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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/5033/2019

CAPH/223/2020 du 16.12.2020 sur JTPH/40/2020 ( OO ) , REJETE

En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5033/2019-3 CAPH/223/2020

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 16 decembre 2020

 

Entre

A______, sise ______, Berne, recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 3 février 2020 (JTPH/40/2020), comparant par Me Joanna BÜRGISSER, avocate, Bürgisser & Piquerez Avocates, avenue de Frontenex 5, 1207 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ (GE), intimé, comparant par Me Mirolub VOUTOV, avocat, rue Pierre-Fatio 12, 1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 

 

 

EN FAIT

A.           a. Par jugement JTPH/40/2020 du 3 février 2020, notifié aux parties le lendemain, statuant par voie de procédure sommaire, le groupe 3 du Tribunal des prud'hommes (ci-après: le Tribunal) a rejeté la demande de récusation formée par la A______ à l'encontre de C______ (ch. 1 du dispositif) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2).

b. L'expédition conforme du jugement notifié aux parties ne comporte pas la signature de la présidente du groupe 3. Elle porte au pied du dispositif, sous l'indication des qualités de la présidente et de la greffière-juriste, la mention suivante "Les expéditions certifiées conformes sont revêtues uniquement du sceau du Tribunal des prud'hommes."

La dernière page du jugement notifié aux parties porte le sceau du Tribunal, muni de la signature de la greffière, sous l'indication "Pour notification certifiée conforme".

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 14 février 2020, la A______ forme un recours contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, la recourante conclut au prononcé de la récusation de C______ dans la cause C/5033/2019-2, les frais du recours devant être laissés à la charge de l'Etat.

A l'appui de son recours, elle produit un extrait du site internet du Tribunal daté du 4 février 2020 et un courrier du Tribunal du 6 février 2020 dans la cause C/5033/2019-2.

c. B______ n'a pas répondu au recours dans le délai qui lui a été imparti à cette fin, ni ultérieurement.

d. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par courrier du greffe de la Cour de justice du 11 mars 2020.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent du dossier soumis au Tribunal:

a. Par acte du 11 juillet 2019, B______ a saisi le Tribunal des prud'hommes d'une demande dirigée contre la A______ (ci-après: la A______), tendant au paiement de diverses sommes totalisant 45'051 fr. 45.

A l'appui de sa demande, il alléguait notamment avoir travaillé pour la A______ en qualité d'employé de cuisine du 6 décembre 2011 au 2 janvier 2018.

b. La cause a été attribuée au groupe 5 du Tribunal. La partie défenderesse a été invitée à répondre à la demande par courrier du greffe du 24 juillet 2019, ce qu'elle a fait par mémoire réponse du 12 septembre 2019.

c. Par courrier du 7 novembre 2019, le Tribunal a informé les parties du fait que la cause relevait du domaine de la restauration et devait par conséquent être attribuée au groupe 2 au lieu du groupe 5.

Un délai leur était imparti pour se déterminer sur ce point, avec la précision que la procédure serait présidée par C______, présidente du groupe 5, mais également présidente suppléante du groupe 2.

d. Par courrier de son conseil du 12 novembre 2019, la A______ a acquiescé à l'attribution de la cause au groupe 2. Elle a émis le souhait d'un changement de présidence, au motif que C______ n'exerçait pas son activité principale dans le domaine de l'hôtellerie ou de la restauration. Elle relevait que D______, président du groupe 5, avait déjà eu connaissance des faits de la cause dans le cadre d'une autre procédure initiée par B______ à l'encontre d'un tiers défendeur, ayant conduit à un jugement d'irrecevabilité.

B______ a déclaré ne pas s'opposer au changement de groupe et s'en rapporter à justice quant à l'attribution de la procédure.

e. Par courrier de son conseil du 13 novembre 2019, la A______ a adressé au Tribunal un bordereau de preuves et un chargé de pièces complémentaires. Elle a précisé l'adresse de témoins dont l'audition était sollicitée par sa partie adverse, tout en s'opposant à l'audition desdits témoins.

f. Par courrier du 14 novembre 2019, le Tribunal a répondu à la A______ que la problématique soulevée dans son courrier du 12 novembre 2019 pourrait être discutée lors de l'audience de débats d'instruction du 18 novembre 2019, qui serait présidée par C______. Il ajoutait qu'aucun changement de composition du Tribunal ne serait effectué en l'état.

