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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4060/2020

ATAS/987/2022 du 14.11.2022 ( LPP ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4060/2020 ATAS/987/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 novembre 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié chemin ______, ChÊne-Bougeries, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Giuseppe DONATIELLO

 

 

demandeur

contre

B______, sise route ______, Petit-Lancy

C______, sise route ______, Petit-Lancy, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Vincent CARRON

défenderesses

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé), ressortissant russe né le ______ 1985, a été engagé le 1er février 2007 par D______ société sise en Russie (ci-après: société russe) qui fait partie de la multinationale américaine E______ en qualité d'« associate manager » au sein du département « Consumer & Market Knowledge ».

b. Du 1er novembre 2011 au 31 août 2017, il a été détaché auprès de C______ (ci-après: C______), société sise au Petit-Lancy dont le but social est notamment la commercialisation au niveau international de F______. L'intéressé y a occupé la fonction d'« insigths manager in oral care CEEMEA (Central Eastern Europe, Middle East and Africa) business unit » jusqu'en septembre 2013, puis de « regional manager G______ Europe of the fabric care business unit ».

L’extrait du compte individuel de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS) de l'intéressé enregistre des revenus soumis à cotisations liés à des activités auprès de C______à hauteur de CHF 33'559.- en 2011, CHF 162'589.- en 2012, CHF 179'613.- en 2013, CHF 173'819.- en 2014, CHF 168'970.- en 2015, CHF 189'334.- en 2016 et CHF 116'660.- en 2017. D'après les certificats de salaire établis par « E______ » sise au Petit-Lancy, le revenu annuel brut de l'intéressé comprenait diverses prestations telles que des « aides aux frais mensuels », une « allocation logement », ou une « allocation recognition award », duquel étaient déduites les cotisations sociales à l'exclusion des cotisations de la prévoyance professionnelle.

c. Le 8 août 2017, l'intéressé a démissionné de « E______ » avec effet au 31 août 2017.

B. a. Par courrier du 3 décembre 2019 adressé à B______ (ci-après : la fondation) – sise au Petit-Lancy dont le but social est de venir en aide aux employés des Maisons fondatrices en cas de vieillesse, invalidité, accidents, maladie et détresse involontaire –, l'intéressé a requis le transfert de sa prestation de sortie relative à la période du 1er novembre 2011 au 31 août 2017 auprès de l'institution de prévoyance de son nouvel employeur genevois.

b. Le 20 décembre 2019, la fondation a signé une déclaration de renonciation à la prescription. L'intéressé en a fait de même le 23 décembre 2019.

c. Par pli du 5 février 2020, la fondation a répondu à l'intéressé ne pas pouvoir donner une suite favorable à sa demande, dans la mesure où il n'avait jamais bénéficié d'un contrat de travail avec une société affiliée, et n'avait de ce fait pas été un employé « local » au sens du règlement applicable.

d. Un échange de lettres a ensuite eu lieu entre C______ et l'intéressé dans lesquelles la première a en substance considéré que le second n'était pas assujetti à la prévoyance professionnelle suisse, car l'employeur russe durant toute la période de la mission en Suisse n'était pas soumis à l'obligation de payer des cotisations à l’AVS.

C. a. Par acte du 1er décembre 2020, l'intéressé a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après: CJCAS) d’une demande en paiement, en concluant, sous suite de frais et dépens, à la condamnation de la fondation à verser à sa caisse de pension actuelle sa prestation de sortie de la prévoyance professionnelle obligatoire et étendue relative à la période de son affiliation à l'AVS du 1er novembre 2011 au 31 août 2017 avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 31 août 2017, et à la condamnation de C______ (qui, d’après l’intéressé, serait son employeur durant la période précitée) à verser à la fondation les cotisations de la prévoyance professionnelle obligatoire et étendue (part « employeur » et part « employé »), ainsi que les bonifications et intérêts qui auraient valorisé son avoir de vieillesse pendant cette période, assortis d’intérêts moratoires tout en se réservant la faculté de chiffrer ses conclusions à un stade ultérieur de la procédure une fois que la fondation aurait produit notamment son règlement de prévoyance applicable durant la période concernée.

b. Par réponse et demande reconventionnelle du 12 mars 2021, C______, défendue par Me Vincent CARRON, a conclu, sous suite de frais et dépens, principalement, au rejet de la demande et à la constatation que l’intéressé n’avait pas à être soumis à la prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire suisse entre le 1er novembre 2011 et le 31 août 2017, et partant, n’avait pas à être rétroactivement affilié à une institution de prévoyance suisse, subsidiairement, à la constatation que la part « employeur » des cotisations était prescrite pour la période antérieure au 1er décembre 2014, et, sur demande reconventionnelle (en cas d’affiliation rétroactive à une institution de prévoyance suisse), à la condamnation de l’intéressé à lui verser la part « employé » des cotisations pour la période du 1er novembre 2011 au 31 août 2017, plus intérêts moratoires en se réservant la faculté de chiffrer ses conclusions reconventionnelles à un stade ultérieur de la procédure.

c. Dans sa réponse du 12 mars 2021, la fondation a conclu, sous suite de frais et dépens, principalement, au rejet de la demande et à la constatation que l’intéressé n’avait pas à être soumis à la prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire suisse entre le 1er novembre 2011 et le 31 août 2017, et n’avait pas à être rétroactivement affilié auprès d’elle, subsidiairement, à la constatation qu’elle ne devait des prestations qu’en relation avec des contributions effectivement payées ou recouvrables et que la période antérieure à décembre 2014 était quoi qu’il en soit prescrite, ainsi qu’à la constatation qu’un éventuel intérêt moratoire depuis le 31 août 2017 en lien avec la prestation de libre passage ne pouvait pas être supérieur à 2%.

Elle a joint un extrait de son règlement de prévoyance du 6 mai 2011 ainsi que celui valable dès le 1er juillet 2019.

d. Par réplique du 12 mai 2021, l’intéressé a persisté dans ses conclusions et sollicité que la CJCAS ordonne à Me Carron de cesser d’occuper, en alléguant que, même si celui-ci représentait officiellement C______, dans les faits, il défendrait également les intérêts de la fondation, qui s’opposeraient à ceux de C______.

e. Par duplique du 16 août 2021, C______ a maintenu ses conclusions et contesté l’existence d’un conflit d’intérêts.

f. Dans sa duplique du même jour, la fondation a également persisté dans ses conclusions et souligné qu’elle signait ses écritures et qu’elle n’était pas formellement représentée dans la procédure.

g. Par arrêt incident du 30 août 2021 (ATAS/876/2021), la CJCAS a décliné sa compétence pour interdire ou non à Me CARRON de postuler en raison d'un conflit d'intérêts, et a transmis à la Commission du barreau la cause pour statuer sur ce point.

h. Le 6 octobre 2021, l'intéressé a versé au dossier un courrier de C______ de l'avant-veille dans lequel elle confirmait renoncer à se prévaloir de l'exception de la prescription à l'encontre de la fondation pour autant que celle-ci ne soit pas déjà acquise au 20 décembre 2019.

i. Le 3 décembre 2021, la Commission du barreau a adressé à la CJCAS un courrier de la veille dans lequel elle indiquait ne pas instruire plus avant le dossier, faute d'un risque d'un conflit d'intérêts concret.

j. Le 17 janvier 2022, s'est tenue une audience au cours de laquelle la CJCAS a entendu l'intéressé assisté d'une interprète, C______, ainsi que la fondation.

À l'issue de cette audience, l'intéressé a donné son accord pour que le procès-verbal de ce jour soit versé aux dossiers A/4224/2020 et A/4270/2020 lesquels concernent deux autres ressortissants russes ayant été détachés auprès de C______ et qui font valoir des prétentions similaires à l'encontre de cette société et de la fondation afin d'éviter d'entendre à nouveau le représentant de C______ pour les mêmes questions.

k. À la demande de la CJCAS, le 25 janvier 2022, la fondation a produit la copie intégrale du règlement du plan de pension en faveur des sociétés du groupe E______ en Suisse du 6 mai 2011, tout en exposant que l'intéressé était exclu de ce plan.

l. Dans ses observations du 25 février (recte : janvier) 2022, C______, qui a joint une attestation du même jour établie par la société russe, a en substance répété que l'employeur de l'intéressé durant le détachement était demeuré la société russe et que c'était en vain que celui-ci tentait de construire une dichotomie entre employeur « selon le droit des contrats » et employeur « de droit social » pour pouvoir être affilié au deuxième pilier suisse.

m. Dans ses déterminations du 10 mai 2022, l'intéressé a persisté dans ses conclusions. Il a annexé diverses pièces.

n. Dans leurs écritures respectives du 15 août 2022, C______ et la fondation ont maintenu leurs positions. C______ a également produit plusieurs pièces.

 

EN DROIT

 

1.             La compétence de la chambre de céans ainsi que la recevabilité de la demande en paiement et de la demande reconventionnelle ont préalablement été examinées dans l'arrêt incident du 30 août 2021. Il suffit de s'y référer.

2.             La loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40) ne prévoit pas l’application de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), si bien que cette loi-ci n’est pas applicable (art. 2 LPGA), en dehors des cas visés par l'art. 34a LPP (et le renvoi des art. 18 let. c et 23 let. c LPP à l'art. 8 al. 2 LPGA), lesquels ne concernent pas le présent litige (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B.128/05 du 25 juillet 2006 consid. 1).

3.             La novelle du 3 octobre 2003 modifiant la LPP (première révision) est entrée en vigueur le 1er janvier 2005 (sous réserve de certaines dispositions dont l’entrée en vigueur a été fixée au 1er avril 2004 et au 1er janvier 2006 [RO 2004 1700]), entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de la prévoyance professionnelle (RO 2004 1677). Les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 132 III 523 consid. 4.3).

Elle est applicable en l'espèce, dès lors que les faits juridiquement déterminants, soit notamment l'exercice en Suisse d'une activité lucrative à compter du 1er novembre 2011, se sont déroulés postérieurement à son entrée en vigueur (ATF 130 V 445 consid. 1).

4.             Le litige porte sur l'affiliation du demandeur à la prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire du 1er novembre 2011 au 31 août 2017, sur les prétentions en découlant (prestation de sortie, cotisations paritaires), ainsi que sur l'éventuelle prescription de ces prétentions. La demande reconventionnelle porte sur le versement par le demandeur à C______ d'un montant correspondant à sa part de cotisation en cas d'assujettissement.

5.             Dans les litiges relevant de la prévoyance professionnelle, le juge n'est pas lié par les conclusions des parties; il peut ainsi adjuger plus ou moins que demandé à condition de respecter leur droit d'être entendues (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B.59/03 du 30 décembre 2003 consid. 4.1).

6.             Il convient d'examiner en premier lieu les prétentions du demandeur dans le cadre de l'assurance obligatoire.

7.             D'une manière générale, seules les personnes qui sont assurées à l'AVS sont soumises à la LPP (art. 5 al. 1 LPP; Jacques-André SCHNEIDER, in Commentaire des assurances sociales suisses, LPP et LFLP, 2020, n. 44 ad art. 2 LPP).

En vertu de l'art. 1a al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), les personnes physiques domiciliées en Suisse et les personnes physiques qui exercent en Suisse une activité lucrative sont assurées obligatoirement.

8.             Les salariés auxquels un même employeur verse un salaire annuel supérieur au montant-limite fixé par l’art. 7 LPP (CHF 20'880.- en 2011-2012 ; CHF 21'060.- en 2013-2014 ; CHF 21'150.- en 2015-2017) sont soumis à l’assurance obligatoire pour les risques de décès et d’invalidité dès le 1er janvier qui suit la date à laquelle ils ont eu 17 ans et, pour la vieillesse, dès le 1er janvier qui suit la date à laquelle ils ont eu 24 ans (art. 7 al. 1 LPP).

8.1 L’assurance obligatoire commence en même temps que les rapports de travail et cesse notamment en cas de dissolution des rapports de travail (art. 10 al. 1 et 2 let. b LPP).

