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Décisions | Assistance juridique

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AC/1683/2012

DAAJ/122/2021 du 07.09.2021 sur AJC/2516/2021 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1683/2012 DAAJ/122/2021

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MARDI 7 SEPTEMBRE 2021

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, avocat, p.a. ______,

 

contre la décision du 29 avril 2021 de la Vice-présidente du Tribunal de première instance.

 


EN FAIT

A.           a. Le 10 octobre 2012, B______ a été mis au bénéfice de l'assistance juridique pour sa défense dans le cadre des mesures protectrices de l'union conjugale dans la cause C/1______/2012. Me A______ a été désigné pour défendre ses intérêts.

b. Par jugement JTPI/15756/2012 du 31 octobre 2012, le Tribunal a statué sur lesdites mesures protectrices de l'union conjugale. Aucun appel n'a été formé contre cette décision.

c. Par e-mail du 17 novembre 2016, Me A______ a sollicité du greffe de l'assistance juridique qu'il soit renoncé à la prescription s'agissant de tous ses états de frais en souffrance, indiquant être un peu dépassé par la tâche actuellement.

d. Par réponse du même jour, la Directrice du greffe de l'assistance juridique, lui a indiqué ne pas pouvoir renoncer à invoquer la prescription pour l'ensemble des dossiers d'assistance juridique dont il était en charge. Elle acceptait toutefois de lui laisser un délai au 31 mars 2017 pour déposer ses états de frais dans les dossiers dans lesquels la prescription n'était pas déjà acquise au 17 novembre 2016, mais sur le point d'intervenir.

Ce délai a été ensuite été prolongé jusqu'au 30 juin 2017, sans que Me A______ ne dépose aucune liste.

e. Le 18 novembre 2019, Me A______ a fait notifier à l'ETAT DE GENEVE un commandement de payer pour un montant de 100'000 fr. au titre des "prétentions en indemnisation par l'ETAT DE GENEVE de l'activité déployée par Me A______ en qualité de défenseur d'office". L'ETAT DE GENEVE y a formé opposition.

f. Le 5 juin 2020, Me A______ a demandé au greffe de l'assistance juridique la taxation de ses honoraires pour l'activité déployée en faveur de B______ dans le cadre de la procédure C/1______/2012.

g. Par décision TAX/2______/2020 du 19 août 2020, le greffe de l'assistance juridique a refusé de taxer l'état de frais déposé le 5 juin 2020 au motif que la créance en indemnisation était prescrite. Me A______ n'avait pas valablement interrompu le délai de prescription quinquennale, qui était échu au 20 novembre 2017, soit cinq ans après l'entrée en force du jugement. En effet, la créance était déjà prescrite lorsqu'il avait fait notifier le commandement de payer l'ETAT DE GENEVE en novembre 2019.

h. Le 31 août 2020, Me A______ a formé une demande de reconsidération de la décision du 19 août 2020, réclamant la taxation de son état de frais du 5 juin 2020. Il a fait valoir que les causes d'interruption de la prescription sont admises plus largement en droit administratif qu'en droit privé, une simple demande pouvant interrompre le délai et en faire partir un nouveau. En l'occurrence, des actes tendant au recouvrement étaient intervenus largement avant la prescription de 2017.

i. Par décision du 28 avril 2021, reçue le 3 mai 2021 par Me A______, la Vice-présidente du Tribunal de première instance a rejeté la demande de reconsidération de Me A______.

Elle a relevé que le greffe de l'assistance juridique n'avait pas renoncé à se prévaloir de la prescription pour l'ensemble des créances que Me A______ pourrait avoir à l'encontre de l'ETAT DE GENEVE et il avait indiqué qu'il n'entrerait pas en matière pour les créances qui seraient déjà prescrites. S'il avait consenti un délai à Me A______ pour lister les dossiers concernés par sa demande de renonciation à invoquer la prescription, ce dernier n'avait présenté aucune demande s'agissant de la procédure AC/1683/2012, ni produit d'état de frais relatif à ce mandat avant le 5 juin 2020.