g. Par courrier de son conseil déposé au greffe du Tribunal le vendredi 15 novembre 2019, la A______ a réitéré sa requête d'un changement de présidence. Elle indiquait que le maintien à la présidence du groupe 2 de C______, qui exerçait la profession de clerc d'avocat, contrevenait à plusieurs dispositions légales, selon lesquelles l'attribution de la présidence au président d'un autre groupe professionnel n'était autorisée qu'à titre exceptionnel. La A______ requérait le report de l'audience déjà fixée et le prononcé d'une décision formelle et motivée sur la composition du Tribunal.

h. A l'audience de débats d'instruction du lundi 18 novembre 2019, la A______ n'a pas comparu, ni personne pour elle.

La présidente C______ a expliqué les circonstances lui permettant de siéger au groupe 2, exposant qu'elle était présidente suppléante salariée dudit groupe depuis une dizaine d'années, en plus d'assumer la présidence du groupe 5. Lors de l'attribution par le greffe de la cause au groupe 5, elle s'était aperçue de l'erreur, qu'elle avait signalée au greffe en précisant que le dossier devait, de préférence, être attribué au président du groupe 2 qui s'était déjà occupé "du premier volet de l'affaire", soit en l'occurrence D______; Celui-ci lui avait cependant demandé de conserver le dossier dès lors qu'il n'était pas disponible pour l'audience déjà agendée au 18 novembre 2019, qu'il n'avait pas étudié le fond du dossier dans la procédure qu'il avait eu à traiter, seule la question de la recevabilité s'étant posée, et que son rôle d'audiences, extrêmement chargé, ne lui aurait pas permis d'agender une audience avant mi-janvier 2020 au plus tôt.

C______ a précisé à l'intention des parties que les juges qui siégeraient avec elle seraient issus du groupe 2; si l'une des parties souhaitait contester le fait que la procédure lui soit attribuée, elle pouvait utiliser la voie de la récusation ou recourir contre une décision formelle rendue en composition complète, qui pourrait être prochainement notifiée.

La présidente a ensuite proposé de poursuivre l'audience de débats d'instruction, telle que valablement convoquée. La partie demanderesse s'est déterminée sur les allégués de la partie défenderesse, une ordonnance de preuve a été rendue et les débats principaux ont été ouverts, ceux-ci étant agendés aux 9 et 23 janvier 2020.

i. Le procès-verbal de l'audience susvisée, contenant l'ordonnance de preuve, a été notifié à la A______ le 20 novembre 2019.

j. Par courrier de son conseil du 28 novembre 2019, la A______ a indiqué au Tribunal que la tenue de l'audience du 18 novembre précédent et la reddition d'une ordonnance de preuve sur le siège, malgré sa demande de report de l'audience et d'une décision formelle quant à la composition du Tribunal, laquelle demande était demeurée sans réponse, constituaient un déni de justice. Elle a sollicité la notification d'une décision formelle et motivée sur la composition du Tribunal, statuant dans une autre composition que celle du 18 novembre 2019, et requis la récusation de C______ en tant que de besoin.

k. Par courrier du 2 décembre 2019, la directrice du Tribunal a indiqué aux parties que la requête de récusation serait transmise au groupe 3 conformément aux dispositions légales applicables.

Par ordonnance du 4 décembre 2019, la présidente du groupe 3 a imparti un délai de dix jours à B______ et à la présidente C______ pour se déterminer sur la requête de récusation.

l. Dans ses déterminations du 10 décembre 2019, C______ a confirmé ses explications quant aux circonstances ayant conduit D______ à lui demander de conserver la présidence du dossier en sa qualité de présidente suppléante du groupe 2. Le courrier du 14 novembre envoyé par le Tribunal indiquait aux parties que la problématique soulevée par la défenderesse n'était pas figée, mais allait être discutée lors de l'audience lors de laquelle chacune des parties aurait pu faire valoir son droit d'être entendu avant qu'une décision ne soit prise.

La présidente avait pris connaissance du courrier de la A______ du vendredi 15 novembre 2019, le lundi 18 novembre suivant, jour de l'audience, qu'elle avait décidé de maintenir, compte tenu des informations données aux parties par le Tribunal le 14 novembre précédent. La A______ avait fait défaut lors de ladite audience; la procédure avait alors suivi son cours conformément à l'art. 147 al. 2 CPC.

