septembre 2012 le rapport d'expertise graphologique du 22 août 2012 et la lettre de l'expert du 12 septembre 2012.

f) L'appel formé par A______ à l'encontre de ce jugement est actuellement pendant par devant la Cour de justice.

D. a) Parallèlement à ces procédures judiciaires, C______ a, par courrier du 8 mars 2011, fait parvenir à la Justice de paix le premier jugement du Tribunal du 3 février 2011 en ces termes :

"(…) A la lecture dudit jugement, vous pouvez constater que certains testaments n'ont pas été déposés auprès de votre Autorité. Il s'agit plus précisément des testaments olographes du 23 mai 1993, 15 avril 2000 et d'un pacte intervenu entre la famille de A______ et D______ le 20 septembre 2000.

La question qui se pose est de savoir si tous (sic) les dispositions pour causes de mort de la défunte ont été annoncées par les membres de la famille de A______ ou si celle-ci est encore en possession d'autres écrits de la main de la défunte et les garde pour «en cas de besoin»… Il est peu probable que leurs conseils respectifs ne les aient pas rendus attentifs au fait que toute volonté pour cause de mort doive être déposée auprès de votre juridiction.

Enfin, il est surprenant de constater que le Tribunal de Première Instance ait refusé d'ordonner une expertise graphologique alors que l'authenticité du testament du 28 février 2006 a été remise en cause non seulement par moi-même, mais également par plusieurs témoins et parties à la procédure.

(…)".

Réservant la possibilité d'un appel à la Cour de justice, C______ a ajouté : "Dans le cas contraire, le doute concernant l'authenticité du testament en question demeurera gravé à jamais dans beaucoup d'esprits, à l'exception de la famille de A______ et de ses conseils respectifs…

En effet, il n'y a que cette expertise qui pourrait écarter les soupçons et balayer tous doutes quant à l'inauthenticité dudit testament.

Il est également dans l'intérêt de la famille de A______ que cette expertise soit ordonnée, afin qu'elle puisse être lavée de tout soupçon (si le faux devait être écarté)".

b) Par courrier du 15 septembre 2011, A______ a protesté auprès de la Justice de paix à propos de la teneur du courrier du 8 mars 2011, lequel lui paraissait clairement dépasser la neutralité attendue d'un mandataire officiel.

Ce courrier, pourvu du timbre de la Justice de paix apposé le 9 mars 2011, avait été produit par B______ à l'appui de son appel à la Cour de justice du 10 mars 2011 à l'encontre du jugement du 3 février 2011. A______ avait formé sa réponse à l'appel le 16 juin 2011.

c) Par courrier du 29 mai 2012, C______ a avisé la Justice de paix de l'existence d'avoirs de la défunte auprès de N______ à 1______ (2______). Elle a ensuite rapporté qu'A______ avait précisé que sa famille se porterait acquéreur à n'importe quel prix de la villa de D______. Elle supposait "dès lors qu'il était au courant de l'existence des fonds à 1______".

E. a) Par plainte du 10 octobre 2012, A______ a sollicité de la Justice de paix qu'elle mette fin au mandat de l'administratrice C______ et le confie à un tiers dans l'attente de l'issue du procès entre B______ et lui-même. Il l'a priée d'observer la plus extrême retenue dans l'examen des opérations de C______ sujettes à rémunération par la succession de D______ aux fins d'exclure toute rémunération des prestations se situant hors du mandat confié ou effectuées en violation des règles liées à ce mandat.

A______ a dénoncé la méfiance et les soupçons de malhonnêteté tenus par l'administratrice, à son égard et à l'égard de sa famille, dans le rapport de celle-ci du 21 août 2007 et son courrier de relance du 8 mars 2011 relatifs à la falsification du testament du 28 février 2006.

Il a ajouté que seule B______ avait reçu copie du courrier du 8 mars 2011, ce qui dénotait que l'administratrice communiquait de façon privilégiée avec l'une des prétendantes à la succession.