8.2 Tout employeur occupant des salariés soumis à l’assurance obligatoire doit être affilié à une institution de prévoyance inscrite dans le registre de la prévoyance professionnelle (art. 11 al. 1 LPP). Les effets de cette affiliation sont prévus à l'art. 7 al. 1 de l'ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 18 avril 1984 (OPP2 - RS 831.441.1) qui indique que l’affiliation de l’employeur à une institution de prévoyance enregistrée entraîne l’assurance, auprès de cette institution, de tous les salariés soumis à la loi.

8.2.1 Lors d’une affiliation, l’institution de prévoyance et l’employeur sont liés par une convention d'affiliation, soit un contrat sui generis au sens propre, issu du droit et de la pratique de la prévoyance professionnelle (ATF 120 V 299 consid. 4a), pour la conclusion duquel il y a lieu d'appliquer les règles du droit des obligations (ATF 129 III 476 consid. 1.4 et les références).

8.2.2 La convention d’affiliation contient en principe les obligations suivantes pour l’employeur (ATAS/500/2016 consid. 8a/bb et les références citées) :

- l’obligation d’annoncer tout travailleur appartenant au cercle des personnes assurées selon le règlement ; cette obligation est également prévue par l’art. 10 1ère phrase OPP 2, qui stipule notamment que l’employeur est tenu d’annoncer à l’institution de prévoyance tous les salariés soumis à l’assurance obligatoire, et de lui fournir les indications nécessaires à la tenue des comptes de vieillesse ainsi qu’au calcul des cotisations ;

- l’obligation de s’acquitter des primes et de les déduire du salaire des travailleurs ;

- la reconnaissance des statuts et du règlement de l’institution de prévoyance.

8.2.3 Pour sa part, par ce contrat sui generis, l'institution s'engage à fournir les prestations découlant de la LPP pour l'employeur (arrêt du Tribunal fédéral B.149/2006 du 11 juin 2007 consid. 6.2). En remplissant leurs incombances, les parties s'acquittent de leurs obligations contractuelles (ATAS/696/2012 consid. 5a).

8.3 Les rapports d'assurance entre le salarié et l'institution de prévoyance de son employeur dans le domaine de la prévoyance obligatoire naissent de par la loi, dès que les conditions légales sont réunies (ATF 140 V 154 consid. 4.2.1). Le salarié est soumis aussi bien aux dispositions légales qu'aux dispositions réglementaires de son institution de prévoyance (Jürg BRECHBÜHL/Maya GECKELER HUNZIKER, in Commentaire des assurances sociales suisses, LPP et LFLP, 2020, n. 7 ad art. 10 LPP).

9.             Aux termes de l’art. 2 al. 4 LPP, le Conseil fédéral définit les catégories de salariés qui, pour les motifs particuliers, ne sont pas soumises à l’assurance obligatoire. C’est ce qu’il a fait en édictant l’art. 1j OPP 2.

9.1 Selon l'al. 1 let. a de cette disposition, les salariés dont l’employeur n’est pas soumis à l’obligation de payer des cotisations à l’AVS ne sont pas soumis à l'assurance obligatoire.

Les personnes assurées obligatoirement à l'AVS doivent donc être au service d'un employeur lui-même soumis à cotisation à l'AVS, faute de quoi, elles ne sont pas soumises à la prévoyance professionnelle obligatoire (SCHNEIDER, op cit., n. 46 ad art. 2 LPP).

Ainsi, les personnes qui travaillent à l'étranger et conservent leur domicile en Suisse sont obligatoirement assujetties à l'AVS (art. 1a al. 1 let. a LAVS). Elles doivent toutefois elles-mêmes s'acquitter de leurs cotisations sur la base de leur salaire déterminant (art. 6 LAVS), car l'employeur étranger n'est pas soumis à l'obligation de cotiser conformément au principe de la territorialité. Aussi ne sont-elles pas assujetties à la LPP (art. 1j al. 1 let. a OPP 2). Elles sont cependant libres de s'assurer à titre facultatif (art. 4 LPP; Thomas GÄCHTER/Maya GECKELER HUNZIKER, in Commentaire des assurances sociales suisses, LPP et LFLP, 2020, n. 8 ad art. 5 LPP). En revanche, si ces personnes, domiciliées en Suisse, exercent une activité lucrative dans un État membre de l'Union européenne (UE) ou de l'Association européenne de libre-échange (AELE), elles ne sont ni soumises à l'obligation de cotiser à l'AVS ni assujetties à la LPP, car les règlements applicables entre la Suisse et les États membres de l'UE ou de l'AELE soumettent ces personnes au système législatif de l'État du lieu de travail (principe de l'assujettissement au lieu de travail; GÄCHTER/ GECKELER HUNZIKER, op cit., n. 9 ad art. 5 LPP).

9.1.1 La notion de salarié en droit des assurances sociales et celle de salarié/ travailleur en droit du travail sont considérées comme autonomes. En droit de la sécurité sociale, sont salariées, les personnes qui dépendent économiquement entièrement ou très largement d'un employeur qui tire profit de leur activité, tandis qu'en droit du travail, sont salariées, les personnes qui sont juridiquement subordonnées à l'employeur dans le cadre d'un contrat de travail (Jean-Philippe DUNAND, in Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 37 et 55 ad art. 10 LPGA – commentaire auquel on peut se référer vu les art. 1 [applicabilité de la LPGA à l'AVS ] et 1a LAVS [consid. 7 ci-dessus]).

9.1.2 La notion d'employeur s'entend au sens de la LAVS (ATF 135 I 28 c. 5.3.2). En vertu de l'art. 12 al. 1 LAVS, est considéré comme employeur quiconque verse à des personnes obligatoirement assurées une rémunération au sens de l’art. 5 al. 2 LAVS à teneur duquel le salaire déterminant comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Il englobe les allocations de renchérissement et autres suppléments de salaire, les commissions, les gratifications, les prestations en nature, les indemnités de vacances ou pour jours fériés et autres prestations analogues, ainsi que les pourboires, s’ils représentent un élément important de la rémunération du travail.

Il n'est pas nécessaire que la personne obligatoirement assurée se trouve en rapport de service ou d'engagement avec la personne ou la totalité des personnes qui lui versent un salaire. Il suffit qu'elle dépende, soit économiquement soit organiquement, de celui pour lequel elle travaille (RCC 1958 p. 215). Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise sont le droit de l'employeur de donner des instructions, le rapport de subordination du travailleur à l'égard de celui-ci, l'obligation de ce dernier d'exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée (RCC 1989 p. 111 consid. 5a ; 1986 p. 651 consid. 4c ; 1982 p. 178 consid. 2b).

Selon la jurisprudence, il y a lieu de considérer comme employeur, en règle générale, celui qui verse le salaire déterminant. Cela ne signifie toutefois pas qu'il faille considérer comme employeur tenu de faire les décomptes et de payer les cotisations aussi celui qui verse le salaire sur mandat de la personne qui occupe les salariés. L'art. 12 LAVS indique seulement qu'en cas de doute, c'est-à-dire lorsqu'on se demande qui est le véritable employeur, il faut considérer comme tel celui qui verse le salaire. Lorsque la personne qui verse le salaire n'est pas la même que celle qui emploie les salariés, l'employeur au sens de la LAVS est celui qui occupe effectivement les travailleurs et non pas le tiers qui verse le salaire. En d'autres termes, dans de telles circonstances, ce n'est pas l'adresse de versement (Auszahl- und Zahladresse) qui est déterminante, mais bien plutôt, le point de savoir pour qui est-ce que l'activité dépendante est exercée. Tel est le cas, en règle générale, lorsque la prestation du tiers dépend de rapports de subordination dans l'organisation du travail dont l'origine se situe à un autre endroit. Ainsi, lorsqu'un tiers verse une prestation pécuniaire qualifiée de salaire déterminant au sens de la LAVS, cette seule circonstance ne fait pas de lui le titulaire de l'obligation de cotiser (arrêt du Tribunal fédéral 9C_824/2008 du 6 mars 2009 consid. 6.1 et les références).

Dans l'ATF 102 V 152, le Tribunal fédéral des assurances avait à se prononcer sur la situation dans laquelle une société holding étrangère (société mère) avait accordé des avantages aux salariés de sa société fille suisse pour l'acquisition d'actions. Il a jugé que c'est la société fille qui était employeur au sens de la LAVS: lorsque des salariés obtiennent des avantages de la part d'un tiers, qui doivent être qualifiés, vu leur nature, de prestations de l'employeur, c'est ce dernier qui doit payer les cotisations y relatives, compte tenu des circonstances économiques réelles (arrêt 9C_824/2008 précité consid. 6.1).

9.1.3 Aux termes de l'art. 12 al. 2 LAVS, sont tenus de payer des cotisations tous les employeurs ayant un établissement stable en Suisse ou occupant dans leur ménage des personnes obligatoirement assurées.

Dans les deux cas, l'employeur n'est tenu de cotiser que si l'entreprise, la succursale ou le ménage où travaille l'assuré se trouve sur territoire suisse conformément au principe de la territorialité. En d'autres termes, sous réserve d'une convention internationale, aucune loi suisse ne peut contraindre au paiement de cotisations des employeurs qui ont le siège de leur entreprise à l'étranger et qui emploient dans des entreprises étrangères des assurés tenus de payer des cotisations (Michel VALTERIO, Droit de l'assurance-vieillesse et survivants et de l'assurance-invalidité, Commentaire thématique, 2011, n. 570 p. 174 et la note de bas de page n. 914).

Il faut entendre par établissement stable des installations permanentes dans lesquelles travaillent des salariés. Si un employeur à l'étranger possède un établissement stable en Suisse, les cotisations doivent être payées pour les salariés qui sont employés dans cet établissement, quand bien même celui-ci n'a pas de personnalité juridique propre et emploie des salariés engagés et rémunérés depuis l'étranger (RCC 1966 p. 398 consid. 2).

9.2 Selon l'art. 1j al. 2 OPP2, les salariés sans activité en Suisse ou dont l’activité en Suisse n’a probablement pas un caractère durable, et qui bénéficient de mesures de prévoyance suffisantes à l’étranger, seront exemptés de l’assurance obligatoire à condition qu’ils en fassent la demande à l’institution de prévoyance compétente.

9.2.1 Trois conditions cumulatives doivent être réalisées, à savoir la non-activité ou le caractère probablement non durable de l'activité en Suisse, l'existence de mesures de prévoyance suffisantes à l'étranger et une demande d'exemption de l'assurance obligatoire à l'institution de prévoyance (arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève ATA/597/2000 du 10 octobre 2000 consid. 4b). En particulier, le caractère provisoire de l'activité en Suisse est une notion qui ne peut pas être définie en la délimitant de façon précise dans le temps. Le caractère durable d'une activité lucrative dépend plutôt, et avant tout, de la volonté de l'intéressé, clairement manifestée dans les faits (SCHNEIDER, op cit., n. 68 ad art. 2 LPP).

9.2.2 Cette règle qui s'applique uniquement à la prévoyance professionnelle obligatoire selon la LPP a pour but de coordonner les régimes de prévoyance sur le plan international. Elle vise certains salariés au service de sociétés étrangères ou d'organisations internationales qui sont déjà affiliés à l'étranger à une institution de prévoyance bien développée. Il s'agit donc principalement de travailleurs détachés en Suisse, pour une durée relativement courte, qui conservent un lien de subordination avec leur employeur d'origine à l'étranger. L'exemption de l'assurance en vertu de cette disposition réglementaire exige, selon son texte clair la présentation d'une demande émanant du salarié ; l'institution ne peut donc en décider librement, quand bien même les conditions de fond d'une exemption seraient réunies. La demande d'exemption constitue d'autre part l'exercice d'un droit formateur. Elle est définitive, sous réserve d'un vice de la volonté. Eu égard au but de protection sociale visé par le principe de la soumission obligatoire des travailleurs à la LPP, la demande d'exemption au sens de l'art. 1j al. 2 OPP 2 doit être formulée de manière explicite et non équivoque. Cette exigence se justifie aussi par le fait qu'il importe de savoir, dès le début des rapports de travail, s'il existe ou non une couverture d'assurance selon la LPP pour le cas où une éventualité assurée se produirait (ATF 127 V 301 consid. 2b et les références).