C______ considérait être légitimée à fonctionner en sa qualité de présidente du groupe 2 dans la présente cause et contestait toute violation du droit d'être entendu ou déni de justice. Elle a ainsi conclu au rejet de la demande de récusation et précisé, pour le surplus, qu'à ce stade de la procédure, aucune composition complète du Tribunal n'avait encore été désignée dans cette affaire.

m. B______ ne s'est pas déterminé sur la requête de récusation.

n. Dans sa réplique spontanée du 8 janvier 2020, la A______ a notamment indiqué qu'en maintenant l'audience du 18 janvier, malgré sa demande de report, C______ avait déjà préjugé quant à l'attribution de la cause et quant à la composition du Tribunal s'agissant de sa présidence. C______ ne faisait valoir aucun motif exceptionnel au sens de la loi justifiant la suppléance de présidence. L'indisponibilité de D______ pour l'audience du 18 novembre et l'impossibilité de ré-agender avant la mi-janvier 2020 ne constituaient pas des motifs exceptionnels au sens de la loi. La cause qui l'opposait à son ancien employé ne relevait au surplus d'aucune urgence, s'agissant d'un second dépôt après notification d'un jugement d'irrecevabilité.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré qu'aucune des parties n'avait remis en cause l'attribution de la cause au groupe professionnel 2, de sorte que cette question n'avait plus à être examinée. La A______ ne contestait pas la nomination et la qualité de présidente suppléante du groupe 2 de C______, qui officiait comme telle depuis fin novembre 2011. La prénommée était certes également présidente du groupe 5, mais elle ne présidait pas le groupe 2 en cette qualité, en application de la disposition légale permettant au président d'un groupe d'assurer à titre exceptionnel la présidence d'un autre groupe que le sien. C'était en sa qualité de présidente suppléante du groupe 2 que C______ avait accepté de présider la présente cause. Sa présidence ne relevait pas du Tribunal "d'exception" prévu par la loi et la contestation de cette présidence constituait ainsi une demande de récusation s'attachant à la personne de C______ en tant que telle.

Or, de ce point de vue, la A______ n'établissait aucune circonstance de fait permettant d'admettre objectivement la partialité ou même l'apparence de prévention de la présidente C______. C'était manifestement en toute bonne foi et par souci de célérité en faveur de parties que la prénommée avait accepté de présider la cause, et ce en sa qualité de présidente suppléante du groupe 2. On ne pouvait pas déceler dans cette acceptation un quelconque acte de partialité ou de prévention à l'encontre de l'une ou l'autre des parties.

C'était également par souci de célérité et sans prévention à l'égard de l'une ou l'autre des parties que la présidente avait décidé de maintenir l'audience du 18 novembre 2019. L'annulation de cette audience ne pouvait être imposée par aucune des parties, cette décision relevant de la compétence de la présidence du Tribunal. En l'occurrence, cette annulation ne se justifiait pas, dans la mesure où les deux parties avaient validé l'attribution de la cause à un Tribunal issu du groupe 2 et avaient été informées le 14 novembre 2019 du fait que la présidente expliquerait à l'audience les circonstances de sa présidence, laissant ainsi également aux parties la possibilité d'exercer leur droit d'être entendues. C'était de sa propre initiative que la défenderesse avait choisi de ne pas participer à l'audience du 18 novembre 2019; la présidente avait poursuivi l'instruction de la cause conformément au code de procédure civile et avait de même notifié une ordonnance de preuve, malgré le défaut de la partie défenderesse. La récusation n'ayant pas encore été requise à ce stade, ils ne pouvaient pas davantage être considérés comme des actes de prévention à l'encontre de la partie défenderesse.

Enfin, la présidente avait précisé conformément au droit et sans prévention à l'encontre des parties que sa présidence pouvait être contestée par la voie de la récusation, ou le cas échéant par la voie d'un recours contre une décision quant à la compétence du Tribunal rendue dans sa composition complète. Il n'y avait pas non plus de motif de récusation de C______ quant à une éventuelle future décision sur la composition du Tribunal; conformément à la jurisprudence, cette question devait être tranchée en composition complète, incluant la présidence. Considérant en outre que la récusation devait rester l'exception et ne pouvait être admise à la légère, la requête de récusation devait en l'espèce être rejetée.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions statuant sur une demande de récusation sont uniquement susceptibles de faire l'objet d'un recours, écrit et motivé, auprès de la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice dans un délai de 10 jours à compter de leur notification (art. 50 al. 2 et 321 al. 1 et 2 CPC; art. 14 al. 3 LTPH), la procédure sommaire étant applicable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_475/2018 du 12 septembre 2019 consid. 3.3; Wullschlefer, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, Sutter-Somm et al. (éd.), 3ème éd., 2016, n. 5 ad art. 50 CPC; Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 21 ad art. 50 CPC).