Il s'opposait ainsi à la rémunération de toutes les opérations effectuées par C______ en dehors de l'administration de la succession, dès lors qu'elle s'était "muée en avocate des parties demanderesses au litige (…)", ne respectant pas "le devoir de neutralité inhérent à sa charge".

b) Par courrier du 16 octobre 2012 adressé à la Justice de paix, l'administratrice a répondu qu'elle comprenait le désir de la famille de A______ de l'éloigner du dossier et a rappelé que sa stratégie d'investigations approfondies lui avait permis par le passé de déceler une falsification de testament. Elle a ajouté que la Justice de paix avait dû intervenir auprès du conseil de la famille de A______ pour réunir tous les testaments. E______ lui avait refusé l'accès à la villa de la défunte dans un premier temps, puis avait contesté le loyer qu'elle avait réclamé au point de s'être sentie verbalement agressée. Cette famille avait constitué l'ex-curatrice de la défunte, situation qui avait engendré un conflit d'intérêts. Elle avait découvert l'existence d'avoirs "off-shore", sans pouvoir affirmer avec certitude que la famille de A______ était informée de l'existence de ceux-ci. A son sens, ces éléments justifiaient largement sa méfiance et ses soupçons. Quant au courrier du 8 mars 2011, l'administratrice répétait que B______ en avait eu connaissance par la consultation du dossier auprès de la Justice de paix.

F. Par ordonnance du 12 novembre 2013, reçue le 18 novembre 2013 par A______, la Justice de paix a déclaré recevable la plainte de celui-là à l'encontre de C______ (ch. 1 du dispositif) et l'a rejetée (ch. 2). Elle a rappelé à C______ son devoir d'impartialité dans l'exercice de ses fonctions d'administratrice d'office (ch. 3) et a mis un émolument de 700 fr. à la charge du plaignant (ch. 4).

Selon le juge de paix, l'administratrice avait œuvré dans l'intérêt de l'hoirie et il ne pouvait lui être reproché d'avoir fait preuve d'impartialité (sic) entre les prétendants en exprimant ses doutes sur l'authenticité des dispositions testamentaires de la défunte.

En revanche, le juge de paix a reproché à l'administratrice d'avoir failli à son devoir d'impartialité en communiquant une copie de son courrier du 8 mars 2011 uniquement à l'un des prétendants à la succession, le favorisant par rapport aux autres. Cette faute ne revêtait toutefois pas un degré de gravité susceptible de causer la révocation de son mandat, en l'absence de préjudice du plaignant, qui avait pu s'exprimer sur ce courrier et de griefs sur la qualité de l'activité de l'administratrice.

G. a) Par acte expédié le 28 novembre 2013 à la Cour de justice, A______ (ci-après aussi : l'appelant) appelle de cette ordonnance, dont il sollicite l'annulation.

Il conclut à l'admission de sa plainte, à la révocation du mandat de l'administratrice et à ce que celui-ci soit confié à un tiers dans l'attente de la fin du procès civil entre B______ et lui-même relatif à la succession de D______. Il formule une offre de preuve.

L'appelant reproche à l'administratrice d'avoir outrepassé ses pouvoirs par son insistance à remettre en cause l'authenticité du testament du 28 février 2006, confirmée par les conclusions de l'expertise graphologique du 22 août 2012, ce qui dénotait son manque d'objectivité. Elle a violé son devoir de renseigner les héritiers en privilégiant la remise de son courrier du 8 mars 2011 à l'une des parties au litige. Enfin, elle a manqué à ses devoirs de neutralité et d'impartialité en prenant parti de manière ostentatoire en défaveur de l'appelant, tant auprès des autorités judiciaires que des parties à la procédure.

Contestant que l'existence d'un préjudice soit une condition nécessaire, il relève qu'en tout état de cause, il a été atteint dans son honneur et que l'attitude de l'administratrice a contribué à prolonger la durée et les coûts des procédures judiciaires engagées.

L'appelant fait ainsi grief à la Justice de paix d'avoir retenu que ces graves manquements étaient néanmoins compatibles avec la fonction en cause. Ceux-ci ne pouvaient pas être sanctionnés par un blâme, dépourvu de base légale. Enfin, il soutient que la destitution devait être prononcée également en cas de violation de l'obligation de traiter les héritiers de manière égalitaire et du devoir de neutralité en cas de divergence d'intérêts.

b) C______ conclut au déboutement de l'appelant.

Elle réfute avoir remis une copie de son courrier du 8 mars 2011 à B______ et persiste à soutenir qu'elle a pu en prendre connaissance par la consultation du dossier au greffe de la Justice de paix. Elle ajoute que ses doutes sur l'authenticité du document ont été partagés par la Cour de justice dans son arrêt du 18 novembre 2011, raison pour laquelle la cause a été retournée au Tribunal pour ordonner notamment l'expertise graphologique. A son sens, "L'appelant devrait être plutôt satisfait et reconnaissant d'avoir pu bénéficier d'une expertise dont les conclusions sont en sa faveur compte tenu que plusieurs personnes n'étaient pas convaincues en ce sens. Il est donc lavé de tout soupçon". Elle rappelle n'avoir aucune obligation de transmettre aux héritiers une copie de sa correspondance avec la Justice de paix ni de leur rendre compte de son activité. Enfin, son courrier du 8 mars 2011 n'a, à son sens, eu aucune incidence sur l'issue du litige tranché par la Cour de céans le 18 novembre 2011.

c) B______ a déposé ses observations le 15 janvier 2014. Elle conclut au rejet de l'appel, avec suite de frais. Subsidiairement, elle formule une offre de preuves.