9.2.3 En l'absence d'une demande d'exemption de l'assurance obligatoire à l'institution de prévoyance, le salarié détaché en Suisse (qui remplit les conditions d'affiliation à l'assurance obligatoire relatives à l'âge et au salaire [art. 7 al. 1 LPP]) et dont l'employeur est soumis à l'obligation de payer des cotisations à l'AVS (art. 1j al. 1 let. a OPP2 a contrario) , reste assujetti à la LPP pour la prévoyance obligatoire, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner la réalisation des deux autres conditions posées par l'art. 1j al. 2 OPP2 (ATA/597/2000 du 10 octobre 2000 précité consid. 4b ; ATAS/563/2010 du 20 mai 2010 consid. 5c).

10.         On parle de détachement lorsqu'un travailleur quitte son pays habituel d'emploi (État d'envoi) pour exercer son activité durant un temps limité sur le territoire d'un autre pays (État d'emploi) tout en restant au service de son employeur (ATF 141 V 43 consid. 4).

10.1 La loi fédérale sur les mesures d’accompagnement applicables aux travailleurs détachés et aux contrôles des salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail du 8 octobre 1999 (Loi sur les travailleurs détachés, LDét - RS 823.20) règle les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés pendant une période limitée en Suisse par un employeur ayant son domicile ou son siège à l’étranger dans le but de:

      fournir une prestation de travail pour le compte et sous la direction de cet employeur, dans le cadre d’un contrat conclu avec le destinataire de la prestation (art. 1 let. a LDét) ;

      travailler dans une filiale ou une entreprise appartenant au groupe de l’employeur (let. b).

10.2 Le détachement d'un travailleur peut ainsi prendre plusieurs formes, notamment celle selon laquelle le travailleur exécutera, pour le compte de l'employeur et sous sa direction, une prestation de travail dans un État autre que celui dans lequel il a son siège et dans lequel les travailleurs exécutent habituellement leur prestation de travail, dans le cadre d'un contrat conclu entre l'employeur et le destinataire de la prestation de services – cf. art.1 al. 1 let. a LDét, ou celle selon laquelle le travailleur est mis à disposition de l'entreprise destinataire, qui est une entreprise ou filiale appartenant au groupe mais se trouvant dans un autre État que celui dans lequel il a son siège – cf. art. 1 al. 1 let. b LDét (arrêt de la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice CAPH/136/2016 du 27 juillet 2016 consid. 4.1.4 et la référence).

En principe, le travailleur reste lié contractuellement avec son employeur, un contrat de travail n'est pas conclu avec la société du groupe qui l'accueille, le droit de donner des directives est délégué, le rapport contractuel reste soumis au droit de l'État de provenance, le détachement intervient pour une durée limitée et le travailleur reste affilié au régime de sécurité sociale de l'État d'origine (arrêt CAPH/136/2016 précité consid. 4.1.4 et la référence) , étant précisé qu'il convient d'examiner de cas en cas si un accord multilatéral ou une convention bilatérale de sécurité sociale s'applique au détachement considéré (Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 2019, p. 1164 ; voir consid. 11 ci-dessous), et qu'il est possible de conclure un « secondment contract » pour la durée du détachement, traitant des conditions relatives à l'affectation provisoire, sans rupture de la relation initiale de travail qui est alors suspendue (WYLER/HEINZER, op cit., p. 1165).

La LDét s'applique dans toutes les situations de détachement vers la Suisse, entrant dans son champ d'application, que le travailleur soit détaché en provenance d'un État membre de l'UE ou de l'AELE, ou encore d'un pays tiers (WYLER/HEINZER, op cit., p. 1168 ; Message du Conseil fédéral relatif à l’approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la Communauté européenne du 23 juin 1999, FF 1999 5440 p. 5697).

11.         Les personnes ressortissantes des États avec lesquels la Suisse a conclu des conventions bilatérales de sécurité sociale et qui exercent une activité ou sont domiciliées en Suisse au bénéfice de statut de travailleurs détachés, avec maintien de l'assurance auprès de la sécurité sociale de l'État d'origine pendant la période du détachement, ne sont pas assurées à l'AVS (SCHNEIDER, op cit., n. 62 ad art. 2 LPP), et, par voie de conséquence, à la LPP (art. 5 al. 1 LPP).

11.1 L'Accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 (ALCP - RS 0.142.112.681), entré en vigueur le 1er juin 2002, accorde un droit à la libre circulation, auquel est rattaché un droit à la coordination de la sécurité sociale. Dans ce cadre, l'ALCP renvoie aux règlements européens n° 883/2004 et 987/2009, lesquels sont pleinement applicables aux États contractants, dont la Suisse depuis le 1er avril 2012, étant souligné que, dans les relations entre les États membres de l'AELE (la Suisse, l'Islande, la Norvège et le Liechtenstein), les règlements européens n° 883/2004 et 987/2009 se sont substitués aux règlements n° 1408/71 et 574/72 à compter du 1er janvier 2016 (RO 2015 5877 ; Stéphanie PERRENOUD, La couverture maladie et maternité en cas de détachement de travailleurs, in RSAS 2017 p. 276).

11.1.1 Le régime de coordination consacre le principe de l'unicité du droit applicable (art. 11 du règlement n° 883/2004). Pour les travailleurs salariés, la législation applicable est celle de l'État membre dans lequel l'activité lucrative est exercée (art. 11 ch. 3 let. a dudit règlement ; Anne TROILLET / Céline MOULLET, La prévoyance professionnelle des expatriés : questions choisies, in Piliers du droit social, 2019, p. 192-193).

11.1.2 Le détachement des travailleurs est réglé à l'art. 12 ch. 1 du règlement n° 883/2004, à teneur duquel la personne qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre État membre, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas vingt-quatre mois et que cette personne ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne détachée.

11.1.3 Si les conditions sont réunies, le travailleur détaché demeure soumis au régime de sécurité sociale de son pays d'origine durant le détachement, et ne sera donc assuré ni à l'AVS ni à la LPP. Le détachement consacre ainsi un régime dérogeant au principe de l'assujettissement au lieu de travail (TROILLET/MOULLET, op cit., p. 193-194, 201).

11.1.4 Les personnes qui sont soumises à la législation suisse de sécurité sociale en vertu des accords bilatéraux et du droit européen, auquel renvoient lesdits accords, ne peuvent pas être exemptées de l’affiliation à la prévoyance professionnelle obligatoire sur la base de l’art. 1j al. 2 OPP2 (cf. consid. 9.2 ci-dessus). En effet, lorsqu'une personne est soumise à la législation sociale suisse en vertu des art. 11 ss du règlement n° 883/2004, elle n'est alors plus soumise à la législation d'un autre État membre de l'UE/AELE, si bien que l'affiliation à l'assurance étrangère ne peut être que facultative. Or, une telle prévoyance ne peut pas être considérée comme suffisante au regard de l'art. 1j al. 2 OPP2, car il existe un risque que celle-ci soit résiliée une fois l'exemption de l'assurance obligatoire suisse obtenue (GÄCHTER/GECKELER HUNZIKER, op cit., n. 14 ad art. 5 LPP; Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 66 du 15 janvier 2003 établi par l'Office fédéral des assurances sociales [OFAS], ch. 400). Les personnes qui entrent dans le champ d'application de l'ALCP ne peuvent donc pas se prévaloir de l'art. 1j al. 2 OPP2 (TROILLET/MOULLET, op cit., p. 201).

11.2 Quant aux conventions de sécurité sociale conclues avec des États tiers, autres que ceux de l’UE ou de l’AELE, elles ne s'appliquent pas à la prévoyance professionnelle l'arrivée tardive du régime obligatoire le 1er janvier 1985 explique son exclusion du champ d'application matériel desdites conventions (SCHNEIDER, op cit., n. 65 ad art. 2 LPP) , de sorte que contrairement à ce qui est le cas du droit européen, elles ne font pas obstacle à l’application de l’art. 1j al. 2 OPP2 (Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 66 précité, ch. 400). En d'autres termes, l’art. 1j al. 2 OPP2 peut s'appliquer même si le salarié n'est pas au bénéfice d'un détachement dans le cadre des dispositions de la convention bilatérale de sécurité sociale applicable. S'il est au bénéfice du détachement, il ne sera pas assuré par l'AVS et ne sera pas soumis à la LPP (art. 5 al. 1 LPP ; SCHNEIDER, op cit., n. 65 ad art. 2 LPP).

Les conventions de sécurité sociale visent à déterminer la législation applicable en matière d'assujettissement (en particulier) à l'assurance obligatoire vieillesse, survivants et invalidité à l'exclusion de l'assurance-chômage, de la prévoyance professionnelle et de l'aide sociale (Alexia WELLS, Assurances/Détachement, application du droit suisse en termes d'assurances sociales in IDAT - Institut du droit des assurances et du travail, Band/ n. 35, 2009, p. 752) , afin d'éviter un double assujettissement. Elles prévoient que les salariés sont soumis au régime de sécurité sociale de l'État dans lequel ils travaillent. Exceptionnellement, les salariés qui sont temporairement détachés par un employeur dans un pays contractant restent soumis au régime de sécurité sociale du pays de provenance. La durée maximale du détachement varie selon les conventions, entre 12 et 60 mois. Ainsi, les personnes concernées par une convention de sécurité sociale et détachées en Suisse ne sont assurées ni à l'AVS ni à la LPP lorsque les conditions du détachement sont remplies (TROILLET/MOULLET, op cit., p. 195 et 201).

11.3 En cas de détachement entre la Suisse et un État tiers, en l'absence de convention bilatérale, la couverture sociale d'une personne se détermine en application du droit interne des États concernés. Des cas de double assurance, en Suisse et dans l'État tiers, ne sont donc pas exclus (PERRENOUD, op cit., p. 282).

Lorsqu'un travailleur est détaché d'un État tiers non contractant vers la Suisse, il est en principe obligatoirement assuré à l'AVS (art. 1a al. 1 LAVS). Il s'acquitte lui-même de l'intégralité des cotisations (part salariale et part patronale ; art. 6 LAVS) si son employeur n'est pas tenu de payer des cotisations en Suisse. Tel est le cas, notamment, des personnes qui travaillent en Suisse pour le compte d'une entreprise étrangère sans siège social ni établissement stable en Suisse (art. 12 al. 2 LAVS a contrario). Elles ne seront alors pas affiliées à la prévoyance professionnelle obligatoire, mais jouissent de la possibilité de s'y affilier à titre facultatif (art. 1j al. 3 OPP2 ; PERRENOUD, op cit., p. 285 et la note de bas de page n. 93, voir également en ce sens le mémento intitulé « La sécurité sociale des travailleurs détachés, États non contractants », établi par l'OFAS, édition janvier 2020, p. 4 ; TROILLET/MOULLET, op cit., p. 201). L'art. 1j al. 2 OPP2 s'applique également aux personnes détachées d'un État tiers en Suisse (Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 117 du 31 mars 2010, ch. 733).

12.         À titre d'illustration, dans un arrêt du 26 février 2002 (antérieur à l'entrée en vigueur de l'ALCP), qui concernait un assuré engagé en 1970 par une banque parisienne et ayant été détaché dans diverses succursales ou filiales de cet établissement, notamment dès le 1er août 1992 auprès de celle de Genève en qualité de directeur-adjoint, le Tribunal administratif du canton de Genève, alors compétent, a considéré qu'au terme de la période de 24 mois de travail en Suisse en vertu de l'art. 8 al. 1 let. a de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République française du 3 juillet 1975 (RS 0.831.109.349.1) qui prévoit, en cas de détachement, un assujettissement à la législation du pays de provenance pour une durée de 24 mois (prolongeable moyennant l'accord des autorités compétentes des deux États) , cet assuré était soumis au droit suisse, soit la loi du lieu de travail conformément à l'art. 7 al. 1 de cette convention (ATA/113/2002 consid. 2a).

À cet égard, il y a lieu de relever que, même si les conventions de sécurité sociale ne s'appliquent pas à la prévoyance professionnelle (cf. consid. 11.2 ci-dessus), elles ont un effet indirect, dès lors que si le droit applicable en matière d'AVS, déterminé selon la convention de sécurité sociale topique, est le droit suisse comme dans cette affaire (au-delà de la période de 24 mois) , l'assurance à l'AVS entraîne (en principe) l'assurance à la LPP en vertu de l'art. 5 al. 1 LPP (TROILLET/MOULLET, op cit., p. 195).