1.2 En l'espèce, le recours a été formé dans le délai légal et répond aux exigences de forme, de sorte qu'il est recevable.

1.3 Le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait.

2.             Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

En l'espèce, la recourante produit à l'appui de son recours deux pièces non soumises au Tribunal. Ces moyens de preuve sont irrecevables, indépendamment de la date à laquelle ils ont été établis. Il en va de même des nouvelles allégations de faits relatives auxdites pièces.

3.             La recourante invoque tout d'abord la nullité du jugement entrepris, au motif que l'exemplaire qui lui en a été notifié ne porte pas la signature du magistrat ayant statué.

3.1 En vertu de l'art. 238 let. h CPC, la décision contient la signature du tribunal.

Le droit cantonal détermine la ou les personne(s) habilitée(s) à signer au nom du tribunal (arrêt du Tribunal fédéral 5A_123/2018 du 1er mars 2018 consid. 1.2.1 et les réf. cit.). Rien n'empêche le législateur cantonal d'autoriser un greffier à signer les décisions (arrêt du Tribunal fédéral 4A_184/2017 du 16 mai 2017 consid. 2). Le droit fédéral n'exige pas la signature de tous les juges qui ont pris part à la décision (arrêt du Tribunal fédéral 5A_792/2019 du 19 décembre 2019 consid. 3.1).

Selon l'art. 27 LaCC (RS Ge E 1 05), toutes les juridictions ont des sceaux qui portent les armoiries de la République et dont la forme est déterminée par la commission de gestion du pouvoir judiciaire. Les sceaux portent pour légende la désignation de la juridiction (al. 1). La signature du juge autorisé à signer selon le règlement de la juridiction vaut signature du tribunal selon l'art. 238 let. h, CPC (al. 2). Les expéditions des jugements sont revêtues du sceau de la juridiction qui les a rendus (al. 3).

Selon l'art. 22 LTPH (RS Ge E 3 10), Le greffe assume les tâches qui lui sont confiées par la loi et par le règlement du tribunal (al. 1); il minute les jugements et les arrêts, les expédie et les fait notifier (al. 5).

3.2 En l'espèce, l'expédition du jugement entrepris notifiée à la recourante comprend le sceau de la juridiction des prud'hommes, conformément à l'art. 27 al. 3 LaCC, ainsi que la signature du greffier.

Comme la recourante le reconnaît elle-même, ni la LTPH, ni le règlement du Tribunal des prud'hommes (RS Ge E 2 05.44) ne désignent un juge autorisé à signer pour le Tribunal, au sens de l'art. 27 al. 2 LaCC. Il s'ensuit que cette disposition n'a pas de portée propre dans le cas d'espèce. En matière de prud'hommes, la question est directement régie par l'art. 238 let. h CPC, qui n'empêche pas qu'un jugement puisse être signé par un greffier si le droit cantonal le permet, conformément aux principes rappelés ci-dessus. En l'occurrence, l'art. 22 al. 5 LTPH, qui prévoit que le greffe minute les jugements et les expédie, consacre notamment cette possibilité, en l'absence de disposition plus précise. Pour cette raison déjà, le grief doit être écarté.

La recourante ne conteste par ailleurs pas que l'original du jugement conservé par le greffe comporte, contrairement aux expéditions notifiées aux parties, la signature du président ayant statué. Or, à défaut d'une disposition expresse, rien dans les principes rappelés ci-dessus n'exige que les expéditions notifiées aux parties comportent également une telle signature, ni ne fait obstacle à ce que lesdites expéditions diffèrent du jugement original sur ce point. Par conséquent, à supposer même que la signature du jugement par le président ayant statué fût nécessaire pour satisfaire aux exigences des art. 238 let. h CPC et 27 al. 2 LaCC, comme le soutient la recourante, ces exigences seraient dans ce cas de figure réalisées.

Pour ce motif également, le grief doit être rejeté.

4.             Sur le fond, la recourante reproche au Tribunal d'avoir considéré que la présidente C______ pouvait assumer la présidence du Tribunal dans la présente cause de manière conforme au droit. La recourante soutient que cette présidence consacre une insoutenable violation de la loi.