Elle conteste que l'administratrice lui ait adressé une copie de sa lettre du 8 mars 2011 et s'étonne que l'appelant ait attendu un an et demi pour se prévaloir de celle-ci.

EN DROIT

1. Les décisions du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC), sont susceptibles d’un appel ou d'un recours à la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ), dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), selon que la valeur litigieuse est ou non d'au moins 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse se détermine au regard de la valeur des actes accomplis ou devant être accomplis par l'administratrice d'office dont la destitution est sollicitée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_414/2012 du 19 octobre 2012 consid. 1.1).

En l’espèce, la cause est de nature pécuniaire et la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. au regard de la valeur des actes accomplis ou devant être accomplis par l'administratrice d'office, compte tenu notamment du loyer qu'elle perçoit pour le compte de la succession (2'500 fr. par mois, représentant un capital de 600'000 fr. selon le mode de calcul de l'art. 92 al. 2 CPC) et la recherche d'avoirs successoraux (1'650'000 fr.) à 1______ (2______).

L'appel a été formé dans le délai et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142, 308 al. 1 let. a, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

La Cour revoit la cause avec un pouvoir de cognition complet (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 310 CPC).

2. 2.1. Selon l'art. 551 CC, l'autorité compétente est tenue de prendre d'office les mesures nécessaires pour assurer la dévolution de l'hérédité (al. 1), dont l'administration d'office fait partie (al. 2).

L'autorité genevoise compétente est la Justice de paix (art. 3 al. 1 let. f de la Loi genevoise d'application du Code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile, LaCC, E 1 05).

La Justice de paix ordonne l'administration d'office de la succession lorsqu'aucun de ceux qui prétendent à la succession ne peut apporter une preuve suffisante de ses droits (art. 554 al. 1 ch. 2 CC).

L'administrateur est placé sous le contrôle de l'autorité et les héritiers peuvent recourir à celle-ci contre les mesures projetées ou prises par lui (art. 595 al. 3 CC).

L'administrateur officiel occupe une position semblable à celle de l'exécuteur testamentaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_414/2012 du 19 octobre 2012 consid. 4.1 et 5C.311/2001 du 6 mars 2002 consid. 2b), avec des pouvoirs toutefois moins étendus (boson, Les mesures de sûreté en droit successoral, in RVJ/ZWR 2010 p. 103, p. 118).

Il n'est pas le représentant des autres héritiers. Il gère la succession en son propre nom et en vertu de pouvoirs propres, indépendants et opposables à tous. Chargé d'une fonction privée, au sens des art. 398 et ss CO par analogie, il est placé sous la surveillance d'une autorité à laquelle les héritiers peuvent recourir quant à l'opportunité des mesures prises ou à prendre, les litiges juridiques relevant de la compétence du juge. L'administrateur officiel exerce une fonction de gestion de la succession, sans déployer d'activité de liquidation de celle-ci (boson, op. cit., pp. 116-117).

De par la loi, l'administrateur a notamment les devoirs suivants :

-          exécuter personnellement la mission qui lui est confiée (art. 398 CO);

-          commencer sa mission sitôt sa nomination;

-          remplir fidèlement et avec diligence son mandat (art. 398 al. 2 CO);

-          établir l'inventaire complet de la succession dès sa nomination;

-          se doter des moyens nécessaires pour mener à bien sa tâche (secrétariat, informatique, etc.);

-          prendre toutes les mesures immédiates propres à garantir la succession, nécessitées par les circonstances;

-          prendre en compte l'intérêt et les souhaits des héritiers;

-          traiter de manière égale tous les héritiers;

-          informer les héritiers;

-          rendre compte périodiquement à l'autorité de nomination (boson, op. cit., p. 118).

Les motifs de destitution de l'administrateur d'office sont les mêmes que ceux de l'exécuteur testamentaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_195/2013 du 9 juillet 2013 consid. 2.2.6, 5A_414/2012 du 19 octobre 2012 consid. 4.1 et 5A_713/2011 du 2 février 2012 consid. 3.1; décision de l'Autorité de surveillance des tutelles du 30 août 2007, DAS/159/2007 consid. 4.5).