Le Tribunal administratif a conclu qu'en l'absence d'une demande d'exemption formelle de la LPP par l'assuré (selon l'art. 1j al. 2 OPP2 [anciennement : art. 1 al. 2 OPP2], celui-ci était obligatoirement affilié à la prévoyance professionnelle dès le 1er août 1994 (consid. 2c et 4).

Le Tribunal administratif a, ce faisant, implicitement retenu que la filiale genevoise de la banque parisienne était un employeur soumis à l'obligation de payer des cotisations à l'AVS au sens de l'art. 1j al. 1 let. a OPP2 a contrario (anciennement : art. 1 let. a OPP2).

En revanche, les juridictions prud'homales ont estimé que la banque parisienne a gardé la qualité d'employeur durant le détachement de cet assuré auprès de la filiale genevoise de la banque, et qu'il n'existait pas un lien de subordination juridique entre celui-ci et la filiale genevoise (arrêt de la Cour d'appel des Prud'hommes CAPH/184/2002 du 4 décembre 2002).

13.         Les travailleurs occupés auprès d’une entreprise tierce dans le cadre d’une location de service au sens de la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l’emploi et la location de services (LSE - RS 823.11) sont réputés être des travailleurs salariés de l’entreprise bailleuse de service (art. 2 OPP2).

13.1 En vertu de l'art. 1 LSE, cette loi vise à régir le placement privé de personnel et la location de services (let. a) ; assurer un service public de l’emploi qui contribue à créer et à maintenir un marché du travail équilibré (let. b) ; protéger les travailleurs qui recourent au placement privé, au service public de l’emploi ou à la location de services (let. c).

13.2 Est réputé bailleur de services celui qui loue les services d’un travailleur à une entreprise locataire en abandonnant à celle-ci l’essentiel de ses pouvoirs de direction à l’égard du travailleur (art. 26 al. 1 de l'ordonnance sur le service de l’emploi et la location de services du 16 janvier 1991 [Ordonnance sur le service de l’emploi, OSE - RS 823.111]). La cession à l'entreprise locataire de services du droit de donner des instructions aux travailleurs engagés est une caractéristique de la location de services (Message du Conseil fédéral concernant la révision de la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services du 27 novembre 1985, FF 1985 III 524 p. 582).

13.3 La location de services comprend le travail temporaire, la mise à disposition de travailleurs à titre principal (travail en régie) et la mise à disposition occasionnelle de travailleurs (art. 27 al. 1 OSE). Il y a travail temporaire lorsque le but et la durée du contrat de travail conclu entre le bailleur de services et le travailleur sont limités à une seule mission dans une entreprise locataire (al. 2). Il y a mise à disposition de travailleurs à titre principal (travail en régie) : lorsque le but du contrat de travail conclu entre l’employeur et le travailleur consiste principalement à louer les services du travailleur à des entreprises locataires et que la durée du contrat de travail est en principe indépendante des missions effectuées dans les entreprises locataires (al. 3 let. a et b). Il y a mise à disposition occasionnelle de travailleurs: lorsque le but du contrat de travail conclu entre l’employeur et le travailleur consiste à placer le travailleur principalement sous les ordres de l’employeur ; que les services du travailleur ne sont loués qu’exceptionnellement à une entreprise locataire et que la durée du contrat de travail est indépendante d’éventuelles missions effectuées dans des entreprises locataires (al. 4 let. a-c).

13.3.1 Trois sujets de droit participent aux opérations: bailleur de services, travailleur et entreprise tierce. Des contrats sont conclus entre bailleur de services et entreprise tierce, mais aucun ne l'est entre travailleur et entreprise tierce. Le travailleur n'exécute pas la prestation due dans l'entreprise de son employeur, mais le fait au dehors, dans une entreprise tierce. Cela a pour conséquence une division des fonctions d'employeur : le droit de donner des instructions d'ordre technique touchant des objectifs visés, ou concernant le comportement du travailleur passe à l'entreprise tierce ; c'est également le cas du droit à la sauvegarde des intérêts et du secret, de même que, cela va sans dire, du devoir d'assistance sociale incombant à l'employeur. Les autres droits et obligations découlant du contrat de travail continuent d'être assumés par le bailleur de services, notamment l'obligation de payer le salaire et le devoir général d'assistance sociale (FF 1985 III 524 p. 533).

C'est donc l'entreprise bailleresse de services, soit l'entreprise de travail temporaire et non celle auprès de laquelle le travailleur est effectivement occupé, qui est l'employeur de ce travailleur et qui doit assumer les tâches liées à cette qualité (versement des cotisations à l'institution de prévoyance, etc. ; SCHNEIDER, op cit., n. 42 ad art. 2 LPP).

13.3.2 Les employeurs (bailleurs de services) qui font commerce de céder à des tiers (entreprises locataires de services) les services de travailleurs doivent avoir obtenu une autorisation de l’office cantonal du travail (art. 12 al. 1 LSE). La caractéristique principale de la location de services est la cession à des fins lucratives, c'est-à-dire régulière et contre rémunération, de travailleurs à d'autres employeurs (FF 1985 III 524 p. 581). Fait commerce de location de services celui qui loue les services de travailleurs à des entreprises locataires de manière régulière et dans l’intention de réaliser un profit ou qui réalise par son activité de location de services un chiffre d’affaires annuel de CHF 100'000.- au moins (art. 29 al. 1 OSE). Exerce régulièrement celui qui conclut avec les entreprises locataires, en l’espace de douze mois, plus de dix contrats de locations de services portant sur l’engagement ininterrompu d’un travailleur individuel ou d’un groupe de travailleurs (art. 29 al. 2 OSE). La LSE n'est applicable que si le bailleur de services loue des travailleurs à titre professionnel, c'est-à-dire qu'il fait métier de la location de services (Pierre MATILE/José ZILLA/Dan STREIT, Travail temporaire, in Commentaire pratique des dispositions fédérales sur la location de services [art. 12-39 LSE], 2010, n. 33 ad art. 12 LSE).

13.4 La location en Suisse de services de personnel recruté à l’étranger n’est pas autorisée (art. 12 al. 2 2ème phrase LSE). Cette interdiction est motivée par le fait que les autorités suisses ne pourraient pas contrôler les entreprises de location de services à l'étranger (FF 1985 III 524 p. 583).

Un bailleur de services sis à l'étranger ne peut donc pas louer des travailleurs à des entreprises suisses (voir la note établie le 1er mars 2012 par le Secrétariat d'État à l'économie [SECO] en sa qualité d'organe fédéral d'exécution de la LSE (art. 31 LSE) intitulée « Questions fréquemment posées », disponible à l'adresse: https://www.arbeit.swiss/secoalv/fr/home/menue/arbeitsvermittler/private-arbeitsvermittlung-und-personalverleih.html, ch. 17).

La mise à disposition transfrontalière de travailleurs entre sociétés d'un même groupe, à titre gratuit, ne correspond pas à une location de services en vertu de la LSE. Il s'agit d'un détachement au sens de l'art. 1 al. 1 let. b LDét (cf. consid. 10 ci-dessus ; courrier du SECO aux offices cantonaux du travail et aux responsables cantonaux de la LSE du 20 juin 2017 relatif à la location de services intragroupe – évaluation de l'obligation d'autorisation/ Directive 2017 : précision des Directives et commentaires relatifs à la LSE, p. 3-4, https://www.arbeit.swiss/secoalv/fr/home/menue/arbeitsvermittler/private-arbeitsvermittlung-und-personalverleih.html).

14.         Vu ce qui précède, un(e) employé(e) d'une société sise à l'étranger, non concerné(e) par les accords bilatéraux ou par une convention de sécurité sociale, détaché(e) auprès d'une société du groupe en Suisse, sera soumis(e) à la prévoyance professionnelle obligatoire s'il (elle) travaille, non pas pour le compte de la société étrangère, mais pour celui de la société sise en Suisse qui l'occupe effectivement, quand bien même la relation de travail initiale n'est pas rompue durant le détachement et qu'il n'existe pas de contrat de travail avec la société sise en Suisse. Peu importe à cet égard qui, au sein du groupe de sociétés en cause, verse le salaire.

Dans ce cas de figure, appliquer par analogie l'art. 2 OPP2 et considérer en conséquence que la société sise à l'étranger demeure l'employeur de la personne salariée sous l'angle du droit des assurances sociales et qu'elle n'est pas soumise à l’obligation de payer des cotisations à l’AVS pour le seul motif que, liée par le contrat de travail, elle met son employé(e) à disposition de l'entreprise destinataire, ce sans qu'elle ne soit soumise à la LSE, reviendrait à vider l'art. 1j al. 2 OPP2 de son sens.

En effet, l'employé(e) détaché(e) en Suisse (qui remplit les conditions d'affiliation à l'assurance obligatoire relatives à l'âge et au salaire [art. 7 al. 1 LPP]), et dont l'employeur est tenu de payer des cotisations à l'AVS (art. 1j al. 1 let a OPP2 a contrario) soit la société du groupe sise en Suisse pour le compte de laquelle la prestation de travail est fournie , reste assujetti(e) à la LPP pour la prévoyance obligatoire en l'absence d'une demande d'exemption à l’institution de prévoyance compétente. C'est le lieu de rappeler que l'art. 1j al. 2 OPP2, qui par essence présuppose une affiliation à la prévoyance professionnelle obligatoire, s'applique aux travailleurs détachés en Suisse (qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'ALCP), pour une durée relativement courte, qui conservent précisément un lien de subordination avec leur employeur d'origine à l'étranger (ATF 127 V 301 consid. 2b). En d'autres termes, si l'intention du Conseil fédéral était que ces travailleurs détachés en Suisse ne soient pas assurés à la prévoyance professionnelle obligatoire en raison du maintien de la relation de travail avec l'employeur étranger, et donc de l'absence d'un employeur suisse (sous l'angle du droit civil), il n'aurait pas adopté l'art. 1j al. 2 OPP2, qui leur permet une exemption à l'assujettissement à la LPP (aux conditions prévues par cette disposition [consid. 9.2 ci-dessus]).

 

15.          

15.1 Le demandeur fait valoir que son employeur AVS était, pour la période du 1er novembre 2011 au 31 août 2017, C______, en faveur de laquelle il a effectué sa prestation de travail, d'autant plus que cette entreprise figure sur les extraits de son compte individuel AVS comme « employeur », et qu'elle a requis son permis de séjour avec autorisation de travail, puis retenu l'impôt à la source. Il ajoute n'avoir pas bénéficié d'une prévoyance équivalente en Russie durant cette période, et qu'il ne doit pas être considéré comme un travailleur détaché au sens strict du terme vu l'absence d'une convention de sécurité sociale entre la Suisse et la Russie. Dans tous les cas, la durée de sa résidence en Suisse serait trop longue dans l'optique d'un détachement. En outre, le litige ne relève pas d'une location de service au sens de l'art. 2 OPP2.

15.2 De son côté, C______ expose n'avoir eu, durant la période en cause, aucune relation contractuelle avec le demandeur qui a touché, outre son salaire, les avantages spécifiques liés à son statut d'expatrié (non localisé) et, dont l'employeur sous l'angle du droit civil était demeuré la société russe, laquelle n'a pas d'établissement stable en Suisse. C______ estime qu'en présence d'un employeur au sens du droit civil, il n'est pas nécessaire d'instituer une autre entité en qualité d'employeur sous l'angle du droit des assurances sociales; l'art. 12 al. 1 LAVS aide à déterminer l'employeur dans les situations d'assurances sociales pour lesquelles il n'est pas clair s'il existe ou non un employeur au sens du droit civil. Lorsqu'un employeur met ses employés à disposition d'une autre entité, dans le cadre d'une location de service ou d'un détachement, c'est cet employeur et non le bénéficiaire des services qui est considéré comme l'employeur pour la sécurité sociale. Le fait que la société d'accueil, dans les cas de mobilité intragroupe, se charge de toutes les formalités administratives relatives au détachement (par ex.: paiement des cotisations aux assurances sociales) ne lui transfère pas la qualité d'employeur.