Même à considérer que la prescription de la créance en indemnisation de l'avocat nommé d'office puisse être interrompue par un acte du créancier autre que ceux énumérés exhaustivement par l'art. 135 ch. 2 CO, ce qui semblait discutable, tel n'avait pas été le cas en l'espèce. En effet, même si en droit public tout acte du créancier propre à faire admettre la prétention en question suffit à interrompre le délai de prescription, à savoir une simple déclaration écrite adressée à l'autorité compétente par laquelle la créance est revendiquée contre le débiteur de manière appropriée, il fallait que l'autorité soit en mesure d'identifier les faits sur lesquels l'administré fondait une prétention, le délai de prescription n'étant pas interrompu si la prétention invoquée ne pouvait être identifiée de manière évidente. Or, les courriers de Me A______ ne permettaient pas d'identifier le présent dossier d'assistance juridique et, a fortiori, la créance visée par une éventuelle interruption du cours du délai de prescription. Partant, le délai de prescription échéant au 20 novembre 2017 n'avait pas été valablement interrompu et l'état de frais du 5 juin 2020 avait été déposé une fois la prescription quinquennale déjà acquise. La demande de reconsidération devait donc être rejetée.

B.            a. Par acte expédié le 14 mai 2021 à la Cour de justice, Me A______ a formé recours contre cette décision. Il a conclu à son annulation et à ce que son état de frais du 5 juin 2020 soit taxé. Il a préalablement conclu à pouvoir plaider sa cause en audience publique.

Il a fait valoir que le raisonnement du premier juge voulant que seul le code des obligations soit applicable était aussi infondé que choquant. Il était acquis qu'il avait interrompu la prescription, en temps utiles, par plusieurs démarches, sans qu'il importe que l'ETAT DE GENEVE ait accepté d'interrompre la prescription, puisque le seul fait que la démarche existe était suffisant. L'autorité était en mesure d'identifier les faits sur lesquels il fondait sa prétention puisqu'une simple recherche dans le système informatique permettait d'avoir cette information, si bien que, saisie d'une demande visant les dossiers où il avait été nommé d'office, l'autorité était parfaitement en mesure d'identifier les dossiers concernés. Subsidiairement, il a allégué que la pratique en matière d'assistance judiciaire avait toujours été d'accepter de taxer l'activité d'un avocat d'office, même si cela faisait plus de cinq ans que la dernière activité avait été déployée.

b. Dans ses observations du 20 mai 2021, la Vice-présidente du Tribunal de première instance a relevé qu'il n'appartenait pas au greffe de l'assistance juridique de procéder aux recherches permettant d'identifier chacun des dossiers dans lesquels un avocat a été nommé d'office et où une potentielle créance existerait. Enfin, il n'existait aucune pratique en matière d'assistance juridique consistant à indemniser l'activité d'un avocat lorsque la prescription quinquennale est déjà atteinte.

c. Le recourant, à qui les observations du 20 mai 2021 ont été communiquées par pli du même jour, n'a pas déposé d'écritures spontanées.

EN DROIT

1.             1.1. Les décisions de reconsidération en matière de taxation, rendues en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Présidente de la Cour de justice. Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

L'avocat commis d'office dispose à titre personnel d'un droit de recours au sujet de la rémunération équitable accordée (ATF 131 V 153 consid. 1; Tappy, Commentaire romand CPC, 2ème éd., 2019, n. 22 ad art. 122 CPC).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Le recourant a préalablement conclu à pouvoir plaider sa cause en audience publique.

2.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend pour le justiciable le droit de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 133 I 270 consid. 3.1; 126 I 15 consid. 2a/aa; 124 I 49 consid. 3a). Il ne garantit en revanche pas le droit de s'exprimer oralement devant l'autorité appelée à statuer (ATF 125 I 209 consid. 9b; 122 II 464 consid. 4c).

2.2 En l'espèce, dès lors que le recourant a pu pleinement s'exprimer dans son acte de recours et avait eu la possibilité de se déterminer, par une réplique spontanée, sur les déterminations de l'autorité intimée, que le droit d'être entendu n'inclut pas le droit d'être entendu oralement et que le recourant n'indique pas en quoi son audition serait nécessaire, il ne sera pas donné suite à sa conclusion préalable visant à être entendu par la Cour.

3. Le recourant ne reproche pas au premier juge d'avoir considéré que l'art. 128 al. 3 CO était applicable à la prescription de la créance en indemnisation de l'avocat nommé d'office, mais d'avoir considéré que seul l'art. 135 CO permettait l'interruption de la prescription à l'exclusion d'autres actes admis en droit administratif ainsi que d'avoir retenu, à titre subsidiaire, qu'il n'avait pas effectué de tels actes.