4.1 A teneur de l'art. 30 al. 1 Cst., qui a la même portée que l'art. 6 § 1 CEDH, toute personne, dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire, a droit à ce que sa cause soit portée devant un Tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Cette disposition constitutionnelle interdit les tribunaux d'exception et la mise en œuvre de juges ad hoc ou ad personam; elle impose des exigences minimales en procédure cantonale et requiert une organisation judiciaire ainsi qu'une procédure déterminées par un texte légal (ATF 129 V 335 consid. 1.3.1 et les références); ces principes s'appliquent aussi aux juges suppléants et laïcs (arrêts du Tribunal fédéral 8C_470/2012 du 29 mai 2013 consid. 3; I 688/03 du 15 mars 2004 consid. 2 in SVR 2005 IV n. 32 p. 119 et les références).

Le Tribunal fédéral a admis de façon constante que la composition irrégulière d'une autorité constitue une cause d'annulabilité du jugement qui a été rendu (ATF 136 I 207 consid. 5.6; arrêts du Tribunal fédéral 9C_683/2012 du 27 mai 2013; 9C_836/2012 du 15 mai 2013; I 688/03 précité consid. 3).

4.1.1 A l'art. 3 LTPH, le législateur genevois a expressément prévu des groupes distincts en fonction de l'activité de l'employeur, si celle-ci se déploie dans un seul domaine, et de l'activité du salarié, si l'employeur est actif dans plusieurs domaines.

Le groupe 2 correspond aux domaines de l'hôtellerie, des cafés et restaurants, ainsi que de l'industrie, artisanat et commerce alimentaires (art. 3 al. 1 let. b LTPH). Le groupe 5 connaît des professions qui ne relèvent pas d'autres groupes, notamment les professions médicales et paramédicales, les professions juridiques et judiciaires, les agents d’affaires et agents intermédiaires, etc. (art. 3 al. 1 let. e LTPH).

4.1.2 En vertu de l'art. 6 LTPH, chaque groupe tient une séance constitutive dans les quinze jours suivant la prestation de serment des magistrats (al. 1). Un président et un vice-président sont élus pour une année dans chaque groupe. Est élu celui qui obtient un nombre de suffrages égal aux deux tiers des voix des juges présents (al. 2). Les autres personnes que le président et le vice-président du groupe qui sont appelées à présider le tribunal (ci-après : présidents de tribunal) sont élues pour une année selon le même mode de scrutin (al. 3).

Selon l'art. 12 LTPH, le tribunal est composé du président ou du vice-président du groupe, ou d'un président de tribunal désigné par le groupe, d'un juge prud'homme employeur et d'un juge prud'homme salarié (al. 1). En cas de besoin, un président de tribunal peut assurer, à titre exceptionnel, la présidence d’un tribunal d’un autre groupe que le sien (al. 3).

L'art. 17 LTPH prévoit que le tribunal saisi est compétent à raison du groupe lorsque les parties procèdent sans faire de réserve sur cette compétence (al. 1). Si le tribunal constate que la cause relève de la compétence d’un autre groupe, il la transmet au groupe qu'il estime compétent (al. 2).

4.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que la cause a d'abord été attribuée par erreur au groupe 5 du Tribunal, dont C______ est présidente. En application de l'art. 17 al. 2 LPTH, le Tribunal a ensuite transmis la cause au groupe 2, dont la compétence n'est pas davantage litigieuse.

La recourante conteste que C______ puisse aujourd'hui conserver la présidence du Tribunal appelé à statuer, dans le cadre du groupe 2. A cet égard, la recourante ne nie cependant pas que la prénommée possède, outre la qualité de présidente du groupe 5 élue en application de l'art. 6 al. 2 LTPH, la qualité de présidente "suppléante" du groupe 2, c'est-à-dire de présidente de tribunal élue en application de l'art. 6 al. 3 LTPH (le terme de "suppléant" étant celui utilisé par l'ancien droit genevois, qui consacrait une organisation similaire, cf. art. 6 al. 3 et art. 9 al. 1 aLJP).

Or, cette seconde qualité permet à C______ de présider un tribunal du groupe 2 en tant que "président de tribunal désigné par le groupe", au sens et en application de l'art. 12 al. 1 LTPH, ce qu'elle a précisément accepté de faire en l'espèce. Comme l'a retenu le Tribunal, la présidence de C______ ne constitue pas en l'espèce un cas d'application de l'art. 12 al. 3 LTPH, qui permet au président d'un groupe d'exercer exceptionnellement la présidence d'un autre groupe lorsque des circonstances particulières l'exigent.