15.3 Quant à la fondation, elle se rallie en substance à la position de C______.

15.4 Quoi qu'en dise le demandeur, même en l'absence d'une convention bilatérale de sécurité sociale entre la Suisse et la Russie, il peut y avoir détachement international. Dans une telle situation, il faut recourir au droit interne des États concernés pour déterminer l'État dans lequel le travailleur détaché est assuré.

15.4.1 Il ressort du dossier que le demandeur a été engagé par la société russe le 1er février 2007 (dossier C______ pièce 7), et qu'il a bel et bien été détaché auprès de C______ à Genève dès le 1er novembre 2011 (dossier C______ pièces 9, 10, 11, 17 ; dossier demandeur pièce 4) jusqu'au 31 août 2017 (dossier C______ pièce 14 ; dossier demandeur pièce 4 ; procès-verbal de comparution personnelle des parties du 17 janvier 2022). La lettre d'affectation du 12 octobre 2011 (Assignment letter, dossier C______ pièce 9 p. 1) mentionne expressément que (traduction libre), pendant la durée de son affectation en Suisse, le demandeur, détaché dans le pays d'accueil (« will be on loan in the host country »), reste l'employé de la société russe. Dans la demande de permis de séjour du 12 août 2011 par C______ (dossier demandeur pièce 3), il est indiqué que le demandeur, qui était passionné pour le perfectionnement et l'encadrement de nouveaux employés et stagiaires à Moscou, apportera une valeur ajoutée en revenant et en partageant son expérience régionale (qu'il acquerra à Genève) avec la prochaine génération d'employés. Lors de l'audience du 17 janvier 2022, tant le demandeur que C______ ont confirmé que, durant la mission à Genève, l'employeur (contractuel) était la société russe (procès-verbal p. 2-4), et le premier a en particulier déclaré que si celle-ci pendant cette mission le rappelait, il devait rentrer (p. 2). Le transfert du demandeur auprès de C______ était donc provisoire, quand bien même, en octobre 2011, la date de son retour n'était pas connue (procès-verbal p. 5) et que la durée de la mission pouvait être renouvelée (dossier C______ pièces 17, 21), comme cela a été son cas (procès-verbal p. 3). Ainsi, en étant envoyé par son employeur (société russe) pour exercer son activité pendant une certaine période en Suisse, le demandeur répondait à la définition du travailleur détaché.

15.4.2 Contrairement à ce que prétend le demandeur, sur le plan du droit civil, il n'a pas conclu un contrat de travail avec C______ pendant la durée de sa mission à Genève. Le demandeur percevait sur son compte bancaire en Russie une rémunération minimale (allocation du pays d'origine), déduite de son salaire mensuel (dossier demandeur pièce 6 ; procès-verbal p. 2). Il bénéficiait par ailleurs d'indemnités et avantages liés à son statut d'expatrié (allocation de logement, aides aux frais mensuels comprenant notamment le cost of living allowance, le supplemental allowance, l'utility allowance (dossier demandeur pièce 6; dossier C______ pièces 12, 17). Ses vacances étaient en outre fixées conformément au droit russe du travail (dossier C______ pièce 9 ; procès-verbal p. 4). Il s'agit de circonstances étrangères à une relation de travail avec une société de droit suisse (dans ce sens : arrêt CAPH/136/2016 de la chambre des prud'hommes de la Cour de justice du 27 juillet 2016 dans une cause opposant une ressortissante ukrainienne détachée en Suisse à C______). Le fait que le salaire du demandeur lui a été versé par C______ (procès-verbal p. 2-3) et que cette dernière (ou une autre entité suisse du groupe E______) remplissait envers les autorités administratives les obligations incombant à l'employeur (par ex. : demande de permis ou de visa), à des fins de simplification administrative (procès-verbal p. 4), n'a pas pour conséquence que le demandeur doive être considéré comme employé de C______. Une telle pratique n'est en effet pas rare dans les groupes de sociétés, lorsqu'un salarié peut être appelé à travailler au service de plusieurs entités du groupe (arrêt du Tribunal fédéral 4C.41/1999 du 12 juillet 2000 consid. 4). Le fait que le demandeur recevait des instructions de C______ (procès-verbal p. 2) ne modifie pas non plus cette conclusion, puisque, au sein d'un groupe de sociétés, la mise à disposition temporaire de l'employé détaché auprès de l'entreprise destinataire (cf. art. 1 al. 1 let. b LDét ; consid. 10 ci-dessus) implique la délégation du droit de donner des directives, sans pour autant qu'il en résulte un changement de la partie employeur. Enfin, le demandeur est resté soumis exclusivement au contrat de travail qui le lie à la société russe malgré le fait que la durée de la mission à Genève n'était pas spécifiée (ce qui n'affecte pas l'existence d'un détachement comme on l'a dit plus haut) et qu'il a travaillé plus de cinq ans auprès de C______ (voir arrêt CAPH/136/2016 précité consid. 4.1.4 et 4.2.2).

15.4.3 Ceci étant dit, c'est le lieu de rappeler que la notion d'employeur en droit de la sécurité sociale est distincte de celle en droit du travail. En assurances sociales, ce qui importe, c'est de déterminer l'entité qui tire profit de l'activité qu'effectue le travailleur concerné, et dont ce dernier dépend soit du point de vue de l'économie d'entreprise, soit de celui de l'organisation , sans qu'il ne soit décisif que le travailleur se trouve en rapport d'engagement avec l'entité qui lui verse un salaire (consid. 9.1.1-9.1.2 ci-dessus).

En l'occurrence, lors de l'audience du 17 janvier 2022, C______ a confirmé que le demandeur avait travaillé en Suisse, non pas pour le compte de la société russe, mais uniquement pour le sien (procès-verbal p. 3-4) contre rétribution soumise à cotisations (art. 5 LAVS ; extrait du compte individuel du 18 novembre 2019, dossier demandeur pièce 5 ; procès-verbal p. 2-3). Dans ce cadre, le demandeur, qui réalisait des études de marchés à la requête de C______ (procès-verbal p. 2), dépendait de cette dernière du point de vue de l'organisation du travail, dès lors qu'il exerçait son travail selon les instructions de C______. Ainsi, C______ n'était pas le tiers qui versait le salaire du demandeur sur mandat de la société russe (qui n'occupait plus effectivement le demandeur). C______ était l'entité pour qui le demandeur accomplissait le travail. Peu importe à cet égard, qui au sein du groupe de sociétés en cause – devait effectivement porter les charges occasionnées par le versement du salaire (cf. ATF 102 V 152 consid. 3). En définitive, quand bien même la société russe l'employeur selon le droit du travail ne possède pas un établissement stable en Suisse, et que la politique de mobilité au sein du groupe de sociétés vise notamment à mettre à profit in fine dans le pays d'origine les nouvelles compétences acquises (dossier C______ pièce 21), il n'empêche que, durant la période litigieuse, C______, bien qu'elle ne fût pas liée par un contrat de travail (sur le plan du droit civil), avait bien eu à l'égard du demandeur qui avait exercé son travail dans l'intérêt de celle-ci la qualité d'employeur au sens de l'art. 12 al. 1 LAVS. Partant, C______ était soumise à l'obligation de payer des cotisations à l'AVS.

15.4.4 En conséquence, le demandeur, né le 13 mai 1985, âgé de 26 ans lors du début de l'exercice de son activité lucrative en Suisse le 1er novembre 2011, était assuré obligatoirement à l'AVS (art. 1a al. 1 let. b LAVS), et compte tenu par ailleurs de son revenu largement supérieur au seuil d'entrée (art. 7 LPP ; cf. extrait du compte individuel du 18 novembre 2019), soumis à la prévoyance professionnelle obligatoire (art. 1j al. 1 let. a OPP2 a contrario ; art. 5 al. 1 LPP).

À toutes fins utiles, il sera précisé que le fait que le demandeur était resté affilié à l'assurance-vieillesse étatique russe (procès-verbal p. 2) ne signifie pas qu'il était exempté de l'assujettissement à l'AVS, puisqu'une telle exemption, subordonnée à un cumul de charges trop lourdes consécutive à la double affiliation (assurance étrangère et AVS art. 1a al. 2 let. b LAVS), nécessite une demande de l'assuré (ATF 120 V 402 consid. 2a), laquelle fait défaut in casu.

Enfin, le demandeur n'ayant pas été au bénéfice de mesures de prévoyance en Russie (procès-verbal p. 3), une éventuelle exemption de la LPP en application de l'art. 1j al. 2 OPP2 ne se pose pas.

15.4.5 La fondation, inscrite dans le registre de la prévoyance professionnelle auprès de l'Autorité cantonale de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance (cf. le site internet de cette autorité: https://www.asfip-ge.ch/storage/2020/09/Repertoire_IP_enregistrees_20220912.pdf), participe à l'application du régime de la prévoyance professionnelle obligatoire (art. 48 LPP).

Dès lors que C______ fait partie du groupe E______ en Suisse, et est, à ce titre, affiliée auprès de la fondation (duplique de la fondation p. 5) qui est inscrite dans le registre de la prévoyance professionnelle (art. 11 al. 1 LPP), le demandeur aurait dû être assuré auprès de celle-ci pour la prévoyance professionnelle obligatoire dès le 1er novembre 2011, au moment où il a commencé son activité lucrative (art. 7 al. 1 OPP2 ; art. 10 al. 1 LPP).

15.4.6 Au vu de ce qui précède, l'audition de témoins, proposée par C______ dans son écriture du 15 août 2022, est, par appréciation anticipée des preuves (ATF 122 II 464 consid. 4a), inutile, de sorte que la chambre de céans n'y donnera pas suite.

16.         Il sied également de déterminer si le demandeur doit être soumis à la prévoyance professionnelle étendue.

16.1 Les institutions de prévoyance participant à l'application du régime obligatoire de la prévoyance professionnelle (art. 48 al. 1 LPP) doivent respecter les exigences minimales que fixent les art. 7 à 47 LPP (art. 6 LPP). Elles peuvent néanmoins prévoir des prestations supérieures aux exigences évoquées (prévoyance surobligatoire ou plus étendue). Ces institutions sont dites « enveloppantes ». Elles peuvent définir librement le régime de prestations, le mode de financement et l'organisation leur convenant dans les limites des dispositions expressément réservées à l'art. 49 al. 2 LPP et le respect des principes d'égalité de traitement, de proportionnalité et d'interdiction de l'arbitraire. Concrètement, de telles institutions proposent de façon générale un plan unique de prestations qui inclut les prestations légales minimales et les améliore sans opérer de distinction entre prévoyance obligatoire et prévoyance plus étendue (ATF 138 V 176 consid. 5.2-5.4).

16.2 Aussi bien le financement que la mise en œuvre de la prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire doivent être fixés d'avance dans les statuts et dans le règlement (cf. art. 50 al. 2 LPP) d'après des critères schématiques et objectifs. Ils doivent par ailleurs respecter les différents principes d'adéquation, de collectivité (ou bien de solidarité), d'égalité de traitement, de planification et d'assurance (art. 1 al. 3 LPP en corrélation avec les art. 1 à 1h OPP 2). L'art. 1c al. 1 OPP 2 prévoit que le principe de collectivité est respecté lorsqu'une institution de prévoyance ou une caisse de pensions affiliée instituent une ou plusieurs collectivités d'assurés dans leur règlement. Il exige en outre que l'appartenance à un collectif soit déterminée sur la base de critères objectifs tels que le nombre d'années de service, la fonction exercée, la situation hiérarchique, l'âge ou le niveau salarial (arrêt du Tribunal fédéral 9C_951/2015 du 29 septembre 2016 consid. 3.2). Le sexe, la religion ou la nationalité ne sont pas des critères objectifs admissibles (SCHNEIDER, op cit., n. 84 ad art. 1 LPP).