Il peut être révoqué en particulier s'il viole son devoir de traitement égalitaire des héritiers, assorti du devoir de neutralité en cas de divergence d'intérêts (arrêt de la Cour de justice du 29 janvier 2001, consid. 2b publié in SJ 2001 I 519).

Il en va de même s'il transgresse gravement les devoirs de sa charge, soit s'il commet une faute engendrant des risques graves pour les droits des héritiers ou pour leur réalisation matérielle, par une mauvaise administration, des malversations ou des lenteurs injustifiées (DAS/159/2007 consid. 4.5 et la référence à schuler/buche, L'exécuteur testamentaire, l'administrateur officiel et le liquidateur officiel : étude et comparaison, Lausanne 2003, pp. 136 et 182). En théorie, il y a destitution chaque fois que la gestion de l'exécuteur testamentaire, respectivement l'administrateur officiel, fera courir des risques graves aux droits des héritiers et des légataires, et à la réalisation matérielle de ces droits. Il en va ainsi d'une mauvaise administration, des malversations ou des lenteurs injustifiées. Ces divers exemples supposent une faute ou une négligence grave de la part de l'exécuteur destitué. En revanche, une mésentente entre l'exécuteur et les héritiers ne constituera pas un motif de destitution puisque l'exécuteur a, tout comme l'administrateur, une position indépendante à leur égard. Dans la pratique, le Tribunal fédéral exige une faute particulièrement importante pour qu'un manquement grave aux obligations de l'exécuteur testamentaire soit admis (DAS/159/2007 et la référence à schuler/buche, op. cit., p. 136).

L'autorité de surveillance n'intervient en principe que sur plainte, laquelle peut être déposée par les héritiers légaux, institués et potentiels, par toute personne gratifiée par le disposant d'une libéralité testamentaire. La personne qui dépose une plainte doit en outre être intéressée au point critiqué (arrêts du Tribunal fédéral 5A_414/2012 du 19 octobre 2012 consid. 5 et les références citées et 5A_713/2011 du 2 février 2012 consid. 3.2.), respectivement être lésée formellement et matériellement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_713/2011 du 2 février 2012 consid. 4.1).

2.2. En l'espèce, et contrairement à l'avis exprimé par le premier juge, il n'est pas certain que l'administratrice d'office ait remis une copie de son courrier du 8 mars 2011 à B______, puisque celui-ci comporte le timbre de la Justice de paix daté du 9 mars 2011, de sorte qu'il est possible que cette dernière en ait obtenu une copie à la suite d'une consultation du dossier au greffe de la Justice de paix, la veille de son appel du 10 mars 2011.

L'administratrice a certes rempli son rôle en examinant attentivement le testament du 28 février 2006 et en signalant à la Justice de paix ses doutes sur son authenticité, par courrier du 8 mars 2011.

En revanche, en insinuant explicitement l'implication de la famille de l'appelant dans la rédaction d'un faux testament, ainsi que cela résulte de la teneur de son courrier du 8 mars 2011 : "le doute concernant l'authenticité du testament en question demeurera gravé à jamais dans beaucoup d'esprits, à l'exception de la famille de A______ et de ses conseils respectifs…", ajoutant qu'"il est également dans l'intérêt de la famille de A______ que cette expertise soit ordonnée, afin qu'elle puisse être lavée de tout soupçon (si le faux devait être écarté)", elle a outrepassé son devoir de traitement égalitaire des héritiers, assorti du devoir de neutralité en cas de divergence d'intérêts au sens de la jurisprudence genevoise (arrêt de la Cour de justice du 29 janvier 2001, publié in SJ 2001 I 519 consid. 2b). Autrement dit, elle ne s'est pas contentée de suspecter l'inauthenticité du testament en cause, ce qui pouvait entrer dans sa mission, mais a en quelque sorte pris parti contre l'un des héritiers institués en portant une accusation grave à son encontre d'être impliqué dans la confection d'un faux testament.

La position partiale de l'administratrice transparaît en outre de sa détermination de seconde instance lorsqu'elle expose que "L'appelant devrait être plutôt satisfait et reconnaissant d'avoir pu bénéficier d'une expertise dont les conclusions sont en sa faveur compte tenu que plusieurs personnes n'étaient pas convaincues en ce sens. Il est donc lavé de tout soupçon".