La présidence de C______ dans le cadre du tribunal appelé à connaître de la présente cause pour le compte du groupe 2, en application de l'art. 12 al. 1 LTPH, est donc conforme aux règles d'organisation judiciaire cantonales et ne constitue pas un tribunal d'exception, contrairement aux allégations de la recourante. Cette présidence régulière peut notamment s'exercer sans que soient réalisées des circonstances particulières, étant relevé qu'en l'espèce, le président élu du groupe 2 a indiqué ne pas avoir connaissance du fond du litige, son intervention s'étant limitée à un problème de recevabilité dans le cadre d'une autre demande initiée par l'appelant contre un tiers défendeur et a invoqué une surcharge de travail. En dépit de ce que soutient recourante, la loi n'imposait aucune obligation au Tribunal d'attribuer dans ce cas la cause au vice-président du groupe 2, ni à une autre présidente de tribunal membre dudit groupe. La répartition des causes entre le président d'un groupe, son vice-président et les autres présidents de tribunal au sein dudit groupe relève de la discrétion du Tribunal et une partie ne saurait prétendre à ce qu'une hiérarchie particulière soit respectée dans cette répartition, ni à ce qu'une cause soit attribuée à un.e président.e en particulier, plutôt qu'à un.e autre. Il sera encore précisé, afin d'être complet, que le président GISIGER n'est jamais intervenu dans le cadre de la présente procédure, dont il n'a pas connu.

Par conséquent, le grief doit être rejeté et il n'y a pas lieu d'annuler le jugement entrepris pour ce motif.

5.             La recourante indique avoir également sollicité d'emblée la récusation de C______. Elle reproche au Tribunal de ne pas avoir admis sa requête en ce sens.

5.1 Selon l'art. 47 al. 1 let. f CPC, les magistrats se récusent lorsqu'ils pourraient être prévenus de toute autre manière que celles mentionnées aux let. a à e, notamment en raison d'un rapport d'inimitié avec une partie ou son représentant.

Cette disposition concrétise les garanties découlant de l'art. 30 al. 1 Cst., qui a, de ce point de vue, la même portée que l'art. 6 § 1 CEDH. La garantie d'un juge indépendant et impartial permet de demander la récusation d'un magistrat dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité (ATF 140 III 221 consid. 4.2; 134 I 20 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_674/2016 du 20 octobre 2016 consid. 3.1; 5A_171/2015 du 20 avril 2015 consid. 6.1).

La récusation ne s'impose pas seulement lorsqu'une prévention effective est établie, parce qu'une disposition relevant du for intérieur ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Cependant, seules les circonstances objectivement constatées doivent être prises en compte, les impressions purement subjectives de la partie qui demande la récusation n'étant pas décisives (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1; 138 I 1 consid. 2.2 et les arrêts cités). Le risque de prévention ne saurait être admis trop facilement, sous peine de compromettre le fonctionnement normal des tribunaux (ATF 105 Ia 157 consid. 6a; 122 II 471 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 1F_4/2015 du 23 février 2015 consid. 2.1).

5.2 En l'espèce, la recourante ne soutient pas, ni ne démontre, que la présidente E______ aurait donné l'apparence d'un manque d'indépendance, de partialité ou d'inimitié à l'égard d'une partie. La recourante reconnaît elle-même qu'elle ne formule pas de reproches d'une telle nature personnelle à l'encontre de la prénommée. Au surplus, le seul fait que celle-ci ne soit pas professionnellement active dans le domaine de l'hôtellerie ou de la restauration ne suffit pas à susciter une apparence de prévention de sa part, ni permet de douter de sa capacité à conduire le procès litigieux avec la neutralité, l'objectivité ou l'autorité nécessaires. Son élection en qualité de présidente "suppléante" du groupe 2 et ses années d'expérience dans cette charge conduisent au contraire à présumer l'existence de telles qualités.

Par conséquent, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré qu'aucun motif de récusation ne pouvait être retenu à l'encontre de la présidente C______.

6.             La recourante soutient enfin qu'en maintenant l'audience du 18 novembre 2019 et en rendant une ordonnance de preuve sur le siège, malgré sa demande de report de ladite audience et d'une décision formelle sur la composition du Tribunal, la présidente C______ aurait préjugé l'attribution de la cause et commis un déni de justice. Elle reproche au jugement entrepris de ne pas avoir constaté la nullité de ces décisions.