16.3 Dans le domaine de la prévoyance professionnelle plus étendue, l’assuré est lié à l’institution de prévoyance par un contrat innommé (sui generis) dit de prévoyance, dont le règlement de prévoyance constitue le contenu préformé, savoir ses conditions générales, auxquelles l’assuré se soumet expressément ou par actes concluants (par exemple en conservant le règlement reçu, en payant des cotisations ou en acceptant la déduction correspondante sur son salaire). L’interprétation du règlement doit dès lors se faire selon les règles générales qui sont applicables pour interpréter les contrats (ATF 127 V 301 consid. 3a).

La prévoyance surobligatoire repose fondamentalement toujours sur un contrat (ATF 130 V 103 ; ATF 131 V 27). S’agissant de la conclusion du contrat, les articles 1ss de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) sont applicables. Celle-ci peut être effectuée de manière tacite, par exemple par la remise en main du règlement, qui aura lieu en général à la conclusion du contrat, et par l’acceptation sans réserve dudit règlement (Hans Michael RIEMER/Gabriela RIEMER-KAFKA, Das Recht der beruflichen Vorsorge in der Schweiz, 2ème édition, 2006, p. 91ss ; ATAS/864/2015 du 17 novembre 2015 consid. 7).

16.4 Selon les principes généraux, on applique, en cas de changement de règles de droit, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques. Ces principes valent également en cas de changement de dispositions règlementaires ou statutaires des institutions de prévoyance (ATF 138 V 176 consid. 7.1 ; ATF 127 V 309 consid. 3b ; ATF 121 V 97 consid. 1a).

16.5 En l'occurrence, la fondation a adopté un nouveau règlement de prévoyance valable dès le 1er juillet 2019, après la cessation de l'activité lucrative du demandeur auprès de C______ le 31 août 2017. Il convient donc de se référer au règlement de prévoyance du 6 mai 2011 pour déterminer si le demandeur, au moment où il commencé son activité lucrative auprès de cette entreprise le 1er novembre 2011, aurait éventuellement dû être affilié à la prévoyance professionnelle étendue.

16.5.1 La fondation est une institution de prévoyance « enveloppante », puisqu'elle prévoit des conditions réglementaires telles que, par exemple, l'allocation d'une rente d'orphelin jusqu'au 1er du mois suivant le 20ème anniversaire de l'orphelin (mais au plus tard jusqu'à 25 ans révolus en cas de formation ainsi qu'aux orphelins invalides ; art. VII let. C ch. 3 du règlement de prévoyance du 6 mai 2011), plus favorable que les conditions légales qui prévoient la fin de cette prestation lorsque l'orphelin atteint l'âge de 18 ans, voire de 25 ans au plus (art. 22 al. 3 LPP) : s'il fait un apprentissage ou des études (let. a) ; si, invalide à raison de 70% au moins, il n'est pas encore capable d'exercer une activité lucrative (let. b).

Lors du début de l'activité lucrative du demandeur auprès de C______ le 1er novembre 2011, la fondation proposait un seul plan de pension n'opérant pas de distinction entre prévoyance obligatoire et prévoyance plus étendue (art. III ch. 1 du règlement de prévoyance du 6 mai 2011 ; voir ATF 138 V 176 consid. 5.4 sur la notion de plan de prestations unique proposée par une institution de prévoyance « enveloppante »).

16.5.2 Selon l'art. IV du règlement de prévoyance du 6 mai 2011, tout employé devient Participant du Plan s'il remplit les conditions suivantes:

-       avoir la qualité d'employé de la Société (let. a), c'est-à-dire être « employé régulièrement par la Société en tant qu'employé local et au bénéfice d'un contrat d'emploi permanent ou un contrat à durée déterminée, à l'exclusion des étudiants stagiaires » (art. II ch. 11) ; la « Société » est définie comme étant « Les Sociétés du Groupe E______ en Suisse ou toute autre société qui pourrait ultérieurement être désignée par la Société » (art. II ch. 7) ;

-       les hommes et les femmes adhéreront au Plan le 1er janvier qui suit le 24ème anniversaire pour les prestations de retraite (let. b) ;

-       ne pas être « un Participant actif comme défini dans ces plans, dans un ou plusieurs plans de "The E______ Company" ou d'une Société Affiliée, qui lui assureraient des prestations de retraite » (let. c) ;

-       n'avoir pas atteint « la date normale de retraite » (let. d).

« Les Employés seront couverts contre les risques de décès et d'invalidité dès le premier janvier suivant leur 17e anniversaire » (art. IV par. 3).

« Tout Employé de la Société transféré au bénéfice du statut de "Expatriate out" auprès de "The E______ Company" ou d'une Société Affiliée aura le droit, pour autant qu'il remplisse par ailleurs les conditions, de devenir ou de rester affilié au présent Plan » (art. IV par. 5).

Selon l'art. IX let. C ch. 1 1ère phrase du règlement de prévoyance du 6 mai 2011, intitulé « Transfert permanent à la Société depuis l'étranger », « si un employé de "The E______ Company" ou d'une Société Affiliée hors de Suisse entre au service de la Société, il adhérera au Plan conformément aux dispositions de l'Article IV ». D'après le ch. 2 de l'art. IX précité, intitulé « Transfert permanent hors de la Société », « Si un Participant du Plan est transféré de manière permanente à "The E______ Company" ou à une Société Affiliée hors de Suisse, il cessera d'être affilié au présent Plan le premier jour du mois coïncidant avec ou suivant sa date de transfert et il aura droit à une prestation de libre passage selon l'art. IX.A. ».

Il résulte de la teneur de ces dispositions que l'employé qui ne bénéficie pas du statut d'« employé local » auprès de la Société du Groupe E______ en Suisse est exclu du plan de pension institué par la fondation dans ledit règlement. Le terme « localisation », mis en œuvre dans le cadre de la politique de mobilité au sein du groupe E______, se traduit ici par le transfert de l'employé au service de la Société du Groupe E______ en Suisse moyennant la rupture du contrat de travail conclu avec la société du pays d'origine et la conclusion d'un nouveau contrat de travail avec cette Société (dossier C______ pièces 22 [document intitulé « Localization criteria review & Template completion »] et 23 [exemple d'accord de localisation]).

16.5.3 Contrairement à ce que fait valoir le demandeur, et pour les motifs exposés au consid. 15.4.2 ci-dessus, à défaut d'un contrat d'emploi entre celui-ci et C______ étant rappelé que les rapports de travail ont été maintenus avec la société russe durant le détachement , le demandeur n'avait pas le statut d'« employé local » pendant la période litigieuse. Faute de remplir l'une des conditions cumulatives pour devenir Participant du plan, ses prétentions ne peuvent donc pas s'étendre à la part surobligatoire assurée par la fondation.

Le cas d'espèce se distingue effectivement de celui que cite C______ (arrêt du Tribunal fédéral 9C_951/2015 du 29 septembre 2016), car, dans cette affaire, à l'inverse de celle du demandeur, l'intéressé (un expatrié) remplissait les conditions d'affiliation pour prétendre à l'époque considérée au seul plan de pension mis en place par l'institution de prévoyance enveloppante concernée.

On ne saurait admettre, comme le pense le demandeur, une violation du principe de collectivité (art. 1c OPP2). L'employeur peut en effet affilier seulement certaines catégories de personnels à la prévoyance surobligatoire lorsqu'il se fonde sur des critères objectifs et applicables à l'ensemble du personnel (SCHNEIDER, op cit., n. 84 ad art. 1 LPP). Or, la constitution du collectif des expatriés dits « in » salariés détachés auprès de C______ pour une période renouvelable de deux à trois ans (procès-verbal p. 3), voire trois à cinq ans (dossier C______ pièce 17), qui maintiennent la relation de travail avec la société du pays d'origine pendant le détachement et qui ont, durant cette période, la possibilité de bénéficier d'une couverture de prévoyance à l'étranger , en tant qu'il se voit assuré uniquement par un plan correspondant au minimum légal, est autorisée, car l'appartenance à ce collectif est fondée sur des critères objectifs admissibles (notamment : mission provisoire en Suisse, possibilité d'une affiliation au plan de pension à l'étranger). En d'autres termes, le plan de prévoyance institué par la fondation, en tant qu'il permet à tous les salariés (qui n'ont « pas atteint la date normale de retraite ») d'être assurés dans le cadre de la prévoyance étendue pour autant qu'ils soient « localisés » auprès de C______, ce qui présuppose la rupture du contrat de travail avec la société du pays d'origine, de même que la fin de l'affiliation au plan de pension étranger (dossier C______ pièce 22) si tant est qu'elle existe, respecte le principe de collectivité.

17.         Ceci étant précisé, il convient d'examiner l'exception de prescription soulevée par C______ à l'encontre des prétentions du demandeur en paiement des cotisations de la prévoyance professionnelle obligatoire pour la période du 1er novembre 2011 au 31 août 2017.

17.1 Sous le titre « Prescription des droits et conservation des pièces » au chapitre 6 sur les dispositions communes s'appliquant aux prestations, l'art. 41 al. 2 LPP (dans sa teneur en vigueur à partir du 1er janvier 2005, correspondant à l'ancien art. 41 al. 1 LPP, applicable jusqu'au 31 décembre 2004) prévoit que les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à 142 CO sont applicables.

17.1.1 Dans le contexte déterminant en l'espèce, l'art. 41 al. 2 LPP règle la prescription des « actions en recouvrement de créances [...] port[a]nt sur des cotisations [...] périodiques » et en fixe le délai à cinq ans (ATF 142 V 118 consid. 6.1).

L'art. 41 al. 2 LPP a pour objet les cotisations périodiques (versement, arriérés de cotisations et libération de l'obligation de cotiser) dans le rapport entre l'institution de prévoyance et le débiteur des cotisations, soit l'employeur (ATF 142 V 118 consid. 5.3 et 6.2). Selon l'art. 66 al. 2 LPP, c'est en effet l’employeur qui est le débiteur de la totalité des cotisations envers l’institution de prévoyance, la part des employés étant retenue par lui sur leurs salaires (art. 66 al. 3 LPP).

17.1.2 L’art. 130 al. 1 CO stipule que la prescription court dès que la créance est devenue exigible. L'exigibilité des créances de cotisation n’est prévue par la loi que depuis la révision de la LPP entrée en vigueur le 1er janvier 2005. En effet, depuis cette date, l’art. 66 al. 4 LPP prévoit que l’employeur transfère à l’institution de prévoyance sa contribution ainsi que les cotisations des salariés au plus tard à la fin du premier mois suivant l’année civile ou l’année d’assurance pour laquelle les cotisations sont dues. L’institution peut toutefois prévoir une disposition réglementaire (BRECHBÜHL/GECKELER HUNZIKER, op cit., n. 34 ad art. 66 LPP).

Selon la jurisprudence, le délai de prescription de cinq ans débute, pour chacune des prestations périodiques, à la fin du mois pour lequel elle aurait dû être versée, à moins que le règlement de prévoyance ne prévoie un autre mode de paiement, par exemple tous les deux mois, par trimestre, etc. (ATF 142 V 118 consid. 7.1).

17.1.3 Dans l'arrêt publié in ATF 136 V 73, le Tribunal fédéral a retenu que lorsqu'un employeur est affilié à une institution de prévoyance, le point de départ de l'exigibilité de créances de cotisations relatives à un salarié particulier qui n'avait pas été annoncé à l'institution de prévoyance correspond en principe à la date d'échéance des primes relatives aux rapports de travail soumis à cotisations, et non pas à la date de la constitution effective des rapports contractuels d'assurance (comme cela avait été admis par le passé). Toutefois, si l'institution de prévoyance n'a pas connaissance de l'existence de rapports de travail soumis à cotisations à cause d'une violation qualifiée de l'obligation de déclarer de l'employeur, l'exigibilité des créances de cotisations est différée jusqu'au moment où l'institution de prévoyance a connaissance de l'existence des rapports de travail déterminants. Dans un tel cas, la créance individuelle de cotisations se prescrit cependant de manière absolue par dix ans à compter de sa naissance (virtuelle; ATF 140 V 154 consid. 6.3.1 ; Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 117 du 31 mars 2010 édité par l'OFAS, ch. 739).