Il en a été de même lorsque l'administratrice a déduit hâtivement de la volonté de la famille de A______ de racheter la villa de la défunte que celle-ci avait connaissance des avoirs de cette dernière à 1______ (2______).

Il faut dès lors retenir que la prévention de l'administratrice à l'encontre de l'appelant et de sa famille est établie, de sorte que sa partialité ne lui permet pas d'assumer la continuation de son mandat en respectant son devoir de traitement égalitaire des héritiers et de faire preuve de neutralité dans le contexte de la divergence d'intérêts qui les opposent (arrêt de la Cour de justice du 29 janvier 2001, publié in SJ 2001 I 519 consid. 2b), bien qu'il ne soit résulté de son attitude aucun dommage pour la succession.

Pour sa part, l'appelant a désapprouvé la teneur du courrier du 8 mars 2011, parvenu en ses mains à mi-juin 2011, par une lettre du 15 septembre 2011 auprès de la Justice de paix, laquelle est demeurée sans suite en dépit de la violation du devoir de neutralité de l'administratrice. Ensuite, il a attendu les conclusions de l'expertise graphologique du 22 août 2012, complétée par un courrier du 12 septembre 2012, avant de former sa plainte du 10 octobre 2012. Sa plainte n'est donc pas tardive et il conserve un intérêt manifeste à solliciter la révocation du mandat de l'administratrice, puisque la procédure l'opposant à B______ par-devant la Cour de céans demeure pendante.

L'appel est dès lors fondé, de sorte que le mandat de l'administratrice est révoqué, avec effet au jour du prononcé de la présente décision. La cause sera renvoyée au juge de paix afin qu'il nomme une autre personne chargée de l'administration d'office de la succession de D______.

3. Les frais judiciaires des deux instances sont fixés à 1'200 fr., soit 700 fr. pour la première instance (art. 67 al. 1 du Règlement genevois fixant le tarif en matière civile, RTFMC, E 1 05.10) et 500 fr. pour l'appel (art. 19 LaCC, 26, 35 à 37 RTFMC) et seront mis dans leur totalité à la charge de l'administratrice, qui succombe dans ses conclusions. Les frais d'appel sont compensés à concurrence de 500 fr. avec l'avance de ce montant, qui reste acquise à l'Etat.

L'administratrice d'office est condamnée à rembourser le montant de 500 fr. à l'appelant au titre des frais judiciaires d'appel qu'il a avancés, ainsi qu'au paiement de 700 fr. de frais de première instance aux Services financiers du Pouvoir judiciaire. Elle sera, en outre, condamnée à s'acquitter de 2'000 fr. TTC de dépens à l'appelant (84, 85 et 88 RTFMC, 20 et 20 al. 3 LaCC).

4. L'arrêt de la Cour, statuant en matière de surveillance d'un représentant successoral, est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. b ch. 5 LTF; arrêts du Tribunal fédéral 5A_195/2013 du 9 juillet 2013 consid. 1.1, 5A_399/2012 du 3 décembre 2012 consid. 1.1 et 5A_414/2012 du 19 octobre 2012 consid. 1.1).

Le litige porte sur le prononcé de mesures administratives dans le cadre de la surveillance de l'activité de l'administratrice d'office. Il a pour objet une affaire pécuniaire, dont la valeur litigieuse se détermine au regard de la valeur des actes accomplis ou devant être accomplis par l'administratrice d'office (arrêt du Tribunal fédéral 5A_414/2012 du 19 octobre 2012 consid. 1.1), laquelle atteint la valeur d'au moins 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre l'ordonnance DJP/68/2013 rendue le 12 novembre 2013 par la Justice de paix dans la cause C/464/2007-9.

Au fond :

Annule cette ordonnance.

Révoque le mandat de l'administratrice d'office C______ avec effet au jour du prononcé de la présente décision.

Renvoie la cause à la Justice de paix pour nomination d'une nouvelle personne en charge de l'administration d'office de la succession de D______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Fixe les frais judiciaires de première instance et d'appel à 1'200 fr. et les met à la charge de C______.

Dit que les frais d'appel sont compensés à concurrence de 500 fr. avec l'avance de frais de ce montant opérée par A______, qui reste acquise à l'Etat.

Condamne C______ à rembourser à A______ le montant de 500 fr. au titre des frais judiciaires d'appel.

Condamne C______ à payer la somme de 700 fr. au titre des frais judiciaires de première instance aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne C______ à verser 2'000 fr. TTC de dépens à A______.

Siégeant :

Monsieur Jean-Marc STRUBIN, président; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.