3.1. Le Tribunal fédéral a retenu qu'en l'absence de règle sur la prescription résultant du droit public, la solution consistant, dans les rapports de droit public également, à retenir que les prétentions de l'avocat en rémunération de ses services se prescrivaient par 5 ans dès la fin du mandat du défenseur d'office (art. 128 ch. 3 CO) n'apparaissait pas critiquable. Une telle solution rendait compte de l'analogie existant entre les honoraires de l'avocat dans son activité privée et les indemnités qu'il perçoit de l'Etat en tant que conseil d'office (ATF 6B_1198/2017 du 18 juillet 2018 consid. 6.3.3. et 6.4; 6B_546/2018 du 16 août 2018 consid. 7).

De même, la Chambre administrative de la Cour de justice a retenu qu'en l'absence de base légale expresse et d'une règlementation de droit public à laquelle se référer, les règles pertinentes du droit privé devaient être appliquées. Elle a ainsi retenu que dans la mesure où la législation applicable au personnel de la fonction publique ne traitait pas de la question de la prescription des créances en matière d'heures supplémentaires, il convenait de faire référence à l'art. 128 ch. 3 CO qui prévoit qu'en matière de rapports de travail les actions des travailleurs, pour leurs services, se prescrivent par cinq ans (ATA/1021/2019 du 18 juin 2019 consid. 4a et les références citées).

Dans ce même arrêt, la Chambre administrative a toutefois retenu que les conditions d'interruption de la prescription étaient plus souples en droit public que celles prévues par l'art. 135 CO. Il s'agissait de tout acte propre à faire admettre la prétention en question, visant à l'avancement de la procédure et accompli dans une forme adéquate. L'administré interrompait la prescription par toute intervention auprès de l'autorité compétente tendant à faire reconnaître ses droits. D'une manière générale, la prescription était interrompue par tout acte par lequel le créancier faisait valoir sa créance de manière adéquate vis-à-vis du débiteur (ATA/1021/2019 précité consid. 4b et les références citées).

Selon le Tribunal fédéral administratif, si le contenu de la réclamation ne doit pas être soumis à des exigences trop élevées, celle-ci doit toutefois contenir les éléments permettant à l'administration d'identifier pour quels faits l'administré entend interrompre la prescription (ATFA A-1271/211 du 16 août 2011 consid. 4.3.2; Meier, Verjährung und Verwirkung öffentlich-rechtlicher Forderungen, 2013, p. 266).

3.2 En l'espèce, c'est à juste titre que le recourant ne conteste pas l'application de l'art. 128 ch. 3 CO dès lors que la législation relative à l'indemnisation des avocats d'office ne contient aucune règle sur la prescription.

De même, il ne peut être reproché au premier juge d'avoir laissé la question ouverte s'agissant de savoir si la prescription pouvait non seulement être interrompue par l'un des actes mentionnés à l'art. 135 CO mais également par tout acte propre à faire admettre la prétention en question. En effet, le recourant se contente d'alléguer avoir effectué "plusieurs démarches" ayant interrompu la prescription sans toutefois établir les dates de ces démarches et le contenu de celles-ci. Le seul acte porté à la connaissance des autorités consiste dans la demande du recourant tendant à ce qu'il soit renoncé à la prescription pour l'ensemble des créances qu'il détiendrait à l'encontre de l'ETAT DE GENEVE. Cette demande n'était pas de nature à interrompre la prescription puisque le recourant n'y réclamait pas le paiement de sa créance dans la présente procédure. En outre, si le recourant n'avait pas le temps nécessaire pour dresser la liste des procédures dans lesquelles il entendait interrompre la prescription, cela signifie que le nombre de celles-ci était important. Il ne pouvait ainsi être exigé du greffe de l'assistance juridique qu'il pallie les carences du recourant en dressant la liste de toutes les procédures où il avait été nommé d'office, avant de consulter chacune d'elles pour déterminer si elle avait déjà été taxée, était déjà prescrite ou s'il y avait lieu de considérer que la prescription avait été interrompue. C'est ainsi à juste titre que le premier juge a retenu que le recourant n'avait, quel que soit le type d'acte interruptif retenu, pas interrompu la prescription et qu'il avait déposé son état de frais dans la présente cause une fois la prescription quinquennale déjà acquise.

Pour le surplus, le recourant ne rend pas vraisemblable une pratique de l'administration consistant à taxer l'activité d'un avocat d'office après que la prescription a été acquise.

Au vu de ce qui précède, le recours, infondé, sera rejeté.

4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 14 mai 2021 par A______ contre la décision rendue le 29 avril 2021 par la Vice-présidente du Tribunal de première instance dans la cause AC/1683/2012.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.