À titre d'exemples, dans l'arrêt 9C_951/2015 du 29 septembre 2016, le Tribunal fédéral a considéré que l'employeur, qui n'avait pas annoncé son employé à la fondation à laquelle il était affilié au motif que celui-ci bénéficiait de mesures de prévoyance largement supérieures en France, avait commis une faute justifiant l'application du délai de prescription de dix ans, car il aurait effectivement dû annoncer son employé à son institution de prévoyance consécutivement à l'entrée en vigueur de l'ALCP, qui a supprimé la possibilité d'exemption de la prévoyance professionnelle obligatoire pour les ressortissants de l'Union européenne (consid. 5.3).

Le Tribunal fédéral a confirmé l'application du délai de prescription de dix ans dans le cas d'un employeur qui avait manqué d'annoncer un salarié, alors que la Haute Cour avait précédemment jugé que l'employeur concerné était lié audit salarié par un contrat de travail soumis au droit public (et non pas par un contrat de mandat) ayant pour conséquence l'obligation de sa part d'assurer obligatoirement celui-ci à l'institution de prévoyance auprès de laquelle il avait affilié ses employés (ATF 140 V 154 consid. 6.3.4 et 6.4).

17.2 Selon l'art. 135 ch. 2 CO, la prescription est interrompue lorsque le créancier fait valoir ses droits par des poursuites, par une requête de conciliation, par une action ou une exception devant un tribunal ou un tribunal arbitral ou par une intervention dans une faillite.

17.2.1 Cette liste des actes interruptifs du créancier est exhaustive (Pascal PICHONNAZ, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, n. 25 ad art. 135 CO). L'ouverture d'action au sens de l'art. 135 ch. 2 CO est une notion de droit fédéral ; elle se définit comme tout acte introductif ou préparatoire par lequel le créancier s'adresse pour la première fois au juge, dans les formes requises, afin d'obtenir la reconnaissance du droit qu'il invoque (ATF 118 II 487 consid. 3 ; ATF 114 II 336 consid. 3a ; ATF 110 II 389 consid. 2a).

17.2.2 Le débiteur peut renoncer à se prévaloir de la prescription lorsque le délai court et même lorsque le délai est écoulé (ATF 132 III 226 consid. 3.3.7). En dérogation avec la règle de l'art. 137 al. 1 CO, la renonciation à l'exception de prescription ne fait pas courir un nouveau délai de prescription, mais prolonge celui-ci de la durée convenue par les parties, mais au maximum de dix ans (ATF 132 III 226 consid. 3.3.8 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_104/2007 du 20 août 2007 consid. 8.2.1).

17.2.3 La prolongation du délai de prescription peut notamment résulter d'une déclaration unilatérale par laquelle le débiteur renonce soit à se prévaloir de la partie déjà écoulée du délai de prescription soit, pour un temps généralement limité, à soulever l'exception de prescription en cas de procès. De telles déclarations sont très répandues en pratique, notamment dans les relations avec les compagnies d'assurances, où elles ont notoirement pour but de dispenser le créancier de l'accomplissement de l'un ou l'autre des actes interruptifs de prescription prévus à l'art. 135 ch. 2 CO. Ce but ne peut être atteint pleinement que si la déclaration n'est pas assortie de restrictions permettant à son auteur de se prévaloir de l'expiration du délai entre le moment où la déclaration est signée et la date jusqu'à laquelle sa validité est limitée - date qui correspond en général, mais non nécessairement, à l'échéance du nouveau délai qui se serait mis à courir conformément à l'art. 137 CO s'il y avait eu interruption selon l'art. 135 ch. 2 CO. En revanche, la déclaration irait au-delà de ce but si elle emportait renonciation à se prévaloir d'une prescription déjà acquise au moment où elle est signée, car ses effets seraient alors supérieurs à ceux d'une réquisition de poursuite, d'une demande en justice ou d'une citation en conciliation, qui ne font pas repartir un délai déjà échu. C'est pourquoi les déclarations de renonciation à invoquer la prescription sont le plus souvent subordonnées à la condition que le délai de prescription n'ait pas encore expiré au moment où la déclaration est émise (arrêt du Tribunal fédéral 5C.42/2005 du 21 avril 2005 consid. 2.2).

17.3 Selon l’art. 102 CO, le débiteur d’une obligation exigible est mis en demeure par l’interpellation du créancier (al. 1). Lorsque le jour de l’exécution a été déterminé d’un commun accord, ou fixé par l’une des parties en vertu d’un droit à elle réservé et au moyen d’un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour (al. 2). Conformément à l’art. 104 al.1 CO, le débiteur qui est en demeure pour le paiement d’une somme d’argent doit l’intérêt moratoire à 5% l’an, même si un taux inférieur avait été fixé pour l’intérêt conventionnel. L’art. 105 al. 1 CO prévoit que le débiteur en demeure pour le paiement d'intérêts, d'arrérages ou d'une somme dont il a fait donation, ne doit l'intérêt moratoire qu'à partir du jour de la poursuite ou de la demande en justice.

17.3.1 En droit de la prévoyance professionnelle, en l’absence de disposition règlementaire, les intérêts moratoires sont admis, tant dans le domaine des prestations que dans celui des cotisations, sur la base de l'art. 104 al. 1 CO, et ce même en l’absence d’une disposition statutaire ou réglementaire les prévoyant (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_108/2018 du 30 janvier 2019 consid. 4.2 et les références).

17.3.2 L’échéance du délai de cotisations selon l'art. 66 al. 4 LPP est un terme fixe au sens de l’art. 102 al. 2 CO. Il s’agit là d’un délai qualifié. Partant, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce délai (BRECHBÜHL/GECKELER HUNZIKER, op cit., n. 35 ad art. 66 LPP).

17.4 En l'occurrence, eu égard aux développements juridiques aux consid. 9 à 15 ci-dessus, on ne saurait admettre qu'il était manifeste que le demandeur était assujetti à la prévoyance professionnelle obligatoire. Dès lors, on ne peut pas reprocher à C______ d'avoir commis, au sens de la jurisprudence applicable (consid. 17.1.3 ci-dessus), une violation qualifiée de son devoir d'annoncer le demandeur à l'institution de prévoyance à laquelle elle est affiliée. Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir celui-ci, ce n'est pas le délai de prescription de dix ans qui s'applique, mais celui de cinq ans, lequel a commencé à courir dès le moment où les cotisations en cause sont devenues exigibles (la date de l'échéance se déterminant soit selon la disposition règlementaire soit selon l'art. 66 al. 4 LPP, et non dès la conclusion ultérieure du rapport de prévoyance individuel entre la fondation et le demandeur vu l'existence d'un contrat d'affiliation entre C______ et la fondation [ATF 136 V 73]) étant rappelé que les rapports d'assurance entre la fondation et le demandeur dans le domaine de la prévoyance obligatoire étaient nés dès que les conditions légales étaient réunies, le 1er novembre 2011.

Comme les sociétés affiliées, dont C______, paient les cotisations ordinaires à la fondation chaque mois (réponse C______ du 12 mars 2021 p. 32 ; réponse de la fondation du même jour p. 7), par la demande en justice du 1er décembre 2020, le demandeur a en tous cas interrompu la prescription des créances de cotisations pour la période du 1er décembre 2015 au 31 août 2017 (date de la fin de l'activité lucrative).

Cela étant, C______ considère que c'est la créance de cotisations pour une période antérieure au 1er décembre 2014 qui est seulement prescrite, compte tenu du fait qu'elle a renoncé à invoquer la prescription pour toute créance qui n'était pas prescrite au 20 décembre 2019 (courrier de C______ du 4 octobre 2021 ; duplique C______ p. 17 ; réponse C______ p. 32). Aussi y a-t-il lieu de retenir que la déclaration de C______ correspond à une renonciation à se prévaloir de la partie déjà écoulée de la prescription portant sur les cotisations du 1er décembre 2014 au 30 novembre 2015.

En conséquence, C______ est tenue de verser les cotisations des parts de l'employeur et du salarié pour la période courant du 1er décembre 2014 au 31 août 2017. C______ n'ayant versé aucune cotisation jusqu'alors, sa demeure est établie. En l'absence d'une disposition réglementaire sur les intérêts moratoires C______ n'en allègue aucune , il convient d'appliquer un taux d'intérêt de 5%, dès la date moyenne (dans ce sens : ATAS/727/2022 du 22 août 2022 consid. 4.6 ; ATAS/563/2010 du 20 mai 2010 consid. 8).

18.         Quant au montant des cotisations de la prévoyance professionnelle de l’employeur et de celles des salariés, selon l'art. 66 al. 1 LPP, l’institution de prévoyance le fixe dans ses dispositions réglementaires. La somme des cotisations (contribution) de l’employeur doit être au moins égale à la somme des cotisations de tous les salariés. La contribution de l’employeur ne peut être fixée plus haut qu’avec son assentiment.

18.1 Dans le domaine de la prévoyance professionnelle, le montant des cotisations n'est pas réglé dans la LPP mais dans les règlements, c'est-à-dire dans les dispositions statutaires de l'institution de prévoyance (BRECHBÜHL/GECKELER HUNZIKER, op cit., n. 5 ad art. 66 LPP).

18.2 Le salaire coordonné, soit la part du revenu assuré dans le cadre de la prévoyance obligatoire (art. 8 al. 1 LPP), correspond au salaire déterminant au sens de l'AVS (art. 7 al. 2 LPP), dont est soustrait le montant de coordination de l'art. 7 al. 1 LPP (ATA/113/2002 du 26 février 2002 consid. 4c). C'est sur le salaire coordonné que sont prélevées les cotisations LPP lesquelles sont assumées, dans le régime obligatoire, à moitié par l'employeur au moins, le reste étant mis à la charge de l'employé (Pascal MONTAVON/Mathilde MAILLARD, in Abrégé de droit civil, Art. 1er à 640 CC/LPart/LPD/LN, 2020, p. 266).

Le salaire coordonné a cependant une limite supérieure (art. 8 al. 1 LPP), laquelle a régulièrement évolué depuis l'entrée en vigueur de la LPP. Elle était de CHF 84'240.- en 2014, et de CHF 84'600.- en 2015, 2016 et 2017(art. 5 OPP2).

Quant à la déduction de coordination, elle a passé de CHF 24'570.- en 2014 à CHF 24'675.- entre 2015 et 2017 (art. 5 OPP2).

19.         Conformément à l'art. 2 al. 1 de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993 (loi sur le libre passage, LFLP - RS 831.42), si l'assuré quitte l'institution de prévoyance avant la survenance d'un cas de prévoyance (cas de libre passage), il a droit à une prestation de sortie. Selon l'al. 2 de cet article, l’institution de prévoyance fixe le montant de la prestation de sortie dans son règlement ; cette prestation de sortie doit être au moins égale à la prestation de sortie calculée selon les dispositions de la section 4 (soit selon les art. 15-19 LFLP).

19.1 Selon l'art. 8 al. 1 LFLP, en cas de libre passage, l’institution de prévoyance doit établir à l’assuré un décompte de la prestation de sortie. Ce décompte doit comprendre les indications sur le calcul de la prestation de sortie, et mentionner le montant minimum (art. 17) et le montant de l’avoir de vieillesse (art. 15 LPP).

19.2 Selon l'art. 18 LFLP, les institutions de prévoyance enregistrées doivent remettre à l’assuré au moins l’avoir de vieillesse prévu à l’art. 15 LPP.

19.2.1 L'art. 15 al. 1 LPP dispose que l’avoir de vieillesse comprend (notamment): les bonifications de vieillesse, avec les intérêts, afférentes à la période durant laquelle l’assuré a appartenu à l’institution de prévoyance, cette période prenant toutefois fin à l’âge ordinaire de la retraite (let. a). Le taux d'intérêt minimal est fixé par le Conseil fédéral (art. 15 al. 2 LPP). Cela signifie que le compte de vieillesse, que l'institution de prévoyance tient pour chaque assuré et auquel il a au minimum droit lorsqu'il quitte l'institution de prévoyance, doit être crédité de l'intérêt annuel calculé sur l'avoir de vieillesse existant à la fin de l'année civile précédente (art. 11 al. 2 let. a OPP 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.562/2005 du 28 juin 2006 consid. 3.2).