6.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. et l'art. 53 CPC, comprend notamment pour le justiciable le droit de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 133 I 270 consid. 3.1; 126 I 15 consid. 2a/aa; 124 I 49 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_540/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.3.1

Une autorité judiciaire commet un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 II 154 consid. 4.2; 141 V 557 consid. 3.2.1).  

Une partie est défaillante lorsqu’elle omet d’accomplir un acte de procédure dans le délai prescrit ou ne se présente pas lorsqu’elle est citée à comparaître (art. 147 al. 1 CPC). La procédure suit son cours sans qu'il soit tenu compte du défaut, à moins que la loi n’en dispose autrement (al. 2).

6.2 En l'espèce, il découle des développements énoncés sous consid. 4 ci-dessus que la présidente C______ est légitimée à assumer la présidence du tribunal aux fins de conduire le présent procès pour le compte du groupe 2.

Comme la recourante le reconnaît elle-même, son courrier du 12 novembre 2019 ne constituait pas formellement une demande de récusation, mais seulement une demande que la cause soit attribuée à un autre président, compte tenu du changement de groupe annoncé. Le Tribunal était dès lors fondé à indiquer à la recourante que la question serait débattue à l'audience du 18 novembre suivant et qu'aucun changement dans la composition du tribunal ne serait opéré en l'état. La recourante a certes réitéré sa requête et sollicité le report de l'audience par courrier du vendredi 15 novembre 2019. Elle ne pouvait cependant de bonne foi s'attendre à recevoir une réponse du Tribunal avant la tenue de l'audience le lundi 18 novembre suivant, ni se dispenser d'y comparaître. En maintenant cette audience, le Tribunal a précisément respecté le droit d'être entendue de la recourante et cette dernière ne saurait valablement se plaindre d'une violation dudit droit alors qu'elle a sciemment omis de comparaître à ladite audience.

A l'audience du 18 novembre 2019, la présidente C______ avait certes connaissance du courrier de la recourante du 15 novembre précédent. Celui-ci ne constituait cependant pas davantage une requête formelle de récusation à son encontre. Il n'y avait dès lors pas lieu pour la présidente de surseoir à l'instruction de la cause dans l'attente qu'une décision soit rendue sur récusation en application de l'art. 14 al. 3 LTPH. Considérant que la recourante ne comparaissait pas à l'audience pour préciser la problématique qu'elle soulevait, comme elle y avait été invitée, la présidente ne pouvait par ailleurs pas tenir pour certain que celle-ci entendait persister dans sa demande d'une "décision motivée sur la composition du Tribunal". Elle n'a dès lors pas commis de déni de justice en ne statuant pas immédiatement sur cette question. Dès lors que l'attribution de la cause au groupe 2 n'était pas contestée et que sa récusation n'était pas formellement requise, la présidente était effectivement fondée à poursuivre le cours du procès conformément à l'art. 147 al. 2 CPC, et, ce faisant, à rendre une ordonnance de preuve. La recourante, qui avait elle-même pris position sur l'offre de preuve de sa partie adverse par courrier du 13 novembre précédent, devait s'attendre à ce qu'une décision puisse être prise sur ce point lors des débats d'instruction. Elle ne peut de bonne foi reprocher au Tribunal de l'avoir fait en son absence, alors que l'occasion lui était également donnée de s'exprimer à ce propos.

Aucun déni de justice ni aucune violation du droit d'être entendue de la recourante ne peuvent ainsi être retenus. Par conséquent, le recours sera intégralement rejeté.

7.             La recourante, qui succombe, sera condamnée au versement d'un émolument arrêté à 150 fr. (art. 106 al. 1 CPC; art. 19 et 68 RTFMC).

8.             Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière civile au Tribunal fédéral conformément à l'art. 92 LTF. La valeur litigieuse est supérieure à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF).

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 3 :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 14 février 2020 par la A______ contre le jugement JTPH/40/2020 prononcé le 3 février 2020 par la présidente du groupe 3 du Tribunal des prud'hommes dans la cause C/5033/2019.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Condamne la A______ à payer à l'Etat de Genève un émolument arrêté à 150 fr.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE CHAVANNE, présidente; Monsieur Claudio PANNO, juge employeur; Madame Monique LENOIR, juge salariée; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.