L'art. 12 OPP 2 fixe le taux d'intérêt minimal, pour la période à partir du 1er janvier 2014 jusqu’au 31 décembre 2015 : à au moins 1,75% ; pour la période à partir du 1er janvier 2016 jusqu’au 31 décembre 2016 : à au moins 1,25% ; pour la période à partir du 1er janvier 2017 : à au moins 1%.

19.2.2 Les bonifications de vieillesse sont calculées annuellement en pour-cent du salaire coordonné. Pour un assuré entre 25 et 34 ans, soit l'âge du demandeur (né le 13 mai 1985) entre 2014 et 2017, le taux des bonifications est de 7% (art. 16 LPP).

19.3 La prestation de sortie est exigible lorsque l’assuré quitte l’institution de prévoyance. Elle est créditée à partir de ce moment des intérêts prévus à l’art. 15 al. 2 LPP (art. 2 al. 3 LFLP).

La prestation de sortie porte intérêt (ordinaire) dès son exigibilité selon le taux d'intérêt minimal de la LPP ou, dans la mesure où cela est prévu expressément, selon un taux d'intérêt éventuellement plus élevé fixé réglementairement (Hermann WALSER, in Commentaire des assurances sociales suisses, LPP et LFLP, 2020, n. 10 ad art. 2 LFLP).

19.4 Si l’institution de prévoyance ne transfère pas la prestation échue dans les trente jours après avoir reçu toutes les informations nécessaires, elle est tenue de verser l’intérêt moratoire prévu à l’art. 26 al. 2 LFLP à partir de ce moment-là (art. 2 al. 4 LFLP).

19.4.1 Il ne peut donc être question d'intérêt moratoire tant que l'institution de prévoyance ne détient pas les informations nécessaires, comme celles relatives à l'affectation de la prestation de sortie (Walser, op cit., n. 11 ad art. 2 LFLP).

Lorsqu’il quitte une institution de prévoyance, l’assuré lui indique à quelle nouvelle institution de prévoyance ou à quelle institution de libre passage elle doit transférer la prestation de sortie (art. 1 al. 2 de l’ordonnance sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 3 octobre 1994 [ordonnance sur le libre passage, OLP - RS 831.425]). Si l'assuré entre dans une nouvelle institution de prévoyance, l'ancienne institution de prévoyance doit verser la prestation de sortie à cette nouvelle institution (art. 3 al. 1 LFLP).

19.4.2 Le calcul de l'intérêt moratoire se fait sur le montant de la prestation de sortie au moment où débute l'obligation de verser un intérêt moratoire pour l'institution de prévoyance en demeure de transférer celle-ci, et tient compte des intérêts compensatoires réglementaires ou légaux dus à ce moment-là. Ceux-ci ne doivent pas être cumulés avec les intérêts moratoires, dès lors qu'ils poursuivent le même but, soit le maintien de la prévoyance. Le taux de l'intérêt moratoire correspond, selon l'art. 7 OLP, au taux d'intérêt minimal fixé dans la LPP, augmenté de 1% (art. 7 OLP en corrélation avec les art. 1 al. 2, 2 al. 4 et 26 al. 2 LFLP, 12 OPP 2 et 15 al. 2 LPP ; ATF 137 V 463 consid. 7.2).

20.         En l'occurrence, il ressort de l'extrait du compte individuel AVS du demandeur que son salaire soumis à cotisations s'élevait à CHF 173'819.- en 2014, CHF 168'970.- en 2015, CHF 189'334.- en 2016 et CHF 116'660.- en 2017. Le salaire coordonné sur lequel auraient dû être perçues les cotisations correspond donc, pour la période considérée, au montant maximum de l'art. 8 al. 1 LPP.

20.1 Il y a lieu de se baser sur les dispositions réglementaires de la fondation pour connaître le montant des cotisations de C______ et de celles du demandeur. Comme le règlement de prévoyance de la fondation du 6 mai 2011 n'est pas applicable ici pour les motifs exposés au consid. 16.5.1 à 16.5.3 ci-dessus, et que la fondation (réponse p. 12 ; duplique p. 5) et C______ (duplique p. 16) consentent dans l'hypothèse où le demandeur devrait être assujetti à la LPP, ce qui est le cas en l'espèce , à l'application du plan minimum LPP pour les expatriés dits «in» (à l'instar du demandeur) mis en place dans le règlement de prévoyance valable dès le 1er juillet 2019, il convient d'en prendre acte et de s'y référer (étant précisé que l'accord du demandeur à cet égard n'est pas nécessaire puisque l'employé se soumet aux dispositions réglementaires de l'institution de prévoyance à laquelle est affilié son employeur AVS) pour calculer tant le montant de la totalité des cotisations (art. 66 al. 1 LPP) que celui de la prestation de sortie (art. 2 al. 2 LFLP).

Aussi n'est-il pas nécessaire que la fondation produise, dans le cadre de la présente procédure, son règlement de prévoyance du 6 mai 2011, révisé (courrier de la fondation du 25 janvier 2022).

20.2 Sur la base des considérations qui précèdent, il convient que la fondation communique au demandeur l'intégralité du règlement du plan de prévoyance du 1er juillet 2019 (dont un extrait a été versé au dossier le 12 mars 2021), y compris ses éventuelles annexes (art. 86b LPP), puis établisse un décompte précis des cotisations qu'elle aurait dû percevoir entre le 1er décembre 2014 et le 31 août 2017.

20.2.1 C______ (débiteur des cotisations) devra ensuite verser à la fondation les cotisations des parts de l'employeur et du salarié (art. 66 al. 2 LPP) afférentes à cette période.

20.2.2 La fondation devra également calculer la prestation de sortie qui aurait été constituée entre le 1er décembre 2014 et le 31 août 2017, fournir au demandeur un décompte précis conformément à l'art. 8 al. 1 LFLP, et la verser sur le compte individuel de celui-ci auprès de l'institution de prévoyance à laquelle il est actuellement affilié, avec intérêt compensatoire dès le 1er septembre 2017 (date à compter de laquelle la prestation de sortie est exigible, le demandeur ayant cessé de travailler pour le compte de C______ le 31 août 2017) selon le taux réglementaire ou, à défaut, selon le taux d'intérêt minimal de la LPP (1% ; art. 15 al. 2 LPP en lien avec l'art. 12 OPP2).

Par courrier du 3 décembre 2019, le demandeur a requis de la fondation le transfert de sa prestation de libre passage à l'institution de prévoyance auprès de laquelle est affilié son nouvel employeur, sans mentionner le nom de cette institution. On ne saurait donc admettre qu'il avait fourni à la fondation les informations nécessaires pour l'affectation de la prestation de sortie. Ce n'est que dans sa demande en paiement du 1er décembre 2020 qu'il a spécifié le nom de la nouvelle caisse de pension (soit la H______). Partant, la fondation devra verser sur la prestation de sortie due un intérêt moratoire de 2% (art. 7 OLP en lien avec les art. 15 al. 2 LPP et 12 OPP2) à compter du 31ème jour suivant la demande en paiement, soit le 2 janvier 2021.

21.         Reste à examiner la demande reconventionnelle de C______.

21.1 L’art. 66 al. 3 LPP prévoit que l’employeur déduit du salaire les cotisations que les dispositions réglementaires mettent à la charge du salarié.

Selon la jurisprudence, la créance de l'employeur à l'encontre du salarié en restitution de cotisations de la prévoyance professionnelle non prélevées sur le salaire, fondée sur l'art. 66 al. 3 LPP, est soumise au délai de prescription de cinq ans prévu par l'art. 41 al. 2 LPP (ATF 142 V 118 consid. 6).

21.2 En l'espèce, C______ a interrompu la prescription par le dépôt de sa demande reconventionnelle le 12 mars 2021. Le demandeur doit donc à priori s'acquitter de la part des cotisations du salarié pour la période du 1er mars 2016 au 31 août 2017 uniquement. Cela étant, compte tenu de la déclaration de renonciation réciproque à la prescription signée par le demandeur le 23 décembre 2019, et de son courrier du 6 octobre 2021 ainsi que de celui de C______ de l'avant-veille, on comprend que le demandeur a également renoncé à se prévaloir de la partie déjà écoulée de la prescription au moment de cette déclaration, et qu'il consent à ne pas s'opposer au droit de l'employeur de recouvrer les cotisations dès le 1er décembre 2014 (cf. consid. 17.4 ci-dessus).

Partant, le demandeur devra verser à C______ le montant correspondant aux seules cotisations qui auraient dû être prélevées sur son salaire pour la période du 1er décembre 2014 au 31 août 2017. Le montant (qui sera arrêté par la fondation) portera intérêts moratoires à 5% dès la date moyenne (dans ce sens : ATAS/727/2022 du 22 août 2022 consid. 5.3).

22.         Au passage, on relèvera que le jugement par lequel le tribunal cantonal ne fait que constater un droit aux prestations quant au principe conformément aux conclusions de l'action, mais ne chiffre pas le montant de ces prestations, n'est pas contraire au droit fédéral, d'autant lorsque l'institution de prévoyance (respectivement son expert en prévoyance professionnelle) dispose, contrairement au juge, de tous les moyens nécessaires y compris informatiques pour déterminer (in casu) le montant des cotisations et celui de la prestation de sortie litigieuses (cf. ATF 129 V 450 consid. 3.4).

23.         Au vu de ce qui précède, la demande en paiement et la demande reconventionnelle seront partiellement admises, au sens des considérants.

24.         Le recourant qui obtient gain de cause a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens (art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] – applicable à la procédure en matière de prévoyance professionnelle). Saisi d’un litige concernant le domaine de la prévoyance professionnelle, dans lequel les procédures sont introduites par la voie non du recours mais de l’action de droit administratif, le demandeur a droit à des dépens, et ce malgré le terme de « recourant » (ATAS/500/2016 du 28 juin 2016 consid. 15b et les références).

24.1 Selon l'art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la juridiction peut allouer à une partie pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-. Les dépens sont fixés en fonction du nombre d'échanges d'écritures, de l'importance et de la pertinence des écritures, de la complexité de l'affaire et du nombre d'audiences et d'actes d'instruction (ATAS/565/2018 du 21 juin 2018).

24.2 En l'espèce, le demandeur, représenté par un avocat, obtenant partiellement gain de cause, une indemnité lui sera octroyée, à titre de dépens, que la chambre de céans fixe à CHF 3'000.-, à charge des défenderesses solidairement entre elles (dans ce sens : ATAS/727/2022 du 22 août 2022; ATAS/563/2010 du 20 mai 2010).

25.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP et art. 89H al. 1 LPA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande en paiement du 1er décembre 2020 et la demande reconventionnelle du 12 mars 2021 recevables.

Au fond :

2.        Les admet partiellement.

3.        Invite B______ à transmettre à Monsieur A______ l'intégralité du règlement du plan de prévoyance du 1er juillet 2019, y compris ses éventuelles annexes.

4.        L'invite également à établir un décompte précis des cotisations qu'elle aurait dû percevoir entre le 1er décembre 2014 et le 31 août 2017.

5.        Condamne C______ à payer à B______ la totalité des cotisations (parts de l'employeur et du salarié) ainsi calculées, avec intérêts à 5% dès la date moyenne.

6.        Invite B______ à calculer la prestation de sortie de Monsieur A______ pour la période du 1er décembre 2014 au 31 août 2017, et à en donner le décompte précis au sens de l'art. 8 LFLP à ce dernier.

7.        Condamne B______ à verser la prestation de sortie ainsi calculée sur le compte de Monsieur A______ auprès de la H______, avec intérêt compensatoire dès le 1er septembre 2017 selon le taux réglementaire ou, à défaut, selon le taux d'intérêt minimal de la LPP (1%), puis un intérêt moratoire de 2% à compter du 2 janvier 2021.

8.        Condamne Monsieur A______ à verser à C______ le montant correspondant aux seules cotisations qui auraient dû être prélevées sur son salaire pour la période du 1er décembre 2014 au 31 août 2017, avec intérêts moratoires à 5% dès la date moyenne.

9.        Alloue à Monsieur A______ une indemnité de CHF 3'000.- à titre de dépens, à charge de C______ et de B______, solidairement entre elles.

10.    Dit que la procédure est gratuite.

11.    Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le